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JadeWeb chroniques #1 /
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GENERATION ALDI
fat is action (Payola/ Import)


L’activité neurale n’est pas le principal souci du style house, les référents qualitatifs qu’on attribue généralement au terme house : primesautier, spontané, joyeux trouvent ici un héraut de choix en la personne de Payola, label allemand, qu’on assimile volontiers aux label/distributeurs frère de sang Hausmusik et Klankrieg.
Ces derniers ont secondé la démarche artistique de sympathiques éléments agitateurs et perturbateurs, que se soit Village Of Savoonga, Tied & tickled trio ou Console. Pas d’œillère, donc, mais un sens affiné du beau, quelque soit la forme qu’il revête.
On se trouve une tolérance insoupçonnée pour ces sonorités, qui véhiculent un je-ne-sais-quoi d’ardeur.
Pas d’inquiétude à l’écoute de Génération Aldi, sorte d’électro mâtinée de House décomplexée qui développe des thèmes cher à International Gigolo, label de DJ Hell. Une rythmique syncopée, tonitruante, porteuse de joie et de lumbago redouté mais probable, mais qui éveille immanquablement nos sens à la fête.
Pas de prise de tête, de calcul marketing (il suffit de goûter au titre des morceaux pour voir le sérieux de l’affaire).
Une panoplie de titres honteusement dansants (hong kong discodancer, Bratislover, etc.) narratif d’histoires courtes et amusées. Cet univers, bien que factice et artificiel, rallie notre comportement à une transe binaire et joviale. Un très bon exercice de style pour l’été.

JJ.

 
       
   

ENCRE
S/T (Clapping Music/Chronowax)

Encre a la beauté surannée d’une fleur fanée. Il insuffle un peu d’amertume à la scène indépendante française. Aussi sobre et taciturne qu’un album de Smog ou Migala, aussi tranchant et avare en démonstrations qu’un Programme, ou un Dominique A, sacrifiant aux collages électroniques savants et à un habillage symphonique délétère ; L’atmosphère est pesante. Tambour a le souffle court, il murmure, une expiation désœuvrée, ou l’insufflation sourde d’une nuit d’hiver. La musique, en écho fraternel, décline cette même réalité âpre, comme pour enfoncer définitivement le clou, un dépit de la vie.
Une réalité qui pour autant nous caresse, effleure nos rêves, notre inclinaison naturelle à la mélancolie et réchauffe notre échine de fébriles appels à la vie. Le caractère doux et souple des arrangements et collages vient en contrepoint souligner l’aspect rectiligne et rêches des paroles.
Yann Tambour altère un peu de notre quotidien, trouble notre perception en livrant une vue désenchantée du monde (chacun des morceaux s’annonçant comme une déclinaison d’un même sentiment). Sans doute très personnel, l’album n’en demeure pas moins universel dans ses attentes.
Cet album est un havre feutré pour qui recherche l’isolement - mélodies discrètes du dedans -, animosité contrôlée des textes qui viennent heurter une musique sans complaisance, plainte vide d’attente, de désir sans compassion. Du cynisme désintéressé où le bonheur (qui rend la création stérile et fluette) est absent. Espérons pour nous qu’il ne le trouve pas tout de suite.

JJ.

 
       
   

Ekkehard Ehlers/ Stephan Mathieu
Brombon 02 : Heroin (Staalplaat/metamkine)

Staalplaat est la structure motrice, puissante et véloce, qui tire avec ardeur et célérité la création européenne (musique expérimentale et improvisée) vers des sommets insoupçonnés. La dithyrambe n’est pas gratuite, elle vient juste souligner un engagement et une sincérité totale pour la musique, deux valeurs uniques.
On aura plaisir à enjoindre notre structure adorée qui s’est offert pour l’occasion un vieux rêve, mettre à disposition un studio d’enregistrement complet (à Extrapool) et convier des artistes (dans un laps de temps déterminé) à s’adonner à des projets, que le temps et l’argent n’ont alors, pu rendre possible.
Alors même que Main et Antenna Farm ont déjà essuyé les plâtres (des contingences extérieures ont retardé la sortie de l’album). C’est donc à Stephan Mathieu et Ekkehard Ehlres d’ouvrir le bal, Stephan Mathieu, ancien batteur de Stol a trouvé dans le laptop une source d’agrément substantielle (après un album sur Orthlong Musork, label de San Francisco), des collaborations avec Monster of Ceremony, Kid Clayton, sous le nom de The Moniker Full Swing) et un autre sur Ritornell (Wurmloch Variationem) Fallt.
Ekkehard, alias Auch (Mille Plateaux) ou Atopoieses en duo, est une émanation de divagations laptopienne, où les microglitch dissèquent l’espace et son corollaire le silence. Un travail soigneux qui s’accommode volontiers avec les goûts ouverts de l’auteur (il prépare des versions de compositions d’Albert Ayler), preuve de bon goût s’il en est. Un album Heroin qui souhaite souligner l’addiction que ces musiciens vouent à la pop musique grand public (386 DMX) où les guitares et le mélodica viennent faire la gigue avec les plug-in et les software. Une musique qui trimballe.
À souligner le soin artistique dont se pare le CD, petit œuvre d’art en soi, dont Staalplaat fait son pain quotidien et donc un peu le nôtre.

