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Monsieur Vandermeulen Censuré

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Extrait #1
Madame Bovary



Journal
janvier 2003 (extraits)

 

 
 
 

 

 
     
 

Monsieur Vandermeulen censuré,
les dessous de l’affaire

En Août 2002, monsieur Vandermeulen fut invité à rédiger deux textes sur la bande dessinée belge. L’histoire voudra que ces deux textes ne seront finalement jamais retenus ni publiés. Bien vite, la chose fît du bruit et la rumeur d’une censure se propagea. L’affaire prenant des mesures tout à fait surprenantes, monsieur Vandermeulen s’est résolu à s’expliquer. Le billet de monsieur Vandermeulen que voici a été rédigé en septembre 2002 et nous le publions dans son intégralité, il est suivi des deux textes commandés et qui sont publiés ici pour la première fois.

Très chères, Chers amis,

Je voudrais, en cette courte tribune, éclaircir une affaire dont le sombre versant (1) a pris des ampleurs déplorables, car voici que le scandale me frappe de manière inattendue !

Autour de moi, les raisons les mieux assises vacillent ;  le désarroi et l’incompréhension atteignent jusqu’aux plus jeunes de mes lecteurs ; des parents me font part de leur immense tristesse ; en un mot, et sans autre atermoiement, l’on propage partout, à la vitesse de la poudre, que Monsieur Vandermeulen se serait fait censurer ! Et que ce mot censure ne permette à personne de penser que je serais, d’une quelconque façon, son instigateur sournois non plus que le zélateur de ces choses indignes et répugnantes que sont l’indécence, l’immoralité, la décadence ou la subversion, autant de bassesses que je ne souffre pas !

Sachez bien, chères amies et amis, que je ne laisserai pareilles menteries se répandre sans donner à l’implacable vérité l’occasion de se défendre pour triompher de l’infamie ! Toutes ces attaques dont mon œuvre fut l’objet sont bien évidemment fausses et mensongères et je m’empresse de vous le démontrer, ici-bas, et de façon définitive !

Tout d’abord, permettez-moi de rappeler à nos jeunes amis qui me connaissent peu, par le petit entretien particulier qui suit, qui est l’homme blessé qui s’adresse à eux :

Copain,

Le parti que j’ai toujours emprunté n’est que l’aboutissement d’une très vive inclination que l’on me connaît pour l’adolescence, cette parcelle germinale de la vie qui est le printemps de nos réalités, la primevère de notre terre : j’attends d’elle le bonheur de ma vie et, depuis plus de cinquante années maintenant, je me consacre pleinement à son éducation. Tu m’excuseras, jeune ami, mais je ne peux dans ce court billet te développer tous mes élans ; ils ont trop d’abondance et de nobles prétentions.

Néanmoins, laisse-moi t’assurer que ton bonheur est ma seule vue, mon prime devoir ; cette passion à t’instruire, si chère et si sacrée, est le seul bien qui m’anime, car je suis persuadé que le jeune homme innocent et limité que tu es n’est pas pleinement éclôt ; ton état n’est qu’une végétation pénible, inéluctable, écrite.

On entend dire parfois : le bonheur est dans l’opinion, ainsi celui qui se croit heureux, l’est donc en effet, mais tu sais comme moi que le sauvage (réduit à vaguer dans une savane, un désert, une toundra, sans société, sans plaisirs, sans idées) n’est malheureusement pas aussi heureux que nos élites, nos décideurs, la fleur de nos cadres, eux dont la vie est enchantée par l’étude, la bienfaisance et l’amitié vraie.

Bien entendu, je ne dis pas que le bonheur ne peut pas également être offert aux créatures simples et honnêtes, taillées d’une pièce, mais en vérité, je te le dis mon cher enfant, le véritable bonheur n’est réservé – dans son accomplissement – qu’à une très infime classe d’hommes, celle que la pédagogie a cultivé, comme le jardinier dressât la rose trémière.

Mon travail, que je te livre ici, est le premier pas vers le salut de ton esprit, une main qui t’es tendue, la possibilité qui t’est offerte d’entrevoir le monde véritable, celui des Justes. Entends bien ceci jeune ami : sans instruction, sans devoir, point de véritable bonheur ! Delenda Carthago !

Cette confidence conclue, abordons à présent le nerf du problème.

