JadeWeb chroniques #6
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LE CUBE Le bungalow
(bravo rec !) | mèl |

Pour paraphraser maladroitement Christian Fennesz, " Rien de plus subtil qu’un morceau des Beach Boys, (ou des Beatles) dont la simplicité apparente ne saurait cacher la complexité intrinsèque, à même de lui donner son caractère universel et atemporel. "
Nul doute que des titres tels que Jane, My bungalow ou I know what it’s like to be a gir ne feraient pas mentir le guitariste autrichien. Ainsi, rarement cette année, on aura entendu d’aussi douces et subtiles mélodies, autant de charge émotionnelle arrachée à la mélancolie de jours brumeux.
Un concentré d’humilité et de fébrilité, susurré en anglais avec en écho lointain, des crachins de guitare pop-folk fébrile. La trame des morceaux ne se révèle pas si sombre et triste pour autant avec des élans spontanés et heureux où la voix part en vrille, via quelques effets (The Choice) On pense à plein de choses belles et intimes et à rien de catégorique en particulier (Bonnie Prince Billy, Papa M, etc. !?)
Si cet album démo est remarquable, c’est avant tout par le choc émotionnel qu’il suscite en chacun de nous : sa fébrilité, ses dissonances, ses charmes, ce qu’il laisse deviner de l’histoire dont il témoigne, les récits qui se transmettent à son sujet… Autant de petites compositions qui enrichissent notre imaginaire… Un paradoxe qui réside dans la force évocatrice de ces morceaux dont l’ossature semble par ailleurs si fragile… Cet album n’est pas une monographie, ni un recensement exhaustif des sentiments humains, simplement un éclairage personnel et représentatif d’engagements et de visions intimes, visions qu’on souhaiterait nôtres.
JJ.

 
   
 
   

DIGITALE LIVE RADIO SESSION Live à Nantes
(Fibbr 2) | mèl |
À une époque où la surcharge chronique d’émissions de données nivelle la capacité de compréhension et d’interprétation de ces information, il convient de s’interroger et de donner forme à cette saturation indicible et pourtant présente, traduite autant en ondes, qu’en images qui nous environnent. Voilà ainsi résumé le postulat de base de cette formation, Nantaise, constituée de membres de Formanex, et de diverses structures d’improvisations.
Radio Digitale fouille la matière grise, dévoile des pans récents de la réflexion musicale actuelle, ici celle de Sophie Gosselin qui, à l’instar de Paul Virrilio, se questionne sur l’accélération et la déformation des formes de communication, la surdensification. Jusqu’où ? Jusqu’au dispositif de production de l’illusion… Jusqu’à la limite de ce qui donne sens à l’information, sa compréhension… Logiquement, les quatre membres abordent cette interprétation par des accumulations et modulations de signaux électriques Un constat qui prend ici la forme de compositions semi-improvisées, où l’indice bruit blanc a un coefficient élevé. On n’est jamais loin des intrusions du tandem Merzbow / Karkowski, de locataires de chez Mego, ou des démonstrations de M. Martin sur Ohm/Avatar. L’espace est conformément saturé selon la volonté des participants qui s’aident ici d’instruments et d’installations diverses… L’avidité créatrice des quatre personnalités réunies pour ce live d’apartés sonores (de gauche à droite : Christophe Havard, Emmanuel Leduc, John Morin et Julien Ottavi) indique un nouveau cap dans la recherche musicale : à la fois abstrait et abrasif, uni et fractalisé, apaisé et en perpétuelle tension.
Une fois de plus, le label Fibrr continue son exploration minutieuse de la matière sonore. Après la réinterprétation d’œuvres de Cornelius Cardew par Formanex (à ne pas confondre avec Perlonex), le petit label nantais développe sa dentelure sur un concept percutant et méconnu. Attention les oreilles.
JJ.

