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       Jade : 
        Pouvez-vous définir les Requins Marteaux ?  
         
        Marc Pichelin : (Rires) Ouais, on 
        peut. On peut essayer. Pour moi cest un collectif dauteurs 
        de bandes dessinées. Dans le sens ou on est plus attaché 
        à travailler ensemble, à réunir des gens pour travailler, 
        que davoir un projet de structure éditoriale ou je ne sais 
        quoi. Cest des gens qui se retrouvent. Cest à structure 
        variable, en fait, cest pas défini de savoir qui y est, qui 
        y est pas, cest des gens qui viennent pour travailler sans faire 
        forcément partie des Requins Marteaux. Et après, en fonction 
        des gens des projets sont mis en place. Ça peut être des 
        projets de livre, donc dédition, des projets de journal, 
        de création dexpo, création dun festival de 
        bande dessinée, on a mis en place quelques projets pédagogiques 
        quelquefois. Donc si tu veux, on na pas de ligne en soi, ni graphique, 
        ni narrative, ni commerciale, on a juste la nécessité de 
        mettre en place un outil de production qui est les Requins Marteaux. Cest 
        un outil qui nous permet de travailler, davoir un compte en banque, 
        un atelier, un festival. On met en place des petites choses comme ça, 
        qui permettent à chacun davoir des possibilités de 
        travail. Un mec arrive, il dit : voilà, jaimerai faire 
        un comics, on regarde ce quil fait, on travaille ensemble et puis 
        si on arrive à tirer 5000 balles, on le fait et puis voilà. 
         
        Quels étaient les buts que vous vous étiez 
        fixés quand vous avez commencé ? 
        M.P. : Faire 
        de la bande dessinée. On navait pas plus de but que ça. 
        A un moment donné on a eu envie de faire des livres. On venait 
        du Fanzine, en fait. On avait fait du fanzine pendant quelques années 
        et puis bon, comme toute expérience de fanzine, ça sest 
        arrêté au bout de deux ans. On a cherché ce quon 
        avait envie de faire les uns et les autres, les projets ont un peu avortés 
        et jour on a eu loccasion de monter les Requins Marteaux avec dautres 
        personnes, qui faisaient de lexpression vivante, de la danse, des 
        choses comme ça, nous on faisait de la bd et ils nous ont appelés 
        à ce titre là. On a commencé à faire des petits 
        livres avec Guillaume et petit à petit on a publié de la 
        bande dessinée et dautres gens, comme Pierre, sont venus 
        nous rejoindre. On ne sest pas dit : tiens, on va monter un 
        label indépendant de bande dessinée et puis on va faire 
        ça comme bande dessinée, etc, etc. Ça sest 
        fait comme ça, sans préméditation, on navait 
        pas de but à priori.  
         
        Ce nest pas un hasard non plus si vous vous êtes mis à 
        avoir une activité éditoriale. 
         M.P. : Ben non, parce 
        que, traditionnellement, quand tu fais de la bande dessinée, tu 
        fais du livre. Donc on avait envie de faire ça, en plus on avait 
        fait beaucoup de fanzines, tout ça. A un moment donné chacun 
        avait des projets individuels, on navait plus envie de faire de 
        projets collectifs, dans une revue. Chacun avait envie de poser un petit 
        truc qui lui appartienne. Donc on a fait des petits bouquins. Oui, on 
        avait envie de faire des livres. Et après on a eu de nouveau envie 
        de faire une revue. Et puis de faire des expos. Quand on fait des expos, 
        pour nous cest aussi un acte de création, cest pas 
        faire des expos pour montrer juste notre uvre qui a été 
        publié, ce qui nous intéresse cest de mettre en place 
        des nouveaux moyens de faire de la bande dessinée. Donc le livre 
        fait partie de ces moyens là, mais il nest pas exclusif. 
        Cest pour ça quen soi on ne se définit pas comme 
        un éditeur. On est éditeur de fait, à partir du moment 
        où on fait des livres. Le livre est un moyen de faire de la bande 
        dessinée. 
         
        Comment sest passée la confrontation au monde de lédition ? 
         M.P. : Il ny en 
        a pas eu.   
         
        Au sens large : limprimerie, la distribution, la rencontre 
        avec dautres éditeurs sur les salons
 
        M.P. : Ce qui est passionnant, ce 
        qui nous a tout de suite vraiment motivés, cest quon 
        était parti prenant sur tout. Cest à dire que tout 
        nous appartenait. A partir du moment où on imagine faire une bd 
        jusquau moment où elle va arriver chez le lecteur, chez quelquun 
        qui va lacheter, on maîtrise tous les processus. Au début 
        on a imprimé nous même des livres et donc ça cest 
        formidable, tu vois, de te dire on imagine le livre, de faire le scénario, 
        de dessiner, etc, imaginer le format, le papier, se confronter à 
        un imprimeur, à un diffuseur aussi à un moment donné, 
        pour nous cétait vachement intéressant de le faire. 
        Dêtre responsables de tout, de ne pas laisser à un 
        moment donné de gens décider à notre place de ce 
        quon devait faire. Alors on a beaucoup souffert, parce quon 
        a fait des choses très "amateur ", sans que les trucs (vérifier) 
        soit bien finis.  
         
