SOMMAIRE

ENTRETIENS
. Programme .
. Clinic .
. Piano magic .
. Bip-Hop .
. Arbouse Rec .



A LA LOUPE
Le label SOFTL
Le label V/VM
Le label Z & Zoé
Chroniques de Julien Jaffré
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chroniques 2003
chroniques 2002
chroniques 2001
Entretiens

 
 
CHRONIQUES #14

> BIAS NH4 (L’oreille électronique/Mange disque)

Fred Pierrot, après avoir écumé les bars et lieux interlopes au sein de formations pop-rock- (Nils)  puis émo-noise (ANAH) a rapidement jeté son dévolu sur la musique électronique via le Laptop. Sans doute la fonctionnalité, la commodité autant que la perspective ludique de son exploitation auront eu raison de son choix. Après des altercations enjouées et des combats rayonnants de Laptop avec et contre Erik Minkinnen, Tojiko Noriko et d’autres ; quelques premières parties d’exceptions (Scorn, notamment)  Voici  venir ce NH4, composant fantasmé de la table des éléments qui distille sur 4 morceaux des exhalaisons d’électronica harmonieuses évoquant Boards of Canada ou Two lone swordmens et des rythmiques récursives House pas toujours du meilleur effet (essentiellement sur Angelika). Un agréable essai qui on l’espère prolongera notre plaisir à l’occasion d’un long courrier futur.

> HANS JOAQUIM  IRMLER  Life like  (Staubgold/Chronowax)

Ce qui avait singularisé FAUST plus que tout autre collectif de sa génération tenait à cette évidente grâce à manier et magnifier des climats sonores de studio en univers totalement Ubuesques, fantastiques et pour se faire, de soigner à ce point les tonalités et les nappes qu’elles semblaient échappées d’un monde imaginaire, allégorique. Un univers halluciné, post-industriel, si proche de la réalité que ces images sonores semblent eidétiques, capables par leur précision et leur pertinence de créer une ambiance en tous points conformes à "la réalité". Hans Joachim Irmler et son  Life like  contiennent en germe cette puissance eidétique ; substrat noir et intense des profondeurs, mécanique organique de l’âge industriel, phases sonores pareilles à des mouvements telluriques mais aussi à des apogées liturgiques d’une rare plénitude. Au-delà de ce que l’on entend, le compositeur semble investi totalement dans sa musique, obsédé par les détails et les liaisons homogènes entre chacun des morceaux. Le talent est à l’œuvre, le mûrissement, la sérénité et une certaine idée de savoir-faire parsèment de leur présence ces 8 profondes invocations. Une performance aux marges des musiques new-age, post-industrielle, Krautrock et environnementaliste pour un chef-d’œuvre d’inhibition contrôlé et d’allégeance à la musique.

> ENCRE flux
> ENCRE Marbres ep
(Clapping music/Chronowax)

Il existe encore des albums pour colporter la violence hiératique, l’impulsion fougueuse des sentiments, le goût du sang et l’odeur de la salive. Cet album contient, en texte, la rage vindicative d’un Calaferte, la folle effusion verbale d’un Artaud, le sadisme esthétisé d’un Molinier, l’esprit d’avant-garde d’un Bataille. Qu’on ne s’y trompe pas les textes de Flux sont des agressions, des ruptures, des recherches constantes de conflits que viennent difficilement temporiser les élans fluctuants de la musique, sans jamais toutefois y  pourvoir. Portés par une musique néo-minimaliste asthmatique façon Rachel's faite de soubresauts, de hoquetement du réel et de répétitions maladives…cernés d’arpèges entêtant de guitares, de notes diffuses de piano, les textes nous enfoncent dans leur réalité ; Loin des écrits radieux et des contes insipides, c’est ici le vécu, le palpable qui vient harponner la musique, lui cracher à la gueule. La distinction entre formation réduite, déclinant une musique intime et névralgique et la formule "amplifiée" du live (que l’on retrouve sur  Marbres et ses morceaux inédits) déroulant, quant à elle, une identité démonstrative, exubérante, donnant à l’entité Encre un caractère schizophrénique léger et bien vu. Une invitation à la blessure, autant qu’un voyage à l’engourdissement des sens. Rien à Ajouter, toujours aussi merveilleux.

