Fondé sur les bases d'une entente amicale, Unique Records, exalte depuis trois courtes années les vertus d'une musique portée par le souffle de la curiosité et d'une certaine fébrilité mêlée. Les références, Lunt, Virga, Baxendale, Melatonine et récemment Angil composent le champs des possibles d'une sphère qui s'étend des musiques amplifiés (Post-rock) jusqu'à celle qui ne souhaite pas l'être (Folk, post-rock), entre autres... La création récente d'un division à portée expérimentale (Hitomi) avec déjà 2 albums à son actif (Baka! et Lunt) nous offre l'occasion d'en savoir davantage sur les motivations des deux protagonistes à la genèse du projet, Gérald (ci-dessous) et Gilles.



BAKA


LUNT


 

INTERVIEW


LE BEL AGE

Jadeweb : Quels constats / impressions ont motivé la création du label ?
Gérald : Depuis l’age de 13 ans, je suis tombé dans la musique et cette passion ne m’a jamais quitté et a pris une place de plus en plus importante dans ma vie. Lorsque j’étais étudiant, j’ai participé à l’organisation du festival de mon école d’ingénieur, les 24H INSA où j’ai géré l’organisation de concerts et j’ai pu être en contact direct avec de nombreux groupes marquants pour moi (Chokebore, Purr, Notwist...) et cela m’a énormément plu. Lorsque je suis rentré dans la vie active, ce contact avec le monde de la musique me manquait terriblement. Parallèlement à ça, Gilles (que j’avais rencontré en 1ere année de l’école) mettait la touche finale à son premier album “Lunt” et j’adorais vraiment ce qu’il faisait. Je lui ai donc proposé de monter un label pour pouvoir le sortir. On est parti de rien, mais on a appris sur le tas.
Rapidement je me suis aperçu en recevant des démos et en parcourant les fanzines qu’il y avait en France de nombreux jeunes artistes de talents qui ne trouvaient pas de label. Ce constat m’a fait prendre conscience du rôle que nous pouvions (devions) jouer : aider des artistes français, sortir de l’ombre de véritables talents de ce pays et les défendre coûte que coûte et étendre leur diffusion à d’autres pays. Le tout bien sûr en essayant de dégager une cohérence sonore et esthétique.

Quelles identités musicales souhaitez-vous donner à votre label ?
Gérald : On écoute tellement de musiques différentes Gilles et moi que je ne pense pas qu’Unique est le label d’un seul style. Il reflète nos goûts divers et variés. Il est évident que le post rock et l’électronica prédominent actuellement sur notre catalogue, mais le folk et la pop vont progressivement prendre une place importante. Toutes les musiques qui nous touchent pourront trouver écho dans notre structure. 

La scène musicale à laquelle Unique adhère est pour le moins vaste, se ramifiant sans cesse, en évolution constante. Malgré tout, elle reste confinée à des cercles d’adeptes et d’initiés. Selon toi, est-elle en expansion ? Comment peut-on démarquer un label (ici le vôtre) au sein d’une telle multitude ?
Gilles : le problème actuel de pas mal de labels est surtout leur usure précoce au niveau de l'inspiration. Constellation par exemple est devenu rapidement un label foncièrement inintéressant car ils ont décliné jusqu'à l’écœurement les mêmes recettes, avec plus de formations que de musiciens. La tentation est forte quant on crée un label de fonctionner en autarcie, et même si c’est sécurisant cela peut être un très grand piège. Le mal qui ronge notre scène c'est sa difficulté à fonctionner en réseau et à s'entraider mais rien n'est perdu pour autant. Commencer un label passe par beaucoup d'ingratitudes, de soucis financiers, et demande beaucoup de travail surtout quand on démarre depuis zéro. Jamais la période n'a été aussi difficile pour monter un label avec la disparition de beaucoup de distributeurs, l'impossibilité de trouver des concerts… c’est un serpent qui se mord la queue.
Gérald : Ce qui démarque un label d’un autre, c’est l’identité de ses artistes, leur personnalité. C’est là qu’intervient notre travail. À nous de bien choisir les artistes qui s’intégreront le mieux dans notre catalogue et qui le feront avancer et évoluer. Comme dit Gilles le plus dangereux, c’est de se laisser enfermer dans un seul style et de ne pas se renouveler.