        Vous naviez aucune connaissance en ce qui concerne la fabrication 
        dun livre.  
        M.P. : Non, on a tout fait au fur et à mesure. Donc 
        on a fait des grosses conneries, ya des trucs sur lesquels on sen 
        est bien sorti. Comme on navait pas de projet éditorial, 
        tout ce quon faisait, ça continue en partie aujourdhui, 
        ce sont des trucs quon fait parce quon a envie de le faire, 
        donc cest invendable. Ne serait ce que par rapport à des 
        problèmes de fabrication, des problèmes de format, à 
        un moment donné tu as envie de faire du comics et puis tous les 
        libraires nous disent le comics ça ne nous intéresse pas. 
        Donc on sest confronté à tout ça, on a appris 
        des choses, on a mis un peu deau dans notre vin parce que maintenant 
        on sest mis à faire des livres album Bd , alors quau 
        début cest vraiment quelque chose qui ne nous intéressait 
        pas du tout. Ça évolue, à partir du moment où 
        on na pas de but précis de ce quon doit faire, on se 
        laisse plein de possibilités et même plein de possibilités 
        derreurs, quoi, on apprend beaucoup de choses au fur et à 
        mesure.  
         
        Vous sortez combien de titres en moyenne, par an ?  
        M.P. : Cest très aléatoire. Ça dépend 
        de largent quon a, des projets. On ne peut pas faire des livres 
        si quelquun na pas de livre. Pendant un an on na pas 
        fait grand chose parce que ni gros projet, ni argent. Sur 7 ans dactivité 
        éditoriale on a publié une trentaine de livres. Mais tu 
        vois, là on commence à se dire quon fait des livres 
        pour les vendre, un petit peu, pour essayer de rentrer en librairie. Mais 
        cest vrai quon commence juste, depuis quon a signé 
        un contrat avec Vertige Graphic, on se dit que vraiment on est
 
         
        Pierre Druilhe : 
        Cest déjà notre troisième diffuseur. 
        M.P. : Cest 
        quand même notre troisième diffuseur. Avant on avait une 
        diffusion autonome . 
        P.Dr. : 
        Cest vrai quon saperçoit que ça ne va 
        pas non plus tout seul. Les mecs, soit ils ne bossent pas, soit ils sen 
        foutent, quand on te prend 30 %, tu commence à
 
        M.P. 
        : Donc avec 
        Vertige on essaye dêtre un peu plus professionnels par rapport 
        à ça. Si on travaille avec un diffuseur il faut aussi accepter 
        quil ne puisse pas vendre tout et nimporte quoi. A un moment 
        donné on essaie de lui proposer des objets quil va pouvoir 
        vendre. 
        P.Dr. : 
        Cest pareil pour Ferraille, si on va faire une nouvelle formule, 
        cest parce quil faut recentrer les choses et essayer, mine 
        de rien, de vendre un peu plus. Ce nest pas simplement commercial, 
        cest une question de survie. 
        M.P : 
        Et en même temps on se laisse la liberté de faire des comics, 
        quon tire à 500 exemplaires, qui sont pensés invendables. 
        Mais cest important de les faire aussi, ce nest pas grave. 
        Mais quand on fait un album qui coûte 30 ou 40 000 balles, il faut 
        quon lécoule, sinon on se casse la gueule. Et Ferraille 
        cest pareil, si on ne trouve pas un moyen que ça se rentabilise 
        un minimum, ça va sarrêter. Donc il faut voir comment 
        entre ce que lon a envie de faire et comment le marché le 
        marché entre guillemets parce quon ne sait pas trop ce que 
        ça veut dire- comment on peut équilibrer ça. A côté 
        de ça on a des projets qui sont complètement à perte 
        et puis cest tant mieux.  
         
        Doù viennent les auteurs que vous publiez ? 
        M.P. : Géographiquement ? 
        Ils viennent de partout. Il ny a pas de règles, mais en général 
        cest des gens qui viennent du fanzine. Et puis, étant un 
        collectif, lessentiel cest de pouvoir faire ce quon 
        a envie de faire, de faire notre boulot, on nest pas éditeur, 
        dans le sens où il ny a aucun de nous qui est responsable 
        de lédition. On est tous en train de faire des livres, il 
        ny a pas un éditeur qui dit : il faut plutôt faire 
        ça, ça et ça. On discute de ce quon a envie 
        de faire et de ce quon peut faire. Après les gens qui sintéressent 
        à Ferraille, parce que cest notre principal moyen 
        davoir des contacts avec des auteurs et du lectorat, ce sont des 
        gens qui viennent de la culture underground, des gens qui lisent des fanzines, 
        qui en font, plus que le public de la bande dessinée, qui à 
        priori ne sintéresse pas à ça. 
         
         
        Nestce pas un statut complexe, dêtre à 
        la fois auteur et éditeur ?   
        M.P. : Cest être responsable. Cest un point 
        de vue de personne, dengagement, militant, on pourrait dire. Pour 
        nous un auteur nest pas uniquement quelquun qui reçoit 
        un coup de fil dun éditeur, qui signe un contrat, qui envoie 
        ses planches et qui touche ses droits dauteur un an après. 
        On na jamais fait la démarche daller essayer de publier 
        quoi que ce soit je ne sais pas ou. Pour nous cest quelque chose 
        de naturel. Et je crois que ça lest de plus en plus. Nous, 
        quand on a commencé à faire ça il y a une dizaine 
        dannées, cétait un peu "marginal ", des 
        structures comme lAssociation se montaient et disaient "nous on 
        ne va pas voir les éditeurs, on décide de faire notre truc. " 
        Aujourdhui, on rencontre de plus en plus de jeunes auteurs, qui 
        ont 22-23 ans, qui pensent comme ça. Cest à dire qui 
        ne pense pas de suite : je vais aller appeler Fluide Glacial 
        ou Dargaud pour publier mon bouquin, ils sen foutent. Dans leur 
        logique il y a une culture qui fait que pour eux la Bande dessinée 
        cest ça. On monte un fanzine, on contacte les labels indépendants, 
        on leur demande comment ça fonctionne, on sait quon nest 
        pas forcément payé, que ça demande de travailler 
        dêtre dans ce mouvement là et davoir une liberté 
        de création. Je ne pense pas que ce soit plus complexe ou plus 
        ambigu de fonctionner comme on fonctionne parce quà un moment 
        donné cest notre fonctionnement. On na pas le fonctionnement 
        dauteurs qui se disent : bon, on va publier un bouquin chez 
        Dargaud ou chez Casterman. Cest une question qui ne se pose pas. 
        Cest comme ça et cest passionnant de faire ça. 
        Cest aussi passionnant décrire un livre que de trouver 
        comment on va le fabriquer. 
        P.Dr. : 
        Lénergie quon met dans le boulot, on ne la met pas 
        dans comment vendre et puis comment mieux vendre, mettre en place des 
        stratégies
  
