JadeWeb chroniques #5
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Ultra Red La economica nueva
(Fat Cat/ Pias)

Si certains avancent l’idée que la musique est d’essence politique (dans un prolongement idéologique où tout serait politique… Ce qui revient à affirmer que rien ne l’est…). Bref, d’autres, pour leur part, s’en tiennent à l’idée plus simple que la musique est un vecteur d’idéologie, dans le cas présent social. Sans voir le procédé se généraliser, j’avoue avoir un doux penchant pour les compositions qui se raccrochent ou s’imprègnent de la réalité sociale de leur époque… Une manière en soi d’offrir une relecture critique au delà du traitement médiatique classique.
Ultra Red, déjà acclamé sur Mille Plateaux s’attèle à la réflexion sur La Economia Nueva, l’économie nouvelle, l’occasion pour le groupe de mettre le doigt sur les deux poids - deux mesures qui gouvernent actuellement les échanges. À savoir, l’impossibilité totale pour les personnes migrantes de franchir les frontières, ou quand le droit d’un être humain à la liberté de circulation est relégué au cul des matériaux et des flux financiers.
Ultra Red souligne ici, par le biais de sources rémanentes (samples de discours de ligue humanitaire, bruits de bottes de gardes-frontières), le problème de l’immigration à la frontière américano-mexicaine, sachant que cette situation est perceptible en de nombreux points du globe. Si ce disque n’a pas la prétention de changer cet état concret de faits (alors même qu’il évolue dans une frange abstraite, de montages sonores, de silences et de filtres électros), il nous rend certainement moins naïfs aux douleurs de ce monde et en définitive, on est heureux de voir que les musiques et les labels (ici Fat Cat), ça peut aussi être autre chose que de l’hédonisme pour une jeunesse privilégiée. Réflectif plus que physique… Et c’est une splinter serie de Fat Cat.
JJ.

 
       
   

Massimo Hey babe, let me see your USB & I’ll shox you my firewire 
(Mego / Métamkine/ Wave)

À ceux qui aiment les lieux communs sur l’Italie, son soleil, ses tagliatelles et le charme de ses sulfureux représentants masculins, je déconseille l’écoute et la vue de ce disque, objet à même de les plonger dans le désarroi le plus total. Pour ma part, Massimiliano Sapienza me plaît. En droite lignée d’un Sacco ou d’un Venzetti, Massimo revendique un certain esprit anarchique comme art de vivre, où les arguments politiques ont laissé place à une électronique saturée (sur ce maxi, du moins) et primale. Une liberté d’expression et de création virulente qu’il a pu épancher à de nombreuses reprises sur Mego, avec deux précédents albums, un autre sur MicroWave, label de Roel Melkops, où en adoptant des tournures microtonales bellisimesques (sur la material serie de Staalplaat et sur les bip-hop generation). Beaucoup de variations de style pour un sens de la composition constamment à l’esprit. Réalisé à partir de prises sur une trompette, et beaucoup de filtres informatiques, d’effets de logiciels, ce mini-lp, au packaging (format minidisc) soigné, fruit d’une Mego performance est évidemment fortement conseillé (mais fait très mal aux oreilles dans le même temps).
JJ.

 
       
   

André Popp Popp musique 
(Tricatel / Wagram)

