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JadeWeb chroniques #2 /
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Home Made 2
V/a (
mail)

"Ad Augusta per Angusta" ("À des résultats grandioses par des voies étroites") Cette locution, au regard de cette deuxième production du label Home Made, sied merveilleusement à l’esprit sommeillant des petites structures à caractère musical. Avec un rythme soutenu de sorties, à raison d’une compilation par trimestre, une participation d’artistes qui confine à l’exponentiel et une solide déontologie artistique, quitte à vendre à perte (15 artistes pour 30 francs, on a rarement vu ça), sans omettre le soin apporté à l’objet proprement dit, tout ici culmine dans un tourbillon enivrant d’hédonisme et de passion.
L’ordonnancement des formations est subtilement conçu, nous permettant d’évoluer, de surprise en découverte, entre gaz et fluide, autour d’atmosphères compassées ou éthérées mais avec comme fil d’Ariane la musique électronique.
Un ébrasement du style, qui laisse entrevoir, béance enchantée, nombre de nouvelles facette de l’électronica.
La clique tourangelle (hormis Minirepertoire, originaire de Montpellier) forge sur un peu plus d’une heure, une œuvre tantôt rythmique, tantôt poétique, mais toujours symptomatique d’un éveil à la pluridisciplinarité des sources.

À mon palmarès personnel : Elena Cortes et ce morceau qui fait se regarder les symphonies de Bernhard Hermann (sans doute) et la drum’n bas sans loucher ; Stigmat et son Breakbeat sauvage, inventif et asiatique (effet samouraïs) Wash’o’matic qui après avoir (brillamment) samplé Curtis Mayfield dans le premier volume fait péter nos starters auditifs avec son " all star blues " tonitruant ; Jeremy & DJ1 verse et son trip-hop urbain et nocturne, Bishop et son nu-jazz très rubin steinerien, Joséphine et son colonialisme exotique et désuet, La ligne de bass funky-entêtante de Pilou-pilou ; Le sublime Ian Mad qui ne cesse de grandir dans mon estime avec un " the money, the hoes & the Vip " drôle, rythmique et sexuel., l’électronica du Parasite, la sensualité sombre et subaquatique de Yucky-Yummy (le pendant féminin de Spectre sur Wordsound ?) et la nuit comme compagne pour savourer ce disque.
Home Made, ou quand radicalisation, esprit d’ouverture et sens de la fête se tiennent la main pour faire honneur à la prosodie musicale.
JJ.

 
     
 

Bucolique Vol. 1
(Arbouse rec/chronowax)

Personnifiant plus qu’il ne voudrait le concéder l’âme de Cyril Caucat, maestro instruit et éclairé du label Arbouse, cette figure imposée, construite autour du thème de la nature, où chaque intervenant a loisir à choisir son angle d’approche sur le plaisir de vivre au grand air. Cette compilation disais-je, adjure, le temps d’un court instant, nos idées sombres et notre lassitude mêlée (les moments agréables sont toujours courts).
Définir le genre est une tâche ardue, tant le label puise, fait la chasse aux styles ; le contingent d’artistes et de formations présentes font autorité au niveau international et possèdent, chacun à leurs manières, des aptitudes subtiles et de la noblesse dans les phalanges… L’inventaire est sans appel, une arborescence d’habilité à l’ouvrage, un sens ténu du bon goût, de la note juste, de la sonorité pertinente, sans fard ni flonflon, pour une musique qui va à l’essentiel. Des morceaux totalement inédits, (si ce n’est le titre d’Electric Bird qui figurera sur son prochain album) pour une compilation qui ravira tous les amateurs sans œillère du mail-order méridians et l’esprit des 555 recordings compilations.
La compilation fouille dans sa première partie les ossements de l’électronique à sensibilité pop ou mélodique, puis atmosphérique pour s’orienter aux deux tiers de son développement vers des franges plus acoustiques de la musique contemporaine.
S’il fallait d’un adjectif ou deux résumer chacun des figurants de cette pièce, nous aurions, dans un ordre aléatoire ; Twisted science : Ashmatique illbient ; D’iberville : Glitch aquatique ; Köhn: aspiration (oval rencontre la house) ; Sink : sonarisé ; Electric Birds : nostalgique et enfantin ; Bertuf : environnemental (FranciscoLopez) et méditatif ; Rothko : ferroviaire et hypnotique (Dutch Arbor prend le train avec Low), Kiln : équatoriale et vibrant ; Hood : intimiste et mélodique ; Acetate Zero : féminin et dominical ; Billy Mahonie : une basse, une batterie et de la chaleur humaine douce et caressante (parmi leur meilleur titre) ; Paloma : folk enivrante et solitaire ; Chris Brokaw : John Fahey tape un bœuf avec Robert Mitchum.
JJ.