         
        Est-ce quon peut faire un bouquin juste pour se faire plaisir ? 
         P.Dr. : On commence 
        effectivement à se poser ce problème là. Cest 
        à dire : comment on va pouvoir continuer à survivre 
        . 
        M.P. 
        : On essaye 
        den être conscient. Si on propose à un auteur, un mec 
        de 20 ans qui a fait quelques planches dans des fanzines et qui est prêt 
        à faire un petit truc, on ne va pas lui proposer de faire un bouquin 
        qui coûte 30 000 balles, quil va falloir vendre à 2000 
        exemplaires. On lui dit : tiens, fais-nous une planche dans Ferraille, 
        essaie de voir, avance un peu. De publier dans un fanzine qui tire à 
        200 exemplaires en photocopie, puis dêtre dans Ferraille, 
        bon il a fait un pas, il sest adapté, il a avancé 
        un petit peu. Plus tard on lui dira : tiens, toi, tu dois peut-être 
        pouvoir commencer à faire un comics. Ce qui est intéressant 
        avec les labels indépendants, cest quon peut vraiment 
        sadapter à ce que sont les projets. Un éditeur, sil 
        ne vend pas au moins 3 ou 4000, pour lui ce nest même pas 
        pensable de le faire. Ils ne savent pas quoi en faire. Alors que nous, 
        les structures indépendantes, on sait comment faire un bouquin 
        qui va se vendre peut-être quà 300 ou 400 ex et qui 
        peut exister à 400 ex. Cest vachement important davoir 
        cette souplesse là aujourdhui.  
         
         
        Cela induit une précarité ? 
        M.P. : Non, au contraire.  
        P.Dr. : 
        Ben, si, du fait que lannée dernière on na pas 
        sorti de bouquins parce quon navait pas de pognon. 
        M.P. : Mais 
        je ne pense pas quon soit plus précaire que Dargaud, cest 
        une autre échelle. Etre souples, pour nous cest moins précaire, 
        parce que si on essayait de mettre en place des projets dits commerciaux, 
        qui doivent se vendre, là on serait dans une précarité 
        énorme. Il faudrait arriver à gérer des trucs qui 
        nous dépassent complètement. En fonctionnant comme ça 
        on se préserve. 
        P.Dr. : 
        On continue à avancer, peut-être pas rapidement, mais on 
        continue à produire. 
        M.P. : Ce 
        qui nous importe, cest de faire de la bande dessinée et de 
        trouver des supports pour montrer ce travail là en avançant 
        tranquillement. 
        P.Dr. : 
        Puis continuer à réfléchir sur le médium. 
        M.P. : Quand 
        on regarde le projet Ferraille, avec les faiblesses et les difficultés 
        quil a, je trouve que cest moins précaire quune 
        revue comme Bo Doï, qui a besoin de vendre du papier. On en 
        vend peut-être que 2000 exemplaires, mais en le faisant tous les 
        trois mois, tranquillement, trois ans après il est toujours là. 
        On nest pas en train de se dire tous les mois il faut boucler, il 
        faut trouver un auteur qui va vendre, une couverture qui va se vendre, 
        ça je trouve que cest une précarité énorme. 
          
         
        Comment voyez-vous le travail des gros éditeurs ? 
        M.P. : Comme des gens qui vendent 
        du papier. Cest un autre métier, je crois. Nous, on ne fait 
        pas ce métier là, dans le sens ou on na pas de projets 
        commerciaux. Je crois que ce qui différencie aujourdhui ce 
        quon appelle un " gros " éditeur un éditeur, 
        tout simplement- des structures comme nous, cest que les éditeurs 
        sont des professionnels de lédition, alors que nous on nest 
        pas des professionnels de lédition, on est des gens qui ont 
        envie de faire des livres à un moment donné, qui essayons 
        de nous adapter à ce quon appelle le marché et puis 
        si ça marche pas, cest pas grave, on ne risque pas très 
        gros. On nessaie pas dêtre dans toutes les Fnacs. On 
        nessaie pas de gagner de largent avec ça. On nest 
        pas commerçant. 
         
         Vous considérez plus comme des artisans ? 
         M.P. : Comme des artistes. 
        Tu sais, à un moment donné un peintre il est dans son atelier, 
        il fait une peinture et il ne se pose pas la question du marché 
        ni de quoi que ce soit. Il fait une peinture. Après sil veut 
        effectivement le montrer, soit il va voir des galeries, soit il organise 
        sont expo et puis voilà. Je crois quon est comme ça. 
         
        P.Dr. : 
        On évolue aussi.  
         