JJ.

 
   
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All Natural
Second Nature (Thrill Jockey/PIAS)

All Natural est un très bon album de rap Old School (à comprendre traditionnel : flow lent, petite mélodie réitérative au synthé et beat mid tempo). Rien de nouveau sous le soleil, me direz-vous. Non, si ce n’est que le dit album sort sur le label Thrill Jockey, forteresse inviolable des groupes à guitares et mélodies dissonantes et de l’électronica débridée et lucide. Un petit séisme au pays du post-rock ?
Évidemment, l’anti-conventionnalisme de cette signature met le feu médiatique sur les All Natural, vieux de la vieille dont le savoir faire a laissé de jolies marques, notamment sur the stick-up, thing again
Ce premier manifeste hip hop orchestré par le label de Chicago est fantastique… l’album fourrage allègrement dans les fondements d’un hip hop malin, proche dans ses vues de Fatbeats records.
On y trouve des rixes chaudes et sans animosités, des joutes linguales et stylistiques dans une pure tradition est-coast ; en fait tous les ingrédients à même de définir le rap (à un non initié) sont ici présents mais dans un dosage savant qui évite la redite des pairs ou la caricature, avec en supplément une dose substantielle de second degré (du moins le soupçonne-t-on) qui achèvera de convertir les plus sceptiques.
Un hip-hop subversif et torride, chaleureux, également où les scratchs (inflexibles) donnent la charge à des lyrics insoumis.
Tone (B. Nimble) et Capitol D, en plus du groupe, dirigent le label homonyme All Natural Inc, où ils revendiquent d’ailleurs un anti-conformisme affiché (prises de position économiques et artistiques). Un album qui ouvre une brèche dans le clivage des genres et qui sera des plus salutaires (du moins, on l’espère) aux addicts de la Chicagoan’s connection.
JJ.

 
       
   

Andrew Coleman
Everything was beautiful & nothing hurt
(Thrill Jockey/PIAS)

Après avoir œuvré deux albums durant et une pléthore de maxis plus tard au culte du rythme (drill n’bass pour être précis) Andrew Coleman, personnage atypique et coéquipier du vaisseau Animal on Wheels sort ici un album de mélodies compactes aux contours paysagers où les compositions caressent l’œil et bercent l’oreille.
On aurait, pour tout dire, presque envie de forcer l’optimisme naturel qui nous gouverne et d’en faire un acteur privilégié de l’écoute tant cet album semble être une invitation au plaisir des sens, (du moins d’après ce que nous promet le titre) même si on se doute que la formule est une gentille allégorie sur l’absence ou la dissolution des rythmes dans la mélodie (Nothing hurt)
Rien de contondant, rien pour blesser… L’harmonie des morceaux rappelant à certains une étape du processus de fabrication d’Animal On Wheels (les petites sonorités habituellement sous-jacentes aux rythmes). C’est donc bien à la texture des morceaux qu’ils faut s’atteler, aiguiser notre sens critique.
Des mélodies emphatiques où les choix de sons paraissent mûrement réfléchis, posés. Un très bel album, doux, caressant et stylisé qui est un argument acceptable de ce que Andrew Coleman a à nous offrir de beautés cachées.
JJ.

