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            Jade : 
            Peux-tu nous parler de ce qui t’a amené à la bande dessinée ? 
            Martin Tom Dieck : 
            Nous étions quatre amis, on se voyait le soir, on discutait, 
            on dessinait, il y avait de la compétition entre nous, ça 
            a été un catalyseur. À l’adolescence j’ai découvert 
            une bande dessinée qui n’était pas pour enfant, avec 
            À suivre... ou Métal Hurlant, où il y avait une 
            certaine qualité. Au début de mes études aux 
            Arts appliqués je me suis intéressé à 
            la peinture, c’est un monde qui m’attirait, mais j’ai hésité 
            à y entrer, c’était sans frontière. Plusieurs 
            de mes amis sont peintres, je sais les questions qu’ils se posent, 
            c’est un terrain qui possède une tradition plus longue, plus 
            forte, développer un style là-dedans est particulièrement 
            difficile. Sans parler des difficultés pour en vivre. J’avais 
            l’idée que -même si ça n’était pas très 
            bien accepté- il pouvait y avoir un tout autre rapport à 
            la bande dessinée. Alors j’ai décidé d’essayer 
            d’explorer un peu plus ce médium. 
           Comment 
            a été perçu ton travail sur la bande dessinée 
            aux arts appliqués ?  
            Ce médium était très peu utilisé, 
            il n’y avait pas de professeur dans ce domaine. Depuis quelques années 
            Anke Feuchtenberger donne des cours là-bas, elle s’occupe des 
            gens qui veulent faire de la bande dessinée. À l’époque 
            ce n’était pas très bien accepté, mais ça 
            ne me dérangeait pas. Je ne cherchais pas l’inspiration dans 
            ce qui existait déjà, je considérais la bande 
            dessinée comme une sorte de terrain vague sur lequel je pouvais 
            faire des expériences. Je cherchais une porte d’entrée 
            qui me soit personnelle dans ce médium. À la fin de 
            mes études j’ai fait un travail théorique, sur l’architecture 
            déconstructive, et j’ai obtenu une bourse qui m’a donné 
            deux ans pour travailler sur mon premier livre, L’innocent passager. 
            À l’issue de cette bourse ils organisaient une exposition et 
            ils éditaient un petit catalogue, mais comme j’avais un projet 
            de livre ils ont cherché des fonds afin de le sortir. J’ai 
            eu la chance de suivre ce premier livre de l’idée initiale 
            jusqu’à la réalisation finale. Je suis allé récupérer 
            mes livres à l’imprimerie, j’en avais un stock dans mon appartement, 
            je les amenais dans les librairies, je les vendais dans mon sac à 
            dos, c’était ma première publication et ça me 
            plaisait beaucoup d’avoir tout en main. Après, j’ai commencé 
            à travailler avec les gens de la revue Strapazin de 
            Zürich. 
          Qu’as 
            tu rejeté dans la narration traditionnelle et qu’as tu remplacé ? 
            Il y a très peu de texte, par exemple dans tes récits… 
            Je ne suis pas écrivain. Écrire des textes, inventer 
            des histoires qui littérairement marchent bien m’est difficile. 
            En plus si on veut utiliser le texte graphiquement, c’est mieux qu’il 
            y en ait peu. J’ai du mal à lire les bandes dessinées 
            qui ont trop de texte. Le rapport entre une histoire graphique et 
            la musique m’intéresse et je trouve que le rapport est plus 
            proche s’il n’y a pas de texte. Une histoire muette fonctionne sur 
            un autre rythme. 
           
            "Une bande dessinée est plus proche de la musique 
            s’il n’y a pas de texte." 
             
          La 
            structure de tes récits est très circulaire.  
