chroniques 2002
chroniques 2001
Entretiens

  JadeWeb chroniques #1
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LES ENTRETIENS
. Bip-Hop .
. Travaux Publics .
. Mathieu Malon .
. Arbouse Rec .
. Active Suspension .

. Osaka .
 

OLIVIER QUEYSANNE Reperage digital (Pricilia)
L’utilisation privilégiée d’un type de matériel, d’une fonction usitée d’un vieux logiciel, des potentiels oubliés d’instruments désuets/démodés prend aujourd’hui une part croissante dans l’élaboration du morceau. Le son chemine en étroite collaboration avec l’idée même de ce que veut faire l’auteur. Cette imbrication du matériel comme élément déterminant de la composition est sans doute un héritage des G.R.M. ou de l’IRCAM (dont le synthétiseur modulaire numérique ici présent est issu), et continue à occuper les attentions d’artistes, de 386 DMX à Oeuf Korreckt.
Olivier Queysanne a élaboré sa participation sur le tard, en investissant à la nuit tombée, appartements et lieux intimes de la capitale. Une exploration en règle des lieux de complicités (ou non) donnant à écouter " de petits évènements sonores interstitiels ".
Un matériel très ciblé, très présent qui a le mérite de ne pas trop obturer l’œuvre de son contenu. La complexité du processus (et du matériel) contraste ainsi avec la simplicité de l’œuvre, la légèreté de l’approche. La mise en action révèle une lente montée (presque) silencieuse et répétitive où les espaces clos se remplissent peu à peu de sens. On pense à Kozo Inada ([d] sur staalplaat) à Heimir Björgulisson, à Richard Chartier, par instant à Tobias Hazan, puis surtout Jocelyn Robert, pour cette traque commune de l’indicible (20 moments blancs sur OHM). Froid et reposant.
JJ.

 
   
 
   

GOR Phlegraei (Prikosnovénie/La Baleine)
Gor élabore un croisement apparié d’influences européennes, d’héritages de sons perdus de langues mortes et de dialectes musicaux en mutation.
La partition de l’album laisse onduler ces différentes sources au gré des continents et espaces vierges qu’il visite.
Ce va-et-vient culturel, temporel nous entraîne entre folklore médiéval, romantisme moyenâgeux, jazz yiddish, vocalises croates et accompagnements roms ou tziganes.

Francesco Banchini (par ailleurs percussionniste d’Ataraxia) épaulé sur l’album des Gitans de Pozzuoli élabore une mosaïque parfaite des cultures musicales depuis l’Europe de l’Est jusqu’à la Mer Rouge, qui allume avec le même embrasement de couleurs notre attention et chauffe nos désirs d’évasion.
Phlegraei est une fabuleuse aventure, à mi-chemin de Goran Brégovitch, des productions grecques du label Trikont, des orchestrations de Mohamed Abdel Wahab, des chants d’Europe de l’Est d’Ochora…
Un splendide dépaysement.
JJ.

 
   
 
   

BJÖKENHEIM / HAKER FLATEN / NILSSEN-LOVE
Scortch trio
(Rune Grammophon/ECM)
Comme le nom de l’album l’indique, Scortch Trio est une thérapie musicale à trois intervenants.
Haker Flaten, qui s’il ne touche pas sa bille en informatique (malgré son prénom prédestiné), est par contre passé maître dans un jeu de basse nerveux et subtil dans The Thing, Close Erase, New Conceptions of Jazz ou Atomic, pour n’en citer que quatre.
Pall Nilssen-Love, batteur furieusement génial dont la dextérité rythmique en fait un demi-dieu pour Pat Metheny a été élevé au jazz dès sa plus tendre enfance, également membre de The Thing, School Day, Atomic et du trio de Frode Gjerstad.
Enfin, Raoul Björkenheim, pierre angulaire du projet connu pour ses tours de poignets intenses au sein de Krakatau et ses interventions remarquées en compagnie de Bill Laswell, Jah Wobble, Henry Kaiser, Paul Scütze ou Mats Gustafsson.