André Popp est un survivant. Survivant dans la mesure où il a traversé toutes les époques, tous les styles et tous les genres sans faillir, tout en donnant forme à ce qui, avec la mise en perspective qu’offre cette compilation, ressemble à une œuvre. Une œuvre populaire, certes, mais ouverte à la curiosité et aux figures de genres, avec sa propre dynamique et sa propre beauté interne.
André Popp n’a ainsi pas attendu Bertrand Burgalat et Tricatel pour échafauder son parcours. Pour autant, le label, en ouvrant son catalogue à ce musicien, offre à l’auditeur une relecture salutaire et méritée (même si elle reste partielle et sélective).
On est d’ailleurs pour le moins estomaqué à la vue des collaborations et des créations qui jalonnent la vie de l’intéressé : Bourvil, Catherine Sauvage, Jacques Brel, Juliette Gréco, Boris Vian (la fameuse musique mécanique), Marie Laforêt, Nana Mouskouri, Petula Clark, Françoise Hardy, Nicole Croisille, Sheila, France Gall, Régine, Dani, Claude François… Autant de compagnons de route, autant d’ambassadrices de charme de ce "Popp sound".
On lui doit également quelques odes de notre enfance ; de la musique des Chiffres et des lettres à  Babar en passant par Tintin et le mystère de la toison d’or porté à l’écran en 1961 (sans oublier son projet Piccolo Saxo et Cie).
Nous ne passerons pas sous silence ses bifurcations exotiques, interprétées par Astrud Gilberto ou encore Herb Otha et son Song for Anna, hymne hawaïen s’il en est… et quelques prix à l’Eurovision et millions de disques vendus…
Une carrière flamboyante, mais construite dans l’ombre d’autres grands, à l’instar de Francis Le Lay, Jean Jacques Perrey ou encore Jean-Claude Pelletier ; l’espace d’une vie résumé en 20 titres délicieusement désuets, teintés de candeur, de swing jazz, d’exaltation d’après-guerre, d’hédonisme Yéyé, de pop 60’ (Jeanette, Claudine Longet, Francine Lainé) et de psychédélisme qui mettent les clivages de chapelles et les tensions intergénérationnelles à rude épreuve.
Un album splendide rappelant par échos les travaux de Morricone ,des Beatles, de Michel Legrand ou de Elmer Bernstein (celui des Sept mercenaires), album qui fait honneur à la dimension populaire de la musique, une forme de symphonie du quotidien.
JJ.

 
       
   

Money Mark Change is coming
(Emperor Norton/Pop lane)

Après l’annonce du dépôt de bilan de Grand Royal, douche-froide pour bon nombre de fans, on n’espérait plus avoir de sitôt d’heureuses nouvelles en provenance de la fratrie Beastie Boys… Craintes vite dissipées à l’écoute de ce Change is coming quatrième véritable album de Mark Ramos-Nishita, après Keyboard repair, Push the button et The in sound of way out (et quelques poignées de maxis dont the Third ep). Si l’album de Malcom Catto nous avait fait momentanément patienter, entretenant le feu d’une funk historiquement datée et de parfums soul jazz surannés, Change is coming remet les pendules à l’heure, rappelant, si il le fallait combien la patine du maître des orgues funky et plombés à mort ne subit pas la comparaison. Un prolongement de thèmes précédemment abordés, mais avec un glissement évident vers les barrios et autres favelas sonores du continent sud-américain. Des constructions précaires, bancales, mais dont le charme réside dans leur intégration au panorama et dans une mise en œuvre d’astuces et de trouvailles techniques estampillées personnelles aux marges des musiques populaires.(bossa nova, funk, etc.)
On se laisse entraîner avec quiétude dans les dénivelés du San Francisco de l’inspecteur Harry, on chemine bien volontiers dans les ruelles des mégalopoles latines sans angoisse, la chaleur au ventre.
Enfin, on se surprend à découvrir un Money Mark plus sûr que jamais de son style, affiné et diffusé ses derniers temps aux côtés de Beck (sur Odelay), ou auprès d’Eagle Eye Cherry sur un morceau de l’album de Santana.
Un album, dont la pochette, détails d’origami constitués de billets verts (en équilibre sur une bouche d’égout) semble évoquer un je-m’en-foutisme salutaire à l’égard du business généré autour de sa personne. Quelques heureuses semaines d’écoute en perspective…
JJ.

