Votre lectorat est stable ?
Killofer : Non, il évolue, il grossit.

Je veux dire : les adhérents vous suivent ou ça varie.
Menu : y’a tous les cas de figures, les fidèles, ceux qui arrêtent puis qui reviennent, les déçus... Ce qui est intéressant avec notre lectorat, c’est que ca recouvre un peu toutes les catégories. Il y a aussi des adolescents, ou des gens extrêmement âgées.
Trondheim : Des gens qui étaient blasées de la Bd et qui redécouvrent des trucs intéressants

Le succès que vous rencontrez, ça a modifié votre manière de fonctionner ?
Menu : Je ne crois pas.
Trondheim : Les livres qu’on vend le plus pour l’instant, c’est des chiffres autour de 4000 ex.
Menu : Ça a dépassé. Les meilleurs ventes c’est plutôt 6 à 7000 maintenant.
Trondheim : 7000, c’est Imbroglio, une patte de Mouche....
Menu : Non, c’est le Journal d’un album de Dupuy et Berbérian, talonné par Le pays des trois sourires et L’ascension du haut-mal.
David B. : Avant, le maximum, c’était 3000.
Killofer : C’est les derniers albums qui se vendent le plus, c’est clair.
David B. : Ça fonctionne aussi chez Dargaud quand on a fait, par exemple, Hop-Frog avec Christophe Blain. L’éditeur pensait en vendre 1000 ex. Il l’on tiré à 6000 ex, tirage qui n’est pas très supérieur à un tirage de L’association finalement et l’album est bientôt épuisé. C’est un album dans lequel il ne croyait pas du tout.
Menu : C’est un système d ’échange qui est intéressant. Faire des albums à l’extérieur, ça ramène des gens à l’Association, j’ai l’impression aussi que pour les éditeurs installés, les auteurs de l’asso ont un espèce de crédit qui fait que les albums....
David B. : Il y a déjà un public tout prêt.
Killofer : Quand t’es auteur chez l’asso., t’as les portes grandes ouvertes chez les gros éditeurs (rires).
Menu : Ça a été un peu le problème de Futuro. Robial découvrait des gens, et ils partaient après chez Casterman.
Killofer : Robial, il a souffert de ça.
Menu : Oui, c’est quand même lui le premier qui a publié Muñoz et Sampayo, partis après chez Casterman.
Killofer : Alors comment on fait, nous, pour garder les auteurs ?
Menu : On est hyper-sympas et on leur paye à manger. Et puis on est auteurs aussi. donc on est conscient de ça, et on y fait attention.
David B. : On est pas comme une maison d’éditions traditionnelle, de toute façon. Moi, j’essaye d’équilibrer mon travail entres les grands éditeurs et l’Association. J’ai pas envie de gagner beaucoup d’argent et de rentabiliser tout mes albums. Je pense qu’au bout d’un moment, j’arriverais à vivre avec l’association. Plus on fait d’albums, plus on gagne d’argent, forcément. Y’a un effet boule de neige. A partir du moment ou j’aurais beaucoup d’albums à l’asso, ça ira. Je récupérerais jamais autant que se que je pourrais toucher chez Dargaud, mais de toute façon, c’est intéressant quand même.
Killofer : Mais ne dis pas ça, on la refait...
Menu : Je pense que les auteurs qui commencent à travailler à l’Association restent fidèles parce qu’il y a un esprit sain. c’est à dire que les auteurs ont affaire à des auteurs.

Je me disais aussi que, paradoxalement, le succès de l’association venait aussi du fait que l’édition se casse la gueule ?
Trondheim : Ça se casse pas la gueule, ça se porte très bien.
Killofer : Si, il y a eu une grosse crise pour les revues dans les années 80.
David B. : Si, il y a 10 ans, un jeune dessinateur vendais 10 000 exemplaires sans problème. C’est plus le cas.
Killofer : À l’époque ou on arrivait, les éditeurs étaient hyper-frileux, ils ne sortait pratiquement rien. Les gens comme nous, ils allaient voir les éditeurs et ils se faisaient jetés. C’était hyper dur de faire un album. Enfin, on était plus jeunes aussi...

Est-ce que vous pensez que vous avez évoluer sur la création d’un nouveau public, d’un autre public Bd.
Killofer : C’est dur à dire. C’était un peu notre but au départ. Ça l’est toujours d’ailleurs. On a déjà eu des échos de gens qui disaient : « Je suis content, j’avais arrêté de lire de la Bande dessinée... »
Menu : Dés la sortie du Cheval blême, on commençait a entendre : « Tiens, la Bande dessinée ça peu être ça, je suis content ». On espère, oui. Mais c’est très long. Par exemple, pour pénétrer le marché des libraires généralistes, c’est toujours aussi dur, parce qu’ils sont toujours aussi fermés à la Bande dessinée, ils ont toujours des préjugés.  
David B. : De toutes façons , je crois que l’on a des publics assez différents. Y’a des gens qui aiment la Bd traditionnelles et qui aiment aussi l’Association.
Menu : Ça oui, y’a des tarés parmi nos adhérents...
David B. : Oui, par exemple, il y a l’adhérent qui arrache, dans Lapin, les pages de Mattt Konture, de Menu, mes pages et de je sais plus qui d’autres, mais qui aime bien Killofer et Lewis. Ha oui, Killofer, il aime bien ce que tu fais et si j’était toi, ça me ferais réfléchir. Je comprends pas qu’il soit encore adhérent.