L’album est une vertigineuse incursion dans l’espace de la musique semi-improvisée. Une combustion lente d’effets de rupture, de bifurcations de rythmes, de fluidités de jeu, de contre résonances dans une veine free-jazz/progressif rock.
Le travail de production, confié à Kai Andersen exagère le caractère brut dans la prise de son directe, le rendu écru et primitif du jeu.
On pense à Mats Gustaffson, justement, chez qui on retrouve les mêmes inventaires de déconstruction. Ajoutez à cela l’énergie du désespoir de The Molécule et la recherche pure de Band of Gypsie (où figurait Hendrix) et vous obtiendrez une matrice approximative de l’intempérance musicale qui règne sur ce Scortch Trio.
JJ.

 
   
 
   

PAUSE CAFE S/t (Les disques du crépuscule)
La pause café représente à bien des égard un instant privilégié de liberté, de communication et de plénitude circonscrit au sein d’une longue journée laborieuse de travail. Par comparaison, cet album nous soumet une inhalation de jazz, de rythme pop bossa nova et d’allusions à la chanson à texte, prompt à détendre nos muscles. On y retrouve cinq musiciens dont la bonne volonté affichée a pourtant du mal à nous convaincre du bien fondé du projet. Un disque agréablement construit mais auquel il manque la grâce ou une bonne dose de spontanéité, c’est au choix.
JJ.

 
   
 
   

MUS El naval (Acuarela/Pop lane)
Les pop songs dépressives de Migala ne sont plus les seules à faire perler les larmes du peuple espagnol. La Providence a vu dans Mus une alternative féminine de circonstance.
Mus étreint la poésie du quotidien, par bribes, par fractions fugaces, il ramifie la gamme des émotions en une kyrielle d’évocations, du timbre cassé à la parole blessée.
Les atmosphères taciturnes, le calme apparent nous renvoient inexorablement à la case Piano Magic et nous fait porter un peu de l’amertume de Glen Johnson de n’avoir pas su capter et détourner ses voies à ses propres intérêts. Et comme me le fait remarquer mon ami Jean François Carlot, ce n’est pas non plus sans évoquer Mazzy Star et sa spectrale chanteuse.
L’absolue cohérence des morceaux, leur despotique beauté nous font progressivement baisser la garde critique, chanceler la vigilance.
Mus parachève la trame mélodique et l’esquisse compositionelle de ses travaux passés, malheureusement éponymes. Le groupe courtise la mélancolie, plie le chagrin comme un vieux drap de famille, avec ce qu’il contient de motifs damassés, de poussière et de souvenirs.
Pour autant, leur musique ne provoque ni accablement, ni peine, elle agit comme moteur d’émancipation, comme délivrance à nos angoisses.
JJ.

 
   
 
   

FLEUR Prikosnovénie (Prikosnovénie/La Baleine)
Fleur est un groupe originaire d’Ukraine qui délivre dans la syntaxe douce de sa langue d’origine une pop mélancolique, qui infiltre par moment le folklore slave. L’instrumentalisation est riche d’apport, empruntant autant aux instruments à cordes, (piano, violoncelle, guitare acoustique, basse), à vent (une flûte qui marque sa présence) ou rythmique (la batterie discrète). Quant aux voix, toutes deux féminines, elles renvoient en alternance tantôt une veine douce et chaude, tantôt une vigueur profonde.
Les enivrants parfums dont Fleur se fait la porteuse pollenisent bien volontiers quelques contrées d’Europe qui ont déjà vu naître d’autres beautés florales : Cocteau Twins, Bel Canto et le label 4 AD par extension logique.
Les fragrances auditives, lyriques, féeriques, nous immergent l’espace d’une petite heure hors des flots tumultueux de notre existence quotidienne, vers des eaux où sérénité et limpidité se jaugent mutuellement. Très beau.
JJ.

 
   
 
   