 
       
   

Nobukazu Takemura/chield’sview
Hoshi No Koe (Thrill Jockey/PIAS)

C’est fort du succès de son précédent album Scope, refuge de grésillements et autres blips frondeurs et réfractaires à la mélodie et à l’esthétisme académique, que Nobuzaku nous revient.
Il se fait toujours le représentant débridé d’une musique empiriquement mélodique mais continuellement rongée par la corrosion du rythme.
Hoshi No Koe est en fait une production de son hétéronyme Child’s View, regard d’enfant avisé qui emprunte un peu, pour l’occasion de la légende de Troie.
Son cheval, pour électronique qu’il soit, délivre, à mesure que se déroulent les compositions, quelques singularités glanées de ci de là : avant et post-rock, hip-hop, free jazz, comptines de l’enfance, petits sons concrets… Autant dire que l’auteur injecte une haute dose d’humanité, d’organicisme dans ses compositions (le croisement d’idées à l’occasion de ses remixes et collaborations -Tortoise, Steve Reich, Pizzicato 5, Coldcut, Yo La Tengo ou Blue Note- n’y auront pas été étrangers).
L’influence de la scène de Chicago est d’ailleurs notable… Tant et si bien qu’elle élargit considérablement les perspectives du son (en rapprochement de son précédent album) . Le Japonais campe ici une scrupuleuse et agréable démonstration de savoir-faire. Pondération des envolées, économie de moyens, tempérance de la production, autant d’éléments qui servent l’album dans son ensemble.
Un album qui élève l’imperfection au rang de compliment.
JJ.

 
       
   

Rroselicoeur
Drachenhöhle (Partycul System/ / Meridians)
Supersoft [14-18]
L’île Continent (Partycul System/ Meridians)

De même que l’homme a poussé la démultiplication de ses forces par des moyens mécaniques… La musique, à bien des égard, tend à démultiplier, à prolonger les sensations de la vie, les affects et les sensibilités. Dans cette région, case laissée vierge qu’est le Rock atmosphérique, tendu et mélancolique, Rroselicoeur a engouffré son savoir-faire, construisant ses jolies mélodies, fruit d’un apprentissage assidu du bricolage, de l’utilisation des lampes à souder, des répétes dans les garages de pavillons. Une musique qui a enduré avant de vivre pour des musiciens qui ont écouté avant de jouer… une grande souplesse de composition, entretenant une fratrie de circonstance avec Wyatt, God Speed, Sonic Youth et l’art de la dissonance. Lou Flanagan, Denis Locar et Sharl Hot Ganache composent ce subtil trio. Vraiment très bon.
L’exactitude est affaire de mathématiques. Si Supersoft se révèle sur le papier être la rencontre de Rroselicoeur et de TV Sun Or, il n’en demeure qu’on ne peut attribuer cette équation à leur musique.

Supersoft ouvre des compositions en français, dont les chants semblent sortir des recueils poétiques de Sharles Hot Ganache, qui trouve des racines à la fois dans le surréalisme (la part d’imagination inconsciente, " application poétique de la psychologie Freudienne " dirait Debord) et un peu de dadaïsme (destruction de l’écriture).
Pour ce qui est de la musique, il semble avoir placé d’emblée la question de la mélodie au cœur de l’affaire. Plus aérées que l’est Rroselicoeur, davantage pop et printanières (faussement naïves), leurs compostions glissent délicieusement dans nos oreilles comme autant de morceaux de Julien Baer ou affilié. Émouvant et frais.
JJ.

 
       
   

Sulphur
compound (discovery within and outside the catalogue) (Sulphur/Fnac import)