Site de Arbouse rec.

 
     
 

Symptoms
apathy (Swim/import)

Symptoms, formation danoise incarnée autour d’un membre unique en la personne de Klaus Ammitzboll, (par ailleurs membre de Silo) invite l’auditeur à caler son rythme cardiaque sur sa musique.
Un album conçu comme une lente déambulation musicale au fil d’une journée ; brouillard matinal, sortie du lit, premier regard sur l’extérieur, autant de points de détail qui rythment nos quotidiens, austères et répétitifs dans une certaine mesure, mais avant tout rassurants.
La musique de symptoms, entre jusqu’à certain égard en réaction avec des zones reculées de notre physique. Ses mélodies arpentent avec une certaine quiétude les confins de notre corporéité, dans des étapes vibrantes de ce parcours initiatique interne.
De longs effluves atmosphériques, générés via une guitare et un pc, bâties autour d’une certaine idée d’une musique atmosphérique lo-fi triste. On pense à un Pan American plus froid et asphalté, à une bande originale moderne et planante du Walden de Jonas Mekas ; une mise en forme du quotidien, comme un hommage à tous ces petits éléments et sons du quotidien qui échappent (trop) souvent à notre entendement. " People live in the city without understanding it. They live on and off the earth but have never feit it quiet. " c’est pas moi qui le dis, c’est lui…

JJ.

 
       
   

Bip-hop generation 3
(Bleep 5/ La Baleine)

L’apport de Bip-Hop à la scène électronique n’est plus à débattre. La venue sur le marché (quel mot vulgaire) de la 3e génération de musiciens Bip-Hop (comme on aime à le dire dans les séries télé d’anticipation) vient à point nommé pour se plier à un état des lieux sur le parcours du label. Sans pour autant avoir une vision globale des retombées, il semble bien que Bip-Hop a réussi son pari quant à la documentation de la scène électro-expérimentale et à la diffusion médiatique à une échelle plus large que celle des castes d’esthètes. Une série de compilations que l’on retrouve avec le même bonheur consommé et la même impatience à peine dissimulée.
Pour cette expédition, on retrouve un panel intergénérationnel depuis l’ombre d’Atau Tanaka chantre de la bio mélodie et des capteurs sensoriels, avec un morceau splendide d’ambiguïté rythmique et d’abstraction mélodique à Néotropic, japonais officiant sur Ninja Tune et qui ici se lâche totalement dans un Dub panaché de samples de guitares éthérés ; Zon’k, side project de Laurent Perrier (Nox, Cape Fear) qui exécute une figure libre aérienne de toute beauté, limpide énergique ; Pimmon qui défriche toujours le bush australien à coup de serpette analogique et de glitch, Bovine Life qui renvoie aux piquets les amateurs de No-wave, d’electro body et de pop song raffinées, Novel 23 ; Roman Belousov, russe, qui emprunte à la diction des grands auteurs de son pays pour nous livrer des pièces romantiques et expérimentales.
C’est en sondant les profondeurs d’un lac, qu’on découvre la beauté de celui ci, le mystère ayant sans doute quelque rôle à y jouer. Bip-Hop offre un brin d’humanité à la scène, quand un exilé de la musique noise donne des leçons de bon goût et d’intégrité au défenseur du son électronique (qui ne voit généralement pas plus loin que le bout de sa platine).

JJ.