FORMANEX S/t (Fibrr records)
Décidément très attaché à dépoussiérer humblement l’héritage de l’AMM, ces deux compositions formulent avec conviction et une haute dose de maîtrise musicale la stratégie et l’optique de leurs pairs. Radicaliser et moderniser tout en perpétuant l’esprit d’une création improvisée, tantôt minimale, tantôt bruitiste ; voici sans doute la vérité profonde et l’engagement dont se sont fait fort les quatre activistes du groupe.
Le déboisement auditif continue d’édicter sa loi. La tessiture du son est lourde et oppressante, comme un orage lointain dont les déchirements tardent à venir. La mise sous tension de l’auditeur est constante, crescendo ; elle sature l’espace de ses infra-basses anémiées. La charge héroïque des particules sonores se traduit à l’occasion d’accidents rythmiques concis, de grésillements succincts, de frottements aléatoires, d’effets saturés.
Le mot " densité ", sur les premiers jalons de l’écoute ne cesse de larder la langue jusqu’à son ultime conclusion, le cri. Puis des espaces vierges s’esquissent alors.
L’accès à leur composition est plus qu’à l’accoutumée difficile. Cependant, à la longue, elles s’avèrent riche de réflexions et de pensées. L’équivalent auditif d’une bonne vieille persistance rétinienne.
Si la démarche esquive les travaux de l’AMM et de MIMEO, certains passages sur le disque rappelleront à certains la brise douce de micro événements de Thomas Koner, passés au crible de la pluie noire de Zbigniew Karkowski ou Goem.
En parallèle est sortie une session live du Treatrise de Cardew, parallèle de l’enregistrement studio permettant ainsi de mettre en demeure les points d’ancrages et les distanciations voulues par le groupe. Cette confrontation en dit d’ailleurs autant dans ses non-dits que dans ce qu’elle
JJ.

 
   
 
   

THE PHENOMONOLOGICAL BOYS Melody, melody, melody & more melody (Tomlab/Chronowax)
"Mais qu’est-ce que c’est que ce bordel ?" constituerait un joli préambule à l’écoute de ce disque.
L’indiscipline, l’insoumission, la désinvolture sont parmi les principales qualités requises pour tout groupe de pop-rock qui ne se respecte pas. The P. Boys vont au-delà du phénomène et plus loin que la logique. Ils mixent sans état d’âme les plus étranges sources, les provenances les plus improbables avec une vitalité rare (enthousiasme, ferveur ?).
On les croirait sortis d’un roman de Luke Rhineart, où dévoués au hasard, ils remettraient toutes leurs décisions au diktat d’une facette de dé. Un pas dans le rock sixties, un passo doble dans l’électronica, des excursions free jazz, une embardée chez les Beach Boys, etc.
Leur démarche contient un attrait élevé pour l’à-peu-près, le bricolage, la déviance, le rapiéçage de rythme, la rafistolage de mélodie qui souligne avec soin une forme d’apprentissage, d’aspiration simple à la belle mélodie La vitalité qui irradie de cet album dépeint sur nous. Inclassable et revigorant.
JJ.

 
   
 
   

GHISLAIN POIRIER Sous le manguier (Intr.version/Mochi mochi)
Dans ces périodes d’incertitude boursière, peu de valeurs ont encore l’attachement des courtiers et affairistes. L’indécision, le palpable illogisme des crêtes et creux de leur diagramme affolent jusqu’au plus téméraire. Pourtant certaines vertus telles que l’intégrité, la lucidité créatrice pourraient représenter le terreau d’une nouvelle forme d’économie.
Ghislain Poirier possède toutes ces qualités.
Sous le manguier affectionne les oueds ombragés ; le dépaysement, l’exotisme dont Poirier se fait le traducteur, suggèrent autant l’univers de Laurence d’Arabie ou d’Arthur Rimbaud que la quête initiatique et scientifique de Théodore Monod.
Le soleil chauffe à blanc la mélodie, impose au rythme pondération et mesure, écrase le relief des compositions. On transite d’un dub analogique minimaliste et feutré à des perversions d’ambiante musique molletonnée. Des mélodies alanguies, des rêveries astrales et douze petites poésies (depuis l’hiver neige à Torpinouche jusqu’à Complémentaire de bleu) fébrilement susurrées à l’oreille. Magistralement orchestré.
JJ.

 
   
 
   

MORGAN CANEY & KAMAL JOORY Magic radios (City Center Offices/Ici d’ailleurs)
DENZEL & HUHN Time is a good thing (City Center Offices/ ici d’ailleurs)
City Center Office est l’officine berlinoise de prestige de la filière électronique à géométrie variable (Ambiante/acoustique) de la partie est du Rhin. Après plusieurs essais fructueux, ayant permis d’apprécier entre autres personnes Static, CCO revient triturer les mélodies avec la même ferveur affichée.