 
       
   

Bovine life Social electrics
(Bip-hop/La Baleine)

On savait l’humour de Chris Dooks grinçant. Il nous donne une fois de plus raison en nommant son projet musical électronique Bovine life. Une vie de bovin, qui prend une dimension cynique et tragique lorsqu’on considère les conditions de vie actuelle des vaches, et le lot quotidien de Chris Dooks, paralysé à vie par une Myalgic encephalomyelitis.
Pour autant qu’on puisse se résoudre à ne plus manger de vaches, on aura une difficulté autrement plus grande à se priver des petites mélodies digitales et autres bizarreries électroniques qui encombrent la tête de ce polyvalent anglais.
Polyvalent dans la mesure où sa première passion, le cinéma documentaire, l’aura amené à côtoyer de talentueux artistes, parmi lesquels Scanner et dont le rendu (ses documentaires) lui auront permis de s’asseoir une sérieuse crédibilité et une belle renommée dans le milieu.
Une maladie grave, réduisant sa mobilité et ses capacités n’aura pas pour autant terrassé sa soif de création, trouvant alors dans la musique et les nouvelles techniques attenantes, la possibilité de créer et de collaborer à moindres efforts. Le résultat de ses rencontres virtuelles figurent sur ces 20 titres (avec des collaborations de Köhn, Future pilot AKA, de Third eye foundation à Komet en passant par Alku (Mego), Ylyptik et des morceaux sur des labels amis (Plug research, Bip-hop, Diskono…) ainsi que des artistes moins connus mais célébrés dans leur pays. Abstraction faite de la charge émotionnelle et des efforts consentis pour faire naître cet album…On réalise assez vite qu’on est devant un trublion de la nouvelle génération, qui n’hésite pas à gommer les contours un peu stricts ou ronflants de l’expérimentation électro (si, si ,ça existe) pour nous entraîner dans des versants plus pittoresques et accidentés, obligeant notre corps aux déhanchements ou à la génuflexion, autant de mouvements qu’on souhaiterait voir exécutés par Bovine Life (la pochette où figure des ombres chinoises d’enfants s’ébattant en dit long…).
Vingt titres, quelque part entre du grand Aphex twin et des prises de voix directes mutines (abstract hi-hop, classique) et des comptines cheap rétro, qui résonnent comme les 20 commandements personnels d’un hymne à la vie.
JJ.

 
       
   

A.F.R.I. studio Goodbye if you call that gone
(Lucky kitchen / Amanita) Site

Le label Lucky kitchen a le souhait d’incarner, au travers de son Composers series la générosité radieuse, l’investissement et la rage créatrice de compositeurs méconnus, en retrait des courants et des modes. Pas de lignes claires quant aux genres ou aux techniques employées, simplement leur laisser l’opportunité de faire acte de création musicale, qu’elle prenne la forme d’improvisation, d’échanges électroacoustiques ou de monologues atmosphériques.
Cette douzième production du label met en scène Andrès Franz Krausen, Espagnol d’origine et Allemand d’adoption, fondateur de BMBLAB rec et de la toute jeune structure Softl rec, dont les deux premières productions ont d’ailleurs été chroniquées dernièrement sur le Jadeweb (Aji Honda et Yoshio Machida).
Cet au revoir (Goodbye if you call that gone) est le troisième volet d’une trilogie débutée sur son label.
Si l’on devait le décrire dans les grandes lignes, sans doute nous appliquerions nous à fermer les yeux et à imaginer la surface d’un lac canadien à la période de l’été indien, mélange organique de quiétude, de nostalgie monochrome et de fraîcheur.
Cette lettre d’adieu rédigée en trois partitions est un chant du cygne émouvant, surtout si l’on se compte parmi les fans de Fuxa ,dont AFRI Studio n’est jamais très éloigné. (plus dronien, tu meurs).
JJ.

 
       
   

Si-Cut.db Enthusiast 
(Bip-hop/ La Baleine)