> KHANATE  thing Viral (Southern/Chronowax)

[Kon-Eight] ou Khanaté, si on l’écrit est une résurgence, une exhumation différée, hommage posthume à Buring Witch , groupe disparu et regretté. Khanaté se veut donc un témoignage  autant qu’un passage de flambeau de l’œuvre du groupe disparu. Derrière ce projet évolue James Plotkin dont la multiplicité de projets annexes n’est définitivement pas listable ( retenons pour l’essentiel Old, Scorn, Atommacher, Death Ambient) et Stephen O ‘Malley, entrepreneur de cette rencontre, depuis le projet à sa concrétisation. Alan Dubin est venu prêter main forte au "chant", terme relatif à considérer la violence physique et la torture vocale qu’il administre au long de ces 4 psaumes anti-cléricaux Des assauts vocaux d’une rare violence, dont seul le grind ou le doom ont le secret et qui évoquent les contributions les plus extrêmes de ces dernières décennies, depuis Naked City au poètes sonores les plus survoltés (De jaap Blonk à Artaud en passant part Schwitters ) Pas familier plus que ça à ce genre d'offensive, d’invective musicale, d’apocalypse néo-métal , le plaisir n’est pourtant pas exsangue de l’album, grâce notamment à la recherche et à l’attachement constant porté aux Sub-basses et aux fréquences pondérales, rappelant en cela les projets les plus exaltants de Plotkin.
Une expérience intéressante, qui manque quelquefois de relief. Un nouveau mythe urbain ravageur (ravagé ?).

> ADVENTURE TIMES  Dreams of Water themes  (Plug Research/La baleine)

On connaissait la tenue (la teneur?!) admirable des travaux folk-électro-lo-fi de Daedalus sur ses compositions solos, succession de petites pièces confinées et intimes. Pourtant, ce qu’on soupçonnait moins, c’était la versatilité de l’individu, capable, au détour de Side-Project (en collaboration ici avec Frosty) d’apposer un univers parfaitement opposé et distinct, offrant au décryptage, un étrange sentiment de schizophrénie créatrice. Adventure Time est une plongée oblique dans la musique easy-listening, funky et bricolée. Quelque chose comme du Tipsy en bringue avec Amon Tobin, The poet of Rythme, Beck, Fourtet et Rubin Steiner dans un tripot tenu par un amateur du label Harmless. Water signs  et ses écarts hindous, l’abstract hip-hop de General Midi Vs Rusty, les climats de moussons de Sent from Sandy shores ( et la voix enivrante de Saul Williams), les champs bulgares mixés à de la musique Buto sur Girls of the well ; tout cela cerclé d’extraits d’émissions surannées, de tango argentin en perdition et de rafales rythmiques. Autant de détails, d’accointances rythmiques, de petits emprunts, de bricolages qui n’en sont pas- fils de l’émulation et de l’expérimentation- et qui agencés, concourent à offrir une merveille de métissage musical. Un petit miracle d’exubérance contrôlée. Très bon

> V/a CIRQUE Room 207 (CIRQUE/MoshiMoshi)
Les couloirs d’Hôtel sont des lieux étranges, où un flot impromptu de destinées se croisent, se suivent. L’intimité naissant au seuil de chaque porte. Huit vies, Neuf histoires se croisent au détour de cette chambre 107, comme autant de cérémonies intimes et ce dans le prolongement des musiques d’ameublements, "chambres imaginaires" voulues par Erik Satie. Faisant suite, dans une logique inexorable à la compilation Room 106, ce nouvel ouvrage du label Cirque développe toujours plus avant, la fluidité des  boucles, des cut-up, la sensibilité des personnes autant que la réactivité des frictions analogiques. Dans un climat détendu d’affabilité et de respect réciproque. Des artistes majeurs ou mineurs de la scène japonaise, Française, Américaine domiciliés  dans les sphères d’une musique électronique expérimentale à visage humain laissent trace de leur passage dans l’univers restreint de cette chambre. Depuis la rupture amoureuse (Nobuyasu Sakonda) au matin brumeux ou cristallin (Shinsei, Yoshihiro Hanno, O Lamm), jusqu’à la fragilité nocturne (Minifer, discom) ou à l’imsomnie chronique (Carl Stone), tous participe de cet état d’apesanteur qui gouverne ce disque. Un spectre musical d’une rare beauté et d’une profonde quiétude. 
> PIANO MAGIC The trouble sleep of Piano Magic (Green UFOS/ Monopsone)