On aurait beaucoup de belles paroles à proférer à l’encontre de M. Robin Rimbaud tant son investissement professionnel s’est confondu sans relâche, au cours de sa vie avec son engagement personnel et intime.
Une personne clairvoyante et sensible, qui a su faire taire son ascendant naturel au clivage en mêlant musique hautement expérimentale (Ast.Int RIP), ambiance voyeuriste et flâneries électroniques (Scanner) et autres subtilités analogiques. En un sens, son label Sulphur (et cette compilation) est un tour de vue succinct (et donc un peu tronqué) mais fidèle de son paysage sonore intime et des espoirs qu’il porte dans certains champs musicaux.
De loin les plus expressifs, Future Pilot AKA (ex-Soup Dragon) en compagnie des Two Lone Swordmen délivrent un " The gate to fil city " époustouflant de beauté. On retrouve aussi Scanner sous diverses formes ; sous son pseudonyme Scannerfunk, avec un morceau qui met le cerveau au niveau de pied (et inversement) et en collaboration avec DJ Spooky dans un tourbillon de sonorités teintées de musique indienne contemplative et dépaysante.
SFT souvent affilié au réalisateur Derek Jarman (à l’instar de Scanner et Throbbing Gristtle) pour deux pièces douces et polies à l’extrême. Ashley Wales, sans Abir et son morceau " Landscape ", face atmosphérique du membre le plus inventif de Spring Hell Jack.
David Abir dont le " lesson one ", leçon d’humilité et invitation à l’Extrême-Orient (le fait du cello) avait réconcilié mon enceinte gauche et droite. Sukyanneer (alias Akiru Saebayashi), S.O.L.O (Michel Wells de Technoheads, GTO, Tricky disco), Toop/Noon (duo d’éminents écrivains où les sons débridés terrassent la quiétude d’un lock), Vertical Cat, Dstar et sa jungle déviante et la participation de Kim Fowlez (avec Futur Pilot AKA) en guise de révérence, clôturant de manière énergique cette compilation, point d’orgue dans l’année 2001.
Il y a incontestablement affinité, sinon une filiation entre Scanner, les artistes de Sulphur et le goût du beau.
JJ.

 
       
   

Speakerine
Inrioinjapan (heidirecordings/speakerine)
Fabrique de couleurs 
 Capital risque  (Heidirecordings/fabrique de couleurs)

La région parisienne semble être un lieu fécond pour qui veut entreprendre dans la musique. Elle porte, à divers degré, témoignage du génie créateur naissant et inventif que recèle sa population. Ce que j’aime chez Heidi recordings, c’est le souhait intime que la structure formule (ou que je formule pour elle) à ne sacrifier à aucune mode, à aucun culte ou diktat du moment, simplement faire ce qu’elle aime.
J’en prends à témoin ses deux premières productions ayant comme filiation le réfléchi Emmanuel Allard, par ailleurs maître d’œuvre et cheville ouvrière de Heidi. Speakerine et fabrique de couleurs, bien que fort divergent dans leur orientation, restent unis par une même passion de recherche. Speakerine s’intéresse quasi exclusivement au caractère stratifié du son, cette masse sonore vibrante et disloquée, pour une large part improvisée, construite autour de l’échange réciproque entre ses deux intervenants statiques (Emmanuel Allard et Sylvain Livache) ; brute de décoffrage, sonique, bruits presque blancs ou une démonstration ma foi réussie d’un savoir en train de se faire (Feedbact sessions).
Fabrique de couleurs, même si les deuxième et troisième titres me font mentir est quant à lui plus ludique, plus extraverti. On sent là une profonde compréhension de la musique électronique (tant intellectualisée que rythmique) allant de Mego à Payola voire la musique improvisée ou minimaliste (mais là on s’éloigne un peu du sujet). Des passages qui feraient honneur à Pita ou à la clique Sonig et autres déglingués du laptop ou de son équivalent. Un moment jubilatoire.
JJ.

 
       
   

Squarpusher
My red hot car  (Warp/Source)

Tom Jenkinson revient hanter votre résidence d’été de deux effluves somptueuses et évidentes de spontanéité.  My red hot Car, virulent et survolté (Voir Aphex Twin et son Windowlicker) est décliné sur deux tempos, un nocturne et un diurne. On peut lui être reconnaissant d’avoir libéré le breakbeat old school européen, en montrant une voie différente de celle prise par ses congénères. Ainsi, à ceux qui évoquait l’absence de folie incontrôlable chez Squarpusher ou disons plutôt un certain empâtement, c’est à bon escient qu’il nous envoie cette carte postale rythmique de l’été 2000.
JJ.

 
       
   

Styrofoam
a short album about murder
(morr music/la baleine)

