chroniques 2001   JadeWeb chroniques #6
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Chroniques 2002

jadeweb#5 YVES DAOUST . AKI ONDA . BLACK FICTION . FRANSISCO LOPEZ / JOE COLLEY . COMAE . OH ! HENRY . TLONE . BATHYSCAPHE . YELLOW 6 . ANGIL . MELATONINE . ACTIVE SUSPENSION V/a . SISDEL ENDRESEN . V/vm . LOUISE VERTIGO . CARTOUCHE . FRAGILE / IMAGHO . VELO . MONOGRAM . ULTRA RED . MASSIMO . ANDRE POPP . MONEY MARK . BOVINE LIFE . A.F.R.I. STUDIO . SI-CUT.db . BIP-HOP Vol.4 . DON NINO . BEULAH . AEROSPACE SOUNDWISE . BERTRAND BURGALAT MEETS A.S. DRAGON . PULP FUSION . ALC LEVORA / SCHnEIDER TM . TOM SWEETLOVE . EASTERN CONFERENCE . KEEP PUNCHING .

 

SAVOY Prêt à porter
| site |

Savoy, à ne pas confondre avec Savoy Grand (album sur Tugboat) est une formation de cinq personnes, décomposée entre quatre instrumentistes et un projectionniste (Super 8, Vidéo, diapo),dont les apartés visuels sont l’occasion d’une argumentation en parallèle sur l’image, le mouvement et la gamme chromatique.
La structure distille une musique à géométrie variable, qui semble lutter contre l’immobilisme et s’imprègne des courants les plus divers, toujours à même de servir leur musique.
Les influences premières (noisy new yorkaise) qui se distinguent en filigrane deviennent opaques à mesure que l’on avance dans l’écoute, par le fait d’une superposition de couches mélodiques, où les formats pop puis atmosphériques voire électroniques troublent l’exercice rock, diffusent une certaine torpeur, adoucissent les angles… On est charmé par la beauté sourde d'Autophage et son clavecin entêtant (sur lequel se couche un essaim de scratch), les envolées d’arpège et d’arythmie de Disligado (et sa petite référence à Lydia Lunch) et Your weight (entre Salaryman et Ganger), le God speedien The dress code, ou l’apesanteur triste présente sur Interlude. Personnel, abouti et (bien) inspiré…
JJ.

 
 
 
 

MOTION Pictures
(Motion/Import)
On avait apprécié sans mesure l’amplitude de la démonstration orchestrée par Motion sur Format court à l’occasion des mythiques split 12’ de Fat Cat, avec Matmos, puis sur la collection e-rmx du même label en compagnie d’Antenna Farm.
Souvent comparée à Microstoria/Oval voire Curd Duca, l’ambiance de cet album est plus volontiers à cheval sur le contenu pop-électronica pré-cité et des structures qui envisagent le son de manière plus radiale, sous forme d’émissions diffuses ; je pense tout particulièrement à Aartika ou à des groupes d’Ochre ou Kranky pour la somme de vide séparant chaque atome sonore.
L’électronica de Motion est adoucie par un goût sans faille pour les grands espaces vierges et la déstructuration d’instruments acoustiques (on entend ça et là des allusions de guitare, des suggestions de timbales ou de triangle). Ou quand les bricolages électroniques se trouvent estompés par les vents rasants des musiques atmosphériques. Un album blanc et calme, combinaison d’ambiante spectrale, d’électronique microtonale et de processus lents de maturation gouvernant l’ensemble. Malheureusement non distribué en France, cet album révèle pourtant des zones d’ombre (et de lumière) sur un style qu’on pourrait qualifier d’électro-statique translucide.
JJ.

 
 
 
 

ALEJANDRA ET AERON The tale of pip
(Lucky Kitchen / Amanita)

Si le charme des femmes latines a déjà piégé d’autres compositeurs (John Duncan, par exemple), rares sont les couples à s’être impliqué au devant de la scène (à part Crawling With Tarts et Stone et Charden, peut-être). Alejandra (espagnole) a capturé Aeron (américain) quelque part entre le milieu des années 80 et le début des années 90. Du fruit de leur amour naîtra le label Lucky Kitchen, dont la renommée devance souvent les productions (des albums somptueux émaillent la doc du label : Aerospace Soundwise, AFRI studio, entre autres). Les influences d’Alejandra et Aeron déteignent bien logiquement sur les choix de Lucky Kitchen.
Un goût prononcé pour des courants de la musique atmosphérique claire, compromis de nonchalance et de rêverie à la low, avec une fragilité prononcée pour les improvisations acoustiques et les sons vrais, issus de traditions anciennes, c’est le cas de l’accordéon sur Where’s the little plant… Les compositions se connectent les unes aux autres, dressent des passerelles douces, résultant d’un travail de création sonore écrit d’un tenant. Une nostalgie sourde s’empare de nous, on pense à une balancelle flottant au creux du vent, à un ours en peluche égaré au coin d’une pièce (la douce voix féminine rappelle une mère attentive sur Too slippery for words). À la manière d’une mer rencontrant un océan, les courants se mèlent les uns aux autres, les couleurs emmêlent leurs teintes du bleu nuit au vert sépia… composant librement de nouveaux champs d’investigations.
L’album est d’une splendeur incomparable, petit livre pour enfant où les calques mêlent leur opacité à la texture rouge du carton et des lettrages calligraphiés.
JJ.

