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JadeWeb chroniques #0 /
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Chroniques #0

 

Tennis
europe on horse back

On oublie trop souvent qu’un album, avant d’être du son et de la mélodie, reste avant tout un point de vue sur une certaine vision du monde, une certaine attente sur ce qui nous environne. Dans le cas de Tennis, ce sont non pas un mais deux points de vue complémentaires sur le monde qui se confrontent au long de ces 8 titres. À la manière du sport pratiqué, les deux entités qui composent ce projet, Douglas Benford, alias Si-cut.db (ou Radial Blend, Phoenix Jig, Mediaform, etc.) ainsi que Ben Edwards, Benge, bien connu des aficionados de l’écurie Sub Rosa, mentor de son label Expanding Rec… se livrent à un face à face exaltant, à une conversation entre dub et nu-jazz, où les samples et les pitchs jouent les arbitres de filet.
Un album enivrant autant que méditatif de Dub Blanc, agrémenté de mélodies Flangeriennes de Glitchy et de blips, proche dans ses vues des forfaits de Pole ou encore d’une frange de la clique Scape (label de Stefan Betke, tiens donc…) avec comme frères de sang Gramm, Vladislav Delay, Friedman et consorts.
Un album logique de son tenant à son aboutissant, premier vrai long courrier pour le label Bip-Hop, qui décidément s’impose comme la référence incontournable de cette scène électro sans clivage…à dos de cheval ou non d’ailleurs.
JJ.

TENNIS europe on horse back (Bip-hop Bleep 03/La Baleine) www.bip-hop.com

 
       
   

Klimperei un p’tit coin d’ciel gris

On se souvient pour beaucoup du duo que formait le couple Petchanatz avec Pierre Bastien, moments rares de musique intimiste et figurative. Klimperei, c’est l’enfance qui frappe à la fenêtre, c’est le vent froid des Noëls passés qui s’engouffre par la cheminée. Un mot conviendrait parfaitement mais il est anglais : sadness, quelque part entre la mélancolie et la candeur. Entre quelque chose qu’on a définitivement perdu et quelque chose vers quoi on aspire.
En ce sens, Klimperei prolongent avec la singularité de leur talent, et de la simplicité et de la malice, une entreprise de rêve entamée par Satie, Yann Tiersen, Danny Elfman (le compositeur du Noël de mister Jack). Une musique dédiée aux films d’animation un peu gauches, sujets à l’imperfection, sombres et entêtants. Onirique sur la forme et exaltante sur le fond. Une musique comme un sourire, pleine d’humanité et de liberté, de tendresse et d’attachement. Une merveille.

JJ.

Klimperei: "un p’tit coin d’ciel gris" (fizz/la baleine)

 
       
   

Stylus skomargraph

Des ondes sonores, boucles névrotiques, échos de partitions de guitare forment l’ossature, les fondations architecturales de cet album sur lequel vient s’adjoindre un tapis de petits sons, de frottements parsemant l’album. Des détails de compositions, aussi inutilement salutaires à la stabilité de l’édifice que les absides le sont à une cathédrale.
Une atmosphère qui ne dépareillerait pas chez Sulphur ou Rune Grammophon (Biosphère et consorts) voire plus probablement Kranky (Entre Un Magnog minimal et un Star of the Lid guilleret). Un très bon moment en perspective.
JJ.

STYLUS skomargraph (Ochre/Fnac import/ Bimbo)

 
       
   

Clarence Parker stuck in the edge

Ne rien poser comme acquis, toujours considérer les questions comme plus importantes que les réponses, laisser l’émotion primer sur la raison, chercher en soi un peu de la candeur des premiers jours. Voilà ce que semble nous susurrer ce projet, fruit d’une mise en commun de savoir.
Cette rencontre, c’est un petit meurtre entre amis, un conciliabule vivant et intelligent au milieu des cactus.
Une série d’accords mélodieux fardés de gravité solennelle encadre des courtes propositions expérimentales, moments d’improvisations où la guitare se fait onde radiophonique, où les grésillements cherchent une voie de sortie. L’harmonie se fait tordre le cou au profit de triturations habiles pour une démarche plus engagée, qui tranche l’aspérité et la dissèque. Une musique « sémiotique » (et tac) dans la mesure où les intitulés de titres se font échos, se font définitions des morceaux et inversement. De l’improvisation qui caresse nos rêves de grands espaces désertiques. Pour information, au sein de ce collectif évoluent Ian Paxon de « midland hotel », mais également Andrew Clare, boss du label Infinite Chug, qui officie chez the Thirteen ghosts (où l’on retrouve Alex Ward et Switch (bidouilleur électronique) voire Derek Bailey ou Thurston Moore), David Ewan Campbell, Richard Herring. Et voilà…
JJ.

