Ada dans la Jungle

Altan

ada3.jpg (32172 octets)éditions Casterman, 1982 ISBN 2-203-33410-X
prépublié dans (à suivre) n°30 à 42


L'argument est à la mode des romans populaires : une demoiselle quitte le pensionnat pour tenir une promesse faite à son oncle moribond, retrouver l'héritier principal de ce dernier, un fils abandonné dans la jungle trente ans plus tôt. Un second fils deshérité fera son possible pour empêcher l'aventure d'aboutir.
Un véritable roman à l'eau de rose n'est jamais très moral : les problèmes posés sont résolus par d'invraissemblables tours de passe-passe, les personnages secondaires sont faits du même carton-pâte que le décor exotique qui leur sert de cadre, le pauvre sert le nanti avec fidelité et l'égoïsme des héros, à qui finalement rien ne résiste, est présenté comme autant de pureté sentimentale. 
Ada ne vit pas exactement dans un roman à l'eau de rose : elle cherche plus l'argent (qu'elle désigne ici comme son "héritage spirituel") que l'amour et chaque personnage qu'elle cotoye a ses propres intérêts, rarement en accord avec les siens à elle. Les domestiques ou les indigènes philosophent cyniquement sur leur condition et n'hésitent pas à satisfaire leurs propres revendications  puisque personne ne les écoute.
C'est un album politique, comme l'est d'ailleurs toute l'oeuvre d'Altan. Dans La bande dessinée depuis 1975 (MA éditions, 1985), Thierry Groensteen en dit : "Entomologiste narquois, Altan détourne les stéréotypes du roman d'aventure pour mieux dénoncer les mécanismes de l'exploitation de l'homme par l'homme".

Ada dans la jungle est aussi un album inventif dans sa forme : la plupart des cases sont commentées par une voix off qui hésite entre ironie, cynisme et formules décalées propres au genre littéraire qui est ici perverti.
Les cases sont peuplées de mouches, de phalènes ou de cafards ce qui donne à l'album une ambiance un peu sale et poisseuse. Toutes sortes de détails plus ou moins visibles encombrent les images : flèches ou pointillés explicatifs, mains baladeuses, bribes de conversations entre "figurants". Le lecteur se délecte de cette abondance d'informations et s'émerveille de la méthode narrative d'Altan, absolument unique.

L'auteur, Francesco Tullio-Altan (1942), ancien étudiant en architecture est un aristocrate italien aux multiples talents : illustration, scénario pour la télévision et le cinéma (notamment aux côtés de Bertollucci), satire politique... Outre la série Ada, il est célèbre pour les aventures de la chienne Pimpa (corriere del piccoli) et pour le métalurgiste Cipputi (bande politique dans l'Espresso).

On peut conseiller la lecture de moult autres albums d'Altan traduits en français : Ada à Macao, qui est une suite de Ada dans la jungle, Fritz Melone, Colombo (tous chez Casterman),  Le petit merdier italien et Un métalo nommé Cipputi (Artefact)...

JN. & NL.

en 1989, le livre Ada dans la jungle a été adapté pour le grand écran par Gérard Zingg (production franco-ivoirienne) avec Richard Bohringer, Victoria Abril, Isaach De Bankolé, Bernard Blier et Philippe Léotard. Pas à proprement parler un chef d'oeuvre d'ailleurs.





-Elle est insolente, mais follement belle
-Á la suite de quoi, un con se ramènera et l'épousera
(l'ambiance du "pensionnat select et crasseux de Sbees")


- Le curé : "ça ne sert à rien de faire des petits trous bâclés, s'il faut ensuite deux heures pour que ça rentre!". - La voix Off : "finissons-en avec la démagogie, la réalité est ce qu'elle est" (l'enterrement de l'oncle de Ada)


"Oh mon dieu ! Alors, à quoi ça m'a servi d'aller à l'école ?"


- Elle est belle, hein ? Un peu rondelette, mais belle ...!!!
- C'est à moi que vous dites ça ! Mais revenons donc à l'ivoire...