Co-fondateur du petit label Numéro Zéro Audio (Loren Mazzacan Connors : apossible Down (Hat noir/NZA) Rédac chef du fanzine cultissime Numéro Zéro. Pigiste virtuose dans à peu près tout ce qui a des pages et de l’encre : Impro Jazz, Octopus, Supersonic Jazz, Revue et Corrigé, Vibrations, Les Inrocks… un grand talent de plume et beaucoup d’érudition musicale… sera-t-il canonisé de son vivant ?!?
Philippe Robert (Vibrations, Inrrockuptibles, Octopus, etc.)

JadeWeb : Quel est votre premier souvenir musical ou sonore ?
Philippe Robert : Souvenir sonore d'abord, c'est sûr. Les images qui me viennent à l'esprit, liées à l'enfance, sont bien évidemment visuelles, mais aussi souvent sonores. Le vent dans les arbres, les vagues (j'allais régulièrement en vacances au bord de la mer avant d'y habiter), les rivières (beaucoup d'éléments en rapport avec l'eau, donc), les cloches des vaches en Savoie, les grillons sous les pins... beaucoup des sons que je retrouve aujourd'hui dans les musiques électroniques et improvisées -l'effet "cloche" chez Charlemagne Palestine qui fut d'ailleurs carillonneur, l'effet grillon dans les musiques electro-minimales. Les souvenirs vraiment musicaux sont postérieurs et liés à la radio et à l'achat de mes premiers 45 tours -Jacques Dutronc et Françoise Hardy que j'écoutais en boucle suffisaient à mon bonheur. J'avais une copine avec qui je passais des après-midi musicaux. Ses goûts étaient plus anglo-saxons ! Je me souviens juste de Procol Harum et des Beatles. Aussi de Polnareff. "Je te donnerais, tous les bateaux, tous les oiseaux ...". Très romantique tout ça ! 

Quels artistes ou chansons ont marqué votre jeunesse ?
Beaucoup de musiciens, de groupes, de chansons, beaucoup trop pour me lancer dans une énumération. À l'école, et plus encore au collège et au lycée, on était capable de s'étriper pour des broutilles. Jimmy Page était-il meilleur que Jeff Beck ? Keith Moon que Ringo Starr ? C'était l'époque des référendums dans Rock & Folk. Je me souviens encore très précisément des trois premiers singles que j'ai achetés au Prisu du coin : c'était des disques de Creedence Clearwater Revival, Led Zeppelin et The Doors. Pourquoi ces trois-là plus précisément, mystère ! La pochette, peut-être. Puis tout est allé très vite. Une véritable boulimie de découvrir et partager avec des copains qui tous avaient la même passion et dont certains commençaient à apprendre à jouer d'un instrument. En vrac : The Who, Grateful Dead, Hendrix, Tyranosorus Rex, Alice Cooper, Black Sabbath, King Crimson, Beatles, Rolling Stones, Van Der Graaf Generator et très vite une grosse fixation sur Canterbury et ses dérivés : Gong, Soft Machine, The Egg, Hatfield & The North, Gilgamesh, etc. Puis le free jazz, beaucoup, relativement jeune. D'emblée Albert Ayler, Archie Shepp et John Coltrane, surtout ces trois-là.

Pensiez-vous travailler dans la musique ? Que souhaitiez-vous devenir plus tard ?
Non, pas du tout. Encore que, va savoir. Très tôt j'ai lu Salut Les Copains (je me souviens encore précisément de la mise en page) puis dévoré Rock & Folk -Paul & Marjorie Allessandrini, Alain Dister, Philippe Garnier, etc. (Adrien, ce sera plus tard). Je faisais très attention aux signatures. Pareil, on se bagarrait entre copains. Des trucs du style "Jean-Marc Bailleux fait chier, Philippe Garnier c'est génial". Travailler dans la musique, c'était comme un rêve. Bien que je réussisse à en vivre aujourd'hui, j'ai toujours pas l'impression de travailler même si je consacre énormément de temps à la musique, tous les jours. Gamin, je n'avais aucune idée précise de ce que je voulais faire plus tard. Sinon que je ne voulais pas travailler dans une banque, avec un costard et une cravate. Ou alors pour assouvir ma passion, comme un sacrifice !

Y a t’il des sons désagréables (ou agréables) qui ont marqué votre jeunesse ?
Des sons désagréables, non. Puisque ce qui semble être du bruit pour beaucoup ne m'a jamais gêné, aussi loin que je remonte en arrière. Je n'ai que des souvenirs agréables. Je me souviens qu'avec un copain, il nous arrivait d'improviser sans savoir jouer. On y prenait beaucoup de plaisir. Et j'en suis sûr, mon amour de choses comme Los Angeles Free Music Society et les expérimentations musicales de Jean Dubuffet vient de là !

Est-ce que vos parents ont participé à votre éducation musicale ?
Indirectement oui. J'ai passé mon enfance à Juan-les-Pins où avait lieu un festival de jazz qui à l’époque vit défiler les plus grands. À un âge où j'étais trop jeune pour y aller seul, ma mère ou ma sœur m'y ont traîné et j'ai pu voir des choses historiques. Comme Miles au début de la période électrique avec Corea & Co. -mais je ne comprenais pas ce que j'entendais.

Pouvez-vous raconter un souvenir d’enfance marquant, relatif à la musique (concert, spectacle…) ?
Certainement des concerts. Les premiers groupes de rock que j'ai vus sur scène : Martin Circus déguisés en fantômes, Focus et son flûtiste virtuose (j'ai longtemps cru à tort que c'était Jethro Tull), Variations Dynastie Crisis... j'étais vraiment gamin. Ces groupes étaient épouvantables mais c'était la première fois que je touchais du doigt ces choses. J'ai pris un pied d'enfer sur des choses que je ne pourrais plus réécouter. Sauf "Je m'éclate au Sénégal" !

 

Votre Top 5 de l’enfance

Si je suis honnête et m'en tiens vraiment à l'enfance, c'est-à-dire vers les sept - huit ans :

Dutronc

Hardy

Polnareff

Creedence

Led Zeppelin


-ça rajeunit pas !


entretien © Julien Jaffré 2002