 
       
   

Tremolo dual
(BDG / Ultime Atome)

Les amateurs avertis de la scène électronique lourde (Ant-Zen, Hymen) auront certainement un temps d’adaptation conséquent avant de plonger entièrement dans l’univers personnel de Jean Robert Rol(u)rang et Noêmie Vandewoeveraa ; forfaité par les charismatiques dirigeants du consortium " l’ultime Atome " et leur " home label " BDG (Bande de Gougoul), c’est bien l’une des têtes pensantes de Silksaw que l’on retrouve aux manettes le temps d’un album.
Un ton festif où l’empereur du bruit et des infrabass passe aux concasseurs analogiques les standards lounge, fanfarisant, guinguette claudicante, bastringue déglingué. Une application méthodique, parcimonieuse, pour un exercice sans filet. L’objet prouve, sans complaisance, qu’on peut modeler chaque genre à la complexité de son imagination (si tant est qu’on ait un soupçon de savoir-faire). Drôle et entraînant.
JJ.

 
       
   

Heimir Björgulfsson
Machine natura (an interpretation inconsistent with the actuality of a situation)
(Staalplaat/Métamkine)

Je vous avais déjà entretenu des travaux de cet Islandais, travaux éblouissants par leur capacité étonnante à restituer l’atmosphère d’un lieu, sa substance et ce, au-delà de ce qu’une photo peut offrir ; une sensation de solitude, d’évanescence auréolant l’ensemble.
Puisant son inspiration dans l’ambivalence entre machine et nature, il oppose ici le fruit de notre culture (les machines) au domaine du naturel ; l’environnement devrait-on préciser car ce terme inclus la présence de l’homme, dans un contexte naturel et la manière dont il l’envisage.
Deux pièces qui nous plongent dans une heureuse perplexité, bête que nous sommes à définir, les parts de stances électroacoustiques / concrètes et les flâneries électroniques.
Une composition légère et volubile, sortie sur la division "material serie" de Staalplaat, faisant en cela suite à son projet sur Ritornell, "discret journey digitalis". Heimir B. est également un membre actif de Stillupsteypa, et il collabore, selon l’humeur avec John Hudak, le déglingué et brillant concrétiste. Délesté et aérien. Une vraie cupule protectrice.
JJ.

 
       
   

Muslimgauze
Kashmiri Queens (Muslimlim/Staalplaat/metamkine)

Un son de Casbah nous interpelle dès l’introduction ; Les machines de Brian Jones happent la réalité et la tradition pour exécuter le grand écart réfléchi entre les millénaires et les cultures.
Kashmir Queens dénote/se démarque de ses prédécesseurs par l’utilisation de quelques vocaux féminins. Basé sur la construction classique des morceaux de Muslimgauze ; Kashmir Queens se dévoile par de lentes montées hypnotiques de nappes, avec un substrat consommé sur des bas-reliefs rythmiques à base de percussions ethno-tribal.
La langueur générale de l’album, l’implication et le rôle de la femme dans la société musulmane, les aspects théocratiques du système sont ici évoqués derrière le voile opaque du tchador. Des thèmes d’entrée neufs, pour les inconditionnels de Brian Jones, avec un boîtier plastique, au lettrage sous-calligraphique incrusté de nacre à même le boîtier. On a rarement vu plus belle pochette dans le genre (une marque d’estime, d’affection et de respect ultime de Stallplaat à l’égard de Brian Jones). Beau, plaintif et reposant.

JJ.

 
       
   

Roger Rotor
Mort aux vaches  (Staalplaat/métamkine)

Lors des Obliques Lu Night, Roger Rotor appliquait à sa musique une rythmique sourde sur le fil d’un beat tendu, brut, cataleptique ; il magnétisait l’auditeur et le rejetait par la rudesse de son approche. Rien d’étonnant au regard de son lourd passif de projet obscur (du grind au death) au sein de collectif tel que Bloodstar, Myiase, Maggot Bile, Rotor Syndrom…
Alors que ni notre oreille, ni le carbone 14 ne sont à même de dater précisément les influences sus-jacentes, certains titres de ce mort aux vaches me font par moment penser au Quest de Frans de Waard ou à des productions Oblique Soundscapes… La voix, distordue et fondue dans la mélodie, ne donne rien de cohérent à se mettre sous l’oreille et évoque un mezuïne sous acide ; comme la lente plongée en abîme d’un Junky, dont le son de la radio lui parviendrait tronqué, distordu. Des ambiances caractéristiques des albums de Main (sur la fin de Start), plus lancinant et électronique dans ses développements. Une musique spectrale et nocturne. Une musique de rituel pour les temps modernes.