Le fait de publier des auteurs étrangers, vous pensez que ça va amener du changement par rapport à votre lectorat ?
Menu : J’ai l’impression que notre lectorat est curieux et va être intéressé.
Trondheim : Si on ne faisait que des albums comme Le Haut mal ou de Jochen Gerner, c’est très bien, mais ne faire que ça au bout d’un moment, on connaît le système. C’est vrai que s’ouvrir sur l’extérieur, ca fait des petites surprises.
David B. : C’est intéressant pour nous aussi de nous confronter à ça.
Menu : Ça fait vraiment plaisir de voir que l’on a imposé Pixie de Max Andersson en France. C’était long à démarrer et c’est devenu un peu culte. Y’a eu du bouche à oreille, le réassort se fait bien et on a pu en sortir un deuxième.
David B. : Moi, en plus tout ça, c’est des trucs que je connaissait pas avant d’être à l’Association. La BD américaine, tout ça... j’étais pas très undergraounde, donc je découvre plein de chose... C’est maintenant que je vais me mettre à faire de l’underground... j’ai commencé chez Glénat et je vais finir par ça. Non, mais c’est vrai, j’ai l’impression d’avoir un carrière qui va complètement à rebours.... J’vais me laisser pousser les cheveux et je vais devenir comme Mattt... enfoncé Mattt Konture.
Mattt : Je pense qu’on fait partie d’une génération internationale d’auteurs indépendants.
Killofer : L’internationale de la Bande dessinée (rires)...

Du coup, la spécificité que vous revendiquiez et qui est incarnée dans Lapin, n’est-elle pas en train d’évoluer dans les autres pays.
Menu : Oui et non , j’ai l’impression que y’a un truc qui a redémarré depuis quelques années. Par l’exemple, en Espagne, c’était le point 0 depuis longtemps, maintenait y’a Max. y’a Ritchi (?) qui lance Mano (?) en Italie.
David B. : Dans les années 70, y’avait pleins de dessinateur en Italie et puis dans les années 80 plus rien. Maintenant c’est vrai qu’on voit des italiens revenir.
Menu : Les allemands et les anglais s’y mettent aussi. Les pays de l’Est s’y mettent. Ça bouge vraiment et tout ces gens là se réclament des mêmes références.
David B. : Y’a Jigounov. qui vient de faire une série au Lombard. ... C’est un dessinateur russe qui a découvert le Lombard en Russie et il a voulu faire de la Bd et comme il n’y avait rien en Russie, il s’est dit : « faut que j’aille en Europe de l’ouest » Comme il ne connaissait que le Lombard, il a été les voir et ils l’ont pris tout de suite pour faire une série genre XIII... C’est un dessinateur réaliste qui dessine comme les gens du Lombard.
Menu : C’est très intéressant...
Killofer : Et il est content ?
David B. : Ha, il est ravi.
Killofer : C’est une histoire qui se termine bien, dommage qu’elle soit fini...
Menu : En tout cas, il y a vraiment un fossé qui s’est creusé ces dernières années entre ce qu’on appelait Bd et qui continue a exister en tant que produit, séries, etc... et se qui se passe maintenant, à la suite de l’Association et des autres petites structures alternatives. On commence à intégrer l’idée qu’il n’y à pas une Bande dessinée, mais plusieurs choses dans la Bande dessinée, des choses qui n’ont rien à voie entres elles et qui ne peuvent pas s’interpénétrer. C’est pas encore tout à fait intégrer, mais il y a du progrès là-dessus.
Trondheim : ce qu’on peut voir, c’est que chaque pays à développer des spécificités dans un domaine commercial, qui ne se rejoignent pas entre-elles, comme le manga, les supers-héros ou la bd historique, alors que dans le domaine de la small press, au contraire, là, il y a des vrais cousinages qui se font de pays à pays. Nous avec des éditeurs comme Draw & quatterly, Fantagraphics etc...
Menu : C’est parce que là, c’est humain, alors que le reste c’est du produit, c’est tout.
Trondheim : On est arrivé à une bande dessinée humaine.

En même temps, est-ce qu’elle n’est pas confiné dans un ghetto ?
Trondheim : Non, c’est plutôt l’autre qui se confine dans un ghetto.
Killofer : D’ailleurs le lecteur de cette Bd là, il est collectionneur, il sort pas de chez lui, il est maniaco-dépressif, il lit que de la Bande dessinée.
Trondheim : Il s’branle comme un taré, il baise pas.
David B. : Il a des problèmes avec les filles, c’est un public adolescent, même si les types ont 40 ou 50 ans. Ils ont un intérêt pour la Bd d’adolescent.
Trondheim : Hoo, arrêtez de généraliser, quand même, s’il vous plaît.
David B. : Ils s’attachent à la forme en fait...