L’univers déjà riche de Piano Magic [site] se pare, à mesure que courent les années, des teintes chaudes et cendrées des terres d’Espagne, depuis l’ocre jusqu’au safran. Piano Magic projet du discret Glenn Johnson a su appareiller le long des côtes ibériques pour ne plus les quitter. On connaissait la qualité d’écoute, de production et de création des ascètes espagnols pour la chose pop, le label Unique records nous en donnant encore un très bon exemple récemment en rééditant la production du fanzine espagnol Moonpalace ; sans oublier non plus les qualités de labels tels que Elefant 6, Primeros Pasitos ou Acuarela, pour n’en citer que 3; A présent on sait l’attachement réciproque qui lie les Espagnols à Piano Magic; Après la BO réalisée à la demande de Bigas Lunas et de nombreux concerts ou festivals où il fut à l’honneur, le plus tout jeune londonien offre à la faveur du dixième anniversaire du label Green Ufos un bien beau cadeau sous les formes courbes de ce disque. Un retour aux sources pour Piano Magic qui laisse un peu de côté les guitares traînantes et les sonorités aiguës pour se consacrer exclusivement à la narration de courtes historiettes, chargées d’émotions et d’humilité, qui trouvent leur sommet sur de nombreux titres tels que le christique Sainte Marie, les divins The unwritten law, Help me warm this frozen heart ou l’électrique speed the road, rush the light. Une mise à nu au travers de thèmes cher à leur auteur…Depuis l’amour  jusqu’à l’amitié, en passant par le désir…  
Après un Writers without home riche mais un peu brouillon, Piano Magic revient sur le devant de la scène avec un album splendide à rapprocher du bliss out vol 13 (Darla) et du Popular mechanics (I) pour sa sensibilité et son climat, ou du Artists’ Rifles pour sa cohésion et du  low bright Weight pour sa densité lyrique. Impérial !!

> The HIGH LLAMAS  Beet, Maize & Corn  (Tricatel/Naive)

Parce que sommeille en nous un désir inassouvi de pluralité et de diversité, chaque nouvel album des High Llamas, tel un diapason, fait résonner l’aspiration juste et l’attrait pour la découverte chez l’auditeur. De la logique singulière qui les anime, Sean O est ses acolytes auront su tirer 7 Albums aux caractères et aux spécificités bien trempées, séjournant toujours plus ou moins longtemps dans un style ou un autre, comme des Robinson Crusoé, prospectant d’île en île, valorisant les richesses locales, ajoutant au passage leur couche d’humanité et leur vision singulière à la chose. Comparés par le passé aux Beach boys, à Robert Wyatt, plus tard à Mouse on Mars ; C’est aujourd’hui à  d’autres artistes et compositeur tels que Gershwin, Cole Porter, David Whitaker ou plus certainement encore Burt Baccharra  qu’il conviendrait de prêter des accointances. Révérence plus que ressemblance, en fait, si l’on considère la totale insularité de leurs pensées créatives. Une musique apaisée, douce et humaine. Après V2 et Drag City, c’est au label Français Tricatel qu’ils font l’honneur de leur passage. Une façon pour Burgalat de prouver s’il en était encore besoin l’internationalisme et l’éclectisme de ses goûts… Un très bel album.

> THE BOOKS the lemon of ping 5 (tomlab/La Baleine)

Après un  premier album étincelant paru l’an dernier chez Tomlab, en guise de prologue, The books vient réinvestir les pupitres d’écoliers et ouvre son ouvrage de création à la première page d’un nouveau chapitre, promesse attendue d’un récit fabuleux. C’est peut dire en fait que de prétendre que nous attendions ce nouvel opus tant Thought for food avait aiguisé notre attention et nourri notre plaisir. Une pure merveille de fragilité et d’équilibre instable entre raison et folie. De ce bricolage de jeunesse, ils n’auront conservé que le strict minimum, un nécessaire de survie en quelque sorte ; un lissage qui opère dès les premières mesures, laissant à peine à notre oreille le temps de prendre la mesure du changement. Les mixions de post-rock, d’électronique et de rapiéçage heureux, si elles sont toujours présentes, laissent ici le pas à une musique plus plaintive, plus en dedans, davantage immiscée dans la nostalgie et la sensibilité, proche d’une folk-pastorale / lo-fi attitude… En un sens, ils semblent approfondir une part de leurs travaux/ créations. Pourtant chargé de ces différences, le charme opère encore. Et si la forme se modifie quelque peu, c’est au profit du fond qui gagne toujours plus en simplicité, modestie, intelligence et goût du croisement incertain. On pense encore mais moins à Gastr del sol, David Grubbs, à Moondog, à susuma  sur Leaf, au Palace Brothers, mais seulement à l’occasion de légers flashs.
Une belle hybridation qui perverti un peu plus le folk et la country et ses affluents, l’éloignant des clichés habituels qui encombrent ses bras et ses méandres (tristesse, renoncement, quiétude, oubli…) Superbe.