JJ.

 
       
   

Abstrackt Keal Agram
S:T  (Monopsome/Chronowax)

C’est dans l’atmosphère un peu ouatée du début de week-end que je découvre, lové dans ma boîte aux lettres, la dernière production de Monopsone Rec, le petit label qui monte, qui monte… Un mot bref et amical du boss, une bio succincte et une pochette digipack où une caméra de surveillance semble filmer à leur insu une foule disparate sur un parvis anonyme. Un temps de pause, prétexte à l’absorption du café matinal et me voilà, manipulant le premier album de ce duo breton (Abstrackt Keal Agram, donc) dans la gueule béante de ma chaîne à bas prix.
Dès les premières mesures, la messe est donnée, l’intrusion de sections acoustiques vient temporiser les beat syncopées de ce hip hop abstrait et musical… Les mélodies sont sans appel, elles régissent ma volonté et ma torpeur (qui s’estompe, d’ailleurs) et m’interdisent par leur pouvoir d’attraction, le zapping de plages auquel je soumets habituellement tout album à la première écoute (c’est suffisamment rare pour être souligné).
L’album est donc écouté d’un tenant, puis réécouté dans la foulée pour mieux en saisir les subtilités, en percer l’alchimie discrète. Une logique formidable gouverne ce navire éponyme avec, en proue de navire, de réelles innovations et nombre de mélodies sublimes. Une petite merveille.

JJ.

 
       
   

David Axelrod
David Axelrod (Mo’Wax / Source)

Il est de coutume de remettre en lumière à raison d’une fois ou deux l’an, des artistes, qui ont expérimenté durant leur jeunesse des combinaisons de sons alors envisagées comme décadentes, voire étranges, ou trotskistes (sic).
C’est donc par pure méconnaissance que les levés de la dernière heure placeront trop hasardeusement David Axelrode dans cette catégorie.
Chantre visionnaire au sein d’électric Prunes (albums aussi beaux que durs à dénicher), le plus noir des compositeurs blancs, directeur de Capitol des 63, oreilles hors pair, producteur génial d’Harold Land, Lou Rawls, Cannonbal Hadderley, Coleman, Art Tatum, etc. Il a influencé au travers de son sens de la composition une frange conséquente de la musique actuelle et contemporaine. D’électric Prunes, influences revendiquées et directes de The Verve et Radiohead (ils lui demanderont d’ailleurs de remixer " rabbit in your head light ") à toute la clique hip-hop / abstract hip hop (des morceaux tels que the edge, the human abstract ou the Fox, repris à différentes époques et avec des sorts divers par Dr Dre, Lauryn, Hill, Mos Def et Tab Kwali ou DJ Shadow). Endtroducing aurait-il d’ailleurs vu le jour sans David Axelrod ?!?
Mais qu’est-ce qui définit à ce point le son d’Axelrod, quel est donc cette patte, cette griffe / marque de fabrique qui nous inonde actuellement ?
Un croisement judicieux d’éléments chauds (Basse Batterie) tirés du Jazz, de vocaux brûlants (tiré de la soul) et de section cuivres (en provenance des orchestrations classiques gorecki-bernstein, et consorts…). Ajouter à cela des chœurs souples, une dimension sociale et politique (les spoken words) et quelques plans psychédéliques et le tour est joué…
Ma préférence va aux morceaux d’intro et d’outro, soit the little Children et Loved Boy, hymnes posthumes à son fils décédé, tristes et symphoniques, évoquant bien avant l’heure les épanchements de Saul Williams. Le reste évoque le hip hop dans ce qu’il a de plus original et de moins vulgaire et quelques grandes expériences de Frank Zappa, en passant par la classe argentine et désuète de Lalo Shiffrin (dont on vient de remasteriser toute l’œuvre !!!) Mo’Wax signe là un album profond et en marge, historique par définition et donc un peu essentiel….