            Le type de récit circulaire que j’utilise est un peu à 
            mon image, je me dévoile beaucoup dans mon travail, mais de 
            manière dissimulée. Certains dessinateurs attaquent 
            le public avec leur propre vie, je me sens plus discret. Par exemple 
            je donnerais un sentiment que je connais à un personnage, tout 
            en coupant les liens trop forts avec moi, afin qu’il puisse exister 
            sans moi, sans que j’ai à l’expliquer. C’est vrai que souvent 
            chez moi la fin est similaire au début -(soupirs). J’aimerais 
            faire d’autres choses mais ça a tendance à revenir naturellement 
            dès que j’essaie de développer une histoire. Je ne comprends 
            pas exactement ce que je fais, mais je sais que j’aime utiliser ces 
            structures circulaires. J’utilise par exemple des jeux très 
            simples avec le texte, comme ne pas mettre de point à la fin 
            d’une phrase. Une phrase sans signe qui la clôt peut être 
            lue de plusieurs manières. 
          Dans 
            tes récits, il y a très peu d’éléments. 
            Comment es-tu arrivé à cette épure ? 
            Si on la prend au sérieux, la réalisation d’une 
            bande dessinée est très complexe. Il y a tellement de 
            décisions à prendre qu’il faut en restreindre la quantité. 
            Je travaille en noir et blanc, parce que mettre de la couleur serait 
            trop pour moi. De même, j’utilise une mise en page très 
            simple, des cases de même format, une image ou deux par page... 
            J’ai essayé d’organiser une double page classique, avec une 
            grille de cases, mais c’est tellement difficile. Avec les personnages 
            il y a une difficulté d’ordre littéraire -(soupir)-. 
            Je ne sais pas si je parviendrai un jour à faire quelque chose 
            de littérairement plus élaboré, avec des personnages 
            qui aient une réelle profondeur psychologique.  
          La 
            notion d’espace semble essentielle chez toi, de quelle manière 
            la travailles-tu ? 
            L’espace qu’il y a entre deux cases est tellement particulier 
            à la bande dessinée, c’est quelque chose de très 
            simple, mais c’est ce qui est la cause de son aspect vivant. Les images 
            sont fixes, l’énergie passe entre elles, entre les cases, mais 
            aussi entre le texte et l’image. Quand j’ai commencé je m’intéressais 
            à l’expérimentation. Le contenu me paraissait moins 
            important que le médium même. Je travaillais de manière 
            associative en utilisant des images qui me plaisaient, comme celles 
            de l’architecture déconstructive par exemple, que je reliais 
            entre elles avec un certain sentiment d’intensité, plus qu’à 
            travers une logique narrative. C’est assez subjectif, je ne sais pas 
            vraiment si je pourrais l’expliquer. Disons que je pense qu’une bande 
            dessinée ou un morceau de musique est quelque chose d’organique, 
            un récit n’est pas composé que de signes lisibles, il 
            recèle un monde derrière les traits. C’est assez immatériel, 
            et pour moi ça a à faire avec l’architecture. Il y a 
            une suite de pièces avec des portes qui conduisent vers d’autres 
            pièces ou qui mènent dehors. C’est quelque chose qu’il 
            est possible d’organiser. Dans la Grèce Antique ceux qui faisaient 
            de la rhétorique utilisaient des images architecturales pour 
            pouvoir mémoriser les structures de conversation. Ils organisaient 
            leur pensée à la manière d’une maison avec des 
            pièces, des portes, dont ils étaient capable de faire 
            le tour. L’organisme est également une bonne analogie pour 
            décrire un récit, je pense en particulier aux organismes 
            naturels, comme des plantes, des fleurs ou même une infection 
            qui te donnerait de fortes poussées de fièvre. Le récit 
            aura alors la structure d’un corps transpirant après les assauts 
            de la maladie. J’essaye de transmettre ce genre de choses dans la 
            bande dessinée.  
             
              
            Le petit livre carré paru aux éditions 
            Arrache Cœur se parcourt comme un espace en trois dimensions. Comment 
            s’est-il construit ? 
            Hundert Ansichten der Speicherstadt -je sais que ce titre 
            est imprononçable en Français (rire)- a été 
            très libre, je n’avais pas de responsabilité envers 
            le monde réaliste. Quand j’aborde un sujet je commence par 
            le complexifier, c’est à dire que je lis énormément, 
            je note beaucoup d’idées, j’essaye d’établir des relations 
            entre une idée et une autre, je regarde si ça fonctionne, 
            et si ça ne marche pas j’essaye avec d’autres, jusqu’à 
            obtenir quelque chose de suffisamment dense pour que je puisse m’y 
            immerger et le lire avant de choisir une direction dans laquelle m’orienter. 