Clarence Parker stuck in the edge (Pricilia/www.zone51.com)

 
       
   

Liquid sphere Skull & bones

On ne sait jamais vraiment vers où nous mène le hasard des rencontres, ces soubresauts de l’amitié. Shambala, en croisant la sincérité et le dialogue, en ne jurant que par la sensibilité artistique, enrichit son engagement sur les voies d’un projet ambiant, rappelant en cela ses amours de jeunesse. Liquid Sphere n’est pas le projet d’un album. Il est le fruit d’un cheminement lent de la pratique, d’une maturation longue du travail de l’imaginaire, des aléas de la vie, d’écoutes attentives, de tests équivoques.
En ce sens, Skull & Bones, l’intitulé de l’album est le témoin de passage des atmosphères passées, un clin d’œil sur la genèse industrielle du projet. Mais au-delà de ce titre, il aura su conserver un certain attachement pour les climats souterrains et obscurs.
En octroyant aux machines un répit, laissant le pas des arrangements fluides, qui par certains aspects entrent en résonances avec les musiques d’incantations tibétaines, Liquid Sphere crée un no man’s land subaquatique, très marqué sur afloat, ou l’autre manière de plonger en apnée. L’ensemble de l’album garde cette teneur abyssale, hypnotique et chamanique si ce n’est le titre Godflesh, hommage au trio Green-Broadrick-Hampson. La graisse des machines diluée dans l’eau s’écoule le long des doigts, créant au creux des mains des oueds saumâtres et tumultueux.
JJ.

Liquid Sphere Skull & bones (Shambala/Métamkine)

 
       
   

Pascals Pascals

Pascals est un hommage vibrant à l’un des plus talentueux compositeur des décennies achevées et à venir (du moins, on l’espère). Comme un enfant à qui l’on aurait inlassablement raconté la même histoire féerique, Rocket Matsu, chef malgré lui de ce qui allait devenir par la suite son orchestre improvisé est tombé amoureux de Pascal Comelade. Fatigué d’être un spectateur désinvolte de ce qui se jouait devant ses yeux et ses oreilles, il a choisi de franchir le pas.
Une K7 furtivement glissée à la fin d’un concert et la belle histoire allait commencer. Des premiers contacts d’avec Pascal Comelade à la mise en place des répétitions, des premiers choix d’interprétation au mastering final, la passion pour les compositions du catalan n’a jamais cessé d’être présente et flotte autour de cet album, Spectre musical s’il en est. Des compositions distinguées, enivrantes, où les petits orgues Playskool répondent aux violons. Un album comme une histoire d’amour. Très beau.
JJ.

Pascals Pascals (DSA/ Wagram)

 
       
   

La kuizine sous-sol Dance (on the beat)

À Lieu Unique, concert unique, c’est en ces termes que c’est déroulé l'année dernière (en juin), à l’occasion de l’exhibition Actif/Réactif au Lieu Unique, donc, cet enregistrement live d’une session de La Kuizine. Collectif d’esprits intuitifs et curieux, brassant dans les marges de la musique électronique, acoustiques et ambiants.
Un aspect extérieur soigné, proche de l’imagerie des « series for the Millenium » de l’écurie Raster/Noton (si ce n’est l’opacité saumon qui caractérise le boîtier). Une esthétique soignée, pour une musique qui ne l’est pas moins, itinérante, aventureuse, chargée de repères musicaux riches, dansante plus qu’à l’accoutumée.
En un peu plus d’une heure, on passe de phases très dynamiques, circonvolutions de rythmes à des atmosphères tamisées, à vocation ambiante.
Une qualité rare, la faculté qu’a cette formation à tenir une cohérence sonore du tenant à l’aboutissant, sans jamais tomber dans un clivage musical, et ce, malgré la prolixité des sources diffusées, malgré également des passages non directifs.
Après cette formidable prise directe, rappelant la cohésion et l’ouverture sonore d’un Nocturnal Emissions, on aura plaisir à se replonger dans leurs anciennes créations de 50 matchs à leurs collaborations riches (Faust, notamment).
Un apport extrême à la musique pour une approche musicale novatrice, sans précepte ni dogme. Vraiment très bon.
JJ.