Styrofoam exulte la poésie syntaxique et transporte dans son nom plus de promesses de beaux lendemains que la statique Allemagne n’en peut contenir. Thomas Morr, pour Allemand qu’il soit, a les yeux tournés vers l’extérieur.
Dans l’ensemble de ses productions, on retrouve certes un peu du radicalisme et du fonctionnalisme du BAUHAUS, l’esprit d’avant-gardisme, également… Mais au delà du lourd héritage de sa culture et de Kraftwerk, il a su nourrir ses oreilles des pop song douces de l’insulaire Angleterre (Smith, Morissey).
Thomas Morr n’aura pas eu l’insidieuse sagesse du roi Salomon, en souhaitant scinder en deux l’enfant convoité ; lui aura préféré le rapprochement des genres à la scission (l’idée de scission). Quelque part entre l’électronique froide et les mélodies chaudes.
L’errance que l’on retrouve sur cet album de Styrofoam (faisant suite à The point misser) est un cas d’école exemplaire de cette vague électronica allemande. Une fusion charnelle, de cinéma, de littérature et de musique ; la rencontre minutieuse de Boards of Canada, mélodie doucement enfantine et le dé-constructivisme rythmique de Funkstörung.
Pas de resucées sur ces quelques titres, juste un éventail de magnifiques compositions, émissions directes en provenance du cerveau saturé de Arne Van Pettigen, (fondateur du label Atomic Rec.) par ailleurs membre à plein temps de Tin Foil Star (quelques sympathiques albums chez Noise Museum ou Staalplaat), et dont Styrofoam reste son vivier de recherche électronique.
Et effectivement, cet album, une fois écouté se révèle être une petite mort en soi, par le vide qu’il génère lorsque sa fin se fait sentir.
JJ.

 
       
   

Weehsel Garland
S/t (Morr music/La Baleine)

Il y a semble-t-il un temps pour la danse et un temps pour l’écoute.
Premier pas dans la fratrie Morr pour Weehsel Garland, petite formation constituée de Jorg Follert, échappé un temps de Wunder et de ses mains voluptueuses, caressant les Marimbas, Xylophone et Piano avec l’énergie et la délicatesse qu’on réserve habituellement à sa compagne.
Pas d’échos chaotiques, de brûlures sonores, de déambulations bruyantes du rythme dans cet agencement de compositions. Les influences de Follert tiennent davantage des bruissements, du monde du discret que de celui du tape à l’oreille. Les vibrations subtilement aquatiques et japonisantes du premier morceau restent un régal de ciselures (lignée Seefeel/Stereolab/ Yann Tiersen minimaliste). Les voix féminines et les cordes viennent par la suite pérenniser ce sentiment de sérénité recherchée, petites mélodies de l’enfance (Totoro), musique de chambre nocturne.
C’est un peu de quiétude que l’Allemand semble rechercher en endossant la toge de Weehsel Garland, un peu du silence (trompeur) qui régit les campagnes à la tombée de la nuit ; calme apparent dissimulant une myriade d’agissements fébriles et de sons timorés, mais qui, si on sait y prêter l’oreille, se révèle un sésame enchanteur.
JJ.

 
       
   

ISAN
Lucky Cat (Morr music/La baleine)

Elliot Perkins a donc décidé de s’attacher à l’astrologie chinoise et à son corollaire de croyances bestiaires pour décliner sa jolie discographie.
Après un Salamander, joyeusement et heureusement remarqué, un Salle Isan et un superbe album sur Tugboat Beautronics (label de mister piano Magic), il s’applique à cerner le chat, symbole de prospérité et de chance parmi tout autre (allez donc revoir le " sans soleil " de Chris Marker). Un chat bien sympathique et enjoué, à la manière de la musique d’Isan, dont l’évolution se caractérise par une accalmie des sons candides et blips enfantins qui ponctuaient les précédents opus.
Une vision plus sereine et contemplative de la modernité sonore, la tête orientée vers les étoiles où les nappes de synthétiseurs s’étirent de tout leur long dans de lentes envolées liturgiques et diurnes et où les petits inserts de glitchs se font spatiaux et futuristes (2001 l’odyssée de l’espace).
Un album simple et beau, mélodique et apaisé avec quelques dérives nerveuses exaltantes.
JJ.

 
       
   

Woom
For pricilia (Pricilia records)