Que penses-tu de l’émergence lente de petites structures françaises combinant sensiblement les mêmes attentes que les vôtres tel que Particul System, Monopsone, Dora Dorovitch ?
Gérald : Je pense que la scène underground française n’a jamais été aussi riche et qu’il faut continuer dans cette direction. Le travail de toutes ces structures est d’après moi ce qui fait vraiment avancer la musique et se pose comme l’opposé de toute l’uniformisation du reste de la production musicale, avec notamment le succès écœurant des popstars et autre star acadamy. Au lieu de créer de fausses stars et faux artistes, il est bien plus vital de rechercher des artistes qui pensent d’abord à faire de la musique plutôt que de devenir des stars. On se sent vraiment proche de structures comme particule system, monopsone, dora, angström, another record, drunkdog, arbouse, talitres... on a les mêmes problèmes mais on est tous très motivés et on n’arrêtera pas de se battre pour sortir des disques.

Quels aspects appréciez-vous le plus dans votre “travail” ?
Gilles : quand les artistes sont contents et sentent qu'on a défendu leurs intérêts, quand un album revient du pressage et qu'on a un sentiment d'aboutissement.
Gérald : Pour moi c’est le côté humain. Le fait de rencontrer des gens impliqués dans le milieu de la musique. Quelle bulle d’air par rapport à la monotonie du monde du travail ! Grâce à unique on a fait de réelles rencontres (artistes, labels, fanzines, organisation d’évènements, cinéastes, photographes...) et beaucoup sont devenus des amis. Et puis cela fait plaisir de se sentir moins seul et savoir qu’il y a plein de gens qui voient les choses de la même façon que nous, qui se battent contre le système et qui vivent les mêmes galères.
Ensuite bien sur ce que j’apprécie le plus c’est de suivre tout le travail pour la sortie du disque, de l’évolution de simples démos, en passant par le travail en studio, le mix, les pochettes.... jusqu’à la sortie finale. Pouvoir influer sur ce processus créatif est très important pour moi, donner mon avis, mes idées, conseiller les artistes. J’ai vraiment l’impression de faire quelque chose qui laissera des traces, ce qui n’est pas le cas de mon travail de tous les jours (ingénieur).

En créant Unique records, aviez-vous une connaissance précise des rouages administratifs, barrières techniques, structures de diffusion et autres particularismes artistiques ? Dans quelle mesure cela pèse par rapport à l’aspect artistique ?
Gérald : Comme je disais, on est parti de rien mais je me suis documenté. L’expérience de l’organisation du festival m’avait déjà permis d’avoir une vision de ce monde (notamment les tourneurs) et les discussions avec les groupes ont été très enrichissantes. Rapidement la structure associative s’est imposée comme la plus appropriée pour commencer l’aventure, à cause de sa souplesse de fonctionnement et du peu de risques encourus pour ses dirigeants. J’ai investi une part de mes économies provenant de mes premiers salaires et nous avons édité le Lunt et fait par nous même la distribution en local et fait beaucoup de promotion pour présenter le label. Il a fallu faire un gros travail de recherche pour trouver tous les fanzines et webzines qui pouvaient être intéressés. Ensuite les réseaux de radios Férarock et iastar ainsi que d’autres radios indépendantes. Nous avons ensuite envoyé à la presse nationale et les retours ont été quasi immédiat. Mais pour se développer, il fallait trouver un distributeur. Nous avons donc constitué un début de catalogue, grâce au premier album de Virga (qui est un ami d’enfance de Gilles et qui avait aussi participé à l’élaboration du Lunt) et A Place For parks que nous avons rencontré à Toulouse après qu’ils aient gagné le tremplin Tarn & Garock. Nous avons ensuite démarché tous les distributeurs français existants et c’est La Baleine qui s’est montré le plus intéressé et qui nous proposait la distribution la plus sérieuse. Après un an d’existence, nous avons donc signé avec La Baleine et nous avons voulu rééditer nos trois premières sorties. Lorsque nous avons négocié notre contrat de distribution, nous avons bien fait attention à ne pas compromettre notre indépendance artistique. Le distributeur ne peut pas intervenir dans nos choix artistiques.
Par la suite, il est vite apparu que nos ventes de disques en France ne seraient pas suffisantes pour s’en sortir. La période, on le sait, est difficile pour le disque. Donc, nous avons essayé d’étendre notre réseau de distribution à l’international. Lourde tache, car lorsque tu démarches des distributeurs à l’étranger tu as souvent peu de retours. Mais en persévérant, nous avons réussi à trouver une très bon distributeur au Canada (Statik) et nous avons aussi pu vendre quelques disques en Suède, au Japon, en Angleterre... Bientôt les disques seront disponibles aux US via le mail-order Tonevendor, et au Benelux avec Mandaï distribution. Il faut toujours être en état de recherche permanente.
Pour la gestion du label, Gilles et moi avons dû nous improviser tour à tour comptable, juriste, commercial, infographiste, webmaster... Cela prend beaucoup de temps et de forces, et n’oublions pas que Gilles s’occupe en plus de la production sonore... C’est parfois usant mais j’ose espérer que cela n’influera jamais sur l’aspect artistique.
Gilles : quand je commence à avoir le sentiment que je passe plus de temps à faire de la “gestion” proprement dite que de la musique, je me mets un frein. Si les moyens dépassent les buts c’est que quelque chose ne va plus.