Il élargit avec une belle logique le champ des possibles du label en investissant son énergie sur de nouvelles productions. En premier lieu Caney & Joory , qui sont à la veine électronica synthétique ce que la controverse de Valladolid fut à l’Inquisition, à bien considérer les transfigurations et autres assemblages peu chrétiens dont se sont faits les sujets.
Ainsi, l’apport d’une musique ambiante aux atours new age (blanket), de vibrants violons dignes des compositions de Mickael Nyman, a insufflé aux compositions analogiques une âme liturgique, une profondeur sacrée, hiératique.
Les inconvenances allant de pair, Caney et Joory s’offrent le suprême office d’accompagner ce cantique post atomique d’un quartet jazzy désincarné (de magnifiques embardées à la Yussef Lateef sur take my light), voire d’échos latins chatoyants et de dérives orientales. Les deux artistes, en se branlant un peu des convenances, livrent ici une multitude de nouvelles entrées au genre. Un régal.

Le second projet ranime également l’émoi par sa pertinence et sa tangible beauté.
On ne peut pas blâmer Denzel & Hunt présents à la genèse de Tarwater et de To roccoco Rot, d’être démangés d’exprimer leur vision du son allemand. Ceux-ci ont ainsi côtoyé Bernd Jestram, Ronald Lippok, et d’autres à cette époque. Sans doute avaient-ils alors les mêmes plans sur la comète, les mêmes desseins.
Ce qui importe ici et maintenant, c’est d’envisager les points de rupture existants, les éléments discordants qui émergent de leur style, qui fondent leur singularité.
La fragilité cristalline des crêtes rythmiques, la capture sonore de mini-événements, les micro-défectuosités, les imperfections de ces mélodies de strates, les tournures révèlent bien la particularité de ce duo. À inscrire quelque part entre Tarwater - Matmos - Kreidler et l’écurie d’Ochre rec.
Un dévoiement en règle des styles bien établis.
JJ.

 
   
 
   

RONNIE SUNDIN Morphei (Hapna / import )
Saisir la musique de Ronnie Sundin, c’est porter son interrogation aux avant-postes de la modernité, de la plénitude expérimentale. Les climats étranges dépeints par ce musicien composent un paysage isolationniste, une mise en situation aquatique des sonorités.
La réaction épidermique à ses compositions est difficile à prévoir ; elle opère dans différentes catégories de notre conscience. La fragilité de certains passages, la liquidité des transitions, la subtilité des sons aigus chers à Ryoiji Ikeda construisent une évocation à la fois savante et populaire de cette musique atmosphérique.
Une musique sans tergiversations, calme et plane comme la surface d’un lac. Beau et reposant
JJ.

 
   
 
   

ACTIVE SUSPENSION VS CLAPPING MUSIC
V/a (Active Suspension / Clapping Music)
C’est l’histoire de deux amants que l’attraction pourtant évidente avait fini par rendre aveugles l’un à l’autre ; c’est l’histoire d’une passion commune, d’une guerre conjointe vouée à défendre des positions comparables et des bastions similaires, c’est avant tout une histoire d’amitié et de savoir-faire…
Voilà ce qui à l’évidence qualifie le mieux les imbrications et les parcours d’Active Suspension et de Clapping Music. Les gens se connaissent, les artistes se côtoient, s’encouragent, se remixent à l’occasion dans une frénétique jubilation qu’on peut seule attribuer à l’environnement parisien. Si maints traits de caractères sont comparables, l’effervescence dans le rythme des sorties a sans doute donné plus d’assurance et de maturité à Active Suspension, grand frère de circonstance de cette rencontre.

On serait bien en peine de lister les apports de chacun, les traits de génie (nombreux) et les petites déceptions (rares) qui s’y révèlent. Toujours est-il que ses quotités se résument incidemment au travers d’un flot ininterrompu d’adjectifs et de mots qui font sens dans nos oreilles : douceur -drone- improvisation –glitch –électronica –interférences sonores –mélodie –dodécaphonies –torsions - digital –blip –fracture-minimalisme –grésillements –joie –travail –dilettantisme –pulsation-effet –brouillard - abstraction – torpeur - arpèges – intimité –exubérance, etc.