D’accord, mais le public qui chercherait autre chose dans la Bande dessinée...
Menu : C’est le même problème que pour trouver des films ou de la littérature intéressants, c’est pas en lisant Lire que tu va trouver des bouquins intéressant., ni en lisant Première.
David B. : Mais Première, il parle aussi de films intéressants, c’est çà le problème. Il faut savoir trier, ce qui est important, c’est d’avoir un jugement, d’être capable d’avoir un discernement sur les choses.
Menu : Faut avoir accès aux choses, aussi. C’est pas évident.
David B. : Par exemple, il parle de nous dans la lettre de Dargaud, pas souvent. On parle de nous dans un tas de revues, c’est pas le problème, les gens ont accès à l’information sur ce qu’on fait.
Killofer : Holà, vous allez pas faire un scoop.

En parlant d’accès, justement, est-ce qu’au tout début, la discours de l’Association sur le renouvellement de la Bande dessinée n’évoquait qu’un renouveau formel, ou est-ce qu’il y avait aussi une volonté politique de renouveler les approches pour toucher le public. La volonté de proposer une bande dessinée populaire de qualité.
Trondheim : On partait d’un média qui était mal utilisé et mal connu, mal respecté.
Menu : Le problème c’est que personne ne sait ce que c’est que la Bande dessinée, personne ne connaît Herriman, Crumb. Groensteen faisait remarquer, il y a pas mal de temps : « parler à quelqu’un qui ne respecte pas la Bande dessinée, il rejette tout en bloc. Puis après on lui parle de Mc Kean et il dit que ça c’est de la peinture, on parle de Brétécher et il dit que c’est de la littérature, c’est pas de la Bd tout ça. En fait il y a quelque cas particulier qui sortent de l’image de la Bd et qui sont adopté, mais il y a un effort à faire pour casser cet espèce de mur, de mauvaise image de la Bande dessinée pour avoir accès aux trucs intéressant.
Killofer : Il y a encore quelque chose d’encore plus vicieux, qui est très apparent : Au Panorama de France culture...
Menu : Ha quels connards ceux là.
Killofer : ... Même les gens cultivés qui s’intéressent à la Bande dessinée, c’est toujours avec cette idée de condescendance, c’est pas du tout méchant mais pour eux y’a la culture, et la Bd qui rentre dans un cadre très précis...
David B. : : Y’a une émission de Bd sur France Culture...
Killofer : Comme ils sont généralistes au niveau de la culture ils s’occupent des produit qui représente bien leur idée de la Bd, contre-culture, etc, dans le même sac que le polar .....
David B. : Ce qui est marrant au Panorama, c’est que c’est des gens qui sont cultivés mais qui n’arrive pas à se cultiver au delà de la culture traditionnelle : littérature, peinture, musique, machin... La Bd , ça fait partie d’autre chose. Ils vont aimer des Bandes dessinées, mais des trucs extrêmement classique.
Menu : Le Panorama, ils ont descendu Conte démoniaque d’Aristophane, le Journal d’un Album de Dupuy & Berbérian et ils ont encensé 666. Ça va les conneries...
Killofer : Ils n’arrive pas à voir la Bd comme un moyen d’expression, il l’a voit comme un compartiment de la culture qui doit respecter certaine règles.
Menu : En fait, c’est le même problème que pour la plupart des gens.
David B. : J’ai l’impression qu’il voit ça comme la corvée de patate à l’armée.

C’est les médias en général qui sont peu réceptifs...
? : Y’a plein de raisons à ça.
Menu : En même temps, n’est-ce pas une bonne chose que la Bande dessinée soit perméable à la culture. C’est pas si mal. Ça lui permet de ne pas rentrer dans les canons officiels, elle n’est pas récupéré finalement. Elle est assez irrécupérable, comme le rock, en fait.
Killofer : Pour ça, l’album sur l’Égypte c’était vachement révélateur. C’est la réflexion qui nous est venu puisque ça a déranger tout le monde qu’on publie cet album.
Menu : La ??, c’est le truc au sein du ministère des affaires étrangères, qui a plein de fric, ils proposent, je sais pas, à des artistes contemporains d’aller dans les pays en guerre et puis qu’est-ce qu’ils font : un truc abstrait avec du rouge. Ca ne branche personne. Nous, ils nous ont envoyés en Égypte et le fait que l’on mélange le texte et l’image, on se rend compte que ca dérange tout le monde. Il ne vont plus jamais rien faire avec la Bd, je pense maintenant.