 
   
 
   

90° SOUTH Plan for travel

(Ochre rec)
Alors même que le nom du groupe est une référence directe aux coordonnées polaires autant qu’une invitation aux voyages extrêmes, il serait apparu incongru de ne pas évoquer la découverte, le dépaysement à l’échelle d’un album.
On avait pu nourrir nos désirs du premier carnet de route de 90° South, A distant memory of home, alors comparable à ces excavations faites dans la glace par les Esquimaux, tout à la fois porte d’entrée à la lumière vers les fonds marins et passage du monde liquide au monde terrestre… Une forme géométrique horizontale, spécifiquement humaine, marque discrète de culture noyée dans une immensité vouée à la nature.
Si le premier album rappelait la solitude des vents fouettant la banquise, ce second courant d’air chauffe la glace jusqu’à son point de liquéfaction, état propice à l’apparition de micro phénomènes (ici des glitchs fugaces et des échos de rythmes). Une musique plus riche de détails, moins minimale dans ses développements, comme un subtil prolongement vers l’éveil. On trouve des comparaisons avec des accords de no-wave ainsi qu’avec quelques potes de label, essentiellement Avrocar ou Charles Atlas. Splendide.
JJ.

 
   
 
   

ULF LOHMANN Because before
(Kompakt / La baleine)
Parmi les labels allemands qui tirent le plus habilement leur épingle du jeu, deux noms viennent spontanément à l’esprit : Gigolo rec, mené d’une poigne d’enfer par DJ Hell et ses frasques houses tonitruantes et Kompakt dans une tournure plus intellectualisée et soft mais néanmoins dansante.
Ce dernier continue son activisme militant, oscillant entre house énergique et stimulante et champs d’expérimentations du rythme. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien s’ils ont partagé l’affiche de Sub Rosa (avec Jurgen Paape, Dettinger, Thomas Mayer, etc.).
Ulf Lohmann est un intervenant précieux de la scène berlinoise… Ses effets de styles et ses tours d’illusionnisme ont déjà marqué son pays. Entre child-out lascive et bidouille pop électronica claudicante proche d’Oval et de Plaid.
JJ.

 
   
 
   

PYLONE s/t

(Trypow rec) | mel |
Avec une allure à faire passer un prêcheur du temple solaire pour un eurocrate constipé, Pylone de son vrai nom Stéphane Lecointe s’adonne, une fois le temps de son labeur achevé (il est opérateur pour une société de minitel rose, ça ne s’invente pas !) à ses deux vices intimes : la collection de vieux synthétiseurs (du Moog au Korg en passant par le Bontempi) et dans un prolongement logique, à la musique que ses petits amis génèrent. Des compositions choyées, nourries de références, qui de David Toop à Brian Eno, en passant par Taxi Girl, Jean Jacques Perrey et Kraftwerk embrassent toute l’histoire de la musique analogique avec une sympathie à l’œuvre pour sa filiation ambiante. Trois titres savamment dosés, dont le premier, exotique à souhait aurait du figurer au générique de Capitaine Flam ou parmi quelques standards instrumentaux de Stevie Wonder (et non pas Wevie Stonder !). La petite histoire ne nous dit pas si ce nom de scène (Pylone) fait référence aux pantalons cintrés de l’artiste. Trois titres euphorisants, qui tiennent volontiers la route au long de ce quart d’heure d’atmosphérique lounge music.
Un petit patte d’éph’ pour l’homme , mais un grand écart facial pour l’humanité.
JJ.

 
   
 
   

TOMMY GUERRERO Junk collector
(Mo Wax/Source)
Tommy Guerrero avait soudoyé l’an passé notre volonté à ses rythmes chaloupés et feutrés, travaux délicats et chauds. Acclamé par la critique et le public, il reprend du service à l’occasion de ce Junk collector (également décliné en format vinyl sous format light).
Entrepreneur au nez fin et à la jambe tatouée au sein de Skateboard real (avec Jim Thibaud) , également membre de la légendaire Bones Brigade, il a porté son dévolu sur la musique depuis son plus jeune âge (on l’a vu au côté de DOA et des Bad Brains), une culture punk DIY de laquelle il aura gardé un esprit d’ouverture et de bricolage, éléments présents à différents degrés dans sa musique.
Cinq titres où figurent trois enregistrements récents, un remix de Numb millenium par le discret mais prolifique Johnny Herdon (Tortoise/Isotope 217), ainsi qu’une rareté Seasick, disponible uniquement via l’import, du moins jusqu’à présent.
Cinq titres sur fond d’airwalk et de figures stylisées proche de Cure (certaines mélodies) et d’abstract hip-hop instrumental et nostalgique. Le graphisme est assuré par Mark " the Gonz " Gonzales. Des morceaux plus dépouillés, exploitant davantage sa culture de la rue que ses héritages mexicains (ostensible sur son premier album) et qui donnent un ton encore plus attachants, parce que complémentaire à ces cinq compositions . Certainement le meilleur représentant de chez Mo Wax.
JJ.