            Quand je travaille sur un récit, je fais attention à 
            rester constamment lecteur de mon propre travail, à ne pas 
            le faire uniquement pour les autres, afin de conserver un recul qui 
            me permet de choisir les éléments qui me donneront une 
            certaine impression. Il y a une théorie de la psychologie, 
            la Gestalt, qui considère que l’on perçoit le 
            monde par images, jamais dans son ensemble. Nous en retenons certaines 
            images qui nous servent à nous raconter une histoire à 
            nous même, que nous pouvons ensuite raconter aux autres et c’est 
            ainsi que l’on donne sens au monde. C’est l’idée que l’on peut 
            lire le monde qui nous entoure ; pas seulement lorsqu’on fait 
            une bande dessinée, mais tout le temps. 
          Comment 
            est venue l’idée de Salut Deleuze ? 
            Souvent les artistes ou les philosophes ont des morts stupides, 
            je crois que Roland Barthes s’est fait écraser par une voiture, 
            Antonio Gaudi a été écrasé par un tramway 
            -ce qui est dommage (rire). Lorsque j’ai appris la mort de Gilles 
            Deleuze je me suis tout de suite demandé s’il était 
            passé par la fenêtre par accident -je ne savais pas encore 
            ce qui s’était passé. Je n’avais lu qu’un seul petit 
            livre de lui, et ma réaction immédiate a été 
            « hep, un moment, je ne les ai pas encore tous lus, 
            j’aimerais vous poser une question », mais c’était 
            raté, trop tard. Au même moment la revue Allemande Boxer 
            m’a proposé de faire un récit -qui n’est en fait jamais 
            paru- et je me suis dit pourquoi ne pas faire un hommage à 
            Deleuze. J’ai commencé à suivre ce fil afin de mettre 
            sur papier quelque chose en rapport avec son œuvre, mais je me suis 
            vite rendu-compte que je n’avais pas assez de notions philosophiques, 
            en tout cas pas assez pour retranscrire sa pensée, alors j’ai 
            demandé à Jens Balzer de m’aider à faire quelque 
            chose d’un peu plus long. C’est lui qui a eu l’idée de la répétition, 
            qui est un sujet central chez Deleuze. L’idée était 
            que ce soit accessible à un lecteur de bande dessinée, 
            pas nécessairement à un lecteur de Deleuze. Jens a rédigé 
            les dialogues, il a construit le structure de ce récit où 
            la traversée se répète plusieurs fois afin de 
            laisser le temps aux deux personnages de continuer à débattre, 
            de manière un peu étrange. Ça leur prend quand 
            même quelque temps pour réaliser qu’ils se retrouvent 
            dans une répétition . Du fait qu’il y avait peu d’images, 
            qui se répétaient, j’ai dessiné l’album très 
            vite (rire). Ensuite j’ai dû faire le montage, qui était 
            assez difficile, j’avais du mal à avoir du recul. Quand j’ai 
            reçu le livre j’ai découvert qu’il y a un certain humour 
            qui n’avait pas été prévu par nous, ça 
            a été une bonne surprise. Le fait que ce travail se 
            fasse vite a été une évasion par rapport à 
            L’innocent passager, qui était beaucoup plus compliqué 
            à réaliser. Je l’avais dessiné case par case 
            sans savoir comment cela continuait, en me demandant tout le temps 
            si ça marchait. Parfois ça devenait un peu fou, à 
            force de me demander si ça avait un sens, je manquais de me 
            perdre dans toutes les associations d’idées. Et puis un jour 
            j’ai réalisé que je me retrouvais dans la même 
            situation que le personnage, j’étais sur un bateau que je ne 
            connaissais pas, je cherchais le capitaine, en attendant que quelqu’un 
            vienne me prenne par la main pour m’entraîner dans la soute… 
            Ce travail a été un voyage intense.  