> REFREE  nones  (Acuarela/ Discrograph)

C’est d’abord la pochette doucement surréaliste et adroitement poétique qui attire notre œil, correspondance visuelle d’un album passé où Pierre Bastien et Klimperei se disputaient l’affiche ; une couverture d’ailleurs signée des mains de Françoiz Breut. Puis, le son vient à nos oreilles, doucement; nones est une berceuse catalane qui fait suite à Quitamiedos. REFREE est un groupe Acuarela dans le meilleur sens du terme, prodiguant sa musique triste et salutaire à qui se donne la peine de l’écouter ; Un assortiment d’évocations qui vont des chansons spleenesques de Jay Jay Johansson  aux mélodies sépias de Manta Ray (Aguado), de Migala (Hernandez) et ses corollaires de fanfares tristes, de bandonéons affaiblis, de lumières nocturnes, de désirs inavoués, de lamentations secrètes. La voix de Raül Fernandez campe la tristesse et la beauté nocturne comme peu de chanteurs le peuvent ; les compositions s’offrant des apartés jazzy superbes (Inventario). Nones est un grand album qui s’impose sans en imposer, qui magnifie les sentiments sans en faire des tonnes. Quand la lumière décline à l’horizon, un seul espoir : Refree ! Splendide !!!

> XANOPTICON Liminal space
> GRIDLOCK Formless
(Hymen/La Baleine)

Les exégètes futurs des courants Dark-ambiant, post-industriels et des musiques nouvelles rythmées et esthétiques réserveront sans doute un chapitre conséquent à l’étude et à la dévotion posthume de labels tels qu’ Ant-Zen ou Hymen, sa division la plus avant-gardiste, dansante et défricheuse. Impossible dans un premier temps d’écarter le graphisme soigné qui décline depuis plusieurs années sous couvert d’une cohérence esthétique pionnière des projets qui en apparence n’avaient que peu ou proue de rapports entre eux.  Des pochettes reconnaissables au premier coup d’œil, fruits de déstructurations numériques et de savantes doses de beautés sombres et liquoreuses . Après avoir sorti récemment End et les dernières expérimentations de Mick Harris sous Scorn ; le label nous redonne de ses nouvelles à l’occasion de deux sorties successives : Xanopticon et  Gridlock Le premier évolue volontiers aux tréfonds de tourbières fumantes d’où émerge nombres de tiges de roseaux ciselées et tranchantes qui bannent les perspectives et fendent l’air de leur silhouette. Images dont la précision n’a d’échos que la spatialité des rythmes, enchevêtrement sataniques d’infrabass et de breaks qui semblent animer l’espace entier de leur énergie tellurique. Une mise en branle de tout un univers qui rentre en corrélation avec d’autres organismes tout aussi vivants tel que Venetian Snares, Lexaunculp ou Panacea. Un univers en équilibre entre effets de concision,  microchirurgie rythmique, luminosité, amplitude et de l’autre, moiteur, obscurité, amollissement, noirceur… Ryan Friedrich signe ici un sublime et tortueux album liminal, palpable, dicible qui emprunte autant à la forme narrative cinématographique qu’à une certaine philosophie livresque et imaginaire. Une chevauchée héroïque incontrôlable !!
Gridlock, pour sa part, emmené depuis 4 albums (le premier pour Hymen) par le duo Mike Wells / Mike Cadeo cultive la sombre introversion comme une seconde nature, non pas celle de ses concepteurs, mais une identité plus large, plus enveloppante qui prend racine à la faveur de thèmes universels, tels que le magnétisme, les dynamismes physiques, les événements climatiques. Un appétit pour la métallurgie et une certaine idée du bruit, développés lors de leurs précédents travaux et qui ne sauraient faire pourtant oublier les archétypes d’électroniques et de fractures rythmiques qui parcourent cet album, cassures numériques labellisées par Autechre (sur Incunabula notamment), Aphex Twin avec ses Selected Ambiant Works ou plus récemment, Crunch, Funkarma, Marumari, ou Chris de Luca. Une forme originale de saturnisme électro minimal qui à un aplomb radical et qui dans le même temps ne se prend pas au sérieux, ce qui donne au final encore plus d’attrait à ce très bon disque.