JJ.

 
       
   

Malcom Catto
Popcorn bubble fish (Mo’Wax/ Source)

Malcom Catto est un réfugié du rythme. Après avoir participé de manière discrète à l’essor du Punk Garage 60’ (il assurera quand même la première partie des Spacemen 3 !) Sa rencontre avec Wid de The Weeds sera déterminante et lui ouvrira les yeux sur toute une frange de la musique noire contemporaine (du funk au jazz, en passant par le rap).
Sa collection de vinyles Deep-funk, monumentale (elle égale dit-on celles de Keb Darge et Dj Shadow) lui aura permis de se faire les dents sur quelques milliers de références vouées alors à la culture microbienne.
Entre ces deux autres structures d’accueil (Soul Destroyers et Barefoot), Popcorn Bubble Fish est un lieu de villégiature cosmopolite, ouvert aux styles où se côtoient les influences les plus extravagantes de la musique instrumentale (Rock psyché, Deepfunk, Free jazz, trip-hop, ill-dub, ect.).
De cette heureuse cuisine se révèle une œuvre très atypique, assez datée dans le son (ça sonne très 70’ par moment, " Spaghetti ", notamment), un peu rock sixties ; l’album le plus proche qui me vient à l’esprit est le Keyboard repair de Money Mark : même traitement dans les sons (l’utilisation d’un vieil harmonium n’y est pas étrangère), des petites mélodies groovantes, quelques évocations de Wah-Wah et un peu d’easy-listening Tiki et nous voilà en présence du 5e Beasties Boys. Un album plaisant et estival qui, par la somme de détails qu’il dévoile et soulève, s’écoutera avec un plaisir sans faille jusqu’à l’automne.

JJ.

 
       
   

Mira Calix
Prickle (Warp/ Source)

Un continent (le maxi) découpé en quatre espaces territoriaux distincts qui s’interpénètrent et se répondent. Quatre histoires courtes, petites mélopées ambiantes, un peu environnementalistes, bruissement de grillons, pas d’une antilope dans la savane, souffle austral, chaleur nocturne du vieux continent africain.
Le travail de Mira Calix, c’est un peu le propos du bouquin d’Oscar Wilde, " le déclin du mensonge " ou quand l’art cherche à imiter la vie dans ces moindres détails. Ici, Mira Calix s’évertue à recréer une réalité sonore d’espaces naturels, une synthèse artificielle des lieux qu’elle côtoie lors de ses voyages en Afrique. Un peu électroacoustique mais toujours avec une approche et une attente " digitale ", ces quatre petites embardées atmosphériques surprennent, sans toutefois atteindre des sommets dans le genre. Andrea Parker réactive un peu notre attention sur la fin, à l’occasion d’un remix bien senti. Une personne attachante pour une musique qui pourrait l’être plus.

JJ.

 
       
   

Solid State
Kunkarma  (Dub/Chronowax)

J’avais conspué dans un précédent numéro les suceurs de roue de la fratrie Warp (Autechre-Plaid-Board of Canada). Funkarma s’en veut un très bon exemple (l’anecdote voulant que la sous structure attachée à Dub se nomme Clone).
Une fois établies les correspondances et autres révérences, (un peu de Crunch/ Musik Aus Strom derrière tout ça aussi), il serait quand même dommage de se priver de l’écoute de cet album. Solide State a de très bons arguments à faire valoir, un sens de la mélodie imparable, des trames très atmosphériques, à cheval entre Styrofoam et Boards of Canada (Lawk). Jamais Solid State ne crée de conflit entre la mélodie et la rythmique, les deux allant de concert dans une direction commune. Les morceaux se laissent seulement porter vers des inclinaisons diverses ; spatiales et dentelés sur Zena ; Expérimentations limbaires sur Empli, Bace et Nuncas nous rapprochant plus sûrement des étagères de The Freight Elevator, avec ces arpèges de violons lancinants. S’il s’affranchit des sources évidentes qui le gouvernent, le groupe pourrait bien devenir un gros truc dans le futur.
JJ.