Je fais la connaissance de l’entité Woom à l’occasion des rencontres d’improvisations / débats " Woom nite " organisées par le duo dans le cercle de la capitale. Pricilia records, fixateur de poésie musicale improvisée, pérénisateur d’instants capturés à la nuit nous offre l’occasion de découvrir le duo (Miho et Alexandre Bellenger) dans son élément (la nuit) et dans son contexte de prédilection (le live) avec la sortie de ce premier album sobrement intitulé For pricilia. 39 minutes et quelques poussières d’étude autour des effets de vibrations, réflexion sur la plastique musicale, d’élaborations instinctives, fruit du danger et de la culture, qui pour ma part, fourmille de pistes concluantes, d’instants chavirés, d’humaine recherche.
Assez peu de dissonances, mais des assonances ; la mécanique d’échange laissée en roue libre le temps du concert œuvre de fort belle manière sur ces instruments :
Une intro que l’on croirait empruntée à la B.O. d’Apocalypse Now et ses embardées d’hélico qui se fondent ensuite dans un malstrom intense de sources bruitistes et d’accalmies contrôlées.
Un prospective intéressante de musique électroacoustique, intimement parcourue par l’esprit hérétique du zapping, des films (celui avec Kirk Douglas où un robot tente de prendre le contrôle de ses maîtres et de l’appareil), du cut-up, de Microwave rec., Un album sur la material serie (Staalplaat) semblerait s’imposer, s’ils arrivent à contenir leur fougue et leur extraversion.
Dans cette attente, la lassitude est congédiée, tant le duo réinvente sans attente sur les étoffes sonores qu’ils livrent, à la manière de ces peintres qui superposent en strates leur peinture sur la toile (Pollock). Extrême et foutrement cohérent.
JJ.

 
       
   

TUJIKO NORIKO
Shojo tosh (Mego/Metamkine)

Il fut un temps, pas si éloigné, où la démarche non-conventionnelle du label MEGO se faisait l’écho d’un radicalisme mélodique que certains criticaillons jugeaient austère. On concédera, pour leur donner au moins un fois raison, un certain hermétisme musical (partiellement revendiqué et assumé par le label d’ailleurs). Quoi qu’il en soit, de ce minimalisme et des anfractuosités rythmiques, le label autrichien semble vouloir se détacher. C’est en tout cas ce que nous suggère le délicieux album enfantin d’une jolie naïade japonaise prénommée Tujiko, un peu frappée (la pochette semblant nous indiquer qu’un de ses passe-temps est la déambulation en slip et vieux manteau à poil sur un skate pourri !). Une transposition bienvenue et méthodique du savoir faire Mego (mucosités électroniques) mêlée à un lied suave où la voix de la susnommée artiste vient émousser, arrondir l’angularité apparente des harmonies analogiques. Le traitement enfantin et singulier des assonances, via le matériel cheap d’une classe préparatoire (flûtiau, orgue Bontempi de petite facture) sur impressionne en émotion à la trame narrative de l’œuvre (effet Takemura) et donne à voir/entendre des sortes de petites comptines plaintives urbaines et post-nucléaires. Un art graphique consommé jusque dans la pochette, fruit d’une collaboration avec le musicien photographe Aki Onda
On évoquera à la pensée du timbre de voix de Noriko quelques jolies consœurs telles que Tina Nordeimstein, ou la chanteuse d’Antenne (Ms Munch) ou bien encore l’esprit de Yoko Ono dans les mains de Peter Rehberg. Et de nous laisser entraîner dans les douces harmonies de ces espiègleries électroniques. Une bien jolie échancrure dans la politique du label.

JJ.

 
       
   

Christian FENNESZ
Endless Summer (Mego / Staalplaat)

Le pragmatisme et la concision sont sans doute deux des vertus qui animent le plus les recherches de Christian Fennesz.
Les promesses insidieusement contenues dans sa première production (Hotel Paral.lel) (la retenue poétique des sons, la parcimonie des effets, l’audace des agencements) avaient marqué les esprits ; les suivantes nous avaient rassurés (sorties diverses sur Moikaï, Ritornell, Touch, Charhizma, Synaesthesia)
Une vrai surprise va vous cueillir à l’écoute de ce disque, où l’agressivité est tamisée. Pas d’action commando, pas de recours à l’épreuve de force, la mélodie glisse suavement sur nos arides enceintes, de lentes progressions intimistes de cordes sur fond de blizzard électronique.
Une texture unique de sons pour ce guitariste aux vues larges, où les arpèges de la guitare se frayent une voie, un canal le long des rives de sons analogiques.
Pour autant, il n’abandonne pas ses premiers amours, en reconduisant sur " made in Hong Kong " un brouillard urbain de nappe électroacoustique, hachée au disque dur avec un rendu très mélodique .
Endless Summer, cliché éculé du joueur de guitare autour d’un feu sur fond de soleil couchant est un titre magnifique. L’Autrichien renvoie d’ailleurs au vestiaire le cliché en donnant une connotation kitsch à sa pochette (Ah! Les salons d’attente de dentiste !). Décidément, Mr Fennesz se fout bien des étiquettes et devance à ce jeu (en qualité) son compagnon de Lap Top, le mono sourciller Jim O’Rourke. Le reste est une lente digression sur l’été et ses palmiers (le lynchien A year in a minute), l’hommage d’un homme des montagnes à la plénitude océane. Un album qui aurait tout aussi bien pu s’appeler " Twin Peaks à la mer "
Mer-veil-leux.
JJ.