 
   
 
   

ANTI-POP CONSORTIUM The end against the middle
(Warp / Source)
APC continue son travail de démystification et de mise à bas des masques de l’industrie du rap. Des frondeurs hip-hop qui ne se revendiquent comme seules influences que la culture hip-hop, le G-Funk des early eighties, la poésie urbaine de Gil Scott Heron et de Slam.
Des prises de positions musclées, seuls ou en compagnie de leur comparse Mick Ladd (et leurs albums sur Big dada) pour des compositions évidentes par leur sincérité et tranchantes d’efficacité (que ce soit sur scène ou sur album).
Cette formation, née des cendres de divers groupes, a émergé courant 97, avec comme maître de cérémonie E. Blaze et sa chorale démoniaque composée de Priest, Beans et M Sayyid. Trois timbres de voix complémentaires et un même amour des mots et de la rime assassine.
Des rythmes et des synapses qui prennent la tangente sur Tuff song, déflagration de cuivres sur Dystopian disco force et sérénité gutturale sur Splinter ou Perpendicular.
Sept titres qui font une postface magnifique et intransigeante à Tragic epilogue, ainsi qu’un manuel de guerre pacifique et éclairé à l’encontre des fossoyeurs du rap. Ends against the middle !!!!
Une signature Warp qui décoiffe sévèrement…
JJ.

 
   
 
   

CYLOB Drum the bass
(Rephlex/La baleine)
Alors même que Rephlex met à l’honneur les petits robots déjantés et musicaux de Pierre Bastien, nous arrive avec un temps d’écart le nouveau Cylob.
L’évolution de Cylob suit le parcours d’autres jeunes esthètes du label tel que DMX crew. Ainsi, il lui suffit de trois titres pour revisiter l’histoire de l’électronique de ces 20 dernières années, incorporant une syncope et un savoir faire actuel. Moins classiquement électronique que l’excellent Lobster Tracks, Cut the Midrange, drum the bass plus kitch et décalé voit se développer l’utilisation du vocodeur, qui bien que présent, l’est nettement moins que chez son confrère. L’agressivité des nappes, moins incisives, plus veloutées temporise l’intensité et la propagation dans l’espace de ses morceaux. Entre les compositions d’Alexei Shulgin (386 DX), certains protégés d’output et le Rock it d’Herbie Hancock en ligne de mire. On est une nouvelle fois sous le charme, mais pour des raisons autrement différentes.
JJ.

 
   
 
   

ESSA Detritus humanitus
(relaps / La baleine)
L’Angleterre, d’où résonnaient assez peu de choses originales en house/électro ces derniers temps vient punir avec vivacité ce manque de confiance qu’on lui accordait par l’intermédiaire d’Essa, groupe plus que structure, où évoluent dans un fourre-tout royal, les divers courants et cultures de la Grande Bretagne-punk : trip-hop, free-jazz house et électro habile s’imbriquent et se bousculent avec une élégance rare.
Si l’idée de melting pot sonore existe, il a sans doute pris les traits de titres tels que Big daddy’s flax (résurgence incandescente d’un Third Eye Fondation 70’). Inclassable par définition, Essa évite les travers de chaque style, ponctuant cet album de touches mélodiques à la Röyskopp matinées de Wagon Crist (I am lonely) de house-funky (Magneto essa) de voix chaudes et féminines (Horse on a motorway) leur terrains de jeux. Plusieurs hits en puissance sur ce disque irrévérencieux aux styles et pourtant fédérateur. (Funkier than a mosquito…, I am lonely…). Entêtant.
JJ.