 
       
   

Men With Box
(Dub/ Chronowax)

Pour ceux qui ne pourraient voir l’avenir sans électronica cassante, Le Label Dub met à notre disposition un tube de colle et cette compilation, histoire de réparer les morceaux.
SpeedyJ Vs Math : Joli exercice de rap-électro.
Boom : bourrin et agressif (Funkstorung mais pas que).
Eog : plus sombre et hypnotique, il côtoie une frange très rythmique (lignée Richart Devine) avec des échos étranges et obscurs.
Phako : Des bass qui sonnent comme des infrabass et des petits sons sortis de jouet pour enfant.
Funkarma : un morceau inédit, pas très symptomatique de leurs travaux sur les nappes.
Eaven : Un travail axé sur la répétition avec des grosses couvertures électro à la Output/VLAD ; très sympa.
PSS2099 : sans doute l’artiste le plus soucieux d’harmonique et de sensibilité. Plus original que ses congénères, basse happée, son d’Harmonium.
Estermann : styrofoam.
Quench : Le plus ancien de l’équipée, leur son plus accentué et moins linéaire révèle de bien jolies mélodies.
D’Arcangelo : On sent l’expérience prédominer sur la matière sonore, à la manière d’un Spectre.

JJ.

 
       
   

Squarepusher
Go Plastic  (Warp/ Source)

C’est donc avec une neuvième pièce à son puzzle personnel et avec un physique de bûcheron scandinave (à faire passer Charles Manson pour le coiffeur de Bonnie Tyler) que nous revient Tom Jenkinson sur le devant de la scène. Un physique herculéen, imposant, viril pour une musique volubile, effervescente et insaisissable, voilà le paradoxe de la rentrée.
Selection Sixteen avait en son temps un peu éludé sans toutefois les faire oublier les deux opus majeurs à sensibilités jazz (Music is rotted one note & budakhan Mindphone) très inspiré par la clique Alice Coltrane Pharoah Sanders.
Alors que Selection Sixteen réintronisait une vision dérangée et cataclysmique du rythme, Go plastic fait littéralement exploser nos repères, notre petit abécédaire d’adjectifs chiadés, par l’entremise de ces délirantes embardées, où l’enthousiasme général et l’activité neuronale culminent très haut.
Le ton général de l’album donne une idée d’improvisation contrôlée, tant les dérives, syncopes rythmiques ont bien du mal à s’ancrer aux attaches mélodiques. Un des meilleurs albums du pote de Richard D James. L’apocalypse sera anglaise ou ne sera pas.

JJ.

 
       
   

Simian
Chemistry is what we are  (Source/ Source)

Les deux premiers morceaux de Chemistry is what we are, déjà présents sur leur Ep : " Watch it glow ", merveille de musique pop et dépressive, nous avait laissé les pieds dans la boue, les yeux dans les poches. Son de synthétiseurs pourris et sépias, chœurs de bars liturgiques, mélodica poussiéreux et theremin sous codéine, séquences de Dub édentées, psychédélisme du " Air " des premiers temps et bidouillages électroniques, voilà le monde de Simian ; un monde humain et imprévisible, pleins de ratages et de moments un peu magiques, d’ajouts de chants féminins datés, de bruits de l’espace à la Buck Rogers et de song writing prétentieux à en faire 3 tonnes mais tellement efficaces. James Ford, Simon Lord, Alex Macnagten et Jas Shaw baladent leur mélodies et leurs délires de têtes d’anglais entre les tombes des Beattles, les cyprès des Spiritualized et les fleurs désuètes de Moonshake et Pram. Un bon album dont l’excellente et intrigante couverture est signée par l’artiste contemporain Thomas Grünfeld.
JJ.