Vous qui êtes assez revendicatifs, ca ne vous a jamais tenter d’introduire une partie critique dans Lapin ?
Killofer : Si, bien sur, on en reparle régulièrement d’ailleurs.
Menu : A l’origine il y avait cette idée d’arrêter de critiquer et de polémiquer et on faire des choses. Du coup, on a mis en retrait la position polémique et avec les années c’est peut être moins nécessaire.
Killofer : On aura l’air cons de critiquer avec toutes les concessions qu’on a fait pendant toutes ces années.
Menu : Mais c’est vrai que la situation à bien changer. Il y a moins de choses à obtenir que dans les années 80.
Killofer : Et puis on est un peu plus compromis, aussi, on ne peut plus taper sur tout le monde comme on le faisait.
David B. : Le problème n’est pas là, c’est pas le problème qu’on bosse à Dargaud ou a Dupuis. Quand je vais voir Christmann qui monte des trucs, moi, je dis quand j’aime pas ça, c’est pas le problème. Christmann l’accepte très bien, ils nous connaît bien.
Killofer : Par exemple, on avait eu envie avec Menu de reprendre Globof au dernier Angoulême, par ce qu’il ne se passait rien. Et puis, une fois sur place, ben on a pas eu envie, c’est passé.
Menu : C’est vrai qu’il y avait matière un peu à râler...
Killofer : Mais là on ne parle pas vraiment de critique mais plus de polémique.
Trondheim : On en revient aussi au fait que faire de la critique négative sur des bouquins, est-ce vraiment la peine ? en fait, Menu, il fait généralement des critiques positives dans les éditos de Lapin. C’est plutôt de l’information.
Menu : Je considère que je ne fais absolument aucune critique ni polémique dans Lapin, pour l’instant. Si je le ferais, ca serait beaucoup plus virulent.
Trondheim : Il y a eu quelques dérapages avec Lolmède et Le Seuil, mais bon.
David B. : Avec Le seuil, c’était justifié. Avec Lolmède, c’était un problème entre Menu et lui.
Menu : C’est le centième de ce que je pourrais dire. Moi, j’ai un fond polémique, je suis vachement énervé mais je ne me permet pas de le dire à l’Association.
Trondheim : On ne mets pas ça en avant.
David B. : Il y a aussi le fait d’avoir créer l’asso, de faire partie du paysage de la Bande dessinée, au même titre que Dargaud ou Glénat, que Jade ou les Requins marteaux, quoi qu’on en pense.

Vous avez l’impression d’être un véritable éditeur par moment ?
David B. : On est un véritable éditeur, la question posée, c’est quel éditeur. On est pas le même éditeur que Glénat, ça c’est clair.
Trondheim : L’image de l’éditeur, c’est l’album cartonné couleurs.

Y’a des trucs qui se vendent plus que d’autres. Des trucs qui vous tiennent à coeur mais qui ne marcherons pas ?
Menu : Mais attends, c’est une entreprise, c’est clair. On à un loyer de 11000 balles, on est obligé de sortir des bouquins. On ne peux pas se permettre de ne pas sortir de bouquins pendant 6 mois. On est dans une logique d’entreprise, ce qui est un peu chiant, mais c’est comme ça.
Trondheim : Conte démoniaque, on a pas trop réalisé la difficulté...

... coupure...

Vous avez eu envie de sortie des albums en couleurs ?
Menu : Ca commence à se poser.
Killofer : Avec Jim Woodring, notamment.
Menu : En fait, ça va se faire. Il y a déjà de plus en plus de bichro dans Lapin, on va commencer à faire des albums en bichro. Il y a trois projets qui appellent la quadri, c’est Chris Ware, Woodring, co-édité avec Fantagraphics et Jochen entreprise, un éditeur allemand. L’album étant muet, on va l’imprimer en même temps et puis en novembre, il y a le Lapin plus jeunesse, en collaboration avec le Salon de Montreuil. Ils ne veulent pas mettre de blé, mais ils vont acheter des exemplaires. S’il en achètent beaucoup, ca rend l’opération rentable.

????
Menu : Le Rouergue, j’adore ça.

Vous avez des envies de faire du livre jeunesse ? Ces dernières années, c’est un domaine qui a été très créatif.
David B. : Moi, ca me branche pas trop
Menu : Moi, je veux absolument en faire, ne serait-ce que parce que j’ai des gosses ....
Trondheim : Moi, je crois que je vais en faire chez Delcourt. On me l’a proposé.
Menu : C’est beaucoup plus riche et ouvert que la Bande dessinée. Les gens qui s’amusent à découper le papier, ils n’hésitent pas utiliser des couleurs fluorescentes, à mettre des empreintes. D’ailleurs, Cornéluis doit faire une collection pour enfants sous peu.
Trondheim : Ceci dit, comme je le disais au débat, c’est dangereux de faire du livre spécifiquement pour les enfants.
Menu : De toutes façons, nous, on n’a jamais ciblé quoi que ce soit. C’est pas maintenant que l’on va se mettre à cibler.
L'asso passe à table...
Trondheim : tu vois un truc comme Cédric par exemple, c’est pour enfants mais c’est de la merde. Alors qu’à l’époque, Spirou et Fantasio, c’était pour tout le monde.
Menu : J’ai lu Le nid des marsupilamis à ma fille Séraphine, j’avais les larmes aux yeux tellement c’était bien. C’est même génial, Franquin est génial. Entre ce qui se passe dans la jungle et le contrepoint qui se passe dans la salle de projection, avec la bonne femme qui bouffe ses chocolats. C’est parfait. Séraphine, elle était émerveillée.
Trondheim : Bouquins pour enfants, oui. Mais pas spécifiquement pour enfants.
Menu : On fait pas de bouquin pour les cons adultes. Pourquoi tu voudrais qu’on fasse des bouquins pour les cons enfants.
Killofer : leurs ai quasiment lu tout l’album en une seule fois. L’autre jour, j’ai lu un Tintin à mes enfants, c’était génial. J’arrivais pas à m’arrêter. Je C’était Le trésor de Rackam le Rouge. C’est le première fois que j’ai vraiment tripé sur un Tintin.
Trondheim : Et voilà, on encense Franquin et Hergé...
Killofer : Ben oui.
David B. : Je me suis lu le dernier Alix, et bien c’est super nul, alors que quand j’étais petit, j’adorais ça.