Unique apparaît davantage comme le repère d’artistes et d’un public aux références pop, folk voir noisy ? Selon vous, quel profil a l’auditeur lambda d’Unique? Par ailleurs, la frange des musiques défendues par Hitomi (division atmosphérique, électro-acoustique du label Unique) semble moins sujette aux tergiversations des modes et des humeurs de journalistes ? Doit-on y voir plus de maturité ?
Gilles : C'est une réponse difficile à donner car nous avons très peu de retours de qui nous écoute, comment et où ? Parfois un plus grand feedback serait d'ailleurs encourageant. L'auditeur lambda d’unique est à mon avis souvent impliqué dans des activités en lien avec la musique ou l'art, son rapport à la musique est actif pour une grande majorité. Il a sûrement gravé pas mal de nos références et les fait partager à ses amis par ce biais.
Les musiques défendues par hitomi font partie d'une frange de musiques qui sont moins facilement datées car plus radicales dans leur mode d'expression. Je ne pense pas qu'il s'agisse de maturité et j'ai surtout le Sentiment de m'être décomplexé de quelque chose.
Gérald : C’est une bonne question, parce que les gens ne savent jamais quelle étiquette nous donner, certains disent label de post rock, d’autres d’électronica... et finalement, c’est mieux comme ça, car je pense que nous ne pouvons pas être rattachés à un seul style. Il suffit de revenir à notre première sortie, Lunt, le premier album de Gilles, que je considère toujours comme notre manifeste sonore (même si je sais que Gilles a du mal avec le disque car sa musique a beaucoup évolué depuis). Sur ce disque, il y avait un mélange cohérent de postrock, folk, pop, electronica, noise et expérimental. Je pense qu’on est un peu tout ça à la fois. Et j’espère qu’on adresse tout un tas d’auditeurs différents. Si un jour on reçoit un très bon disque de hip-hop qui s’inscrit bien dans la recherche sonore que nous essayons de mener, et bien on le sortira. Nous ne fixons pas des barrières entre les styles.

Le type de musique que défend Hitomi s’adresse, dans une large mesure à un public plus initié et “aventureux”. Est-ce en partie cela qui a motivé la création d’une division au label Unique ? 
Gilles : en autre oui, et j'avais envie d'un format différent avec l'idée de variations sur un même mode : des photos panoramiques monochromatiques. Mais il est certain que le public est différent ainsi que les webzines qui chroniquent ces albums.
Gérald : Hitomi qui est une initiative de Gilles est une excellente façon pour nous de sortir des disques sans aucune pression financière et surtout d’aborder les musiques expérimentales qui sont un peu abordées sur les sorties Unique. C’est un moyen pour attirer peut-être plus de gens vers ces musiques moins faciles d’accès, des personnes qui ont aimé des sorties unique peuvent ainsi pousser leur recherche sonore et découvrir des musiques plus extrêmes.