 
   
 
   

DIAGONALE STABLE  (Savoir-Faire 53)
OSAKA THREE ORCHESTRA (Savoir-faire 53)
Petite musique de Chambre V/a (Savoir faire 53)

Bien que les acteurs musicaux de ces deux structures (Diagonal Stable, Osaka Three Orchestra) interfèrent chacun à des degrés divers dans le rayon d’action de l’autre (Benoit Richaud, Cyrille Lanoé, Guillaume Poignard), on est bien en présence de deux formations autonomes. En un sens, chaque rencontre, parce qu’elle se veut une alchimie fragile de pensées, de manière d’agir et de faire, se trouve être un témoignage unique et donne sens à une dénomination distincte : Osaka 3 orchestra, puis Diagonale Stable explorent tout à tour une dimension particulière de la musique, de l’électro-acoustique au minimalisme, du free post-rock à la noise.
Un panel de sons, de mise en forme, dont le dénominateur commun est l’accident, non pas perçu dans sa dimension néfaste ou sombre mais comme source d’imprévu, d’interrogations (sur la suite des événements).
Que l’on fasse état des doux penchant d’Osaka Three Orchestra pour les improvisations raisonnées et les nappes évolutives, où la composition ressurgit par instant comme chez This Heat ou Bastard ; ou Diagonal Stable pour sa gamme de partitions électro-acoustiques fécondes et sinusoïdales, odes contemplatives dédiées à la surface lunaire… Magie de la composition, ce sont presque les mêmes instruments/objets employés (si ce n’est la batterie) dans le cadre des deux démonstrations, (guitare préparée, bandes, ajouts divers). L’occasion de se rappeler qu’Alec Empire, celui de DHR et Bernhard Günter utilisent quasiment le même matériel…
À ces débuts portés à l’avant-garde de la scène noise HXC hexagonale, Savoir Faire 53,label Nantais a progressivement fait glisser son champs d’investigations vers la musique électroacoustique/improvisée. Pour rares et pour artisanales (au sens noble du terme) qu’elles soient, les prestations qu’il délivre gagnent en intérêt et en aplomb à mesure des sorties. Petites musique de chambre, salle d’écho des productions du label nous renseigne plus en avant sur les évolutions notables, changements de direction survenus. On y retrouve, outre les deux formations pré-citées Worldsucks, Ian (projet solo de Benoit Richard), + fragment of Jazz9 et Imp m ulm.
JJ.

PS : À noter la participation de Diagonale Stable à des concerts en compagnie de Scott Rosemberg, L’oreille électronique, Toy Bizarre, Pierre Redon et dernièrement God Speed You Black Emperor (Osaka 3 orchestra)… et ce n’est qu’un début…

 
   
 
   

RUBIN STEINER Sasha ep
(BMG / RCA)
Préférant l’Amérique du Sud d’Arto Lindsay et de Caetano Velosso, d’Octavio Paz et de Pablo Neruda à celle de Pinochet ou de Noriega, Rubin Steiner, apatride de cœur, par soif de dépaysement et de métissage, a choisi l’exil mélodique à la stagnation rythmique. Un pas de deux et le voilà revenu, par l’entremise d’un 45 t sur les pistes de la bossa nova, traquant le rythme jusque dans les recoins encore vierges d’humanité des forêts sempervirentes. Un air nostalgique, faussement rétro, filtrant d’une fenêtre entrebâillée de Buenos Aires sur lequel progressivement viennent se superposer des rythmes francs et feutrés, voilà la nouvelle production du jeune homme. Plus vengeresse que jamais, la face B, boucles d’instruments lourds d’histoires syncopées à souhait nous fera nous trémousser joyeusement en attendant le bel album qui verra le jour fin mars. (Hasta siempre la salida del 33 touros de Rubin).
JJ.