> WILLIAM ELLIOT WHITEMORE Hymns for the hopeless (Southern rec/Chronowax)

Ce jeune homme pourrait être le chaînon manquant d’un genre perdu entre tradition pur malt et contemporanéité. Revisitant avec un pragmatisme et une maturité qu’on ne peut décidément pas attribuer à son jeune âge (25 ans) les contrées Blues et country américaines, c’est pourtant dans le patrimoine et l’imaginaire de Johnny Cash notamment, qu’il va puiser son inspiration. Un musicien référence qui  envenime de sa présence les interlignes et les portées du jeune song-writer Whitemore. Des textes tranchants et bruts, parfois un peu désuets mais essentiellement universels, qu’il soit question de peine de mort, de meurtre, de rêves ou de ciel étoilé, soutenu par une voix rêche hallucinante de maturité et des banjos sortis tout droit de O’ Brothers.
Chose originale, William vient du milieu  hardcore, fruits passés de ses années de roadie aux côtés du groupe Ten Grand.Dépaysant et authentique. A découvrir.

> V/a  DIM MAK I’m like a stepping razor, don’t watch my size, I’m dangerous
> PARADISE ISLAND  lines are infinitely fine
> DANCE DISASTER MOOVEMENT We are from nowhere
(Dim Mak/ Chronowax)

DIM MAK est un label dynamique, de l’état de Californie, qui a déjà su essuyer les tempêtes et les troubles des jeunes années pour instaurer un rythme de croisière à ses sorties. Trois sorties justement stigmatisent l’activité récente du label de Los Angeles (basé à Hollywood),  soit, respectivement une compilation regroupant la crème du label ainsi que 2 albums. On pourrait se laisser abuser par le premier titre de la compilation qui sonnent par résonances un tantinet électronique façon The Rapture/ Radio 4, alors qu’en définitif, les artistes ont davantage de  reconnaissance morale (musicale) à l’encontre de Fugazi ou d’artistes Sub Pop (les premiers Nirvana) que de Gang Of Four. Une résurgence de petites structures rock façon Dischord mêlées à un engouement pas désavoué pour la chose Pop,  qui détonne dans les radieux rayons lumineux de Californie… de l’énergie pure qui galvanise nos états d’âmes, donnant une profondeur insoupçonnée à nos envies. Sur la compilation, on devine déjà une diversité de courants depuis la sage tranquillité jusqu’à la folle énergie destructrice. De ce malstrom heureux et sonique, on retiendra les prestations et les envolées mélodiques de Dance Disaster Movement, Die Monitrbatss, the Von Bondies, Pearlene, The Kills, Panthers, Tokyo sex Destruction, soledad Brothers, etc….  
Pour leur part, PARADISE ISLAND revendique un peu de la terre d’EDEN qui entre leur main prend la forme d’un croisement de no-wave, de troubles électroniques lignée Sugarcubes, de rock  virginal façon Bikini Kills, de Strates électriques à la Sonic Youth, de foutage de gueules rigolos (Bjork se fait mettre en boite sur I came 2 party) Un drôle de bordel avec des choses belles qui en émergent.
DANCE DISASTER MOOVEMENT, quant à eux ont refusé définitivement de croire en dieu, le sacrifiant au culte d’un rock lapidaire et exterminateur, qu’il prenne la forme du tube en puissance  I want Your sass ou d’une énergie plus primitive encore sur le reste de l’album qui nous emmène au plus prés de The Hives, de The Vines ou des tribuns de Chez Ian Mc Kay. Bon ; puisque urgent, essentiel et profond !  
3 nouvelles productions du label DIM MAK, qui ne resteront pas, pour tout amateur de rock inventif et perturbé, dans les limbes de l’oubli.

> EKKEHARD EHLERS/ JOSEPH SUCHY/ FRANZ HAUTZINGER Soundchambers (Staubgold/Chonowax)

