JadeWeb chroniques #3

 
   

A la loupe : Dragon Head de Minetaro Mochizuki

 
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Chroniques #0 From hell - Petit manège - Attends
L'usine électrique - Caricature - Le feuilleton du siècle
Chroniques #1 Gorazde - Persepolis - Frankenstein encore et toujours - Cosmique tralala - Froncée - Jeux d'influences - Isaac le pirate - Villégiature
chroniques #2 Le val des ânes - La poursuite - Le roi de la piste - La boîte à chimères - Black hole

 

Hicksville

La traduction était depuis longtemps attendue, une nouvelle fois, c’est L’association qui s’y colle : le Hicksville de Dylan Horrocks est maintenant disponible en français. Gros pavé ayant pour thème central le monde des comics, l’ouvrage se révèle à la fois complexe dans sa structure, limpide dans son propos et réconfortant pour les âmes sensibles des amateurs de bande dessinée, perplexes devant le succès de tant d’ouvrages minables. Plusieurs récits s’entrelacent, reconstruisant un puzzle à la fois nostalgique et acerbe. Hicksville est un bled perdu au fin fond de la Nouvelle Zélande dont est issu Dick Burger, récent magnat du comics américain de super-héros. Un journaliste de la revue Comics-world (alias Le Comics journal) du nom de Leonard Batts y part en repérages, tout juste auréolé du succès de son dernier livre sur Jack Kirby. Son nouveau projet porte sur le nouvel homme fort du comics. Persuadé d’être accueilli royalement par les péquenots du coin, il déchantera vite en constatant que Dick Burger est considéré dans ce petit microcosme comme un traître ayant commis un acte impardonnable dont personne ne veut lui révéler la teneur. Autre fait curieux, tout les habitants de ce " trou du cul du monde " semblent être hyper-pointus en bande dessinée et collectionnent des comics et fanzines obscurs des quatre coins du monde. La bibliothécaire locale possède même en plusieurs exemplaires d’anciens comics devenus mythiques dont lui, le journaliste professionnel, a tout juste entendu parler. En parallèle, Sam Zabel, auteur de comics local et ami d’enfance de Dick Burger fait son retour au village après s’être fait virer du principal magazine humoristique de la région. Quel secret sur Dick Burger cachent les habitants d’Hicksville ? D’ou tiennent-ils leur savoir et leurs collections sur le monde du comics ? Pourquoi Dick Burger qui va recevoir une prestigieuse distinction dans sa profession fait-il un pont d’or à Sam Zabel ? Et ce ne sont là que les premières questions.
Critique impitoyable et définitive de l’industrie du comics aux États-Unis, Hicksville regorge d’allusions à la réalité, dont la principale se focalise sur la rapide montée en puissance du groupe Image aux USA (Spawn, Wild-cats, ...), par le biais du personnage de Dick Burger. Ironie du sort et tel un running-gag, un certain Todd (Mc Farlane, l’un des fondateurs d’Image avec Liefield, Valentino, Lee, Portacio et Silverstri) n’arrête pas d’appeler Dick sur son portable pour se plaindre de son sort d’employé mal-aimé et ruminant sa gloire passée. Il finira par se faire virer. L’univers du comics mainstream y est décrit avec un réalisme confondant de milieu de chacals courant après les dollars et manipulant à tour de bras les nombreux prétendants à l’accession à un monde de la BD totalement fantasmé. À l’opposé, Dylan Horrocks tisse des trames nostalgiques sur ses lectures d’enfances, opposant les constructions narratives des pockets d’antan et l’agilité graphique de leurs auteurs aux statismes pompeux des comics actuels, stériles de nouveaux mondes. Sam Zabel, alter-ego de Dylan Horrocks croise les auteurs de son enfance, relégués au rang de potiches antiques dans la grand messe médiatique des nouveaux maîtres ; flirte avec des actrices improbables reprenant les rôles des personnages des comics, accréditant par là l’imbrication des médias couvrant la chaîne de production du divertissement à laquelle la bande dessinée n’échappe plus. Il cherche ainsi son chemin en tant qu’auteur (ayant réellement quelque chose à dire ?) et homme (la bande dessinée peut-elle dépasser son image d'art de l’enfance ?). Le rapport entre ces lectures nostalgiques, naïves, viennent se heurter à la production à la chaine du comics, froide, fondatrice d’illusions et dresse un mur d’incompréhension qui nous re-projette dans la réalité.
L’ouvrage est riche, très riche, le graphisme simple et limpide et les récits s’entrecroisent, construisant une œuvre imparable, démystifiante, bien plus riche que les traités sur-évalués de Scott Mc Cloud. Dylan Horrocks ne propose pas d’issue, au mieux l’abordage d’une nouvelle terra incognita. Un potentiel...
JP.

