Ambre & Lionel Tran - Une trop bruyante solitude | La génèse du projet | repèrages photos (par Valérie Berge) | historique du projet | croquis préparatoires | l'ouvrage | l'image | English version

LIONEL TRAN | AMBRE | VALERIE BERGE
d'après l'oeuvre de Bohumil Hrabal


Un album de bande dessinée nous parle du déclin de la culture du livre et de la disparition de la classe ouvrière

 

cliquez sur l'image pour l'aggrandirL’adaptation d’un chef d’œuvre de la littérature contemporaine

Traduit dans onze langues, Une trop bruyante solitude, raconte le destin tragique de Hanta, presseur de papier illettré tombé amoureux fou des livres qu’il est chargé de détruire quotidiennement. Un matin, son patron lui fait comprendre qu’il ne pourra pas s’adapter à la modernisation de son métier. Devenu inutile, Hanta aura un ultime geste de révolte en refusant de perdre ce qui donnait du sens à sa vie.

Bohumil Hrabal considérait Une trop bruyante solitude comme son chef d’œuvre. Ce court roman écrit en trois semaines a été longuement retravaillé selon des techniques de cut-up et de montage intuitif chères à l’écrivain. Bohumil Hrabal avait coutume de dire “ L’écriture de mes textes est un processus qui ne s’arrête jamais, il faut toujours couper, remonter. Après ma mort j’invite mes amis à continuer à découper mes textes, afin qu’ils continuent à vivre.”

Une trop bruyante solitude est un récit d’inspiration autobiographique : Bohumil Hrabal a travaillé pendant cinq ans (de 1954 à 1959) comme presseur de papier dans un entrepôt de vieux papiers, rue Spalena, où est située l’action du roman. Hanta, le narrateur d’Une trop bruyante solitude, était son collègue de travail. Dans son autobiographie Les noces dans la maison, Hrabal raconte qu’il a fini par être renvoyé du dépôt de papier. Après la normalisation soviétique de 1968, les ouvrages -interdits- de Hrabal ont été pilonnés dans ce même dépôt, où était employée la femme de Hrabal, qui sauvait autant d’exemplaires qu’elle le pouvait des livres de son mari.

Le travail d’adaptation réalisé pour cette bande dessinée souligne deux thèmes majeurs présents dans le roman initial et plus que jamais d’actualité : la fin d’une culture reposant sur le livre comme outil de connaissance et la liquidation du monde ouvrier devenu obsolète.

 


 

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Une méthode de travail inédite

Poursuivant leur travail sur le réel entreprit avec Le journal d’un loser et Une année sans printemps, leurs deux précédents albums, Ambre et Lionel Tran se sont livrés à une adaptation audacieuse du roman du Bohumil Hrabal. Ils ont entrepris avec la photographe Valérie Berge un travail de documentation qui a duré plusieurs années. Travaillant à partir du script de l’album Valérie Berge a réalisé plusieurs séries de photographies formant peu à peu son interprétation du roman. “ Pour Une trop bruyante solitude, il m’a fallu un long moment avant de savoir quoi représenter, j’avais envisagé, au départ, de suivre le script de très près, et puis j’ai commencé à photographier des ruines, c’est ainsi que s’est élaboré le paysage intérieur de Hanta. ” Une trop bruyante solitude est un roman sur le rebut et sur la marginalité. Bohumil Hrabal était amoureux des décharges sauvages -comme il le raconte dans son autobiographie- il aimait les choses rejetées et les êtres cassés. “ En tant que photographe, j’aime les objets à l’abandon : ils portent leur histoire, ils sont encore chargés de leur utilité déchue.” L’action du roman, qui se situe à Prague, a été reconstituée à partir d’images de quartiers ouvriers de Lyon. “ Dans ses romans Bohumil Hrabal raconte l’âme des quartiers où il a vécu. Notre adaptation cherche à être juste, plus qu’exacte. Cela aurait été moins intéressant d’aller prendre des photographies à Prague que nous ne connaissons pas intimement. ”

Sur Une trop bruyante solitude le style d’Ambre s’est radicalement modifié, pour s’approcher d’un rendu parent de la gravure sur métal. “ J’avais commencé à dessiner Une trop bruyante solitude avec les techniques dont j’ai l’habitude, mais cela ne fonctionnait pas. J’ai cherché longtempsune approche appropriée au roman. Je n’étais pas du tout sûr de moi en réalisant la première page ainsi. ” Ambre a travaillé directement d’après les photographies de Valérie Berge, qu’il agrandissait, recadrait avant de les redessiner. “ La photographie et le dessin, ainsi que la peinture, ont énormément en commun. La peinture “ réaliste ” doit beaucoup à la photographie et aux dispositifs optiques. De même que la photographie s’est inspirée de la peinture pour ses compositions, son travail sur la lumière. ” Ambre travaillait sur plusieurs chapitres en même temps, réalisant un montage parallèle de plusieurs séries de photographies. “ Le script était très écrit, dès le premier jet. Je disposais d’une partition solide, j’ai pu me permettre de faire quelque chose que je n’avais jamais fait jusqu’ici : j’ai beaucoup improvisé, en me fiant à mes intuitions. Je sentais où j’allais beaucoup plus que je ne le savais. Par exemple, j’ai accepté dès le départ qu’il ne soit pas grave que certaines cases ne soient pas lisibles. ”

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