 
   
 
   

OLAF HUND Kitch Kitch
(musique hybrides / Delabel)
Le plus sémillant gentleman de la scène électronica, Olaf Hund le bien nommé, revient par chez nous présenter le recueil de sa pléthore de maxis d’électro trash (trash au sens de fourre tout) et de pré-consommés de house hybride et ludique. Un long métrage où il diffuse son savoir faire et son savoir cuisiner au delà des clivages et des genres. Une idée revendiquée du consommé jeté où le produit musique n’est pas autre chose qu’un pas de deux dans la grande danse du consumérisme planétaire. Une vision sombre d’une réalité commerciale qui contraste avec la vision hédoniste de sa musique, house festive et répétitive qui sur cet album regroupe un mémento exhaustif (32 titres) de l’ensemble des productions sorties au préalable sur maxis.
Un excellent album où culminent des pointes de fraîcheur extrêmes (Myrtille sauvage plus ; le funky Doux pour les main ; l’agressive plage 10 de fraîcheur Citron même si à certains moments, on regarde un peu ses pieds (les déclinaisons sur un même thème lassent)… Mais c’est aussi cela danser… se reposer pour mieux se dépenser…
Du grand cru digne de Rubin Steiner (en plus house-disco révoltée).
JJ.

 
   
 
   

OCTET The Buxtehude years 1999-2001
(Diamondtraxx / La Baleine)
Le mot Octet possède un champ lexical intéressant, se référant à la fois au domaine de la physique (ensemble de huit électrons formant la couche extérieure complète d’un atome) mais également à celui de l’informatique : groupe ou multiplet comprenant huit éléments binaires.
Le choix est sans équivoque, balançant entre chimie élémentaire et électronique dès la première séance. Les deux musiciens derrière le projet, Morando & Pyjaman baladent leur monde avec leurs petites mélopées synthétiques et terriblement humaines et profondes. N’y aurait-il pas la voix envoûtante de Suzanne Thoma (avec des intonations légères à la Björk/Helena Noguerra) ou les claviers d’électronica vagabonds à la Plaid/Plone se disloquant sur les rivages pop-funky, qu’on tomberait encore en pâmoison devant ces trois ovnis musicaux (dont Still décliné en trois variations). Du dub à l’électro, de l’expérimentation pop-folk-bossa (Classical quantize très Rubin Steiner sur la fin) à la house lascive où au hip-hop déclassé, Octet a trouvé une voie de traverse qui chemine le long de ses influences sans jamais s’y égarer. Une très belle première lettre dont on attend la confirmation heureuse sur un long courrier…
JJ.

 
   
 
   

DJ LUL Straight to DAT
(Blended Rec / La Baleine)
On a beau ne pas vouer un culte aveugle à la house, il se peut qu’à l’occasion on se fasse séduire bien malgré soi par les nappes suaves du genre. DJ LUL mixe depuis bientôt dix ans… Les climats qu’il développe au sein de ses restructurations sont chauds et matinaux… à la manière des passages délicats et funk, écho d’instrumentaux de Jamiroquai ou de Capitaine Flam… Des longues volutes de synthétiseurs, une wahwah doucement aveuglée par le soleil levant et une basse plongée dans un bain moussant. À écouter chez soi, au chaud, dans son bain.
Parmi les brillants concepteurs du genre ,on retrouve la crème des crèmes, de Johnny Fiasco à Alexkid, de Jon Cutler à Stephan Grieder… Autant de talents au service d’un acid jazz pastel et d’une funk-soul délavée… de la musique dominicale.
JJ.

 
   
 
   