 
   
 
   

HUGO ROUSSEL Jr / Norman D. MAYER Rock’n roll motherfucker
(Pricilia)
La mise en espace sonore de miniatures musicales passe nécessairement par leur amplification. Des petites pièces blanches, cristallines, quasi translucides, qui laissent deviner par transparence les intentions de ses concepteurs, et dont les clôtures se confondent en un jeu d’échange minimaliste avec le souffle (pourtant discret) de l’auditeur. Une économie d’action et de mouvement, doublée d’une relation intimiste aux sonorités " provoquées ", qui évoque autant la quiétude chère au label Trente Oiseaux que le panache de hautes fréquences de chez Touch ou Ash.int (le mimétisme de Rioji Ikeda)
La mise en parallèle avec leurs précédentes compositions laisse entrevoir des évolutions notables : Le jeu de guitare préparé, quoique plus fouillé, et dispensé de manière plus prosaïque, directement à la gueule de l’auditeur, sans ambages, pourrait-on dire… La volonté de provoquer des accidents computérisés et autres grésillements aigus met la présence du micro à nu, le tout figuré avec une application contenue. Exigeant et expérimental.
JJ.

 
   
 
   

LIQUID SPHÈRE Gizya
(LSI)
Alors même que Shambala rec. donnait corps, il y a de cela deux ans, à la première œuvre de Liquid Sphère, entité adepte de tournures expérimentales et de formes longues, dévolues à un registre dark ambiant ; les errances de Laurent Guerrier avaient déjà pris la forme, dans les actes, d’un désir de saisir la chaleur et le mystère des sociétés du sud et de l’est de la Méditerranée.
De cette époque, il ramène des bandes, enregistrées sur le vif, en divers lieux de la Tunisie et de l’Iran. S’en suit alors un lent travail de maturation, une prise de conscience progressive du sens qu’il souhaite donner à ces empreintes, à ces bribes de vie arrachées.
Un sacerdoce d’ethnologue, qui tient lieu en vingt-et-un témoignages (retouchés), tour à tour, urbain, cosmopolite, rafraîchissant, désertique, déjà dévoilés pour partie sur la compilation RAF d’" Ambient Aero Jam & Loop BBQ ". Des climats pesants, où la graisse des machines (l’héritage de musique industrielle) vient se confondre et se diluer avec les couleurs et teintures orientales, du bleu nuit à l’ocre doré. Un travail de mélange de modernité savamment dosée et de rythmes orientaux entêtants et dénaturés pour des morceaux âpres, répétitifs à la périphérie des recherches qui ont fait la renommée de Muslingauze (mais qui d’autre que Bryan Jones a davantage exploré cette musique ?!) ou encore de Phil Von et les Gnawa musiciens de Fès. Une exploration fine et délicate, pareille à du moucharabieh, préservant l’intimité de l’intérieur et offrant une vue filtrée sur l’extérieur.
JJ.

 
   
 
   

PARTICUL SYSTEM Denis Locar’Song
(Particul System / Sugar & Spice)

Synthèse heureuse de la théorie quantique, Particul System se veut humble dans ses intentions (la particule) et universel dans ses effets (le système).
Un label qui se fait un devoir de privilégier l’instinct musical et l’amitié, quitte à dérouter un peu l’auditeur, quitte à faire valser les étiquettes plus que de raison, proposant tour à tour un post-rock atmosphérique de toute beauté (Rroselicoeur), de lo-fi urbaine pleine de classe (Supersoft [14-18]) ou de chansons à textes poétiques et décalées (Le Népalais).
Aussi insaisissable que les serpents de la mythologie, le label porte cette fois son dévolu sur Lo-fi barrée à quatre franc six sous, en la présence de Denis Locar, par ailleurs membre de Rroselicoeur… un garçon dont les angoisses surréalistes ne semblent pas trouver de limites. Désordre ultime de l’intérieur, zapping total (de Columbo à Amicalement Vôtre) folie du recyclage (Locar’s phone), mixes improbables (synthèse de disques de chasses à cour et des chanteurs d’opérettes !), conversations téléphoniques déviantes, déclinaisons lo-fi crades et jouissives (Venus 4), électro de comptoir, slow hors péremption, humanité d’une particule, celle de Denis Locar… (ou comment nous aurions souhaité que Beck évolue…). Délicieusement bordélique.
JJ.

