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GUNNAR LUNDKVIST
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. KLAS KATT .
éd. L'association

Amis de la culture nordique bien plombée, Klas Katt est fait pour vous. Il faut bien reconnaître que les quelques séquences pré-publiées dans Lapin ne rendaient pas justice à l’oeuvre de Gunnar Lundkvist. La fragmentation éditoriale laissait difficilement entrevoir le dramatique univers de ce curieux chat à nez de clown qui vient dynamiter la bande dessinée animalière traditionnelle... Quoique. En y regardant bien, on peut tracer une ligne depuis La bête est morte de Calvo, longer l'oeuvre d'un Raymond Macherot dont le tour de force aura toujours été de savoir se positionner sur le fil du rasoir, pour déboucher sur Maus, où l'imagerie animalière devient le baume nécessaire à l'accomplissement de l'oeuvre. Finalement Gunnar Lundkvist ne dépareille pas. Klas Katt, son personnage, est le loser typique, dont l'indécision et le questionnement réduisent à néant le contrôle qu'il cherche à avoir sur sa vie. On est là en plein drame nordique, dans l'hiver de l'esprit des pays où la nuit dure huit mois. Comme chez Aki Kaurismaki, dont on pourra de notre lointain sud évoquer un air de ressemblance, Lundkvist sait que la dérision reste l'arme inaliénable pour rester debout par - 40° (avec un peu d'alcool de patates, éventuellement...) et en use abondamment dans l'enfer du quotidien qu'il décrit. Car Klas Katt, écrivain chômeur que les distractions ne touchent pas, a pire que lui comme point de mire en la personne de Olle Blatt, son copain chien, mené par le bout de la truffe par les sirènes de la consommation et les programmes télé. En quête non plus du bonheur, on n'en est plus là, mais simplement de se soustraire au mal-être, Klas Katt a fort à faire dans sa ville sombre où les passants -des cochons, des ours, des lapins- pleurent et veulent se suicider, où sortir de chez soi fait se poser la question : "oui, mais pour aller où ?".

Du récit atonal aux décors minimaux -un appartement, des fragments de rues-, à l'hachurage méthodique en noir de l'ensemble des cases, qui ne laisse aux personnages qu'un fin halo de lumière les enveloppant, telle une atmosphère -leur intériorité-, l'absence d'activité des protagonistes qui vont de leur lit à la cuisine, de l'épicerie au marchand de journaux, tout contribue à plomber l'ambiance, à écraser les êtres sous le poids d'un immense ennui. Mais alors quel intérêt ? Et bien pour qui ne se limitera pas à l'agacement d'une telle situation (oui, je sais, c'est là que les trois quarts des gens quittent la salle en général), c'est une délicate leçon de choses et la délectation d'émotions subtiles qui sont en jeu, un vrai point de vue sur la condition humaine, incarnée. Au final, le récit est d'une immense profondeur, et justement, ça, ça n'a pas de prix.
JP.

 
 
 
 

KLAS KATT | Gunnar Lundkvist
168 pages | 23 EU | éd. L'association
ISBN 2-84414-063-7

 
 
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