Vous auriez envie de sortir certains des auteurs qui vous ont intéressé .....
Menu : On a souvent parlé de faire des rééditions de trucs anciens, c’est un truc qu’on a pas vraiment.... On voulais faire M Le Magicien de Mattioli, qui paraissait dans Pif, il y a longtemps. Mais c’est truc qui est en quadri. Ça c’est un truc que quelqu’un doit rééditer. Je préférerais que ce soit quelqu’un d’autre, mais si personne ne le fait.
David B. : Y’a des gens comme F’murrr, comme Tardi, comme Forest, s’ils voulaient faire des trucs pour l’association, on serait d’accord, pas de problème.
Menu : Il y a des Bd qui ne sont pas disponible et ça manque. C’est pas normal que l’on est pas les oeuvres complètes de Willem ou de Gébé en librairies. Moi, je vois bien pour eux, une collection Pléaïde, sur papier bible avec l’oeuvre complète.

C’était quoi, vos plus grosses surprises et vos plus grosses déceptions à l’association, en bilan sur ces dernières années ?
Menu : Y’a des chose qu’on a pas fait et que d’autres ont fait, mais c’est pas très grave. Mais quand Delcourt fait Burns, moi, ça m’ennuie, il aurait fallu que ce soit nous qui le fassions. Black Hole, ça aurait été bien que se soit édité chez Cornélius ou à L’association
Trondheim : Et quand Delcourt fait Cages...
Menu : On aurait pas pu le faire.

Ça vous aurait fait envie ?
Menu : Heu, non. Moi, je ne suis pas fan. Pour les très bons souvenir, il y a Pixie parce qu’entre le moment ou on l’a découvert et celui ou on l’a publié, il ne s’est écoulé qu’un mois et demi. Du genre, on va à Helsinki, on découvre Max Andersson, on est tous d’accord sur Pixi, on fait un contrat, on traduit le livre, je le lettre et ça sort pour Angoulême parce qu’il y avait un spécial Scandinavie là-bas. Le tout en un mois et demi.
Killofer : Moi, je me souviens du dernier déménagement de L’association, ou il y avait plein d’albums à moi à déménager. Ca m’a quand même déprimer sérieusement.

Vous ouvrez aussi de plus en plus sur des auteurs français plus jeunes.
Menu : Il se passe plein de chose dans les fanzines. Moi, j'estime qu'on est pas assez concentré sur ce qui se passe. Quand je vois Judith et Marinette, par exemple, je suis impressionné. Je trouve que ça, c'est vraiment du sang neuf.
Killofer : En même temps, ils sont trop proches de ce que l'on fait, dans l'ambiance.
Menu : On sent qu'il y a une proximité, mais moi, j'aimerais bien qu'il fasse des trucs pour nous. Il y a les suisses qui tourne autour de Bülb et de Drozophile, tout, ça, c'est très intéressant.

Vous vous attendez à être remis en cause par des plus jeunes ?
Menu : Récemment, on a reçu un fanzine de Poitiers, Flbllll, c'est hyper-drôle. Il y avait un faux texte critique sur l'asso, de Thierry Gronchton, sur l'autobiographie en Bd. Ils tapent sur moi, sur Lewis et sur Baudoin. Et après, il y a le journal de Fabrice No-no (Néaud), c'est très drôle, mais ça fait froid dans le dos et ça fait mal, ça. Tous les tiques de Fabrice sont laminés. Nous, on étaient morts de rires et je trouve très bien qu'il y ai des gens qui arrivent et qui se foutent de notre gueule. Franchement, je trouve ça sain et ça m'a fait plaisir. Je trouve ça presque aussi important que d'être reçu au Ministère de la culture.
David B. : Qu'on se moque de mon frère comme ça, il n'ont aucun respect pour la douleur d'une famille (rires)...
Killofer : Les petits saligauds.
Trondheim : Moi je dis c'est facile de se moquer, mais c'est pas facile de créer (rires).
Menu : Pour Fabrice Neaud, qui n'a pas beaucoup d'humour, ça a du lui faire très mal.

... coupure...

Il y a peu de filles à l'Association...
Menu : Il y en a plus qu'ailleurs. A l'époque ou on a crée l'association, on connaissait peu de dessinatrices. Mais il y en de plus en plus et qui ne font pas de trucs niais. A L'association on a publié des filles vraiment intéressantes, Julie Doucet, Anna Somer, Feuchtenberger, Goblet, Kathie Kovacs, Joëlle Jolivet...
David B. : Ha, on publie pas Joliguth, ni Wendling.
Menu : Montellier et Goetzinger ont frappé à la porte, mais on a pas ouvert...
Killofer : On a regardé par le judas...
? : Par contre, ce qui est vrai, c'est qu'Olivia Clavel est venu nous démarcher, il y a deux ans.

Jade : Ho Montellier, on ne craint pas.
Menu : Laisse tomber....
David B. : Justement, c'est ça le problème, c'est l'engagement en Bande dessinée qui est très lourdingue, c'est ca qui est chiant, très démonstratif.
Menu : C'est vrai, c'est un bon exemple de Bd engagé bien raté.
David B. : C'est un bon contre-exemple d'engagement dans la Bd.

