Mathieu Malon aka Laudanum risque sans nul doute de devenir un maillon important de la chaine alimentaire musicale, suite à son magnifique album System : on, petit trait de génie au milieu des boites à fusain. L’orléanais exilé à Paris trace ainsi une voie royale entre la No wave, l’électronica et la pop atmosphérique au long de ses onze titres ponctués d’échos russes, de grain de star (la voix revêche d’Aidan Moffat) et de petites comptines entêtantes…

LAUDANUM

Jadeweb : Peux-tu nous dresser les évolutions marquantes de ton parcours ? (structures, rencontres, concerts particuliers ?)
Mathieu Malon :
J'ai commencé la musique dite "actuelle" il y a maintenant onze ans. Plein de groupes ont défilé avec plus ou moins d'intérêt d'ailleurs, mais tout ça m'a aidé, aucun doute, à un jour oser faire ce que j'ai toujours voulu faire c'est-à-dire enregistrer un titre en français tout seul… Ça a eu lieu en 95 à Orléans et ça a plu aux quelques amis à qui j'ai fait écouter le morceau à l'époque… J'ai donc dissous, à l'amiable (!!), les projets que j'avais et n'ai gardé que deux "signatures" : mon vrai nom d'abord puis un autre projet sous le nom de Laudanum… Pile à ce moment-là, j'ai croisé le chemin du Village vert qui m'a proposé de faire un disque sous mon nom avec eux, ce que j'ai fait, puis plus tard le label Monopsone m'a contacté pour me parler d'un projet de split single… Le split est sorti et on a naturellement envisagé l'idée d'un album… C'est comme ça qu'est né System:on… Voilà pour l'historique en bref…

Tu évoques souvent Laudanum comme ton projet électronique, or à l’écoute de l’album, l’ensemble n’a qu’un rapport éloigné avec ce qu’on considère comme purement électronique, en fait tu sembles difficilement pouvoir te détacher de ton amour immodéré pour la guitare ?! Peux-tu développer ta pensée ?
C'est quand même clairement un disque d'électronique même si, heureusement, ce n'est pas facile de le classer dans une quelconque catégorie… Ça me fait très plaisir, c'est ce que je souhaitais. Et c'est un truc qui revient souvent… Parfait !!!
Quant à mon rapport à la guitare, malgré ce que peut en dire Kundera, c'est pour moi un des plus jolis instruments qui existent, j'adore en jouer… Mes plus gros frissons viennent de la guitare : Ride, Sonic youth, les Pixies ou Spiritualized… Bref… Il m'est inconcevable de faire un disque sans glisser un peu (ou beaucoup) de guitare… Ça risque de ne pas s'arranger avec mes prochaines compos d'ailleurs…

Tes références en matière de musique électronique semblent davantage liées à une lignée New Order / Kraftwerk qu’à de l’électronica pure. Quels sont les points d’attaches que tu as avec la musique électronique ? Qu’est-ce qui te touche dans ce genre ? Et pour la musique pop ?
Oh là pas facile de répondre à ça, seuls les gens qui écoutent le disque peuvent se faire une idée de ce à quoi ça ressemble… J'écoute pour ma part des choses très variées et c'est difficile de dire ce qui peut m'avoir inspiré pour cet album… Je pense qu'en matière d'électronique, Dj Shadow et les Chemical brothers doivent être mes plus grandes inspirations… En ce moment, j'écoute assidûment l'album de Bridge & tunnel, celui d'Ulrich Schnauss et le fédérateur Felix da housecat… Côté pop, je suis un fan de Morrissey, d'Arab strap et de My bloody valentine.

"...Quand je compose un nouveau morceau, je le range toujours dans une espèce de tiroir, et je sais à chaque fois à quel projet il va appartenir..."