        Artisan dans le sens où on fait des objets pour quils circulent
 
         M.P. : Non, mais cest 
        pas péjoratif artisan, mais artisan cest quand même 
        quelquun qui est dans un métier, qui est de fabriquer des 
        choses et de les vendre. Pour nous
 Mais en même temps cest 
        ce qui a fait chier jusquà maintenant. On ne sest pas 
        du tout préoccupé du problème commercial.  
        P.Dr. : 
        Et là on commence à se les poser. Mais on trouvera des solutions. 
        M.P. 
        : Petit 
        à petit. Cest vrai que ces questions, heureusement quon 
        ne se les ai pas posées plus tôt parce quon naurait 
        jamais fait ça.  
        P.Dr. : 
        Quand on a lancé Ferraille, ce nétait pas dans 
        lidée, tiens, tu vois, on va se faire des couilles en or. 
        Cétait simplement : on va faire un truc, bon, on va 
        forcément arriver à trouver à rentabiliser le truc. 
        On sest aperçu que le kiosque est vraiment un endroit particulier. 
        Est quon est à notre place là bas, on ne sait pas. 
        Mais en tout cas, cest vraiment en dessous de ce quon espérait. 
        Mais si on avait calculé toutes ces choses là avant de démarrer
 
        Le mec aux MNPP nous disaient : mais arrêtez, vous êtes 
        fous, cest même pas la peine de lancer le truc, parce que 
        lui il connaît vraiment tous les problèmes. Bon, ça 
        ne nous a pas empêché de faire Ferraille et puis de 
        travailler sur la Bd. 
         
        Parmi les éditeurs indépendants, vous êtes  
        les rares qui vous êtes lancé dans laventure de publier 
        une revue en kiosque. Pourquoi ?  
        M.P. : Ce nétait pas une volonté dêtre 
        en kiosque, on avait un projet qui avait sa place en kiosque, tout simplement. 
        Je pense quune revue comme Lapin, tel que cest fait, 
        cest une revue, alors que nous on était plutôt den 
        lidée du journal magazine. Lapin a vraiment sa place 
        dans les libraires. Ferraille cest invendable en librairie. 
        Nous on travaillait plutôt sur cet univers de Monsieur Pabo, genre 
        le Journal de Mickey, cétait inspiré des hebdos BD 
        "populaires " des années 50-60. On avait envie de travailler 
        sur cette culture là, de la détourner, et que ça 
        se diffuse vraiment. Et puis un moment donné, nous on était 
        un petit réseau de 500 ou 1000 bouquins, on avait envie dun 
        projet collectif qui nous rassemble et qui se diffuse un peu mieux. On 
        sest dit on va faire Ferraille et on pense que cest 
        en kiosque quil faut le mettre. Cest tout. En plus quand on 
        a lancé le truc, Jade en même temps se disait : 
        nous on pense que Jade ça pourrait aussi être en kiosque. 
        Et après il y a eu les gens dOrganic qui ont dit : nous 
        on pense quaussi. Et puis il y a eu Ogoun. Cest un 
        moment où des gens ont lancé des projets, intéressants 
        ou pas intéressants on nen sait rien. Je pense que ça 
        dépend réellement de ce que sont les projets. On a absolument 
        pas réfléchit est ce quil faut que ce soit en kiosque. 
        Et comme Lapin na pas réfléchi est ce quil 
        faut que ce soit en kiosque ou pas. Cest clair que cette revue là 
        ne devait pas aller en kiosque. Cest encore une fois la chance qui 
        fait les bonnes occasions. Parce que si on sétait dit il 
        faut quon face une revue en kiosque on aurait fait Fluide Glacial 
        bis, ou je ne sais pas quoi, mais on naurait pas fait Ferraille. 
          
         
        Vos références à la Bd populaire sont très 
        marquées. Vous avez une approche nostalgique ? 
        M.P. : Non, ça fait partie 
        dune culture proche.P.Dr. : 
        Cest notre univers en fait. Quand tu demande à chacun ce 
        quil a lu je sais que Marc et Guillaume lisaient plutôt 
        Spirou, moi je lisais plutôt des conneries comme Pif Gadget 
        et les pockets Arédit, des copains me passaient des trucs, ça 
        me faisait triper à fond. Zembla, des conneries comme ça, 
        mais cest vrai quon a tous ce fond commun, qui ressort de 
        cette façon. Parce que pour nous, lidée cétait 
        de faire un truc marrant avec notre culture.M.P. 
        : Cest 
        juste une façon de ne pas nier non plus des choses qui nous ont 
        marquées. 
        P.Dr. : 
        Quand tu regarde Ferraille, est ce que pour toi tu nas pas 
        limpression que cest parodique ? Comment tu ressens Ferraille 
        au niveau de lunivers, des dédales intérieurs, même 
        sil y a toujours des références.  
         
         
        On y sent plus une ligne éditoriale marquée que dans vos 
        bouquins, qui marchent plus par coup de cur. 
        M.P. : Ferraille, on a mis 
        trois ans à monter le projet. Cest un truc qui a été 
        très long, parce quon navait pas envie de faire un 
        magazine de bande dessinée. Cest vrai que quand on se retrouvait 
        pour parler de Bd, lautre il arrive avec ses 3 Stranges, tiens et 
        machin il a fait ceci, il se souvient de Pif, Cétait 
        ça qui nous réunissait. Bernard Katou développait 
        des trucs genre série américaine des années50-60. 
        Chaque fois on a trouvé notre place par rapport à ça. 
        Donc on a dit : le projet, on va prendre Monsieur Pabo , comment 
        on peut se foutre ensemble sur ces personnages là et se les approprier, 
        se les échanger. Cest ça qui nous a en fait réunis 
        dans le journal. On navait pas envie de faire un journal où 
        chacun arrive avec ses planches et puis on met tout ça dans un 
        journal, on appelle ça je ne sais comment et puis on essaie de 
        le vendre. Maintenant, après trois ans dexistence du journal, 
        on a envie de louvrir. On a tellement travaillé sur ça 
        quun moment donné on a limpression que ça peut 
        tourner en rond. On sest beaucoup amusé au début à 
        le faire, maintenant il faut quon fasse rentrer plus de nouvelles 
        personnes, des graphismes complètement différents, des histoires 
        qui racontent autre chose, des essais narratifs autres et quon le 
        brasse plus. On est trop dans lunivers Monsieur Pabo et au 
        retour ça peut devenir vachement schizophrénique : 
        nous même sur notre univers et des gens qui ne sont pas forcément 
        dans cet univers là pourraient y rentrer mais on ne leur donne 
        pas forcément la porte dentrée 
         
        P.Dr. 
        : Je suis 
        daccord, le point de départ cétait ça, 
        on apporte un univers que chacun peut interpréter si tu lui file 
        un personnage, je trouve que cétait relativement intéressant. 
        M.P. 
        : Cétait 
        intéressant et il faut le continuer. Ça a bien évolué. 
        Mais je sens la nécessité de faire un peu dautres 
        trucs. 
         