Dans ce sens, des structures telles que fbwl, Hitomi, ne sortent qu’en nombre limité leurs albums (tirage à 500, 700 exemplaires) n’y a t’il pas un risque d’usure et d’érosion de la motivation à moyen terme ?
Gilles : Non, tant que l'on a pour volonté de créer des réseaux de collaborations et d'entraide par ce biais, le but principal étant de diffuser la musique en sachant de façon réaliste que celle-ci est difficilement vendable dans un circuit commercial traditionnel. L'objectif avec Hitomi c'est de créer des rencontres inattendues (nous prévoyons de sortir des impros de Mickael mottet, Francis le saxophoniste d'angil par exemple, ainsi que des collaborations avec des artistes très loin géographiquement). Le but étant de faire profiter les artistes “locaux” de ces contacts et développement. À ce titre je me sens surtout proche de Nexsound, ou de Public Eyesore, on sent vraiment un amour de la musique chez ces labels.
Pour ce qui est de FBWL, malgré tout le respect que j'ai pour Jérôme Langlais je suis obligé de dire que les compiles strings and stings témoignent d'un certain opportunisme dans la course aux références notoires avec pour paradoxe le fait que les morceaux les plus intéressants viennent des artistes les moins réputés. Certains artistes par ailleurs sont très bons dans le sport de la course aux compils.
En outre, je trouve qu'un label n'a plus trop de raisons d'être, par exemple quand les artistes sont obligés de faire la promo de leur disque. Nous tenons, que ce soit pour Hitomi ou Unique, à être transparents auprès des artistes pour la promo et la diffusion des disques. 

Comment décririez-vous en 2 ou 3 adjectifs le ou les artistes, le ou les projets de votre label ?
Gilles : difficile difficile ... dans ce que je fais ou ce que font Baka il y a à la fois quelque chose de sauvage et de rationnel (la rage et l’intellect), chez Rémi de A Place for Parks il y a quelque chose de l’ordre de la mélancolie candide, chez Virga une rigueur spontanée teintée de stoïcisme, pour Melatonine l’énergie à maturité, et Angil un sens inné de la mélodie.
S’il y a quelque chose de transversal à tout ce petit monde on espère que c’est l’originalité, même si on part du principe que tout a été déjà fait je pense que chacun à leur manière ont apporté un renouvellement dans leurs styles respectifs.
Gérald : je ne suis vraiment pas fort pour trouver les mots qui décriraient au mieux nos artistes. Je dirais simplement que ce sont tous des compositeurs d’exception et que je suis fier de les avoir réunis sur unique records. Avec le recul, je pense vraiment que notre catalogue commence à avoir de la gueule ! 

Quels groupes ou structures vous impressionnent ou vous surprennent à l’heure actuelle ?
Gilles & Gérald :
ANTICON !!!

Quelle est votre conception artistique de l’indépendance ?
Gilles : l'indépendance est une illusion au même titre que l'underground est un mythe.
D'ailleurs, je voudrais qu'on ait comme slogan “unique records dépendant de vous”. Nous sommes dépendants de notre distributeur dans une certaine mesure et de sa volonté à placer un disque, eux-mêmes sont dépendants des disquaires, nous sommes dépendants du public qui décide d'acheter ou pas les disques, nous sommes dépendants des chroniqueurs qui décident de chroniquer ou pas un album.
On est indépendant dans les principes et les moyens qu'on se donne, dans les compromis qu'on décide de faire pour se développer mais dans les faits nous sommes dépendant d'une multitude de facteurs qu'on ne maîtrise pas.
Le plus débectant dans cette conception est que l'underground ou l'indé sont devenus des marques de fabrique propres à être consommées, et la division artificielle qui existe entre le mainstream et l'underground permet de vendre l’inde comme un produit qui aurait une plus value artistique.
Pas mal de groupes ou de labels indé ont cette “pose” et veulent être “notoirement inconnus” ainsi ils singent les majors dans leur illusion de fausse révolte. C'est l'art qui est perdant au final du fait de ces divisions qui sont socialement construites.
Gérald : il a tout dit ! Ah si je peux rajouter un truc sur l’indépendance, un modèle : FUGAZI et Dischord. Je crois que Gilles ne me contredira pas :)
Gilles : oui ! A ceci prêt que l’idéologie du Do It Yourself (très respectable dans ses intentions) a trouvé ses limites et qu’aujourd’hui l’entraide est une nécessité.

