Bouddha

Osamu Tezuka

éditions Tonkam, 1997-98
Sept tomes (de près de 400 pages en moyenne) sont parus à ce jour. ISBN de la série : 2-912 628-00-8


Bouddha est une saga inspirée de la vie de Shyakamuni, le "Bouddha originel". Sa vie et sa quête sont l'os d'un récit émaillé d'une multitude petites histoires souvent inventées de toutes pièces par l'auteur. Des personnages riches en couleur traversent son existence, comme Tatta, l'enfant qui sait se transformer en animal et qui deviendra par la suite un guerrier, Chapprah l'esclave adopté par un général...
Comme c'est le cas de la plupart des Mangas, Bouddha joue sur plusieurs registres que l'on aurait ici pour coutume de dissocier clairement : grande aventure et philosophie, amour et histoire, religion et humour.
Au fil du récit, il n'est pas rare de croiser des personnages extraits d'autres séries de Tezuka, des autoportraits comiques ou encore d'assister à des dialogues incongrus : "elle est toute pâle" - "bah, c'est normal, ce manga est imprimé en noir et blanc". Tous ces anachronismes, tous ces clins d'oeil, ces petits jeux rappellent régulièrement au lecteur qu'il se trouve face à une bande dessinée (Un personnage en colère va jusqu'à détruire la case dans laquelle il se trouve) ce qui favorise paradoxalement son adhésion au récit, car les "acteurs", en montrant ponctuellement qu'ils ne sont pas dupes de leur condition gagnent autant de consistance). Leur présence est encore renforcée par la complexité de leur personnalité et souvent par celle de leur vie.

Toutes les Bandes dessinées de Tezuka ont en commun l'ambition de parler du monde dans lequel nous vivons, de montrer que l'homme doit tirer le meilleur de lui-même et vivre pour le bien, en harmonie avec son prochain et avec le nature. Un sujet comme le bouddhisme s'y prêtait tout naturellement. La philosophie bouddhiste des causes et des effets est présentée sans grands détails et l'auteur ne s'appesantit pas plus sur les rites associés à cette religion.

Des éditeurs catholiques se sont lancés à plusieurs reprises dans la bande dessinée hagiographique pour un résultat plus qu'insipide : les "vie de Jésus en bande dessinée" étant ce qu'on peut imaginer de pire dans le genre. Nées d'une incompréhension totale de leur cible (la jeunesse) par les gens d'église et trahissant un solide mépris de l'image et de la narration par ces derniers (quelle déchéance si l'on se souvient combien et le livre et l'image ont contribué au succès du christianisme !), elles n'ont jamais atteint leur but (éduquer, convaincre) et n'ont trouvé comme public que des parents catholiques paniqués par le succès de Spiderman et de Goldorak auprès de leur progéniture.
Face à ces plates illustrations, le Bouddha de Tezuka est un véritable feu d'artifice de drôlerie, de gravité, de philosophie et d'amour. Le lecteur occidental en tirera d'emblée une leçon de civilisation : la notion de blasphème n'existe pas en extrême-Orient.
Tezuka reste respectueux de son sujet et assez soucieux de véracité historique (il explique notamment le système des castes), mais d'une façon assez fine, puisque pour lui c'est visiblement le message, mais aussi le plaisir du lecteur qui comptent : "Il ne s'agissait pas pour moi de faire un ouvrage de référence Bouddhique mais bien de raconter l'incroyable histoire de ce personnage de la manière la plus humaine possible". Bref, nul besoin d'adhérer à quelque doctrine que ce soit pour lire ce livre avec délectation.

Faut-il présenter Ozamu Tezuka (1928-1989) ? S'il n'a pas inventé les manga, il est tout de même l'auteur qui a fait du genre ce qu'il est devenu et est l'auteur de milliers de pages de bandes dessinées parmi les meilleures qui soient... Carrière étonnante pour un homme qui s'était tout d'abord orienté vers la médecine.
Grâce à des oeuvres comme Bouddha, Astro Boy, BlackJack, Leo (qui inspira "le roi lion" de disney), les trois Adolf, Prince Saphir et tant d'autres, Tezuka est parvenu à la mythique réconciliation du grand public et de la qualité.




"Bouddha" est une manga de la plus pure tradition : cases sérieuses ou bouffonnes s'alternent de façon cohérente.


Non non, ce n'est pas du Walt Disney