        Est-ce que publier aujourdhui un journal avec des feuilletons à 
        suivre ce nest pas une utopie ? 
         M.P. : Je pense que cest 
        même un peu stupide de faire ça. Mais en même temps 
        on parle encore une fois de culture populaire, de cette basse culture. 
        Quand on a construit Ferraille, il y avait vraiment des choses 
        qui étaient en récit court, Monsieur Pabo personnage 
        central et il y avait vraiment des choses comme le travail de G. Marty, 
        plutôt roman photo, Katou, qui étaient des projets à 
        suivre. Et en même temps on a essayé de voir comment ça 
        pouvait être à suivre et ne pas lêtre. Comment 
        on faisait du faux truc à suivre. Il faut raconter quelque chose 
        en 2 pages. Il y a des choses qui se sont passées avant et qui 
        vont se passer après mais en deux pages il faut que quelque chose 
        soit raconté. Et je pense quil y a des choses quon 
        peut lire sans connaître les épisodes précédents. 
        Mais il y a des choses sur lesquelles on sest fait un peu piéger 
        ou plaisir, plutôt. Là cest vraiment des choses à 
        suivre. Carite par exemple, lui il en avait vraiment envie, il navait 
        jamais fait ça.  
        P.Dr. : 
        Parce que ce fond commun, même si on ne comprenait pas trop quand 
        on était enfants comment ça fonctionnait, quand tu le fais, 
        tu te rends compte que cétait du à des contraintes 
        commerciales, parce que cétait hebdomadaire et ce donnait 
        une forme qui était des trucs à suivre. Quand tu te confronte 
        à ça tu le comprends, alors queffectivement on aurait 
        pu prendre des cours à la Fac, " comment il fait la Bd ", 
        on aurait expliqué tout ça. 
        M.P. 
        : Léconomie 
        de la Bande dessinée dans les années 40. ( rires) 
        P.Dr. : 
        Pourquoi on faisait ça, pourquoi ça prenait telle forme, 
        quand tu le fais, tu comprends.   
         
        Votre identité est fortement liée à Ferraille. 
         M.P. : Ceci dit, cest 
        pas nos références principales. A côté on fait 
        dautres choses. Ce sont des références quon 
        a et on a décidé de travailler là dessus à 
        un moment donné. Et après on peut faire dautres livres, 
        dautres choses. Chez dautres éditeurs ou dautres 
        labels et puis voilà. Mais bon, on trouvait intéressante 
        et fort davoir une ligne éditoriale, nous qui nen avons 
        jamais eu. On sest dit : si on fait une revue, cest vraiment 
        pour avoir une ligne éditoriale. Pas pour faire un fanzine amélioré 
        ou chacun fait un peu ce quil veut. Ferraille cest 
        un projet sur lequel on sest vraiment trituré la tête 
        en se demandant comment on fait un journal. Et ça on y tient. Je 
        crois que si aujourdhui il ny a plus de Bande dessinée 
        en kiosque cest parce quil ny a pas de projets éditoriaux. 
        Le seul quil y ait aujourdhui et qui fonctionne, cest 
        Fluide Glacial. Gotlib a eu une idée dans sa vie, il a fait 
        ce journal au bon moment. 
        P.Dr. : 
        Et ce quil y a de dramatique, cest quun journal comme 
        ça nait pas les couilles, de sortir à côté 
        deux à trois autres revues qui puisse expérimenter des choses. 
        M.P. : Que 
        Fluide Glacial existe, cest bien. Mais cest dommage quil 
        ny ait pas des gens qui osent dautres choses, parce que je 
        pense quen 1999 il y a dautres projets éditoriaux qui 
        peuvent naître. Des gens comme Lassociation, qui ont plus 
        des références littéraires et je pense que cest 
        possible quil y ait une revue qui sorte en kiosque qui travaille 
        là dessus, par exemple. Il suffit davoir un projet éditorial 
        pour être présent en kiosque. Nous on se bat un petit peu 
        là dessus, notamment avec le CNL qui nous dit Ferraille, 
        ça na rien à faire en kiosque. Si ça a quelque 
        chose à faire en kiosque, lennui cest quon est 
        un peu tout seuls. Sil y avait dautres initiatives comme ça, 
        les gens reprendraient lhabitude de venir en kiosque. Pourquoi les 
        gens ne vont plus lire de la Bd de kiosque ? Parce quil ny 
        a plus rien de vraiment intéressant. Ce que tu voyais en kiosque 
        cétait des choses que tu pouvais acheter dans les librairies. 
        A un moment donné, ça ne sert à rien. Tu vas en kiosque 
        parce que tu peux trouver quelque chose que tu ne trouves pas ailleurs. 
        Un moment donné il y avait des éditions A Suivre, cétait 
        des bouquins découpés dans une revue. Ça, en soit, 
        ça na aucun intérêt. Une revue comme Lapin 
        cest intéressant parce que cest une revue qui est un 
        projet autre que les livres quils font. Tu as 150 pages de Bande 
        dessinée dans cette revue, et pas ailleurs. Cest un projet 
        éditorial.  
         