Une frange pas négligeable de labels privilégie le support Cd-r comme mode exclusif d’expression et de diffusion ? Est-ce une bonne chose selon toi que ses formes d’autodidactisme se répandent où cela nuit-il à la cohérence (cohésion ?) globale de cette scène ?
Gilles : c'est une question récurrente : où est la frontière entre autoprod-déguisée et label. Je crois que la frontière se situe dans la capacité à créer une unité, une identité artistique partagée par un groupe d'artistes sans parler forcément de style.
Pas mal de labels ont opté pour le cd-r à cause de contraintes financières, il y a 10 ans ils auraient sorti des albums à 500 exemplaires. Certains ne se foulent pas au niveau de la présentation d’autres comme relax ay voo ont une véritable recherche au niveau des packagings, une fierté a faire de l’artisanal. Ce qu’ils gagnent au niveau financier dans l’utilisation de CD-r est utilisé pour se consacrer à d’autres aspects et c’est une excellente initiative.
Gérald : Je reste persuadé que c’est une bonne chose pour faire avancer la musique et tout le reste. Plus il y aura de gens qui s’impliqueront dans la création musicale, plus la musique s’en portera mieux et avancera. J’ai toujours encouragé des proches qui faisaient de la musique à créer leur propre structure (récemment encore un nouveau label toulousain, TRAVELLING MUSIC, qu’il faudra suivre de près j’en suis sur). Le format importe peu ensuite, que cela soit du cdr ou du pressage... le tout c’est que la musique véhiculée soit de qualité et intéressante. C’est sûr que dès que tu fais du cdr, beaucoup de gens ne te prennent pas au sérieux car ils ont un a priori, pour eux le côté artisanal de la chose veut dire non-professionnalisme, amateurisme et donc mauvais son. Ce raisonnement est rapide et trop facile. Par exemple, je trouve vraiment que le travail d’un label comme ANOTHER RECORD  (avec qui on est ami) est vraiment essentiel, car il fait du développement d’artiste, et sort de l’ombre des jeunes artistes français (ou européen) qui ne pourraient pas sortir de premiers disques si des structures comme ça n’existaient pas. Tout ce travail qui n’est plus du tout fait par les gros labels et autres majors...

Gilles : et puis ce que j’aime chez Vincent c’est son côté musicien libertaire, un rien sauvage, il me rappelle souvent que mon inscription à la sacem a été la plus grande erreur que j’ai jamais faite en matière de musique.

Vous êtes, j’imagine de grands auditeurs ? Qu’écoutez-vous ces temps-ci ?Quels sont les artistes qui selon vous ont le plus marqué ces dernières années (par leur approche, leur technique, leur son  ) de quelle manière la musique pop-folk post-rock risque t’elle d’évoluer ?
Gilles : je crois que je suis en train de devenir progressivement un vieux con et je redécouvre pas mal de vieux disques :) Une personnalité essentielle des années 90 est Jim O'rourke il a vraiment su faire le pont entre les musiques les plus expérimentales et la pop. Le post rock tourne en rond depuis un moment, et globalement ces musiques sont en crise de la même façon que la musique pouvait l'être au début des années 80. On est revenu à une opacité, une distance très grande entre le public et les initiatives artistiques réellement intéressantes. L'avenir à mon avis est aux fortes identités qui vont savoir-faire un puzzle avec les éléments qui constituent certains styles comme le post rock, la noise, la lap top musique ... dans des univers très personnels.
Angil fait partie de ça même si sa racine est pop, des gens comme why ? aussi qui ont su faire des mélanges inédits . Je pense que le jazz va venir revigorer la pop à en juger par le succès de norah jones : un des rares disques ayant eu un succès populaire qui soit aussi de qualité. Four tet est aussi la preuve qu’on peut faire des choses populaires et de qualité.
Gérald : j’écoute vraiment de tout, je suis un vrai boulimique de musique et je me ruine en disques, notamment vinyles. Beaucoup de hip-hop car je trouve que le style avance pas mal. C’est une musique encore jeune (par rapport au rock) et qui après une période de flottement semble bien repartir avec des labels comme Anticon, Defjux, Stones throw, Lex, Mush, Galapagos4...Ensuite j’écoute toujours autant de folk et justement le rapprochement folk/hip-hop qu’ont engendré Why ? et Buck65 sont pour moi les choses les plus marquantes de ces dernières années. Par contre je suis totalement insensible à cette scène rock sur le retour (strokes, White Stripes...) ou antifolk... si je veux écouter du rock à guitares autant me mettre un bon Built to spill ! Pour le folk mes intemporels Vic Chesnutt / Elliott Smith / Kristin Hersh / Cat Power / Smog / Sophia / Will Oldham / Dan Johnston... sont toujours pas très loin de mon chevet...
Comment les styles musicaux vont évoluer ? Je pense que l’avenir est encore au mélange au métissage (ça l’a toujours été) mais plus que tout aux artistes qui auront une vraie personnalité et qui apporteront une part d’eux même à la musique. En réaction au formatage (polissage) auquel on assiste actuellement.