En novembre 2002 se déroula, en Australie, une exposition vantant les mérites de la bande dessinée belge. Cette initiative hautement culturelle se développerait, nous a-t-on précisé en haut-lieu, dans le cadre d’une Mission Princière. Pour cette rétrospective, des reproductions de Schtroumpfs, Marsupilami et Lucky Luke, mais également bien d’autres personnages que l’on aboute ordinairement à ce pan spécifique de la culture populaire (2) rencontreront l’œil austral.

Dans ce merveilleux projet, aucune cimaise n’a été dévolue à celle que l’on nomme parfois " la jeune bande dessinée belge " ou encore, à l’instar de sa voisine française, la " bande dessinée indépendante ", car celle-ci, par les thèmes incongrus et inattendus qu’elle développe, déconcerte et déroute bien souvent. La mission serait Princière, je le rappelle. Malgré tout, et sans doute pour ne pas pénaliser cette jeunesse qui ne demande qu’à formuler et extérioriser ses troubles – et il le faut car cela est sain ! –, un ouvrage a été vitement pensé.

Il fût proposé aux intéressés – des jeunes gens de moins de trente ans –, de confectionner un imprimé, dont il fût arrêté qu’il adopterait la forme d’un tabloïd grand format, de vingt-quatre pages de feuilles bouffon, papier de médiocre qualité n’éprouvant pas autre chose que les encres industrielles et la fureur des assourdissantes machines rotatives ; et dans cet écrin de fortune, de présenter des narrations juvéniles et inédites, destinées à accompagner la mission avec un brin de frivolité, tout en occupant – du moins était-ce là le vœu du protocole – le lectorat australien.

Connu pour mon inclination pour la jeunesse créatrice contemporaine, lorsqu’elle est juvénile et adolescente, l’on m’a naturellement contacté, et votre dévoué fût invité par Monsieur le Commissaire de l’Exposition (" curator ", disent les aborigènes), lui-même chargé par les Communautés Wallonie-Bruxelles et Française de Belgique, nobles institutions en ma patrie, initiatrices du projet, à parrainer le projet et à écrire, en la circonstance, un bref historique de la bande dessinée belge ainsi qu’un éditorial.

Les deux textes, me précisât-on, seraient présentés en français mais aussi en anglais. On accorderait dès lors à ma prose pas moins de quatre pages du journal, ce qui me gênât, car non seulement cela heurtait mon humilité légendaire (que je combats chaque jour, tant elle sait nuire à ma grandeur), mais aussi parce qu’il m’en coûte d’avoir à empiéter sur le terrain d’expression de la jeunesse, mais mon tempérament fougueux n’a que trop souvent le dessus sur mes opinions : l’on ne mit guère longtemps à me séduire, et finalement j’acceptai.

J’eus seulement songé, pour être en plus parfaite concorde avec le ton fantasque de mes jeunes collaborateurs, à convenablement adapter ma plume. Ainsi, comme vous le constaterez plus bas, ma prose se sera escrimée, non sans peine dois-je le concéder, à retranscrire les sentiments et les opinions par trop souvent vagues, sinon obscurs, de cette génération perdue, qui s’était pourtant aimablement appliquée à m’en exposer les tours et les détours, plusieurs fins de journées durant, dans quelques bouis-bouis qu’elle avait semble-t-il usage de fréquenter, des bistrots connus uniquement du monde interlope, exigus et enfumés, où je dus m’aventurer pour accomplir la mission qui m’avait été confiée par l’Etat. Je dois en passant saluer l’ouverture d’esprit de ces jeunes que n’a point rebuter le dialogue avec un représentant de l’autorité, fût-il animé des meilleures intentions.

