Palestine, dans la bande de Gaza

Joe Sacco

Vertige Graphic, 1998
Deux ouvrages : une nation occupée
(ISBN 2-908981-23-8)
et Dans la bande de Gaza
(ISBN 2-908981-26-2)

Nous partageons tous, nous qui n'y vivons pas, quelques préjugés sur la palestine : il y aurait des ultras ici, des ultras là, et des modérés qui tentent de faire la paix... et puis on espère que ça finira bien. C'est un point de vue optimiste, c'est son bon côté.

Palestine n'est pas trop optimiste et montre en fait le manque absolu de possibilités d'entente entre les deux parties. Les israëliens pour la plupart ne veulent pas de mal aux palestiniens mais considèrent que le moindre signe de faiblesse de leur part causerait la perte de leur nation, comme s'ils avaient bastonné un loup en cage pendant des années : impossible de le libérer ensuite.
Pour se donner bonne conscience, ils ajoutent que c'est eux qui ont fait reverdir le désert, que de toute façon, ils étaient là avant.
Et ça, ce n'est pas le point de vue ultra-intégriste, c'est le point de vue de tout le monde.
Les palestiniens, eux, ne cessent de souffrir depuis des décénies, et ces souffrances vont des tracasseries administratives (ils mendient des permissions de passer ici ou là, de travailler à un endroit un autre, on les empêche aussi d'exporter leur culture maraîchère à moins qu'ils la bradent aux israëliens qui l'exportent à leur tour) aux actions armées les plus ignobles en passant par les blessés qu'on ne laisse pas entrer dans les hopitaux, etc.
On imagine la rancoeur des palestiniens, qui, surprise, ne sont pas des analphabètes plus ou moins intégristes, préfèreraient sans doute partir enseigner les maths aux états-unis que de crever 'entre eux' à Gaza...
Sacco est un catholique non-pratiquant, il n'était donc pas farouchement partisan au départ. S'il prend  le parti des palestiniens, il n'en épouse pas la cause et montre aussi leurs problèmes internes : organisation de la 'résistance' pas toujours très nette (on appartient à telle faction, donc on est un traître, on s'est fait tabasser et laisser pour mort donc on est un caïd dans son quartier), suspicions, inégalités... on devine que l'administration palestinenne actuelle (dont l'existence est postérieure à l'enquête de Sacco) est contestée par les palestiniens non parce qu'elle est modérée, mais bien parce que c'est une mafia corrompue jusqu'à la moëlle qui s'installe.
La conclusion qu'on tire à la lecture de ces livres, c'est que la situation est complètement indémelable, et que ce n'est pas du tout pour des questions religieuses.
Ce n'est bien sûr pas le point de vue que nous voulons entendre : auto-censure et méthode coué, je ne pense pas que nos médias s'autoriseraient à constater qu'il n'y aura pas de paix au proche-orient avant des lustres, on peut pourtant difficilement imaginer autre chose en ayant lu Palestine.

le "Maus" d'Art Spiegelman a obtenu le pris Pulitzer, mais il méritait plus un prix littéraire ; "Palestine" mérite en revanche tout à fait un tel prix tant il permet de comprendre ou même de ressentir le désespoir et les inquiétudes des acteurs d'une des situations politiques les plus mal expliquées de notre époque.
Pour cette raison, Palestine est aussi une preuve brillante de la puissance très peu exploitée de la bande dessinée dans le domaine du reportage.

JN.


Et il faut lire le reste de Sacco. "Soba" bien sûr... Mais aussi "War Junkie", en dehors d'un long reportage sur un groupe de rock qui ne m'a pas intéressé, il y a un récit passionnant où il met en parallèle la guerre du golfe qu'il suit avec assiduité et la rupture sentimentale qu'il est en train de vivre...

Gregg

interview avec Joe Sacco

 

 

 

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Ouverture : un camp de réfugés ("Certains coins les plus sordides de la planète sont exposés au regard de tous [...] l'entrée est gratuite. Refugeeland"). La bande de Gaza est un des endroits les plus denses en population de la terre.


Le long de la zone israëlienne.


Deux Israëliennes bon chic bon genre, pas bêtes, pas méchantes, mais persuadées tout de même que le moindre signe de faiblesse causerait la perte de leur nation.


De jeunes "lanceurs de cailloux" sont arrêtés et interrogés. Un employé de l'hopital s'interpose et se fait casser le bras..