Tu as également sorti un album sur le label Le village vert, sous ton patronyme. Pourquoi avoir délibérément choisi de créer un nouveau projet pour ces morceaux ainsi que la démarche de créer un "side projet". Est-ce le fait d’un contrat ou l’image que les gens peuvent accoler à la musique de Matthieu Malon.
Non c'est par pure schizophrénie… En fait Laudanum existait bien avant mon projet en français sous mon propre nom… En 95 je déambulais déjà sur la scène orléanaise sous ce nom, mais là je l'avais juste mis de côté pour un temps… J'étais sûr de le réutiliser un jour mais je ne savais pas comment… En fait, quand je compose un nouveau morceau, je le range toujours dans une espèce de tiroir, et je sais à chaque fois à quel projet il va appartenir, c'est comme ça… Même si certains amis y voient un sérieux problème de dédoublement de personnalité de ma part…

Dans certains passages de ton album, on identifie des références (New order, Talk talk, Labradford) et des clins d’œil (Primal scream, Isaac Hayes, Ladytron) ? Quel est le poids de ces influences dans ton travail de composition ?
Ouh la la, c'est toujours la question redoutable (et redoutée) ça… Ce que je peux dire maintenant, c'est que pour ce disque, j'ai bien évidemment joué avec les influences (donc les hommages et les influences) mais qu'il est impossible pour moi de tout lister… C'est aussi bien musical que cinématographique, ou surtout littéraire…

Ton album recèle des mines d’or de trouvailles mélodiques. Quels seraient les 5 albums parfaits à ton palmarès intime ?
Ah ça c'est plus facile !!!
1 - Wire - Pink flag
2 - The Smihts - The queen is dead
3 - Talk talk - Spirit of eden
4 - Dj Shadow - Endtroducing
5 - My bloody valentine - Loveless (ex aequo avec Pixies - Doolittle)

On ressent un plus grand espace de liberté de composition pour toi au sein de Laudanum. N’y a t’il pas une part de masochisme à vouloir te cantonner au genre strictement pop de ton projet principal ? Comment vois-tu l’évolution de tes deux projets en parallèle ?
Oui je comprends ce que tu veux dire même si la liberté a été quasi totale avec le Village vert.
En fait, je n'ai pas eu de commentaires de la part du label (Monopsone) pour l'album de Laudanum… Pendant toute l'écriture du disque, j'ai pu choisir et retirer ce que je voulais du projet et il y avait une totale confiance de leur part… C'est très agréable… Et c'est ça sans doute qu'on ressent sur le disque…
Mais je n'ai pas été brimé avec Froids non plus… Loin s'en faut…

Tu t’entoures de collaborateurs mystérieux sur cet album Š peux-tu nous les présenter sommairement ? Qui est ce monsieur Saint Aîdan, le Chanteur d'Arab strap ?
C'est lui, Aidan Moffat, le chanteur d'Arab strap, j'ai trouvé un sample sur internet d'un morceau a cappella et j'ai naturellement commencé à travailler un morceau dessus, en bon fan que je suis… Le destin a ensuite voulu que je le rencontre, qu'il aime la version et qu'il m'autorise le morceau… Le reste a coulé de source…
Sinon on dénombre une petite dizaine d'invités sur le disque, pas mal d'amis et pas mal de samples aussi qu'on peut prendre pour des "invités" mais qui ont été un peu forcés à se produire sur le disque quand même…

Pourquoi avoir choisi de sortir cet album sur une petite structure telle que Monopsone, aussi énergique et brillante soit elle ?
Le hasard des rencontres !! Et j'ai toujours aimé les petits labels, leur enthousiasme et leur motivation… Je ne suis pas déçu avec eux, ils font un travail de terrain inimaginable… Et puis c'est aussi une histoire d'amitié, on s'entend très bien et j'aime leur amour de la fête…

Tu apparais comme quelqu’un d’assez discret et réservé (à jeun) ? Comment envisages-tu la scène ? Dans quel contexte/formation Laudanum jouerait-il sur scène ?
Là pour le moment on y pense tout doucement… J'ai joué il y a un mois tout seul à une soirée et cela ne fut pas concluant… Je ne suis pas un D.J., donc c'est difficile d'imaginer un set de 45 mn tout seul… La formule sur scène est pour le moment envisagée plutôt rock, avec un bassiste et une personne aux machines. Je m'occuperai pour ma part des guitares et du chant… Mais rien n'est fait pour le moment…

Quels sont tes projets à moyen terme ?
Vendre ce disque au mieux, faire que les gens l'écoutent et attaquer très vite le deuxième album sous mon vrai nom… Pour le moment, le Village Vert ne me harcèle pas mais je ne sais pas pourquoi, je sens que ça ne va pas tarder à arriver… souhaitons-le en tout cas…

Entretien © Julien Jaffré & Jadeweb, 2002