 
       
   

Spaceheads
The time of the Ancient Astronaut
(Bip-Hop- Bleep/ La Baleine)


Spaceheads, entité mythique (ou destinée à le devenir) de la scène anglaise, respectivement composé de trois loyaux sujet de sa reine, soient Max Eastley, Andy Diagram et Richard Harisson (le nouveau), musiciens émérites, ayant galvanisé leur talent au contact de Nico et autres formations sublimes et étranges (Honkies, Smart Bombs, Streetchmarks, Stockhausen & Walkman, D. Callahan) ont offert leurs lettres de noblesse à la musique atmosphérique, à filiation instrumentale. Par un truchement habile de manipulation semi-concrète, d’instruments bricolés, et de constructions Bastienne, ils ont su créer une tension salutaire, une atmosphère en écho, vibrations oniriques et soubresauts rythmiques.
Déjà repéré sur le label Red NOTE, ils viennent humaniser la collection Bip-Hop de leur savoir faire. J’imagine sans peine la difficulté, le choix cornélien auquel Philippe Petit a dû se plier en les destinant à la Bip-Hop génération. Effectivement, l’album ne sonne pas exclusivement électronique. Pour autant, les compositions et interprétations du duo britannique semblent davantage s’établir sur une mer aux consonances mythologiques de Mars que dans le champs terrestre.
L’esthétique de la pochette nous éclaire d’ailleurs sur ce sujet ; les lentes montées cycliques des morceaux, par phases ascendantes hypnotisent notre attention, magnétisent l’espace confiné de notre chambrée, plongeant l’auditeur dans un état de léthargie avancée et de narcose enchantée. Lorsque l’aptitude technique des musiciens rencontre l’inspiration harmonique, la stérilité est gentiment congédiée…
JJ.

 
       
   

V/a Diskono
Naked and alone on the Celebrity circui 
( Diskono/ Amanita-Ici d’Ailleurs)


On ne sait vraiment si l’on doit interpréter cette sentence comme un avertissement teinté d’angoisse, ou comme une jolie boutade sur le parcours possible des artistes présents sur le label.
Constituée de morceaux jamais diffusés, ratures sympathiques et de délires intimistes de leur cerveau embrumé par l’alcool, cette compile fourrage allègrement dans tous les pôles de la musique analogique et avant-gardiste. Pas moins dansant que réfléchi, les morceaux s’enchaînent avec un rythme soutenu et l’énergie de la fête. Une rasade de glitch, quelques blips bien sentis et des mélodies fulgurantes parcourent ce disque, désigné spécialement par Klaus Oldenburg. À présent, mieux qu’un long discours, la liste des labels où se sont déjà " fourvoyés " les acteurs présents : Fallt, Alku, Staalplaat Mego, Fat Cat, Gagarin, Tigerbeat6, Scusi, Mille Plateaux, Inner Landscape, Cosmic Volume, V/vm j’en passe et j’en oublie… de l’éclectisme éclairé, donc…
Avec Pimmon, Opopop, Antenna Farm, Felix Kubin, Danielle Lemaire, Klaus Oldenburg, Jane Dowe, Kid 606, Wee dj’s, Alejandra y Aeron, Skagboy 3, Docktor Barnes Advocaat sans oublier la clique V/vm…intelligent et récalcitrant aux étiquettes.
JJ.