On pensait que les travaux entrepris par North sur le matériau bois (Touch) avaient fait le tour de la question quant à l’extraction sonore et aux agencements possibles des sons relatifs à l’arbre (des feuilles aux racines). Or, comme en toute chose, tout reste une question de point de vue.
Douglas Benford, en amoureux de la nature et de la cause électronique (le Dub) a patiemment samplé l’élément bois aux diverses étapes de sa mise sur le marché : de sa coupe brute à son profilage en scierie, des craquements et des ruptures jusqu’à la surface plane et vernis de sa dernière peau. Outre l’addition de quelques sources acoustiques (piano), et d’infrabasses caressantes, tous ses samples ont pour source le bois… Cette "végétalisation" de l’expérimentation analogique mêle adroitement l’organique et l’inorganique, chacun empruntant à l’autre ses plus beaux atouts. Le tour de force est que, malgré la figure stricte que s’impose Si-Cut.db, il arrive à faire sonner sa musique dub, il redonne vie à ces planches et ces poutres autrefois dressées majestueusement dans une forêt de Caroline du Nord. Certainement son travail le plus abouti, tour à tour conceptuel et ludique, mélange de sons concrets et de créations artificielles. Entre le pou de Vladilas Delay et l’abstraction intellectuelle de North.
Nota bene : L’activisme de Douglas Benford est impressionnant. Outre ses side project (Racial Blend, Media Form, Phoenix Jig ou Pantune Music) et ses deux labels (Sprawl Imprint et Suburds of Hell), il sortira prochainement sous son identité Si-Cut.Db des morceaux originaux sur Background (all.) sous forme d’un maxi, Spa.rk (Esp) Wiretapper (UK), Bip-Hop (F), Sprawl, Mix Mag et the counterintelligence, sans oublier son futur album sur Fallt. Autant dire qu’on vous en reparlera…
JJ.

 
       
   

Bip-Hop V.4 V/a 
(Bleep/ La baleine)

Alors que la quasi globalité des compilations cède à un bête instinct grégaire de promotion interne, où la rencontre d’artistes différents perd de son sens, et donne un objet dénué de sensibilité musicale et de recherche, Bip-hop installe une réelle cohérence, fatras de liaisons et d’interdépendances (un peu à l’image de son icône qui donne à voir et à penser) en nous rendant dépendant des précédents volumes et des futurs. Une cohérence qui ne se dénonce pas dans le graphisme (les tranches accolées formant le logo au final) et où les choix musicaux opèrent à merveille, mélanges de musiques électroniques avec comme vecteurs l’expérimentation, les glitchs, les samples, la photosynthèse digitale, ou encore les alambics analogiques.
Le label parcourt une nouvelle fois le monde : Cray (Ross Healey) qui succède à ce siège à son compatriote Paul Gough (Pimmon) pour une approche aquatique de l’électro où la rythmique avance par flux et reflux. Si-cut.db qui prolonge son excellent album avec un titre dub (a shower) à base de sample d’eau et de tuyauterie et un morceau plus électro ludique ; Twine, quant à lui plus mélancolique tisse des complémentarités avec Boards of Canada (room) et innove sur One, tandis que Mira Calix fouille toujours la brousse. Datach’i attaque, à la manière d’un acide, avec la même vigueur que sur Caipirinha sans conter les coup de butoir de Vs-Price.
À la fois photos figées d’une époque et mouvement, Bip-hop Generation ose les liaisons transversales, oeuvrant pour les autres labels. Sans doute l’approche la plus féconde sur la théorie des rhizomes…
À mon sens, l’esprit est proche des compilation Sub rosa substancia (unité esthétique, variations d’approches) même si Sub rosa jouait en partie la carte de la promotion interne, là où Bip-hop œuvre par pur prosélytisme et conscience de groupe. Une des rares agoras électroniques sur le marché, qui au delà des styles, met à jour de l’humanité et des idées.
JJ.

 
       
   

Don Nino Real seasons make reasons
(Prohibited/Wagram)