          Sur 
            quel projet travailles-tu en ce moment ? 
            Actuellement je travaille sur l’histoire d’un écrivain 
            qui a vécu dans l’entre-deux-guerres, il s’agit d’un projet 
            tout à fait différent où je me pose des questions 
            complètement nouvelles. J’aimerais éviter cette fois 
            une certaine mélancolie, je suis en train d’établir 
            le plan d’un scénario qu’il ne me restera plus qu’à 
            illustrer, c’est très nouveau pour moi. Il s’agit de quelque 
            chose que j’ai toujours voulu éviter jusque là, mais 
            je sens qu’il faut travailler différemment sur ce sujet, même 
            si je ne sais pas encore exactement comment. J’ai beaucoup de textes 
            sur l’époque. Cet écrivain s’appelle Walter Mehring. 
            Il est connu en Allemagne parce qu’il a écrit beaucoup de chansons 
            de cabaret, des poèmes et des choses satiriques. Par contre 
            il s’agit d’un écrivain dont les textes autobiographiques sont 
            très peu nombreux, et qui en plus a fait relativement peu de 
            fiction. Il s’agit en général de petites histoires passionnantes, 
            je pense les mêler à des choses qui se sont réellement 
            passées dans le contexte de l’époque. Il a notamment 
            écrit un livre que j’aime beaucoup, La bibliothèque 
            perdue, où il parle de la bibliothèque de son père 
            dont il a hérité et qu’il a perdue après sa fuite 
            pendant la guerre. J’essaie d’utiliser uniquement ses textes, de le 
            laisser s’exprimer comme un scénariste, je ne crois pas que 
            je vais faire des dessins documentaires. J’aimerais qu’il y ait une 
            certaine atmosphère Berlinoise des années 20, où 
            le Paris des années 40, mais j’aborderai plus librement cet 
            aspect-là, pour garder des sensations personnelles. Je préfère 
            ne pas trop y réfléchir avant. Je crois qu’il faut aborder 
            ça comme une peinture. Tu fais le premier trait et l’image 
            commence à vivre, tu sens apparaître un grain qu’il faut 
            nourrir, conserver. Il faut se laisser dicter la suite par le premier 
            trait. Si on a une idée trop précise d’une image, il 
            est improbable que cela devienne une bonne image, une bonne peinture. 
            Il peut aussi arriver que tu restes trop près de cette idée 
            initiale, sans explorer ce qui l’entoure, cela risque alors de devenir 
            trop sec, tu auras des os mais pas de chair. Un peintre Allemand dont 
            j’ai oublié le nom a dit "j’aimerais que mes peintures 
            soient plus sages que moi". C’est à dire qu’il ne 
            faut pas savoir tout ce qui se passe dedans. Dans les images des rêves, 
            il y a une certaine logique, mais on ne sait pas laquelle. J’aime 
            bien que ce genre de sentiment passe dans les récits, qu’on 
            se demande de quel monde parle l’auteur, que l’on puisse chuter à 
            l’intérieur, comme c’est le cas avec le Alice d’Atak, 
            où rien n’est jamais vraiment clair, à commencer par 
            le titre Embrasse la lune avant qu’elle ne s’endorme. Je pense 
            souvent à ce livre, que je viens de relire. Il s’agit d’une 
            autre voie, où je me sens un peu dérangé, comme 
            un délire, c’est une voie qui m’intéresse plus que le 
            travail réaliste, ou littéraire. Ce que nous faisons 
            tous les deux est peut être plus poétique. 
          "Un 
            récit peut avoir la structure d’une infection qui te donnerait 
            de fortes poussées de fièvre." 
          Est-ce 
            possible de se faire éditer en Allemagne lorsqu’on fait une 
            bande dessinée plus expérimentale ? 
            Ça dépend du degré d’expérimentation. 