        On pourrait penser quun projet éditorial comme Ferrailles 
        trouve assez facilement son public en kiosque. Quest ce quil 
        en est ?  
        M.P. : Il en est que ça ne marche pas du tout. Et pour 
        plusieurs raisons. Encore une fois, nous on a travaillé sur cette 
        culture de la bande dessinée de gare mais on a travaillé 
        sur le fond et sur la forme. Et apparemment, ni lun ni lautre, 
        aujourdhui nintéressent les gens. Déjà 
        sur le fond, le public Bd ne sintéresse pas beaucoup à 
        ça. Et sur la forme, en kiosque, les gens ont lhabitude dacheter 
        des revues bien faites, plutôt de luxe. Arriver avec du papier journal, 
        un format un peu plus petit que les standards, avec de la Bd en couverture, 
        on a tout faux, sur la forme. Cétait peut-être super 
        bien il y a 30 ou 40 ans mais aujourdhui ça ne correspond 
        plus à rien, donc on na absolument pas trouvé le public 
        de Ferraille. On en vend en moyenne entre 2 et 3000 exemplaires 
        par trimestre, ce qui est vraiment très peu. En tout cas qui ne 
        suffit pas à ce que la revue existe vraiment, au moins quelle 
        se rentabilise. Donc il faut quon continue à travailler. 
        Cest pour ça quon va lancer une nouvelle formule. Quon 
        continue à réfléchir là dessus. Pour avoir 
        ce même esprit, de changer un petit peu la forme et le fond, dessayer 
        davancer, avoir des choses différentes, des choses beaucoup 
        plus surprenantes, que les numéros se renouvellent plus souvent, 
        et puis sur le type de papier, sur les couvertures, avancer là 
        dessus. 
        P.Dr. 
        : Le kiosque 
        cest vraiment un lieu particulier, qui a ses règles et puis 
        qui fonctionne comme ça, on ne peut pas aller contre, de toute 
        façon. On saperçoit que tu as beau proposer nimporte 
        quoi, si tu ne rentre pas dans le truc, ça ne marche pas, de toute 
        façon. Après, pourquoi, cest plutôt de la sociologie
 
         
         
        A côté de Ferraille, vous avez une politique de collection 
        qui est assez déconcertante
 (Rires) Les collections se multiplient 
        très vites, elles se remplacent, elles disparaissent. Vous avez 
        autant de collections que lAssociation, par exemple. 
         
        M.P. : Ouais, lAssociation ils ont la nécessité 
        de faire des livres importants, qui vont rester dans lhistoire de 
        la bande dessinée (rires) nous on sen fout. Un livre cest 
        là, cest nul, cest raté. Ce qui est important 
        cest quà un moment on a besoin de le faire. 
        P.Dr. : Il 
        faut le sortir et on pense déjà au prochain. 
        M.P. : Nous 
        on ne fait pas des collections pour faire des collections. A un moment 
        donné, un mec arrive avec un projet, on va se dire ouais, cest 
        super ton projet, on va faire une collection de Bd. Et puis il y a des 
        collections qui sont intéressantes, qui motivent dautres 
        personnes. Par exemple la collection Carrément, la première 
        collection quon a faite, ça aurait pu sarrêter 
        au bout de 2 titres, mais il se trouve que cest une collection quon 
        a faite à peu près bien et ça a motivé des 
        auteurs, donc on a continué. Mais nous comme on na pas de 
        projets éditoriaux en tant quéditeurs, sil ny 
        a pas de projets dans une collection on ne va pas la continuer. On sen 
        fout. Et un jour Katou a eu envie de faire du comix, Moulinex aussi, Pierre 
        avait des trucs aussi, voilà.  
         
        Le prix de vos ouvrages est modique. Vous êtes les moins chers chez 
        les indépendants. Cest un choix ? 
        M.P. : Ouais. Encore une fois on na 
        pas la volonté de faire des livres qui vont rester dans les bibliothèques 
        pendant des siècles, donc on sest dit : moins cest 
        cher, plus ça peut tourner vite, les gens se débarrassent 
        des livres ou les font circuler. Il y a aussi le fait quon na 
        jamais travaillé vraiment avec des auteurs à part aujourdhui 
        sur le livre de Willem. Tous les gens avec qui on a travaillé sont 
        complètement inconnus, cest difficile de vendre cher un livre 
        de quelquun qui est peu connu. Et on sest dit : plus 
        on fait des livres qui ne sont pas chers, plus ils sont accessibles et 
        plus les gens peuvent prendre le risque de découvrir des auteurs. 
         
        P.Dr. : Ouais, 
        mais on saperçoit aussi de la limite du truc, cest 
        que les gens qui sintéressent à la Bd dépensent 
        quand même de largent, si ça leur plaît. Jai 
        même entendu des gens qui me disaient, alors quon était 
        à 14,50F. : "cest trop cher ". Je préfère 
        quils me disent : ça ne mintéresse pas. 
        M.P. 
        : Mais cest 
        vrai quon sest trompé aussi par rapport à ça. 
        Je pense queffectivement, les gens qui sintéressent 
        à ça, quils mettent 30 balles ou 14 dans Ferraille, 
        pour eux ça ne change pas grand chose, ça les intéresse 
        de toute façon. On aurait pu faire les livres plus cher. 
        P.Dr. : 
        Parce que de toute façon on nest plus dans la culture du 
        kiosque, de la Bd bon marché. 
         