C’est souvent dans l’univers cadré d’un groupe, ici prohibition (même si ledit univers supporte une variété de courants et de styles) que naît quelquefois l’envie de voir émerger une approche plus personnelle de la composition, des thèmes abordés… Pour parler sans détour, Don Nino, ce pourrait être des interstices de Prohibition, les poignées d’heures séparant un concert d’un autre, des ébauches d’écriture, des bribes de constructions échafaudées, délicatement suggérées, puis reprises aux derniers instants par humilité ou trop plein d’intimité… C’est sans doute dans ces territoires imaginaires, quelque part entre les marges ouvertes du groupe et des espaces plus confinés que se trouve la réalité de ce projet, son intime attraction.
Nicolas Laureau a sans doute mis beaucoup de lui-même dans ses compositions. Il assume pleinement son homonyme, qui entrelace avec une promiscuité divine guitare acoustique et chant, piano, orgue et timbres voués à l’émotion.
Une gamme de sensations et de sentiments exposés sur le mode d’une folk sobre et introspective, lo-fi dans l’âme, mais suffisamment produite pour offrir un regain de souffle aux morceaux. On subit de plein fouet les accents de guitare folk, les tensions post-rock, les conflits internes, le tumulte temporisé présent sur few seconds a day… Quelque part entre l’esprit de Mark Hollis et les déclinaisons mélodiques de Smog ou David Grubbs…
Real seasons make reasons ou le timbre doux de la personne aimée nous annonçant la rupture…
JJ.

 
       
   

Beulah The coast is never clear 
(Shifty Disco/ Poplane)

Porté au devant de la scène Lo-fi à la sortie de son premier album Handsome western states, petit hymne aux quatre-pistes et aux prises de son directes dans le salon maternel, puis avec When your heartstrings break en 1999 Beulah, alias Miles Kurosky et Bill Swan avait, depuis lors donné peu de nouvelles, si ce n’est au gré de diverses apparitions sur des compilations réussies de labels émérites (Elephant 6 rec, entre autres).
Une montée en reconnaissance constante au fil des albums, la signature sur Shifty disco en étant le stigmate, accompagné de davantage de moyens, du moins le suppose-t-on, préfigure l’arrivée de ce troisième opus sobrement intitulé The coast is never clear.
Pas de surproduction abusive, une utilisation raisonnée des moyens, qui s’harmonise subtilement avec la sincérité et la ligne épurée des morceaux. De la pop élégante et candide, sans fioriture ni animosité, jamais trop éloignée des teintes pastels et des attentes de Grandaddy ou encore des dérives de Bedhead, voir Elliot Smith avec un aspect rétro symphonique les rapprochant de la naïveté de Belle & Sébastien et de la simplicité des Beach Boys (période pet sounds)… Du pop-rock comme on en fait plus… Hautement conseillé.
JJ.

 
       
   

Aerospace Soundwise Monologue with accompaniment 
(Lucky Kitchen / Amanita)

Ce monologue planétaire contient une somme d’éléments sonores qui pourrait couvrir une vie entière et une gamme importante de sentiments, de l’éveil à la mort .Tintement de cloches, chants lointains d’oiseaux, roulement sourd de la mer, vibrations spatiales, monologue robotique, etc. Un maelström étrange et très éclaté, sans rapport apparent, mélange de musique atmosphérique et d’électroacoustisme (un peu) savant, mais avec de la sensibilité et de l’intensité à revendre. Aerospace soundwise structure un univers rêvé, où l’on se prend à flotter à la manière de Peter Pan au milieu des toitures londonienne… Une manière bien singulière de capter l’espace et le temps déjà évoqués sur les compilations Diskono.
JJ.

 
       
   

Bertrand Burgalat meets A.S. Dragon
(Tricatel/ Wagram)