Autant QUECKSILBER, division d’improvisation pure autour des médiums électriques (La guitare, pour l’essentiel)  affiche clairement ses lignes directrices, son raisonnement  et la logique qu’il souhaite se donner ; Autant STAUBGOLD ne semble obtempérer à aucune exigence, ne fléchir à aucune forme de conventions. A dire vrai, on ne sait jamais vers quoi tendra la sortie suivante, vers quel abyme de délice cela nous entraînera.. Néanmoins, cette part d’incertitude, cette variable affranchie a quelque chose de profondément excitant, presque jubilatoire à considérer le plaisir qu’on a à se faire surprendre, à se laisser entraîner toujours plus profondément dans ces abîmes d’inconstance et  de hasard. Faisant suite à Kat Cosm, Projet de Folk anémié, c’est à un trio que revient l’impérieuse nécessité de prendre le relais ; EHLERS, SUCHY et HAUTZINGER respectivement laptopien, guitariste et trompettiste se livrent ici (Parc du musée Serralves à Porto) à une œuvre ambiante striée de combinaisons pop et d’effets improvisés sous-jacents. Avant d’entrer plus avant dans la musique ; évoquer ce que le projet SOUND CHAMBERS porte en lui. Héritage des musiques pour chambres de Satie et plus proche de nous, d’une résurgence des Sound Chambers développés par Brian Eno et Jon Hassell au milieu des années 70’, ce projet associe étroitement les trois plus puissants modes d’expression humain, l’art Architectural, Graphique et Musical.  Prenant lieu en diverses places et localités ; des intervenants développent leur œuvre, laissant l’architecture et la configuration du lieu altérer / corrompre leurs compositions. Une trans-versalité culturelle qui depuis Hippodamos de Millet à Le Notre, d’ Eno à Roseiral, fixe son point d’ancrage autour de la construction et la géométrie, base primordiale de ce qui fonde l’ossature de ces 3 idiomes culturels. Ehlers comme à son habitude laisse dériver ses drôles de micro-constructions très ouateuses aggrémenté par la guitare d’un Joseph SUCHY plein d’accalmie. Hautzinger se chargeant de parfaire cette torpeur isolationniste voire environnementaliste. Etonnant.

> OKKERVIL RIVER Down the river of golden dream  (JagJaguwar/Chronowax)

Okkervil River avait déjà par le passé ébranlé nos cœurs et fragilisé nos oreilles à l’occasion d’une contribution pour Jagjaguwar à l’album de Julie Doiron. Un split album qui résonne encore de ses lentes complaintes du Mississippi, blues contemporain et folk introspectif de rigueur. Ils reviennent tarauder nos âmes ces jours-ci à la faveur de ce Down the river of golden Dream ; des climats chargés de ces chaleurs d’été où l’organisme défaille, soutenu par les accouplements de voix envoûtants de Will Sheff et Jonathan Meiburg et l’addition d’instruments aux couleurs désuétes, depuis les mandolines jusqu’aux Whirlies, des tambourins aux banjos en passant par l’orgue Hammond ou ce piano aux teintes "Western". Armé d’une capacité à émouvoir sans pareil, référencé aux côtés d’autres écorchés du genre (Will Oldham, Nick Cave, Santa Cruz…), Okkervil River distille son doux poison aux confins de nos veines, laissant notre organisme prendre la mesure de son asservissement à cette musique dont on ne sait réellement si elle est l’œuvre du diable ou de la main de dieu. Evident d’authenticité !

> V/A ANTIFROST Void /Full  (Antifrost/Metamkine)

Antifrost prend un plaisir non dissimulé à décomposer le monde en une dichotomie simple et conceptuelle. Après l’expérimentation de la douleur et du plaisir courant 2002 (Suffer/ enjoy), le label greco-espagnol (Athène-Barcelone) s’attache à une nouvelle division du monde, qui ici rejoint des réflexions métaphysiques quand il n’est pas question de considérations astrophysiques…puisqu’il est ici question de plein et de vide. Une simple question posée aux participants ; le label leur laissant le libre arbitre de choisir si leur compositions/travaux reflètent davantage l’idée de plein ou de vide. Deux disques, où dans un premier temps, on retrouve sans surprise, sur void (vide) quelques mentors de l’international minimaliste/micro- environnementaliste : Ronnie Suddin, Ami Yoshida, Francisco Lopez, Cremaster, alors que Full révèle son lot de surprises. Pensez donc…SachiKo M, Alejandra & Aeron ou Eric La Casa trône dans l’antre de ce qu’on s’imagine être le bruit aux côtés des ténors du Bruit Blanc  contemporain, depuis Evol à Daniel Menche en tête... Regroupement qui remet quelque peu en interrogation la substance de ce que les compositeurs cachent derrière Vide / Plein. A chacun de considérer si saturation totale ou minimalisme absolu - exsangue de sons - compose une œuvre pleine (emplie de silence) ou non. Un line-up proprement hallucinant où l’on retrouve la crème absolue des compositeurs indépendants… Ami Yoshida, Ronnie Suddin, Illios, Roel Meelkop, m Behrens, Coti, Jason Kahn, Lopez, Xabi Erkiza, cremaster, Dieb 13, Berd Schurer (Teleform), Nakamura, Nikos Veliotis (Texturizer), Daniel Menche, Joey Colley, AS11, Edwin Van der Heid, Evol, Maja Ratjke, Eric La Casa, M Shoencker, Lasse Marhaug… Pour ne pas mourir idiot !