 
       
   

Baka !
S/t (
autoprod)

L’histoire de Baka ! est avant tout une histoire d’amitié et de consensus communs pour une certaine frange de la musique à émotion : Pop, noise, émo-core ; une musique où les arpèges de guitares ont le devoir d’assurer une tension permanente à notre pouls. Ceux qui ont connu le Baka ! Des premiers temps auront l’heureuse surprise de voir comme les compositions ont gagné en détails et en nuances. Un travail de bandes, prétexte à un isolement salutaire aura permis à Jl Prades (Voir le sublime album d’Imagho), et Frank Lafay d’épurer l’énergie brute (lignée Hint) qui caractérisait leurs premiers jets, de faire l’économie des sonorités superflux pour ne conserver que le caractère essentiel de leurs compositions.
En laissant l’air et le silence occuper un peu de l’espace des morceaux, démarche en cela proche de compositeur de musique néoclassique, ils laissent leurs pièces respirer, offrant solennité et gravité aux arrangements. La délicatesse dans le traitement des bandes et des boucles est également à souligner tant elle enrichit le morceau.
Même si la démarche est expérimentale (la recherche perpétuelle de sensations), l’atmosphère globale de l’album est à rapprocher des expériences splendides de Piano Magic (Bliss out vol 13 et certaines intro de Artist’s rifles notamment) mais dans une attitude de dénuement extrême (sans les voix féminines chères à Glen Johnson, par exemple). Bien sur, Baka ! développe une personnalité forte, qui puise dans l’amertume et dans la froideur des musiques rock atmosphérique et dans une attitude de recherche plus marquée.


JJ.

 
       
   

James Coleman 
Zuihitsu  (sedimental/import)

À ceux qui considèrent toute idée de la musique figée, ou utilisation d’un instrument de manière univoque et sclérosée, je ne saurais trop conseiller l’écoute attentive du premier album de James Coleman.
Thereminist de son état, improvisateur pour la forme, il a sans doute abouti au constat simple que le Theremin n’a jamais fait l’objet d’une étude centrale, tant il était relégué au rang de second couteau, instrument subalterne (quelquefois kitch) de la mélodie.
Ce disque apparaît donc comme un hommage, une de l’instrument, un voyage d’étude au pays Theremin, dans le but avoué de nous faire découvrir la topographie accidentée de son arrière pays, les paysages rarement dévoilés de ses possibilités.
Le voyage est rude, il procure nombre de désagrément (froid, meurtrissures, frissons) mais éveille dans l’âme de l’auditeur un intense désir de poursuivre le chemin.
James Coleman, bien que peu rodé à l’exercice de l’album, n’est pas pour autant novice dans l’art de l’improvisation ; ses pairs et amis l’ont bien compris et l’ont fréquemment convié à leurs projets respectifs. Des noms ? Saturnalia (Free improvisé), évidemment, structure dont il est partie prenante, puis Nmperign, Joe Mc Phee, Eddie Prévost, John Voigt, Peter Kowald, John Thomas, David Gross, Dans de Cellis, ou au sein de Undr Quartet (pièces expérimentales).
Du beau linge, qui vient compléter et entourer la présence de non moins brillants musiciens de l’album ; Bhob Rainey, Tatsuya Nakatami, entre autre pour un album austère (dans le sens sonore du terme) et exigeant.

JJ.

 
       
   

Pullman
viewfinder (Thrill Jockey/ PIAS)

Turnstyles & junkpiles m’avait surpris à sa sortie en 1997, par la sérénité calculée, la quiétude et l’harmonie patente de ses arrangements.
Une surprise mesurée, pour être honnête, connaissant l’attachement de certains des musiciens formant Pullman pour les tristes embellies de Nick Drake ou les accords évanescents de John Fahey. Un album qu’on pouvait alors taxer de contemplatif et instrumental (fine analyse !).
Ce " View finder " qu’on pourrait prestement traduire de viseur, (ou qui peut désigner un homme qui aurait forgé ses opinions) prolonge la cinématique éthérée d’une suite rêvée de Paris-Texas.
Une exploration espacée de quatre années qui ne semble jamais avoir été close. Peu de dissonances ou d’arythmie, juste un étirement classique des arpèges pastels, des mélodies opalescentes et de promesses heureuses.
Des formations qu’ils composent habituellement, c’est sans doute celles de Curtis Harvey (Rex) et Chris Brodaw de Come qui ont su atténuer les contreforts sinueux des compositions de Bundy K Brown (Direction in Music) et Douglas Mc Combs (Tortoise, Eleventh Dream Day) quoique Him (autre side project du sieur Mc Combs) recherche un peu de cette quiétude inavouée dans cette quête Dub.
L’ouïe ne trouve point de détails qui altèrent et qui amoindrissent la vaste et puissante impression de posséder la sphère entière de cette musique.