 
       
   

Novisad
Seleya (Tomlab 13/ ici d’ailleurs)

De tous les éléments de la gamme climatologique, le brouillard semble certainement être le plus à-même de cerner et de définir les lentes effluves ambiantes de Novisad, par ailleurs connu à l’état civil sous le nom de Kristian Peters. (Ad Lib, c’est lui. Albums sur (Kraak-)3). Une musique profondément lascive, qui détaille un peu de la langueur et de la persistance au travail de son auteur, qui aura mis deux années pour faire émerger ce projet. Deux longues années pour 13 morceaux sublimes, composés avec comme armature de base le Loop, qui charrie l’auditeur vers de hauts degrés d’intensité et de contemplation notamment sur pflanzenwuchs, Piaa, Verlauf…
Faisant suite au Jon Sheffield, perle rythmique étouffée voire noyée dans de lentes harmonies, Tomlab, laboratoire d’investigation spécialisé dans les vibrations électroniques ou non (dans le catalogue, Visor, Adlib, Rafael Toral, Sack & Blumm, Juergen de Blonde (monsieur Köhn), Aeron Bergman, Niobe, etc.) nous révèle les multiples facettes de la musique contemporaine. Des goûts affinés et clairvoyants…
On sent tout le poids de son pays, l’Allemagne et de sa ville (Rostock), proche de la Baltique et spécialisée dans la métallurgie, conditionnement évident dès les premières mesures : espaces horizontaux sans détails pour heurter la vision, carte postale sonore d’un port où le vent n’arrête jamais sa course…
JJ.

 
       
   

V.a
format 5 (Tourette/ Import/wave)

La maladie de George de La Tourette est également nommé coprolalie, qui se concrétise dans l’impossibilité pour certaines personnes à contenir leur langage, qui se déverse le plus souvent sous la forme d’un flot d’insultes ou de gestes obscènes.
Rien d’obscène dans les premiers pas de ce jeune label. Une comparaison qui pourrait tout juste s’apparenter aux difficultés des musiques ici défendues à se faire comprendre par la société. Un label, qui veut faire la lumière sur la création internationale dans le domaine des travaux électroniques générés par ordinateur. Cinq hypothèses de travail très différentes, avec une source de son et de potentiel quasi identiques, mais qui, au détour de l’imagination du musicien, prend des teintes et des couleurs uniques. Ainsi Golden Tone (Fennesz-Zeitblom) prend des allures de musiques environnementales lignée Francisco Lopez; Frank Bretschneider nous joue un huis-clos aux allures de salle d’opération (à rapprocher de Live everlasting, amen sur Firework rec)
On passe volontiers d’une plage ambiante et ondulante à du rythme animal. Les protagonistes ne sont pas des novices, rien moins que Fennesz, Carl Nicolai (pan sonic), Zeitblom, Auinger et Huber.
Cinq visions actuelles (et non futuristes) de la musique électronique, pas forcément conceptualisées (j’en prends à témoin le morceau ultra efficace du tandem Nicolai-Bretschneider-Bender, hymne électro minimaliste digne du Pan Sonic des grands jours) mais intégrées dans une certaine recherche artistique, puisque anti-commerciale. C’est lors du concert donné à Berlin qu’ont été conçues ces pièces qui raviront, comme moi, les amateurs zélés de musiques novatrices.
JJ.

 
       
   

Ignaz Schick/ Andrea Neumann
(Zarek/ Metamkine)


Un minimum d’effet pour un maximum de résultat. Voilà une devise qui dévoile subtilement le fond du travail de ce duo.
Quelque part entre le sonar ménagé d’un Jocelyn Robert et les attentes du consortium Trente Oiseaux (chantres de la musique minimale), Ignaz Schick et Andrea Neumann évoluent dans ce couloir étroit, où les estampes de la musique abstraite, de l’électro-acoustique minimal et de l’improvisation électronique couvrent les murs.
Les deux musiciens semblent avoir établi un pacte, un consensus pour réduire l’acte et le matériel à sa plus simple expression, comme une évocation suggestive de sonorités passées, fragments de mélodies perdues et patiemment reconstituées.
Ignaz Schick, (installation électronique) est un des représentants de la scène expérimentale Berlinoise, aussi bien inspiré par le Free Jazz que par la nouvelle musique ou l’électroacoustique. On l’a vu dernièrement à Vand’œuvre officier au sein de la structure Perlonex, mais il joue régulièrement avec Phosphor ou avec de talentueux musiciens, tels que Phil Durant, Burkhard Beins, Marc Weiser, Thilo Schacht, Jason Kahn, etc.
Andrea Neumann, (piano préparé à base d’éléments électronique) s’est récemment exprimé de fort belle manière en duo avec Ànnette Krebs, et de manière plus diffuse au côté de Roananax ou Phosphore.
6 pièces courtes et introspectives qui griffent avec talent le silence.
JJ.

 
   
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