> THE PAPER CHASES  What long test you have (Southern rec/Chronowax)

The paper Chases ont beau être 4 et bénéficier du talentueux arrangeur/ Ingénieur de 90 Day Men, John Congleton, les points de similitude s’arrêtent là. Car The paper chase ont su attirer l’attention sur eux, par l’affection qu’ils développent à manipuler le derme supérieur du son, prompt à faire passer Colossamite pour la compagnie Créole. Des atmosphères sombres, pesantes, instables, soutenues par la voix arrachée de Congleton où fleurissent quelques belles fleurs de cimetière. C’est dans la diversité et la surprise qu’a semble-t’il été forgé ce disque, "What long test you have…". Dans l’hommage, aussi,  puisqu’ils s’autorisent les reprises de Roger Waters et du duo Brel/ Shuman des plus surprenantes. L’émo-noise a encore de belles matinées à s’offrir. www.southern.net

> THE SILVER mt ZION MEMORIAL ORCHESTRA & TRA-LA-LA BAND WITH CHOIR  This is our punk rock, three rusted satellites gather + sing (Constellation/Chronowax)

Si à eux seul, le nom du groupe et l’intitulé de l’album remplissent allégrement la bonne moitié supérieure de cette chronique, ce n’est certainement pas dans l’obscur dessein de nous faire oublier l’hypothétique mauvaise tenue de cet album. Car convenons en, cet album est subtil et beau et ne laisse pas de doute à ce sujet. Un patronyme qui à la manière d’un cadavre exquis s’enrichit de nouvelles bifurcations lexicales, additifs imagés à mesure que progresse le projet et qui stigmatise le caractère facétieux et détendu de ces protagonistes. Le line-up, pour sa part, maîtrise heureusement sa ligne, conservant les 6 musiciens originels (soit Efrim, Thierry, Sophie, Beckie, Ian et Jessica), même si quelques invités ponctuent l’album de leur présence. La densité émotionnelle du groupe, si elle s’exprime toujours selon les mêmes préceptes ; ambiante pastorale plombée de couches de cordes et d'adjonctions légères (concrètes ou expérimentales) laisse pourtant ici une part plus intense au chant. Celui d’Efrim, dont la texture touche toujours avec la même fébrilité, mais plus encore celui des chœurs échappés de peuplades et de communautés éloignées, communion spirituelle autant que lien aux 4 volets de cet album ; Un album environnementaliste, que n’aurait pas renié le père du structuralisme, Lévy Strauss, ou encore  Mauss. On pense aussi aux vacations de Texier en Afrique ; une ouverture d’esprit intelligente et sensible au monde pour un album qui en concentrant quelques maux de notre quotidien (l’isolement, la tristesse, l’amertume, la destruction, la perte) se révèle être un magnifique placebo à ses plaies ouvertes. Impressionnant !

> RED SNAPPER redone (Lo rec/La Baleine)

De tous les groupes de Warp, Red Snapper a toujours éveillé en moi un sentiment mêlé de recherche et de sophistication. Une expérimentation constante de la chaleur sourde du Jazz, de corolles fumantes de synthétiseurs analogiques et d’effets de scratches et de reliefs urbains. Passé de Warp à Lo rec, la séparation a sans doute laissé quelques séquelles ; L’absence remarquée des résidents du label de Sheffield en attestant. La petite angoisse est rapidement dissipée devant la prodigalité et la généreuse intervention des artistes invités ; Une surexposition de talent et d’attitude aventureuse érigée ici en dogme. Jamais, on aura autant célébré une relecture directe d’un album. Si Reload laissait un arrière goût d’amertume malgré quelques titres bien sentis, ce Redone offre une explosion ludique d’instants exaltants. Depuis le jazz plombé de Broadway P, la chevauchée Hip-hop de Depth Charge, la membrane no-wave-électro de Radio Active, l’électronique pulsée de Rich Thair (ligné Mr Scruff), les climats spectraux de Blue State, la géographie surannée de SusumuYokota (Proche d’imagho /Fragile), le beat élastique de The Creation, la névrose folk-urbaine de Oddman (Arab Strap ?) ou encore la beauté ultraviolet de Rothko… chacun a su puiser dans l’essentiel de la musique du trio, surlignant l’essence harmonique ou rythmique des compositions originales, faisant saillir les lignes claires des mélodies et traçant, en définitif une nouvelle géographie de climats, de paysages, pas moins éloignés, pas moins distants et pourtant si proche de la perfection. Eminemment conseillé.