L’actualité ?
Gérald : ANGIL. La première fois que j’ai entendu parler de lui, c’est par ta chronique d’une de ses démos (begeending) et cette phrase m’avait marquée (“Mr Mottet vous êtes un brillant songwriter”). J’ai pris contact avec lui et il nous a envoyé sa démo. On a gardé le contact et lorsque j’ai reçu “summerypy” j’ai craqué : de disque en disque Mickael s’améliorait et sa musique nous touchait en plein cœur. Cela fait un an que nous travaillons sur ce disque et c’est la première fois que nous avons pris à charge pour artiste toute la production sonore : prise de son studio, musiciens pour arrangements, mix et mastering. Jusqu'à présent, les artistes avaient déjà leur disque de prêt ou bien nous faisions du home studio. Nous avons beaucoup investi, mais au final le jeu en valait la chandelle parce que nous sommes tous vraiment contents du disque. Il est vraiment magnifique et je pense que nous avons vraiment permis à Mickael de faire le disque dont il rêvait. Il faut maintenant que nous arrivions en bien le diffuser et à en faire la promo au mieux. On croise les doigts pour que ça marche !
Sinon les autres projets pour le futur d’unique, c’est le nouvel album de Electrophönvintage (le projet de Rémi guitariste de A place for parks) croisement parfait des Moldy Peaches avec Belle & Sébastien, le second album de Virga “Inselberg” finit depuis un moment déjà, puis les projets solos des membres de Melatonine, Zéro Degré et King Kong Was A Cat, un peu plus electro. Et aussi Del, l’autre groupe pop d’Angil, qui est vraiment excellent. Un second album de Lunt aussi, si Gilles trouve le temps de le composer :) J’espère qu’il ne va pas me faire un syndrome Kevin Shields ;-)
Et puis je ne désespère pas de pouvoir un jour sortir certaines de mes compositions, mais il faut que je travaille encore un petit peu...
Un projet de compilations également, une résumant les disques déjà sortis, et une autre annonçant le futur avec tous les artistes que j’ai énuméré ci-dessus…
Et j’oubliais aussi, on a aussi en chantier un album de remix du disque d’Angil (“teaser for : matter ”) où on devrait pouvoir collaborer avec plein de gens qu’on apprécie beaucoup.
Gilles : j’ai commencé actuellement le mix de l’album de Dana hilliot (alias Vincent d’Another Record) qui a été une expérience géniale et que l’on terminera dans le courant de l’été. Je devrais produire le prochain half asleep également.
Si tu prends l’actualité au sens large je crois qu’on a rarement traversé une période aussi troublée politiquement depuis la libération. Reste à inventer des nouveaux moyens de lutte, si l’on fait un gouvernement provisoire ; promis on te nomme ministre de la Culture..

> Rédaction
© Julien Jaffré [contact] | Jadeweb 2004