Décliné sur le thème de la rencontre footbalistique, la confrontation Burgalat/AS Dragon est une retransmission fidèle de concerts donnés, qui a lieu sur le stade Tricatel. L’échange a de quoi être prometteur même si les rapports de force sont déséquilibrés. Pas moins de cinq musiciens (sept au total sur l’album), tous en provenance de contrées variées (de la Suède à la Suisse, en s’attardant sur la banlieue parisienne) contre un chanteur (qui a néanmoins l’avantage d’être le patron des sus-nommés). Peter Von Poehl, Fred Jimenez, Stéphane Salvi, Michel Garçon (élève du grand Henri Ciriani et doublure corps de Burgalat, comme quoi l’architecture mène à tout !) et Hervé Bouétard n’ont d’inconnu que leur identité. C’est bien eux qui tenaient la mesure et traînaient leur dégaine de popeux dandy derrière Michel Houellbecq lors de la tournée des plages et des MJC de provinces. C’est encore eux qu’on retrouve sur nombre d’enregistrements avérés ou à venir du label Tricatel et sur la tournée du boss, du Japon à l’Allemagne en passant par l’Ex-Urss… En un sens, Bertrand Burgalat a voulu sédimenter leur implication dans le collectif Tricatel en les mettant, une fois n’est pas coutume au devant de la scène… Déclinaison apparente de l’album studio The Sssound of Mmmusic dans son format live, l’écoute comparative des deux révèle pourtant bien des nuances, sujet de discussions enflammées pour les fans du genre, prétextes à des blind-test enjoués pour les autres.
Sans être violemment palpitant, cet album dévoile des contours plus rock, no-wave avec sa basse en avant, parfois plus soul et psyché que son homologue studio, et contient en lui une plus grande part de liberté et d’épanchement à la joie et à l’énergie… Ou quand Smokey Robinson, Amanda Lear et Philippe Katerine font un bœuf… Sur fond d’easy- pop rock pour les masses.
JJ.

 
       
   

Pulp Fusion Magnum 
(Harmless/La Baleine)

La réédition reste un exercice périlleux, où se côtoient fréquemment le bon grain et l’ivraie… Pour autant, à de rares exceptions, des labels attentifs et passionnés mettent toute leur générosité dans la balance pour offrir un objet unique. C’était déjà le cas avec les Funky People Vol 1 & 2. parus sur People rec (A.A.B.B fait d’ailleurs partie des JB’s acting) ou sur les I’m a good woman. C’est le cas aujourd’hui d’ Harmless.
Harmless rec se plie ainsi à une incursion dans le passé, où se bousculent les constructions funky les plus éreintantes, les mélodies soul-jazz les plus brûlantes, autour d’un lied des personnalités (de l’époque) les plus prisées du genre. La puissance de ces raretés heavy funk réside dans la cohérence générale de leurs sons, tous échappés d’une période qui s’étend de 1968 à 75. Ainsi on cassera son bassin sur les ondes de basse assassine du fencewalk de Mandrill ou le (célébre) crossword puzzle de Sly Stone, on évitera les balles de calibre 357 (le soufflant le plus puissant de la création) sur Evolution de Magnum ou les morceaux séminaux de Fatback band, Wood, Brass & steel… Ou encore la trompette furieuse de Freddie Hubbard, échappée pour l’occasion de Blue note et Impulse pour ce Povo d’anthologie.
À ceux qui ne jurent que par les rééditions RCA (Leon Thomas, Lonnie Liston smith, Gil Scott Heron…) les raretés Blaxploitation et les vieilleries groovy de chez Motown, voici la compilation idéale pour en faire la synthèse enchantée, la télécommande dans une main, le peigne afro dans l’autre.
Funky Junky !!!
JJ.

 
       
   

Alc Levora/ Schneider TM Normes et déviances
(Arbouse rec/ Chronowax)

L’idée ambitieuse de faire découvrir au travers d’un acteur installé de la scène électronique (en l’occurrence Schneider Tm),un artiste qui exécute ses premiers pas sur la scène musicale (le tourangeau Alc Levora) rejoint le propos des éditoriaux de fanzines entreprenants. À l’heure où la scène électronique en plein développement commence à laisser sur le bas côté son lot d’insatisfaits et de déçus… Ce parrainage apparaît comme un éclairage providentiel pour les formations débutantes… Et bien que célébrité ne soit pas mère de maturité… C’est un tremplin qui ne se refuse pas facilement… Schneider TM, déjà rencontré sous To Rococo Rot, pensionnaire de City Slang diffuse toujours ses particules électriques dans l’atmosphère, ici de manière douce, comme une fine pluie d’automne sur la toiture d’un chalet… Saturations ciselées et évocatrices… Qui prolongent des titres comme Ray Nox ou Onnanoko sur l’ album réalisé en compagnie de KPT Michigan sur City Slang l’an dernier. Alc Levera, lui, évolue plus singulièrement dans les marges d’une électro-atmosphérique fouillée, très acoustique dans ses sonorités, bribes de saturations de guitare, reliquats de batterie accélérée qui se greffent progressivement à une mélodie obscure et profonde. Une belle relation qui se termine en un remixage respectif, presque plus beau et planant que les originaux. Une série de Split qui pourrait ressembler à la longue aux series 500 de Fat Cat… Entre éclectisme musical et vigueur intellectuelle. Un très grand moment de musique.
JJ.