> AUTODIGEST  a compressed history of everything ever recorded Vol.1
> SUMUGAN SIVANESAW / DURAN VAZQUEZ  Production
(Cronica/Metamkine)

Cronica continue son lent et passionnant travail d’archivage, compilant / redéployant / réorientant sans relâche ses multiples projets sonores, s’attachant autant que faire ce peu, à parcourir, à détailler la multiplicité des approches émergeantes dans les sphères oubliées des musiques non-conventionnelles, qu’elles soient d’ordre expérimentales, électroacoustiques, ou non directives. 2 nouvelles productions, respectivement étiquetées Cronica 007-2003 et Cronica 007-2003 viennent clore l’année en beauté et éclairent 2 approches singulières…

AUTODIGEST et son histoire compressée de tous ce qui fut jamais enregistré tire sa conceptualisation intellectuelle et musicale des théories récentes de Baudrillard, mais également de David Harvey sur l’omniprésence absolue du son, du "bruit" culturel. Thème déjà évoqué par Formanex sur Fibrr rec, Autodigest digère l’histoire et son sens dans un trou noir musical fondamental et radical ; théorisation d’un trou noir et de sa spacialité qui raviront les amateurs de MEGO, entre autres…

SUMUGAN SIVANESAW et DURAN VAZQUEZ
, pour leur part, n’ont visiblement pas envie de transiger avec la musique. L’idée de regrouper 2 artistes en un album (3 si l’on considère les travaux graphiques de pochettes assumés par Maia Gusberti ) offre ceci d’excitant à l’auditeur, qu’il oblige celui ci à la confrontation, à l’analyse croisée de deux univers, aussi proches et nuancés puisse t’il être. Une réflexion sur le mode de l’échange, du comparatif. Le croisement improbable d’un Australien, Sivanesan parti du rock pour s’amarrer quelques années plus tard à l’expérimentation électronique sans négliger le support visuel au détour d’installation vidéo. En ligne de mire, cette nécessité de créer des formes expérimentales libres de tout conditionnement, de toutes fixations, assujetties à un quelconque format narratif. Les travaux de l’Australien semblent obsédés par la notion d’Espace, de spatialité, et des moyens mises en œuvre pour les ausculter, les observer et à fortiori en comprendre la dimension. Sa contribution au final se situe quelque part entre une forme atténuée de bruit blanc, quelques chose comme du bruit gris, de l’easy listening de feed back, de l’expérimentale lo-fi Duran Vazquez est un autodidacte de la pire espèce, de celle qui assume ses lacunes et s’en sert pour faire prospérer de nouveaux axes originaux (autant que faire se peut) à la musique ; Son travail est l’expression d’un détachement voulu, souhaité de toutes conventions sociales, de toutes normes ou balises du langage musical. Une tâche d’oubli sur soi, sur sa culture musicale partiellement réussie puisque son travail reste référencé, sorte de mouvements continus, d’ondulation mélodique entre Ambiant et Techno minimaliste.

> LEE VAN DOWSKI  A lego Element (Anti-iiism/La Baleine)

C’est à la faveur d’un néologisme intriguant (Anti-iiism) que nous parvient la production liminaire de cette jeune structure française. Soutenu par un graphisme d’une rare beauté (Inkunstruktion.com), très dans l’air du temps, Ce label niortais nous présente son premier traité d’électronique déviante. Lee Van Dowski, n’en est certainement pas à son premier égarement. Pourtant cette construction échevelée de formes aux tournures irrationnelles, déraisonnables à ce je ne sais quoi d’impétueux, état d’âme qu’on prête généralement à la jeunesse. Ce Lego Element laisse ainsi deviner une parfaite maîtrise des lieux et des espaces. Une attention particulière de l’auteur qui porte aussi son dévolu sur les sous-couches mélodiques et les nappes climatiques enveloppantes, chapes de brumes consistantes mêlées aux petits aiguillons cristallins du rythme. Des traits de caractères rappelant FSOL pour le recueillement, Crunch, et Funkstorung pour l’élan rythmique voire Chris Clark et Brothomstates pour la saveur générale. Quelque part entre la glace et la vapeur, une forme heureuse de sublimation avec quelques sommets (Vum 2552) et de très bons moments de fugitive évasion de blips. Excellent !

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