JJ.

 
       
   

Chicago underground quartet 
S/T (Thrill Jockey / PIAS)

L’illustration du paysage sonore de la capitale de l’Illinois n’a pas attendu les soubresauts de la musique noise, puis post-rock pour exprimer la plénitude de ses ressources et possibilités.
Difficile gageure, semble-t-il de faire abstraction des personnalités et structures présentes ou passés (AACM, Art Ensemble Of Chicago, Walter Dyette, 8 bold soul, Lester Bowie, Roscoe Mitchell, Anthony Braxton etc.) qui ont marqué avec tout autant de vivacité la société Chicagoanne que les traces du lac Michigan sur la topographie tourmentée de la cité.
Comme pour mystifier un peu l’auditoire, la structure gagne à chaque étape de sa création un nouveau membre qui vient enrichir la formation d’un nouveau substantif qualificatif (Duo, trio et à présent quartet).
L’anecdote enterrée, il nous reste à nous évader dans la musique de ce Chicago Underground Quartet ; primitivement composé du cornettiste Rob Mazurek (collaborateur de Jim O’Rourke sur Gastr del Sol, Isotope 217) et du percussionniste Chad Taylor (contributions avec Fred Anderson de l’AACM), sont venus s’y adjoindre le guitariste Jeff Parker (Tortoise, Isotope 217) et le bassiste Noel Kupersmith (qu’on a vu traîner chez Brokeback). En fait Jeff Parker accompagnait déjà sur scène le duo ; l’étape de son intégration n’a été qu’une simple légalité administrative.
La tonalité commune qui se dégage de cet album est cette perpétuelle constante à la recherche, cette avidité pour les croisements de styles et la soif de rencontre. Du post jazz à des partitions plus free, l’intégration du Moog sur Nostalgia, ou de lentes arpèges sur Tunnel Chrome, on pense sans vraiment s’en formaliser à d’autres formations du cru, ISOTOPE 217, Gastr Del Sol, ou bien encore Tortoise ou BrokeBack.
Les neuf stances qui composent cet opus se rapprochent d’un format free avec une nette inclination au non conventionnalisme.
Mazurek et ses "acabistes" développent ici, une appendice inspirée et feutrée de l’esprit AACM avec une relation et un attachement plus marqué pour la modernité des sons et des croisements entre les sections.
Une musique en parfaite opposition avec les dogmes académiques et un souffle vivifiant qui gagne nos cœurs et nos oreilles.
Faisant suite au sublime album des All Naturals (Hip-Hop) et de Takemura (comptines électroniques), Thrill Jockey rompt encore une fois, et avec subtilité les amarres du post-rock.

JJ.

 
       
   

DE FABRIEK
S/T (Moloko +/ Métamkine)

Sous ce patronyme sibyllin se cache une formation irréprochable et difficilement contournable de la scène atmosphérique à vocation industrielle. Fear Drop et Denis Boyer seraient sans doute possible plus habiles dans l’art de nous conter l’histoire et les attentes de ce groupe.
Un entrelacs de sons spacieux, fruit d’un long processus, d’une maîtrise habile habite cet album.
DE FABRIEK assume pleinement son lourd passif industriel, et ouvre, avec une intelligence faconde son style aux grands espaces vierges- forêt tropicale- No man’s land. L’évocation d’espaces laissés à l’abandon. La fertilité des samples, la prolixité des sources offrent un savant appel à la quiétude (et à l’inquiétude), entre pointages géographiques référencés et univers oniriques. On plonge littéralement dans ce sas de décompression, manufacturé digipack. On en ressort lessivé mais grandi.

JJ.

 
   
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