Peut-on dire que sur notre génération, il y a une crainte, un rejet de l'engagement dans la Bande dessinée ?
Menu : C'est lucide. C'est plus intéressant de s'engager dans une structure pour faire les choses que de s'engager dans un sujet, qui est beaucoup plus casse-gueule.
Killofer : Muñoz et sampayo en ont fait, mais ont bien abordé le truc. Crumb aussi.

Est-ce que ça peut vous aider dans vos projets de bosser chez d'autres éditeurs ?
David B. : Pour moi, c'est intéressant pour une question d'équilibre, c'est vrai que ca permet de sortir et de voir ailleurs.
Killofer : Je ne suis pas d'accord. David B. disait qu'il était passé des gros éditeurs à l'underground. Et c'est là qu'il fait les choses les plus intéressantes.
Menu : C'est pas contradictoire.
David B. : L'intéressant, c'est que l'inverse est vrai aussi. C'est que bosser à l'association, ça permet de par rester à faire des séries cher un grand éditeur. Pou moi, l'un est complémentaire de l'autre. Ca correspond aussi à ma nature, j'ai toujours eu le cul entre deux chaises. Je me retrouve à l'Association, je suis le plus âgé, alors que j'avais déjà toute une carrière de dessinateur derrière moi.
Killofer : Oui, mais tes bouquins, c'est les plus frais et les plus jeunes, les plus péchus.
Menu : tu es notre gros bébé à tous. Tu es le sage de l'association.
Killofer : À la fois, l'Asso t'as sauvé et à la fois tu la portes sur tes épaules.
David B. : Elle m'a pas sauver. A l'époque ou je l'ai rencontrer, je ne faisais rien.

C'est dans tes récits qu'il y a le plus de violence, bien qu'à la fois ce soit très calme. Mais il y a souvent des morts, des batailles...
David B. : Oui, j'ai toujours été fasciné par ça. C'est ce que j'essaie d'expliquer dans L'ascension du haut-mal. C'est vrai que c'est mêlé à ma vie familiale, à mon frère.
Killofer : Et voilà, ça tourne à l'interview de David B...
David B. : Non, non, c'est juste qu'en ce moment, avec l'Ascension du Haut Mal, je réfléchis à tout ça. J'aime bien l'ambivalence et mon ambiguïté. C'est vrai que j'aime bien être chez un gros éditeur et à l'association. C'est important pour moi, et pas seulement pour le fric. Ca m'équilibre.
Trondheim : En Bd, on peux faire des choses selon différents axes.
Menu : Moi aussi, j'ai l'impression d'avoir le cul entre deux chaises, entre dessinateur et éditeur et de ne pas pouvoir choisir.
Killofer : Moi aussi ! Je ne suis pas sur d'être fait pour la Bande dessinée... (rires).
Trondheim : J'ai aussi le cul entre deux chaises. Je ne sais pas vraiment si je vais bosser que pour Dargaud ou que pour Delcourt (rires)...
Killofer : Si je me sens pas à ma place à l'Asso ? Le problème que j'ai c'est que je ne représente pas vraiment une force de vente spécialement importante... Je suis plutôt un agent d'ambiance... Je suis là :« allez, allez les copains... » C'est important et il y a eu des périodes ou c'était très très important.
David B. : Oui, tu joues comme facteur apaisant autour de certaines polémiques que je ne raviverais pas ici.
Menu : On peut dire entre parenthèse, qu'être là huit ans après, c'est pas mal non plus.
David B. : On a des personnalités assez différentes.

Je sens vraiment un tournant.
Menu : Il faut voir qu'on a plus de moyens, aussi. On commence a pouvoir réaliser des vielles envies.

Le fait que vous fassiez de plus en plus de projets à l'extérieur.
Trondheim : parce qu'on a plus les moyens de le faire graphiquement aussi. On a l'assise et le crédit auprès des autres éditeurs.

Par rapport à vos intentions de bases, avez-vous l'impression de faire un retour. Il y avait quand même une part de jeu et de bluff, à la base.
Menu : A la base, je sais pas.
David B. : On a fait des albums et on a fait des pyramides. Il nous reste tout pleins de trucs à faire. On pourrait ouvrir un restaurant.
Killofer : Ouais, on à plus rien à dire. Il est prévue qu'on se saborde en l'an 2000. Pour que la légende soit intacte. Mais Lewis ne veut pas se suicider, mais on va l'assassiner, c'est pas grave.
David B. : On va faire comme Actuel. On va se saborder et réapparaître après.
Menu : Oui, y'a des projets assez fous qui arrivent assez vite.
Trondheim : On en parle ou quoi ?
Killofer : Non.
Menu : D'accord.
Killofer : Il faut que les gens soient un peu intrigués. On peut pas tout dire.
Trondheim : Non, mais ça fait un scoop.
David B. : Oui, mais le Seuil va le sortir.
Trondheim : Aucun éditeur ne pourra le faire, ce truc là.
Menu : Si ca existe, y'a que nous à pouvoir le faire.