         Est-ce que cette démarche est-elle viable ? 
        Par exemple votre collection Carrément, 100 pages avec dos carré 
        à 25 F, est ce que ce nest pas suicidaire ? A lépoque 
        cétait amorti par des gros tirages. 
         M.P. : Dans notre fonctionnement, 
        on a des livres qui en librairie et dautres qui ne le sont pas réellement. 
        Il y a des gens qui nous achètent des bouquins par correspondance, 
        en les commandant à partir de Ferraille. Les gens qui achètent 
        par correspondance, ils achètent les petits livres, les comics. 
        Les livres quon cible plutôt librairie, la collection Ferraille, 
        le Willem, ce sont des livres qui ne vont pas se vendre par correspondance. 
        En librairie il y a la marge diffuseur, forcément ce sont des livres 
        plus chers, qui ont une économie plus lourde. 
        P.Dr. : 
        Mais cest vrai que le problème est aussi là : 
        tu fais des livres pas cher, en petit tirage en plus, le libraire, quelle 
        va être sa marge sur un truc à 25 balles. Le diffuseur te 
        prend 60 %, il garde un truc pour lui, il reverse 30 % au libraire, 30 
        % sur 25 balles, le mec
 
        M.P. : Il 
        y a des livres qui rentrent dans une économie de la librairie classique 
        et puis dautres non, qui sont plus pour la V.P.C. Tu vois pour nous 
        de vendre un livre 40 balles en librairie ça revient au même 
        que de vendre un livre 25 balles directement. Cest un peu comme 
        ça quon voit le truc. De toute façon ces livres là, 
        les Carrés, les comics ne trouvent pas leur public en librairie. 
        Simplement les gens qui sintéressent à la Bd nachètent 
        pas ça. 
         
         Le problème qui se pose cest comment 
        toucher un public populaire ? Cest la même difficulté 
        qua eu Pouy avec Le Poulpe, il na pas réussi 
        à toucher les banlieues
 
         P.Dr. : Quest 
        ce quils font dans les banlieues ? Les mecs ils sont leur Playstation, 
        ils regardent des vidéos, ils regardent la télé. 
        Ils sen foutent de lire de la Bd
 
        M.P. : Je 
        crois quaujourdhui la culture populaire ne passe plus par 
        le papier. Dans notre démarche on na pas la volonté 
        dêtre populaire dans le sens que tout le monde nous lise. 
        Quand on fait un livre à 1000 exemplaires on sait bien que ça 
        ne va pas toucher 60 millions de personnes, mais cest vrai quon 
        avait envie, que le public qui lit des Bd, je ne sais pas qui cest, 
        mais les gens qui sintéresseraient déjà à 
        la Bande dessinée, sintéresserait à des choses 
        curieuses, dont le graphisme leur paraît un peu plus difficile, 
        dont ils ne connaissent pas les auteurs. Donc, on sest dit : 
        moins cest cher et plus ils peuvent prendre le risque dacheter 
        un bouquin. Par exemple, tu découvre Vanoli ou Bouzard ou Druihle 
        et tu te dis : bon, je peux bien mettre 20 balles là dedans, 
        mais peut être que je ne vais pas mettre 80 francs. Cétait 
        cette idée là. Mais, bon, ça ne marche pas non plus 
        de toute façon. Mais on aime bien cette idée. Pour nous 
        un comics, cest bon marché. Je trouve bien que ce soit à 
        24 francs.  
         
         Economiquement, comment fonctionnez-vous ? 
        M.P. : Tout ce qui est de lactivité 
        éditoriale est à perte. On na jamais gagné 
        dargent sur les livres ni sur Ferraille. On na même 
        jamais réussi à équilibrer le tirage, on na 
        jamais pu payer les imprimeurs avec les ventes. Bon, ce quon fait 
        cest quon développe des choses à côté 
        qui ramènent de largent et qui permettent de payer les tirages. 
        On fait beaucoup de travaux de publicité, de graphisme, des affiches 
        pour des centres culturels, des choses comme ça. Et puis on a développé 
        un travail sur les expos de bande dessinée. Là on a réussi 
        à faire des créations dexpos qui ont rapporté 
        un peu dargent, on essaye de demander quelques subventions. Cest 
        difficile et plus aléatoire, mais il y a des choses qui comment 
        à fonctionner, notamment en ce qui concerne lancrage local 
        quon peut avoir sur Albi et sur le département du Tarn. On 
        a mené des actions de programmation dauteurs, il y a le travail 
        sur le festival, où on a pu avoir largent pour fonctionner. 
        En tout cas ça ne nous coûte pas dargent, ça 
        paye le local, les frais de téléphone et tout ça. 
        On arrive à payer ça avec les subventions. Sinon, tous les 
        livres sont déficitaires, tous les gens ne sont pas payés. 
        Pour Ferraille tous les trois mois il faut quon trouve au 
        minimum 15000 F. de déficit de notre poche. Voilà. 
         
        Comment avez-vous vécu le refus de la commission paritaire pour 
        Ferraille ? 
         M.P. : On la vécu 
        mal, tout dabord. Ce qui est difficile, cest que pour nous, 
        cest très abstrait ça cette histoire de commission 
        paritaire. 
        P.DR. : On 
        sest surtout aperçu que cest une histoire de corporation 
        de journalistes qui bloque tout. 
        M.P. : On 
        na pas pu se battre contre quelque chose ou quelquun. Quand 
        on a eu ce problème là, on a essayé davertir 
        la presse. Tout le monde sen foutait royalement. On sest retrouvé 
        tout seuls. 
        P.Dr. : Le 
        truc drôle, un mec nous a dit ça : lui, il était 
        journaliste, il nous a dit : "bon, jexplique comment ça 
        se passe, mais je ne peux rien faire parce que si je fais un article, 
        je me fous contre la profession. " Donc effectivement, tu as deux 
        ou trois trucs qui sont passés, mais le problème de fond 
        de la commission paritaire, cest
 