Tout ceci était doux et débonnaire, jusqu’au jour où, l’on ne sut véritablement comment, certains des jeunes participants apprirent – fort tardivement, il est vrai, peut-être est-ce là une dommageable maladresse – que sous cette opération, se dissimulaient les intérêts de l’A.W.E.X., Agence Wallonne à l’Exportation, remarquable et indispensable institution, plus connue pour ses aisances à magnifier de part le monde la crème de notre industrie wallonne (nous insistons), telle que (au hasard et pour exemple), l’entreprise FN Herstal, que l’A.W.E.X. qualifie elle-même sur son site Internet de " leader reconnu dans son domaine d’activité ", est-ce à dire : FN Herstal conçoit, développe et commercialise une large gamme de systèmes d’armes pour hélicoptères et avions subsoniques. Ces systèmes comprennent des mitrailleuses montées dans des pods ou manipulées par servants, des lanceurs de roquettes, ainsi qu’une gamme complète de munitions.
La FN Herstal s’était fait remarquer récemment par la conception d’un fusil révolutionnaire, tout en matériaux composites, aux munitions capables de transpercer tous les blindages et les pare-balles connus. Une prouesse technologique que l’on peut saluer.

Vous vous doutez bien, chers parents et professeurs, que l’accueil de cette information fût prise par notre délurée brochette de bédéistes, dont certains antimilitaristes, pour une authentique révélation ! (3)

Et nos jeunes exaltés de voir en ce parrainage – les mauvaises lectures, c’est connu, engagent à cela – les prémisses d’une hypothétique récupération politique !

Ainsi, quand il fallu annoncer à ces jeunes esprits enchevêtrés que mes textes n’allaient finalement pas trouver leurs places dans le tabloïd, certains d’entres eux – souvent les mêmes, mon lecteur s’en sera douté –, ont vu en ce coup du sort un je-ne-sais-quoi de machination étatique, une ignominieuse et machiavélique sentence royale, et que n’ais-je dû encore entendre qu’il me faut épargner au lecteur !

Ne me voilà pas victime de l’affection que me prête cette oisive jeunesse – à tout asservie ! comme nous le rappelait si justement déjà, l’alerte plume de Rimbaud ! – Mes propres pupilles, sujets de l’engagement d’une vie, qui n’ont de cesse de saisir en moi, plus que la flamme du pédagogue, l’estime d’un porte-parole, leur oriflamme, grand frère de cœur, rôle qui jusque là, je l’avoue, me comblait plus qu’il ne m’intimidait ; ces jeunes gens, mes ouailles, de colporter à qui voulait l’entendre, à l’allure des bourrasques, que la Communauté Française de Belgique m’infligeait une censure, cette nécessité dont il faut bien user quelquefois, hélas ! à l’encontre des formules et opinions les plus viles.

La vérité, mes chers amis, est en réalité bien moins romanesque ! La méprise prend semblerait-il sa source dans une seconde confusion : du vœu du protocole, mes textes furent soumis à " relecture ". Il s’agit ici d’une opération que l’on qualifierait d’usuelle, et qui souligne, il me semble, avec encore plus de limpidité, la probité déontologique dont témoignent nos institutions. D’ailleurs, dois-je encore préciser, mes textes furent unanimement appréciés, jugés même fins et pertinents. Seulement – et voilà où le bât blesse, car malheureusement notre jeunesse a, en toute évidence, quelques difficultés à admettre ce qu’elle n’entend pas toujours pleinement – , quelques garants du protocole dont nous tairons bien sûr le nom, nous ont très justement soufflé que mes textes présentaient une regrettable… impossibilité de traduction. La raison (d’Etat) invoquée était donc la beauté et la grandeur du style de la Langue Française, inadaptable en sa grandeur et sa sophistication à la langue efficace, mais pauvre et simpliste, de Ms William Shakespeare et Edgar Alan Poe. La chose est dommageable, je le consens, et c’eut pour résultat que l’on me restituât ma copie, accompagnée, il est vrai, en marges, de croix faites au stylo-bille. Il me fût communiqué que ces annotations pouvaient attendre, si je le désirais, de nouvelles suggestions.

De là à insinuer que l’on aurait expressément frappé ma prose de l’estampille de la censure, laissez-moi vous dire, chers amis, que je juge cette considération pour le moins malencontreuse et le glissement précipité ! Non, non ! Tout ceci ne sont que sornettes et billeveées ! Jamais je n’eus, avec les responsables du protocole, une quelconque dissension et si certains veulent voir des propositions de coupes en ces marques, laissez-moi vous exprimer mon parfait effarement !

Pour être on ne peut plus clair, je vous invite à lire, ici à la suite, cette fameuse version annotée du texte (les phrases notées, pour qu’elles soient plus parlantes, ont été retranscrites en caractères rouges).

Monsieur Vandermeulen

Les textes en cause :
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