Chaque destinataire ayant à cœur d’y prélever ce que bon lui semble, se faisant un luxe et une stratégie personnelle d’en dégager le meilleur.
Pour l’heure, on doit saisir l’opportunité de ce split afin de remarquer les artistes, dont les partitions sur des supports courts (45 t), ou en passe de publier une première création nous auront échappé jusque là : Quasidigital Love, Orval Carlos Sibelius, Odot.lamm (dérivé épileptique d’O.Lamm), Herz Chain, Noak Katoi, Davide Balula, Rudde, Colleen (lire chronique de son excellent 45 t) ou encore Emmanuelle de Héricourt ou the Konki Duet…
On appréciera également de retrouver l’arrière garde des labels, de KingQ4 à Shinsei, de Hypo à My Jazzy child, Domotic, Sogar (échappé un temps de List), Encre ou Domotic.
Assurément indispensable.
JJ.

 
   
 
   

OLIVIER LAMM My favorite things (Active Suspension/Chronowax)
L’idée de faire remixer son premier album, le fruit de ses expérimentations pionnières a du germer dans l’esprit de O. Lamm bien avant la conclusion même de celui-ci. Plus qu’un aboutissement, c’est sans doute possible la forme la plus expressive de reconnaissance par ses pairs qu’on peut y lire : " une fin dans la fin ", comme dirait l’autre.
À ce jeu, le jeune Parisien pouvait prétendre à convoiter le meilleur. La liste, déjà éloquente d’artistes qui ont fait serment d’allégeance à ce passe-temps de re-de-construction (même intitulé qu’un album d’Alan Lamb sur Dorobo…) aurait pu s’allonger à l’infini, tant d’autres références encombrent les bras et l’esprit du talentueux compositeur : Jake Mandell, C-Shulz & Hajsch, Ash international, Kaffe Matthews, John Fahey, Francisco Lopez, C. Palestine, etc.
En soi, les tuteurs d’occurrences ici présentés (d’alejandra & aeron à Team Doyobi, de Blevin Blectum à Discom en passant par Ovil Bianca ou Steve Roden) prolongen l’auditeur dans les confins tourmentés des aspirations secrètes d’o lamm, dans une sorte de jeu de mise en abîme sans fin ou les remixeurs ont eux-même inspiré (pour partie) les morceaux qu’ils remixent…
Une variété d’approches, de climats depuis l’électro déglinguée à la nuisance sonore ou l’affleurante mélodie, pour un même sens commun de la chose musicale.
Une belle communion, une scène enivrante où le maître de cérémonie et ses quinze disciples (l’histoire ne se répète jamais !) s’attarderaient à refaire le monde autour d’une table (à mixer) et d’instruments de leur propre compositions. Un admirable kaléidoscope humain.
JJ.

 
   
 
   

THILGES 3 Die offene gesellschaft (Staubgold/Chronowax)
Armin Steiner, Gammon et Nik Hummer ont su pérenniser leurs attentes au-delà de la performance spontanée et consolider sur l’humus de leur prestation électroacoustique une union sacrée.
Thilges 3, trio autrichien a su se singulariser très rapidement en exprimant le condensé de leur attente sur Format 3 pouce (géométrique et chromatique) sept mini disques vus comme sept tableaux distincts d’un même tout. Une approche singulière où le temps et la création se testent et s’observent, se mesurent. La composition est livrée au temps court du format et doit se donner sans ostentation ni mise en scène.
Ce premier long jet, faisant également suite à un autre maxi sur la collection Material Series de Staalplaat, est ce qu’on pourrait nommer, pour faire une parabole agile avec l’œnologie , un album de garde qui incorpore de complexes projets de maturation. Un mélange érudit, un dosage intelligent entre compositions muettes, passages concrets, expérimentations lancinantes qui transportent l’auditeur aux confins de leur musique autant que dans leurs à côté.
Certainement leur meilleur disque à ce jour.
JJ.

 
   
 
   