On est intrigués...
Killofer : Et puis l'association à son jardin secret.
Trondheim : Bon, on peux le dire maintenant.. Allez Menu, t'en crève d'envie.
Killofer : Non, non ! En plus c'est pas évident, c'est pas encore fait, si ca se trouve on va se retrouver face à des difficultés insurmontables. Donc, c'est pas la peine d'en parler.
Menu : Imagine qu'il y a un type riche qui lit Jade, ou son fils, et qui dit : « Ha, ha ! je vais donner plein de fric pour ce projet ».

Vous allez relancer Pif ?
David B. : Non, mais attends, Pif, ça doit ressortir. Ils ont téléphoner à Jose Jover pour qu'il fasse des Bd dedans.

Avec le gadget ?
David B. : C'est un super richard communiste qui parait-il relance Pif et ce sera mensuel.
Menu : Moi, oui, ça m'intéresserait, mais s'ils vont d'emblée vers Jover, je ne pense pas que ca soit une très bonne politique éditoriale.

Y'aura Jover dans le projet 2000 ?
Killofer : Faut demander ça à Menu.

Bon, alors, le projet 2000 ?
David B. : Ça y est, il a déjà commencer à en parler mine de rien.
Menu : C'est Lewis qui a commencé. C'est lui qui crève d'envie d'en parler... Donc, le projet pour l'an 2000, qui va nous rendre tous fous et qui va couler l'association...
David B. : Dès qu'on l'aura publié, ce sera la fin du monde tout de suite après.
Menu : Ça commence à devenir possible. Le ministère de la culture fournirait un quart du budget.
Killofer : D'aucun aurait entendu dire qu'on aurait la possibilité d'avoir un quart du budget, qui est très lourd... Il est même relou.
Trondheim : Ça vous intéresserait de faire 4 pages ?

Et puis vous, il y a de plus en plus d'ouverture qui se font sur autre chose que le bouquin ?
Menu : C'est pour ça que les démarches marginales m'intéresse comme ce qu'à fait Thomas Ott, qui est un auteur de Bd qui étouffe un peu dans le papier et qui décide de faire une histoire sous forme de scénographie, ça je trouve ca très intéressant et je suis content qu'il y ai un livre pour relayer ça. Pour l'an 2000, c'est un livre. Un gros livre.
Trondheim : A votre avis, combien de pages ?

2000.

Trondheim : Bravo ! Voilà le projet.
Killofer : Ils n'y croient pas.

4 pages par auteur, sur 2000 pages ?
Menu : C'est un dictionnaire et il y aura 500 auteurs qui feront 4 pages muettes, sur le thème du 20e siècle. C'est muet donc exportable. LA sélection des 500 auteurs, ça va être quelque chose. Parce qu'il faut que cela soit cohérents avec les choix de l'association tout en étant plus large. Car il faut qu'il y est des gens un peu internationale et comme il faut que ça soit un peu historique, il y aura aussi les gens important à qui il faudra demander. Mais alors ou ç'a s'arrête ? µ
David B. : Est-ce qu'il y aura Dimitri, par exemple ? Parce que c'est quelqu'un qui à des choses à dire sur l'histoire du 20e siècle (rires)...
Trondheim : J'avais déjà posé la question, tu avais dit non.
Menu : Mais, est-qu'on demande à Druillet par exemple ? Il est important.
David B. : Non, Druillet, je vote contre.
Killofer : On pourrait lui demander, mais on lui demande de faire du Lone Sloane ou du Vuzz.
Trondheim : Ou on lui demande les pages et après on lui refuse.
Général : Ouaisss !
Menu : Bon, donc, on est en train d'établir la liste. Bon, donc y'a les gens qui sont évident et puis après y'a les litigieux. Il y a les vieux belges, ceux qui sont encore vivants. Il y a Will, Macherot, Wasterlain.... et puis on va s'arrêter là. Voilà le truc. C'est un projet à un million lourd. Très lourd... Ben c'est un bouquin qui fait 1 Kilo, donc t'imagines.
Killofer : Un Kilo, un million. En euros, ça fait combien ?
Menu : C'est complètement taré comme histoire, mais bon, l'idée de base, c'est Anne Baraou qui l'avait eu, elle voulait faire ça avec Hors-Gabarit.
David B. : On lui a piqué l'idée et on l'a viré de l'Asso.
Menu : Bon, mais elle, elle ne l'aurait pas fait, c'était juste un délire et puis, on a commencé à en parlé, à faire des devis. C'est un bouquins qui coûte 100 francs pièces. Ca ressemble à un petit Robert. Si ca existe, c'est quand même quelque chose.
Killofer : Rien que d'en parler, il est déjà content de lui.
Menu : Ben enfin, c'est pas mon idée, c'est celle d'Anne.

Dans toutes les ambitions et les fantasmes, est-ce que la presse vous fait peur ?
Menu : Oui, on y a pensé, mais le kiosque, c'est vraiment.... trop lourd. On est content de voir que vous tenez bon.
David B. : On a déjà des problèmes à boucler les lapins, il fut un temps.

Avec l'expérience de Strips, vous ne vous êtes pas dit, « Tiens, il y a quelque chose à faire... »
Killofer : On se dit ça régulièrement, mais c'est pleins de contrainte. C'est impossible d'avoir la liberté qu'on a dans Lapin.
Menu : Le kiosque, c'est un peu comme les droits de retours en librairie, c'est a dire, pour vendre 2000, tu tire 20 000.