La kuizine sous-sol Dance (on the beat) (La Kuizine) Mèl

 
       
   

Pauline Oliveros

Difficile de passer sous silence cet album de Pauline Oliveros, figure emblématique, bien que discrète de la scène électroacoustique mondiale. Que ce soit ces albums purement électroniques, qui sondent les abîmes de l’analogie avec une intelligence rare, ou ses pièces pour accordéon, plus sensitives, qu’on évitera de classer, pour l’occasion au milieu des André Verchuren et de Frank Scopa. Jeff Hunt, boss du label Table Of The Element connaît le mérite de cette femme, son œuvre. On le devine l’avoir accompagnée, en auditeur attentif au long de sa carrière, de ces albums sortis, au travers des parutions successives avant de rêver cette collaboration. Un album très délétère, où les sonorités s’évanouissent dans les couches fluides de la mésosphère.
JJ.

Pauline Oliveros (Table of the element / Métamkine) Mèl

 
       
   

Sébastien Tellier L’incroyable Vérité

Il se passe quelque chose de puissamment tactile avec la musique de Sébastien Tellier. Une atmosphère de proximité, de chaleur, de connivence. Le fait qu’il apprécie la bière, Gainsbourg, Le Kazzo, Air, les USA, ne doivent pas y être étrangers. Un fourre-tout sympa où se bousculent ses références chaudes… On pense à Morricone, à des airs de films anglais, à Virgin Suicides, à Rob et puis Satie pour l’humour des titres… (Trilogie Chien, Kazoo III) une musique qui caresse les mélodies, des arrangements au coin du feu, de l’intimité… On aimerait que Sébastien Tellier soit un de nos amis, parce qu’il a des mains et un cœur, parce que « l’Incroyable Vérité » nous en dit plus sur nous que tout le catalogue Warp (et dieu sait si j’aime Warp), et que Universe et la plus belle chanson du monde. Merci M. Tellier.
JJ.

Sébastien Tellier L’incroyable Vérité (Source/ record Makers)

 
       
   

Eglantine musique Rouge

Alors qu’il y a quelques mois, l’actualité couvrait l’album de Photek, essai malheureux s’il en est, d’autres productions émergées dans un silence presque total, où l’indifférence jouait le premier rôle. Heureusement pour nous, la musique n’ayant d’autre actualité que sa qualité, laissez nous vous entretenir du projet Eglantine. Musique Rouge, est une démonstration instinctive et puissante, faite de tremblements et de d’infrabasses rythmiques subaquatiques. L’élan d’énergie que procure ce disque n’a de comparaison que dans les premières pièces de Third Eye Fondation (période Ghost). Les textures sonores captent avec habilité le trop plein d’air dans nos poumons, alors que l’activisme rythmique se règle de notre pouls. Des circonvolutions mélodiques de guingois, une touche de LFO sur confiture, un emboîtement impétueux entre le charme oblique d’un Matt Elliot, les développements puissants d’un Autechre, voire d’un Dave Clarke, pour l’aspect butoir, et le goût pour l’étrange (et l’absurde) d’un Rom=Pari. Une découverte.
JJ.

Eglantine musique Rouge (Arbouse records)

 
       
   

DREAM Syndicate

Pour ceux à qui la mémoire manque (et pour les autres chez qui elle défaille), un sauf-conduit en provenance du passé, satellisé par TOTE. On rappellera les péripéties qui ont auréolé la sortie de cet album et qui l’auréolent d’un peu du mysticisme si recherché par les fanzines d’auteurs. 1967, Tony Conrad, après de bons et loyaux services, quitte l’embarcation du Dream Syndicate, suivi quelque temps plus tard par John Cale. La Monte Young, grisée par le succès, conservateur à tous les sens du terme, a du mal à lacer ses chaussures, s’approprie les œuvres du collectif et les enferme jalousement au fond d’un coffre (ce type a tout compris à la musique !) 25 ans de pourparlers, de manifestations pacifiques, de batailles juridiques, de recherches avortées, d’espoir nourri pour enfin voir les matrices de ses pièces enfin restituées. Voilà ce que nous lègue l’histoire ; la musique, pour sa part, n’a pas subi les outrages du temps, gardant ses atmosphères atemporelles intactes, elle nous livre avec humilité, et à divers passages, la quintessence de ce que fut ce groupe hors du commun, où comment les exactions du violon de Conrad viennent se briser en résonances sur les structures réitératives de Young et Zazeela, quasi dépourvues de mélodie ou de rythmiques. Un petit moment d’éternité qui séduira sans doute possible les amateurs de Reich, Reiley ou Tudor et qui viendra se joindre aux pièces de Conrad sur TOTE, early minimalism, Outside the dream syndicate et Slapping Pythagoras, notamment. On ira pour le coup se rematter le Flaming Creatures de Jack Smith et The Flicker du même Conrad.
JJ.

DREAM Syndicate (Table of the Element/Métamkine)

 
   
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