            Il n’y a pas la même tradition éditoriale qu’en France 
            ou en Belgique, même si ça a beaucoup changé ces 
            dernières années. À Hambourg il y a beaucoup 
            de dessinateurs amateurs, certains comme Hubert Markus sont publiés, 
            il y a un milieu de dessinateurs à Berlin, à Munich, 
            Stuttgart. Je connais les gens de Munich un peu et les gens 
            de Berlin. De plus en plus de dessinateurs publient des choses eux-mêmes, 
            il y a plusieurs petites maisons qui se défendent. Depuis la 
            chute du mur, des dessinateurs de l’Allemagne de l’Est qui venaient 
            d’une autre tradition graphique ont vraiment enrichi le genre. Mais 
            mon éditeur est Suisse (rire). En Suisse je crois que ça 
            marche mieux. 
            Tes 
            livres sont diffusés en Allemagne ? 
            En Allemagne c’est difficile, je crois qu’il y a seulement deux 
            librairies où on peut trouver les livres de l’Association. 
            Salut Deleuze, est plus connu en France qu’en Allemagne. J’ai 
            l’impression que mes idées sont plus appréciées 
            ici. En plus en France il y a plus de petites maisons qui font des 
            livres et des revues, en Allemagne il n’y pas beaucoup d’expériences 
            de ce type. 
          Comment 
            as-tu rencontré les petits éditeurs de bande dessinée 
            de langue française ? 
            En 1994, Fréon a organisé à Bruxelles une 
            rencontre des revues indépendantes comme Lapin, Cheval 
            sans tête, des Espagnols et des Allemands, des Suisses, 
            Boxer. C’était une grande rencontre où j’ai vu 
            beaucoup de choses pour la première fois, ensuite on a commencé 
            à se publier mutuellement. Et depuis je suis en contact avec 
            Fréon et Amok. Strapazin a une grande rédaction 
            et pour chaque numéro ils sont deux ou trois à s’occuper 
            d’un numéro, ils choisissent par exemple de présenter 
            le travail d’Amok, ou de Fréon, ou certains dessinateurs Américains, 
            ou Finlandais. 
          Comment 
            vois-tu la démarche de ces éditeurs ? 
            En comparaison avec ce que je connais de l’Allemagne, il y a une 
            certaine richesse. Je pense que vous avez ici une certaine tradition 
            et une certaine attitude éditoriale. Les petites maisons d’édition 
            françaises existent vraiment beaucoup, par exemple une revue 
            comme Lapin a une préface, ce qui témoigne d’un 
            certain sérieux, derrière lequel on sent une ambition. 
            Au festival de Fillols j’ai croisé un jeune type qui voulait 
            fonder une revue, il avait une démarche, son ambition était 
            visible, il cherchait à rencontrer des dessinateurs, ça 
            c’est très fort ici. Moi qui suis étranger à 
            cette culture, je regarde ce qui se passe de l’extérieur et 
            ça me laisse songeur. Je me dis : "quelqu’un d’aussi 
            jeune qui veut monter une maison d’éditions, hum, hum" 
            (rire). Du côté économique, je ne sais pas 
            très bien comment ça marche, j’en ai parlé avec 
            Thierry Van Hasselt de Fréon, par exemple, je ne sais pas comment 
            ils font, je pense qu’ils travaillent à côté -je 
            ne sais pas si quelqu’un peut gagner sa vie avec ça. 
          Et 
            toi, tu gagnes ta vie avec ton travail en bandes dessinées ? 
            Non, pas du tout, je gagne ma vie en étant illustrateur, 
            je donne des cours de temps en temps, pour la bande dessinée 
            je reçois parfois des droits d’auteur symboliques. Mais ça 
            me plaît que ça reste quelque chose à côté, 
            qui n’a pas beaucoup à faire avec l’argent. Si je voulais gagner 
            plus d’argent avec ça ou être plus connu, ce serait mieux 
            de produire un album chaque année mais je n’y arriverai pas, 
            parce que je travaille très lentement, pour moi c’est important 
            de laisser mûrir les choses longtemps, c’est quelque chose que 
            je ne veux pas perdre. C’est une décision que j’ai pris dès 
            le début : faire ce que je veux, même arrêter, 
            ou ne rien produire pendant des années, même si, c’est 
            évident, je préférerais avoir plus de temps à 
            consacrer à mes projets, avec une plus grande disponibilité 
            d’esprit. 
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