ZOHREH Man, to etc… (Minuscule/pias)
Zohreh explore dans une dimension croisée la mise en musique de ses mots, de ses idées, la philologie de ses phrases, leur consonance.
On dit fréquemment qu’un écrivain est un conteur qui s’ignore, par trop plein d’humilité ou de timidité, préférant l’ombre à la lumière. Pourtant, les plus belles expressions de la langue et des mots sont venus de poètes ayant passé le pas, de Michel Bulteau à Jack Kerouac en passant par Heidsieck, Burroughs ou Pringent.
Zohreh, auteur française d’origine et de culture iranienne, assaillie par la volonté de ses proches, a mis sa gorge au service de sa main. Le résultat, s’il emprunte des sentiers classiques de la musique contemporaine pop, n’en est pas moins troublant et déstabilisant.
Le timbre de la voix, tout d’abord, proche de Värttina ou des chanteuses du label Ayngaran qui sillonne aux plus profonds des vallons iraniens donne une tournure lunaire à ces drôles d’histoires mystérieuses.
La musique, ensuite, poudrée de folklore oriental indien, de fanfares tziganes, de passo doble argentins, d’électro house et de musique populaire française à la André Popp procure un sentiment " d’apatrie " puissant.
Malheureusement, le mélange de ces deux pôles donne une synthèse mal ordonnée, par moment totalement indigeste (Havva) où la perspective traditionnelle et intimiste de la voix de Zohreh est proprement saccagée par un travail de production insipide et douceâtre. Tout juste trouve-t-on un peu de répit sur Mademoiselle (et ses musicalités à la Vladimir Cosma) et Bayad Beravan…
JJ.

 
   
 
   

TUE-LOUP Penya (Le Village Vert/Wagram)
Conciliant un irréprochable talent pour les harmonies ainsi qu’un goût immodéré pour les trous perdus en général et celui qui leur sert de base arrière en particulier, Tue-loup revient distiller son poison dans nos oreilles après quelques temps d’absence et deux albums en héritage (La bancale et La belle inutile).
On est d’entrée sous le charme de cette mélodie folk blues américaine et de ce texte dédié à la tauromachie. Le ton un peu trop appuyé de cette (belle) voix énerve un peu, mais participe de la chaleur du morceau. L’enchaînement apparaît alors dans toute sa logique.
La précision rythmique, la subtilité mélodique, la texture des atmosphères, l’intelligence des textes (forme de cadavres exquis remaniés), le caractère taciturne et embrumé des compositions, nous donne l’impression d’émerger de l’obscurité, quand l’aurore et la brume matinale gouvernent la campagne.
On pense à Programme en plus soigné, à Miossec, à Diabologum, à Murat, à Idaho période Heart of palm ; des références un peu abusives quand on connaît l’humanité et la singularité de la musique de Tue-Loup mais ô combien nécessaire pour comprendre leur imbrication élémentaire dans le panorama international.
JJ.

 
   
 
   

HLM Nuit night nacht (HLM/ Poplane)
Home Laboratory est une sorte d’expérience à grande échelle sur les effets induits de la house sur les neurones des amateurs de sorties nocturnes. La musique est bercée de l’iconographie Lounge de cette fin de siècle, ça hume easy-électronica et la house naïve et joviale à plein nez. Pour autant, les spores qui parviennent jusqu’à nos narines ont bien du mal à nous faire saisir l’odeur du lieu. Et ce n’est pas la présence de Patrick "Gary Oldman" Eudeline, vampire de circonstance qui nous fera changer d’avis. Totalement dispensable.
JJ.

 
   
 
   

FAUST Patchwork 1971-2002 (Staubgold/Chronowax)
L’alliance avec le diable semble avoir tenu ses promesses, puisque cet album offre un recul de vingt années sur l’action et l’ouvrage du groupe franco-allemand dans le paysage contemporain des musiques actuelles. Une contribution essentielle pour qui sait y prêter l’oreille, qui aura aussi bien permis la fertilisation des champs " rock " que des espaces vierges " électroniques ".
Depuis Stretch over all times, a seventies event jusqu’à elegie, psalter pour finir sur Stetch out ou nervous, on voit toute l’évolution, la créativité, l’imaginaire de ce collectif hors du commun.
Alors qu’on pensait la musique du groupe imperceptiblement statique, ancrée dans un registre Kraut rock atmosphérique teinté d’ambiances sombres, on découvre au détour de ce résumé de carrière (où figurent nombreux inédits ou chutes ou non-inventoriés) l’évolution concrète du groupe vers ce qui allait faire leur fortune d’estime. Et de nous rappeler ces splendides albums, qui de Faust à Rien, en passant par You know us ou Wake nosferatu (entre autres) ont marqué leur temps. Historique !
JJ.