 
       
   

Tom Sweetlove  4% 
site

Issu du collectif liégeois Jaune-Orange, Tom Sweetlove essaye de recentrer l’attention de l’Europe sur ce petit coin de terre qu’est la Belgique. On est à la fois heureux de voir que de nombreux collectifs existent dans ces zones, et surpris de constater que ces chapelles n’ont semble-t-il pas de relations directes avec des structures qui gravitent pourtant depuis quelques années dans ces créneaux, je pense à (Kraak3) notamment. N’en déplaise, Tom Sweetlove fait de la musique post-rock chargée d’influences atmosphériques et d’instrumentations déployées en catimini. Un univers qui le rapproche incontestablement des fratries Constellation ou Aesthetics… Une jeune carrière déjà auréolée de premières parties racées, de portables (sur (kraak 3)) à Rroselicoeur (partyculsystem) en passant par l’Altra (Ken Dyber & aesthetics crew…) ou Calla (les apartés pop atmosphérique de Quatermass).
Du beau monde qui dresse un peu les thèmes et les influences chères à Tom Sweetlove, de Migala, à PapaM, de Mogwai à GSYB ou encore silver Mt Zion ou Set fire to flame (dont l’album est sorti après la démo de Tom Sweetlove) mais aussi du will Oldham et Dominique A/Tiersen à petites doses derrière tout cela. De la mélancolie temporisée et maîtrisée, un goût certain pour le silence, de longs errements de guitare dépouillés et tristes, et quelques percussions au long de ce live réussi… De quoi occuper comme il faut notre hiver, quitte à gonfler un peu le foyer en braise pour se réchauffer.
JJ.

 
       
   

Eastern Conference  All stars II 
(Rapster rec/ PIAS)

Rapster est une alternative véloce et convaincante d’un rap US, qui n’en peut plus d’endurer les productions formatées et insipides du Docteur "Charlatan" DRE, spécialiste en musicologie qui pratique sa drôle de médecine aux bazooka.
Avec quelques autres labels dépositaires d’un savoir faire malin, tels que Rawkus ou Asphodelou le collectif Anti-pop Consotium, Rapster rec travaille avec virtuosité la texture du hip-hop, sculptant des bas-reliefs empruntés au old rap, à la soul, au jazz où à la black électro de Detroit.. Le résultat est épatant… Les artistes, tous inconnus de mes oreilles, éructent , scandent sur un flow dévastateur leur guérilla intérieure ou urbaine sur fond de hip-hop gonflé au protoxyde d’azote… Copywrite, Jurassic5, Skillz, Smut peddlers, Defari, Royce the 5’9’’, Tame1... Autant de propositions compactes et vindicatives d’un label qui fait de plus en plus entendre sa voix…
À rapprocher en qualité des Lyricist lounge (Vol 2)
JJ.

 
       
   

Keep Punching Joe Even rebels go to the supermarket 
(Ernest co) site

Après une démo remarquée par la presse indé et spécialisée (forever Ernest), les Keep Punching Joe réhabilitent la formation guitare-basse-batterie à laquelle viennet s’additionner d’heureux instruments inusités tels que le xylophone ou la flûte. Le résultat est loin de laisser perplexe, puisqu’on se prend d’affection pour des titres audacieux (Dumb days), prétextes aux bons moments de Bob Mould / Sugar ou par certains aspects du Superchunk sous analgésique… Petites chansons calmes qui crucifient la mélancolie sur fond de pop-amer. Sans augurer de l’avenir, la patine de leur musique devrait encore gagner en gallon et en spontanéité dans les prochains mois. Nous serons là pour les supporter.
JJ.

 
   
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