        M.P. : Se 
        battre contre rien, cest vachement difficile. 
        P.DR. 
        : Cest 
        une loi qui est passé après guerre pour empêcher des 
        dérives néo nazies, et en fin de compte ça abouti 
        à une corporation qui est là et qui oblige un journal de 
        Bd à avoir
 
        M.P. 
        : Il ne 
        faut pas dire néonazi ? Cest pour la liberté 
        de la presse, à la fin de la guerre, quils ont mis en place 
        le truc, pour quil y ait des tarifs postaux, une T.V.A. moins chère. 
        P.Dr. : 
        Oui, mais tu avais aussi un cabinet de censure. 
        M.P. : Ah, 
        non, la commission paritaire cest pas du tout une commission de 
        censure, cest justement un comité qui a été 
        mis en place pour que les journaux aient moins de frais postaux. Mais 
        ils ont mis une commission en place pour décider de qui était 
        un journal et qui nétait pas un journal. Pour que justement, 
        les gratuits, ou les journaux qui nétaient pas des projets 
        dexpression ne rentrent pas là dedans. Il y a eu des problèmes 
        de censure mais pas avec la commission paritaire, avec dautres organismes. 
        La commission paritaire cest juste pour définir quest 
        ce qui est un journal, quest ce qui ne lest pas. Pour savoir 
        si justement tu peux bénéficier du régime spécifique 
        lié aux périodiques. Bon, certainement aujourdhui 
        cest devenu une forme de censure, soft, mais cest parce que 
        cest une censure économique en fait. Dire Lapin cest 
        pas une revue, ça paraît tellement stupide, justement, cest 
        archaïque aujourdhui ce système là, la définition 
        de ce qui est une revue et de ce qui ne lest pas. 
        P.Dr. 
        : Je veux 
        dire quaprès la guerre, tous les journaux qui sont tombés 
        parce quils avaient collaborés, il a fallu quils changent 
        de noms. 
        M.P. : Oui, 
        mais ce nest pas la commission paritaire qui a défini ça. 
         
        P.DR. : Je 
        sais que La dépêche du midi est un des rares en Midi Pyrénées 
        à pouvoir garder son nom, parce quils navaient pas 
        collaborés. 
        M.P. : Bien 
        sûr quelle a collaborée, la Dépêche. 
        Ils ont été empêchés après la guerre. 
        Le problème qui sest passé avec la diffusion pendant 
        la guerre cest que cétait Hachette qui contrôlait 
        la diffusion, qui avait collaboré. Donc après la guerre 
        ils ont dit : on t retire la distribution à Hachette, on crée 
        les MNPP , mais sauf que cest eux qui avaient le réseau, 
        donc cest Hachette qui sétait remis à contrôler 
        les MNPP parce que cest eux qui avaient le réseau, ils étaient 
        incapables de faire de la diffusion . Mais bon, la commission paritaire, 
        nous, le souci quon a avec ça, cest quon ne sait 
        pas ce que cest réellement. On reçoit des courriers 
        administratifs, on ne peut pas dire on va devant la commission défendre 
        le projet, leur expliquer ce que cest. Et le fait que les médias 
        ne nous aient pas du tout défendus, cétait bien : 
        "ah, le truc dAlbi, le journal qui se vend à 3000 exemplaires... " 
        De notre côté ; on continue à essayer dobtenir 
        cette commission tant bien que mal, parce que ça nous aiderait. 
         
         Est-ce que ce problème nest pas 
        général aujourdhui ? Dans le sens où, 
        quant on essaie de monter un projet personnel, qui doit circuler, on ne 
        sait pas comment se confronter ou comment ladapter au monde environnant. 
         M.P. : Je crois que les 
        forces de censure aujourdhui sont indirectes. Cest à 
        dire quil ny a plus une commission il y en a encore- 
        qui déciderait de ce qui est publiable et de ce qui ne lest 
        pas. On peut publier, nous on na jamais eu des problèmes 
        de censure ou dinterdiction, tu vois, mais par contre on a des difficultés 
        à exister. Le fonctionnement des MNPP est déjà une 
        censure économique, tu vois. Cest clair que si tu narrives 
        pas avec quelques millions de francs pour défendre ton projet, 
        tu es écrasé. Lhistoire de la commission paritaire, 
        cest pareil. Ça ne nous interdit pas dexister de ne 
        pas avoir la commission paritaire, mais ça amène des difficultés 
        économiques tellement importantes que du coup tu es asphyxié. 
        P.Dr. : Ensuite 
        parfois tu apprends que ce serait peut-être la Poste qui ferait 
        pression pour quil y ait de moins en moins de titres qui soient 
        à ce régime là, pour faire des économies. 
        On ne le sait même pas si on gêne. On est tellement quantité 
        négligeable
 
        M.P. : Par 
        exemple on a fait les démarches aux MNPP pour savoir si on pouvait 
        être diffusé en Belgique, en Suisse, au Canada. Ils ont montré 
        le titre mais apparemment ils nont pas de diffuseurs qui veulent 
        diffuser ça. 
        P.Dr. : Alors 
        on ne sait pas. Il y a qui vont nous dire que cest du au contenu 
        parce que cest pas correct, après il y en a dautres 
        qui vont de dire que cest peut-être lié au fait que 
        tu ne tire pas assez, le mec est pas sûr de pouvoir le vendre, donc 
        il ne prend pas de risques. 
        M.P. 
        : On ne 
        sait pas comment bosser on demande : quest ce qui vous faudrait, 
        quels tirages seraient adaptés ? Bon, on ne sait pas mais 
        ce nest pas la peine, cest pas intéressant.  
         
         
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