 
   
 
   

BUNGALOW Risiko 100 (Bungalow/Pop Lane)
La label allemand Bungalow pourrait être un avatar heureux de ce qu’on aime à dépeindre de la société allemande : rigoriste, froide, scrupuleuse, efficace… heureusement pour nous, il n’en est rien : Bungalow fait voler les étiquettes depuis plus d’une demi-décennie et déroule sa spontanéité sur le tapis vermillon de la bonne humeur, de la décontraction, de l’oisiveté et du décalage kitch érigé en dogme.
Les exégètes de cette confrérie viennent vite saborder à de hauts niveaux d’érudition les têtes de gondole des grands magasins du disque… Parmi les plus appréciés, Stereo Total, Mina, et le Hammond Inferno (dont un des membres actifs n’est autre que le boss du label). En plus de ce trio de choc, de nombreuses bonnes surprises, en vrac : Olympic Lifts, BIS, Sitcom warriors, Experimental Pop band, Volovan, Geezers of Nazareth, Laila France, etc.
Ce Risiko 100 est le rétroviseur musical de six années d’activisme reflétant 100 sorties. Un travail de titan qui fait douter un peu de leur négligence affichée. Un trait d’union survitaminé, kitch, rock 60’ déglingué et easy listening chargé à l’E.P.O. Un savant mélange, hédoniste à mort, qui est ici accompagné de son frère d’arme le D.V.D. (et ses vidéos nazes à souhait et uniques) ainsi que d’un petit livret. Comment y résister…
JJ.

 
   
 
   

DICTAPHONE M=Addiction (City Centre Offices/Ici d’ailleurs)
La fâcheuse tendance à crier au génie créatif à raison d’une fois le mois engendre souvent le déplaisant contrecoup de se voir comparé à un gardien de moutons mythomane. Prenons encore une fois ce risque, à l’occasion de la sortie imminente de l’album de Dictaphone, résident du bienveillant label City Center Office, protégé de Thomas Morr, s’il en est.
Amoureux du temps qui passe, des volutes jazzy et des circonvolutions électroniques soyeuses, les quatre membres du groupe Dictaphone ont conçu à huit mains une splendide page du patrimoine musical contemporain, révélant sans le vouloir, la fatuité à présent révélée des albums de même acabit.
Avec The Kammerflimmer Kollektief, the Notwist et Tarwater à un niveau moindre, les Allemands sont passés maîtres dans l’habileté à appréhender et à mâtiner l’univers jazz à la sauce électronique sans en faire un genre putassier et amolli. Engourdissant à l’extrême.
JJ.

 
   
 
   

COLLIN OLAN Rec 01 (Listen / Apestaarje)
Ici, l’invitation à l’écoute a le goût affirmé de l’obligation, comme poussée par la conviction qu’il est urgent d’agir pour sauver nos oreilles de ces épais brouillards sonores, de ces multiples sources interférentes qui aveuglent nos jugements et pourrissent nos choix. Le label Listen, associé pour l’occasion à Aperstaarje a choisi de réinvestir les petits fragments, objets de notre quotidien et de nous les faire redécouvrir par le spectre de l’audition. Ici, il est question de deux capteurs sonores immergés et captifs d’un bloc de glace, d’une baignade impromptue dans une solution d’eau et de l’écoute attentive de cette fonte des glaces improvisée, du gémissement des cristaux, de la plainte de la glace, de l’impétuosité de l’eau qui s’immisce, jaillit, surgit, cherche à percer la lumière, c’est l’histoire de l’enterrement en catimini d’un pavé de glace en 16 minutes chrono. Glacial et relaxant.
JJ.

 
   
 
   

17 HIPPIES Sirba (Buda music/melodie)
La montagne imposante qui domine de sa magnitude l’esthétisme de la pochette dresse d’entrée un climat dépaysant, entraîne notre esprit hors des frontières physiques de notre quotidien. 17 Hippies, dont l’ouverture d’esprit n’est pas polluée, sclérosée au contact de réflexions intestines et contemporaines, livrent ici toute la maestria de leur art. Ce qu’ils ont à nous offrir se conçoit comme de l’air pur, de larges brises en provenance d’Europe centrale, depuis les Balkans jusqu’aux pays baltes…
On survole avec la même agilité qu’un oiseau les territoires slaves voire irlandais (certaines sonorités en sont proches), riches d’images et d’évocations, de Taraf des Haidouks jusqu’aux artistes et groupes néo-réalistes (Hurlement de Léo) et aux vieux airs grecs d’Anestis Delias, Markos Vamvakaris, Spiros Peristeris, Takis Nikolaou et tant d’autres.
Splendide et dépaysant.
JJ.

 
   
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