Hicksville - Dylan Horrocks
256 pages - 159 FF - éd. L’association
le site de Dylan Horrocks

 
       
   

O pesadelo de Gustavo Ninguém

La collection Bichro luxe prend corps avec O pesadelo de Gustavo Ninguém, plongée muette et fascinante de Matthias Lehmann dans des légendes à la lisière de l’inconscient. La quarantaine de peintures et de cartes à gratter qui en constituent les tableaux sont les pages les plus abouties de son auteur. Parue dans la même collection, la réédition couleur de Die puppe est une balade à l’intérieur de l’univers mental à l’hypersensibilité acérée et aiguë de Nuvish. Tandis que War sex est un guide des relations homme/femme revues par l’esprit corrodé de l’hystérique Mike Diana.
LT.

Collection Bichro luxe
30-40 pages offset-sérigraphie
86 FF /13,10 €
Le dernier cri - 41, rue Jobin 13003 Marseille

 
       
   

Le petit garçon qui n'existait pas
L'enclos

Chez Cornélius, les collections se suivent, belles, bien pensées, impeccables. La récente collection Louise ne déroge pas : de petit format (11,5 x 16 cm), dévolu à des graphismes forts dont l’ambiance colorée rappelle les principes de la sérigraphie (sans trame apparente). C’est Anna Rozen, Dupuy et Berbérian qui l’inaugurent avec le fantasmatique Le petit garçon qui n’existait pas. Sur les traces d’un enfant auquel personne ne fait attention, Dupuy et Berbérian fignolent dans une veine très graphique (ce qui fait plaisir) des images superbes dont on ne se lasse pas. Avec L’enclos, Blex Bolex, habitué des graph’zines, bricole un conte horrifique où un géant des bois terrorise un curieux personnage, fermier en habit de ville, qui construit des totems afin de conjurer sa peur. L’ambiance, qui lorgne vers les anciens comics américains par ces poncifs stylistiques et narratifs naïfs, renforce encore la magie du récit en images tel qu’il se grave dans l’esprit. Un vrai chef-d’œuvre.
JP.



Le petit Garçon qui n’existait pas
- Anna Rozen, Dupuy et Berbérian 32 pages - 40 FF
L’enclos - Blex Bolex 64 pages - 60 FF
éd. Cornélius

 
       
   

Cadavre exquis

" Je m’infiltre dans l’orifice et arrivai dans la salle de bain de ma voisine... Chantal n’eut pas le temps de crier, je l’avais déjà écrasée contre le mur "... Quand Nicolas Robel (aimable instigateur du très classe label Suisse B.ü.L.b. comix) et Christophe Lambert (funeste homonyme pour l’auteur du tordant Invaçion del Mar) décident de collaborer à un projet de livre, on peut s’attendre au meilleur. Chose faite avec Cadavre exquis, course poursuite entre un chasseur de mouches et lesdites drosophiles, somptueux livre-objet à deux mains, sérigraphié en couleurs pop (rose, vert pomme, bleu-vert) où les graphismes d’apparences naïves explosent à chaque pages. Du grand art.
JP.

Cadavre exquis - Nicolas Robel & Christophe Lambert - 20 pages sérigraphiées 3 couleurs
éd. Bülb comix (P.O.box 2033 1211 Genève 1 / Suisse)

 
       
   

Essai de sentimentalisme

Sans cynisme ni provocation Essai de sentimentalisme traite à la fois frontalement et avec pudeur les dénivellations affectives qui tissent un maillage fragile autour des rapports amoureux. Il s’agit d’une œuvre courageuse abordant la difficile et nécessaire représentation de la sexualité dans les médiums visuels hors du champ marginalisé de la pornographie. Sa finesse graphique et sa grande fluidité narrative en font une des plus belles réussites de Frédéric Poincelet.
LT.

Essai de sentimentalisme - Loïc Néhou & Frédéric Poincelet
96 pages - 89FF - éd. Ego comme X

 
       
   

Parrondo poche #1

Nostalgique des Pifou-poches ou des enquêtes à Ludo, sachez que vous n’êtes pas seul : José Parrondo est avec vous. Avec le Parrondo poche N°1, vous aurez droit à 100 jeux et à une histoire palpitante de 100 pages. Dans les principaux rôles -dans les pages de droite-, Oreillu, Brouillu, Chignognue, Moustachu poilu, Chevelu touffu, Barbu velu, Grolu ou encore les policiers... et en route pour l’aventure. Frais, non-sensique, irrésistible. Du côté des pages de gauche, on ne résistera pas longtemps pour tenter de résoudre les jeux des 7 erreurs, aider escargot 1 à rejoindre escargot 2, colorer les points et les traits pour savoir quel monstre poursuit Chevelu touffu, résoudre les rébus, démêler les ballons, etc. Le livre en lui même respecte le format et les papiers de l’époque. Bref, on est en pleine sucrerie, ça pique sur la langue, ça caoutchoute sous la dent et ça marche ! Vivement la suite.
JP.

Parrondo poche N°1 - José Parrondo
200 pages format 12x12 cm - 55FF -
éd. L’Association