 
   
 
   

JONATHAN COE 9 th & 13 th
(Tricatel / Wagram)
Tricatel a coutume de traverser les sphères, détournant les modes traditionnels d’expression à des fins étranges… Une transgression des genres qui passe par le détournement des média d’expressions: Houellbecq poussant la chansonnette ; Valérie Lemercier entonnant ces délicieux textes acides… L’acteur devient musicien, le poète et l’écrivain se font interprètes. Une pratique qui est en un sens une remise au goût du jour davantage qu’une invention (le music hall, Yves Montand, Boris Vian…).
9 th & 13th est le prolongement existant et logique de cette idée… Composer la bande originale d’un livre, en décomposant en autant de titres qu’il existe d’atmosphères le fil de l’ouvrage. Un livre d’autant plus évident à illustrer d’images sonores, qu’il traite des errances d’un pianiste solitaire. Des passages de jazz fumeux, des arrangements de cordes voluptueux sertissent des spoken words où les narrateurs (Louis et Danny) s’échappent de leur peau de lecteur pour endosser celle, un peu moins statique du conteur.
Une relation musicien/écrivain qui frise la mise en abîme, puisque Jonathan Coe se sert des paroles/textes/poèmes anciens de Louis Philippe, qu’il intègre à son roman et que ce premier remet en musique derrière. ( ?!?)
L’ambiance générale de l’album, son cadre confiné, s’offre une promiscuité artistique de luxe avec les spoken words de Jack Kerouac (accompagné de Steve Hallen, Al Cohn) sur la splendide trilogie parue chez Rykodisc/world beat.
Au demeurant un grand écrivain, il nous est à présent donné d’envisager Jonathan Coe comme un instigateur de tout premier ordre. Loués soient Louis Philippe et Daniel Mammer d’avoir mis ce livre en partition.
JJ.

 
   
 
   

SYMPHONY Do not kiss
(Tricatel / Wagram)
Ce qui me fait estimer Bertrand Burgalat et ses productions, c’est la certitude intime, que né trente ans plus tôt, il aurait produit les chefs-d’œuvre du tandem Demy/Legrand (Peau d’âne, Les demoiselles de Rochefort, Les parapluies de Cherbourg) sans aucune once d’hésitation, sorti Jean Jacques Perrey de l’anonymat et fait d’Esquivel son pygmalion.
Pour autant, même si une frange de la musique passée occupe (pour partie) ses pensées, il n’en demeure pas moins tourné vers l’avenir. En forçant la comparaison, c’est un peu le choix du couturier remettant en lumière des savoir-faire et des matériaux hérités d’hier. Symphony conforte ce point de vue, à l’occasion de la sortie de ce Do Not Kiss. Sans parler ni de prodige, ni de virtuosité de la grammaire musicale, Patrice Casali et Alain Berbier conjuguent sur près de onze titres de musique de supermarché d’une grande beauté -un easy listening compact et cadencé- un sans faute, mêlant rythme, ingéniosité, samples décalés et effets prometteurs. Certes, ce n’est pas du Gorecki, ni même du Part, mais on sent là, bien ancrée, la conviction que l’hédonisme est la seule voie qui vaillent la peine d’être arpentée. Des compositions au demeurant sages, mais qui obsèdent notre cerveau et intiment à nos jambes de fléchir… Plaisir des sens… Un grand moment…
JJ.

 
   
 
   

CONSOLE Live in Beaubourg
(Payola / import)
Comme pour nous faire oublier le malheur que nous subissons chaque jour à ne pas être parisien (Je suis à 5 min de mon boulot, mon bureau donne sur l’île d’Aix… Dois-je me plaindre ?!), Payola, sort un live de son petit protégé, Martin Greytschman, aussi connu comme le second souffle de The Notwist. Un Allemand qui a vite compris qu’avoir Kraftwerk, Neu ! et Einturdzen Neubaten dans son patrimoine culturel impliquait un devoir de pérennisation et de mémoire. Pour le coup, on est pas mal surpris, et ce, dès l’intro, puisqu’il n’hésite pas à faire appel aux oiseaux comme interlocuteurs privilégiés, quitte à nous faire penser à Francisco Lopez ou à un Olivier Messiaen des temps modernes. Cette bulle de nature se fait progressivement phagocyter par les incursions analogiques feutrées de l’allemand, qui par osmose garde des qualités " naturelles " jusqu’au terme de l’album. Sans chercher trop d’accointances, ça évoque par à coup, les travaux d’Oval sur Szenariodisk sauf que Martin ne recherche pas l’accident.
JJ.

 
   
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