... Complément d'entretien avec Lewis Trondheim...

Le Projet An 2000 ?
Lewis Trondheim : Cela a vite posé des questions. D'un côté sur le choix-même des auteurs. Par exemple : « Faut-il demander à Druillet » ? Certains répondent «D'accord il a fait des choses très bien, mais il y a longtemps ». Et d'autres répondent « Il reste l'un des grands auteurs de la Bande dessinée ». D'autres surenchérissent « A ce moment-là faut-il demander à Bilal » ?... Autre question : nous ne sommes vraiment pas sûr des réponses des auteurs. Finalement nous en avons opté pour un choix très large (plus de 600 auteurs), afin de nous préserver de certains refus. Menu et Placid sont en train de prendre les contacts. Côté budget, le Ministère de Culture le financerait pour 250.000 F. et le Centre national de la Bande dessinée et de l'Image participerait également. Une grande expo devrait accompagner la sortie du bouquin, au CNBDI.

C'est un énorme coup de commnuication pour l'Association. Cela n'a pas été pensé en ce sens. Personnellement j'étais un peu réticent à l'idée de faire quelque chose pour l'an 2000, comme ça se fait partout. J'aurai trouvé plus intéressant d'éditer une belle rétrospective du siècle mais après coup. Cela étant dit c'est un beau projet, très gros aussi. Alors, oui c'est vrai que ça peut être une très bonne opération pour faire connaître l'Association... ou pour la faire couler si ça ne marche pas (rire). C'est quelque chose de très important et qu'on n'a jamais fait. C'est comme le Tardi.

Il sera publié dans la nouvelle collection Mimolette, que vient de créer l'Association ? Non. Mimolette est une collection de livres courts, d'une trentaine de pages, vendus à un prix accessible (autour de 35 Francs) et qui permettra aux auteurs qui n'ont pas envie de s'engager dans un long récit, de sortir des livres quand même. Ce qui est le cas pour Mattt ou encore Sardon... Les quatre premiers titres devraient paraître en ce début d'année. Quant au bouquin de Jacques Tardi, il ne fait partie d'aucune collection particulière...

Quel est le but d'un telle collection : vous rapprocher d'un public et de libraires qui ne vous connaissent pas encore ? C'est l'histoire d'une opportunité. D'un côté, Tardi apprécie beaucoup le travail de Stanislas et il lui a fait savoir. De l'autre, à l'occasion d'un festival de Polar en Belgique, les organisateurs ont commandé à Tardi une histoire dont ils souhaitaient faire un livre. N'ayant pas la structure éditoriale pour élaborer un tel projet, Tardi leur a soumis l'idée de faire appel à l'Association. Là encore, certaines questions se sont posées : devions-nous accepter sans avoir lu le projet sous prétexte qu'il s'agît de Tardi et qu'il vend beaucoup ? Et si le livre n'était pas bon ? Si nous l'avions reçu par la Poste, signé d'un inconnu, l'aurions-nous publier ?... Au final, le bouquin paraît très bien, avec un dessin plutôt lâché et une histoire dans la lignée de Trou d'obus... Il sera tiré à 35.000 exemplaires.

Jamais vous n'aviez atteind un tel tirage. Ce fut une autre question : quand on publie Tardi, il faut tirer à combien ? Généralement nos bouquins ne dépassent pas 6000 exemplaires !... En se renseignant ici et là, en rescençant les futures commandes des libraires, on a atteind les 35.000 exemplaires.

Y aura-t-il un « après » ? On ne sais pas du tout. Pour l'instant, on a l'opportunité de réaliser un tel projet, alors on le fait. Mais on sait bien qu'on ne pourra jamais le payer autant que les autres gros éditeurs pourront le payer. Et puis on sait aussi qu'il souhaite s'investir pour Futuropolis qui est entrain de se remonter, notamment un projet avec Penacq au scénario.

La résurection des éditions Futuropolis est un secret encore bien gardé. Après avoir assumé sa filiation, comment envisagez-vous leur retour ? C'est une très bonne chose. Plus les éditeurs indépendants seront nombreux et présents dans les librairies, plus la Bande dessinée indépendante aura de chances d'évoluer et de gagner du terrain. Il ne reste plus qu'à espérer que Futuropolis reste égale à elle-même.

Sais-tu si c'est son créateur, Etienne Robial, qui s'en occupera ? En partie. Du peu que je sache, c'est la même plateforme de personne qui devrait s'en occuper. Néanmoins, le nom et les moyens ne lui appartiennent plus. Il reste donc à connaitre les vrai intentions de Gallimard dans cette affaire. Lui laisseront-ils carte blanche ?... Pour autant, ça reste l'une des bonnes nouvelles de l'année. Oui, c'est une bonne nouvelle.

Interview réalisée au cours du second semestre 1998 par Lionel Tran, Jérôme Sié, Bruno Canard et Ambre, proposées ici dans leurs versions intégrales non réécrites.

Entretien paru dans Jade 16 © Les auteurs & 6 Pieds Sous Terre, 1999 - Photos © Valérie Berge, 1999

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