CRAY Undo
(Bip-Hop 09 / La Baleine)
Ross Healey est un garçon entreprenant et exigeant. Australien de son état, pote de chambrée de Paul Gough (Pimmon) on connaît de lui assez peu de choses si ce n’est un album sur le label Irlandais Fallt intitulé Comment.
Anciennement batteur au sein de structures rock (56K, Amnesia, The Digital Ocean), il se détache progressivement de cette voie pour se consacrer pleinement à la musique électronique. Il pose d’emblée des postulats stricts, des dogmes personnels sur le sens et les valeurs qu’il donne à sa musique Il voit ainsi dans celle-ci (et dans ses fondements concrets et électroacoustiques, courants dont il est fan) un nouveau Prométhée, la promesse d’une musique résolument tournée vers l’abstraction totale, où l’intervention humaine se doit d’être le moins ostensible possible. Une sorte de quête de l’objectivité électronique.
De plus, il constate que " tout est musique ", un peu à la manière de Zbigniew Karkowski… ce qui lui fait dire que chaque accident, erreur, lors du processus de création n’est pas fortuit et devient base de création… Pour ma part, même si l’idée grise, elle laisse un vide trop grand quant à l’acte du compositeur. L’accident se produisant de manière non provoquée, l’auteur n’est en rien responsable ou actif dans le processus créatif, il est de ce fait interchangeable… Une sorte de nihilisme du rôle du musicien qui est ici prônée et qui dérange un peu…
Pour autant, en fin altruiste et amateur de Tudor, Dockstader ou Pierre Henry, il compose avec méthodologie et sous couvert d’improvisation ses sons, happés au gré de ses excursions : bruits de roulement de rouleaux, ressacs des vagues, frétillement du sable, larsens d’insectes nocturnes… Il retranscrit les sensations que lui procure son environnement (la côte australienne…) de manière minimaliste… Ce n’est ni plus ni moins que de l’impressionnisme analogique poussé à un point d’abstraction extrême… C’est aussi sans doute le disque le plus énigmatique de la collection bip-hop, proche ici des investigations de Shinsei sur Active suspension (Forna), des environnements de Francisco Lopez, d’artistes de microwave et d’un certain sens des improvisations microtonales de Trente oiseaux.
Une musique introspective et virulente, par instants…
JJ.

 
   
 
   

GISCARD LE SURVIVANT Seul contre le programme commun
(autoprod) | mèl |
Une démo de hard électro, sombre et cadencée qui se dévoile sur fond de pochette DIY (Giscard entouré de gardes du corps) et de douce déconne (les titres : Pierre Tornade was a good boy, Guichard/Puissance/Loire-inférieure, etc.), l’occasion de se moquer un peu du patrimoine politique français… Une démo sympathique, dont la musique ne reflète pas le contenant, assez pointue et carrée dans l’ensemble, voire expérimentale (lorgnant du côté d’Ant-Zen en plus (trop) dance floor… Les garçons, faut arrêter les cachetons en free… pour savoir ce qui se passe du côté de Clermont-Ferrand, contactez-les.
JJ.

 
   
 
   

SOL / t.einfeldt Movie / sound
(List)
C’est à la fois le grand bonheur et le grand malheur de ce début de siècle… Electronica et design, ou lorsque la jeunesse ne jure plus que par ces deux mots, qui s’entrecroisent inlassablement au détour des magazines et des albums. Deux éléments indissociables de la modernité actuelle. Alors qu’on devrait être lassé par une approche plus tout à fait originale, Sol/t.einfeldt développe sur cette mince couche de terre passablement foulée, un large savoir faire, main verte sensible, qui donne vigueur et intérêt à leur projet. Le C.D. propose deux plages, l’une toute musique, l’autre toute image… Le papillotement des néons nous hypnotise, rappelant les nuits agitées du sud de la France et ses grillons chefs d’orchestres ; les fluctuations électroniques et les lumières instables, en mouvement du " clip " nous grisent…
l’anecdote rigolote est que la plage vidéo si on la passe dans un lecteur audio sonne comme du Bruce Gilbert grippé !!!
Le morceau audio, très posé, calme et sibyllin avec une silhouette de composition fine et subtile repose sur une ritournelle de laptop noyée dans les eaux troubles de ryoji Ikeda… C’est très beau, le clip est superbe, ça aurait pu sortir sur Heidirecording et pourtant c’est sur List… À découvrir.
JJ.

 
   
 
   

BETH HIRSCH Titles & idols
(!K7 / PIAS)
Un subtil assemblage de house aphone, de jazz, de pop et de voix de cristal. Beth Hirsch construit un monde entre le tumulte de l’eau (la destruction) et la fécondité de la terre (la création). On tend l’oreille, d’abord par curiosité, puis par appétit de découverte d’un monde hybride, où règne la logique au milieu du désordre le plus total. Entre Truby Trio et des trucs lisses. Intéressant.
JJ.

 
   
 
   

LYS Le roi-lune
(Lytch / la baleine)

Lytch est la subdivision consacrée aux musiques électroniques du label Prikosnovénie, label à l’esthétisme étrange, basé à Nantes et spécialisé tant dans les musiques rituelles/traditionnelles contemporaines, que dans les incursions industrielles ciselées ou les projets à voix. On trouve également des divisions consacrées à la musique pour enfants, ou Julien Julien tire la manche de Klimperei et Pierre Bastien… Un univers de fantasmes doux, de contes de fées et de sortilèges… qui résume assez justement les tendances et orientations prises sur Lys, projet personnel de Fred C, par ailleurs boss du label.
À l’heure où sort sur les écrans le premier volet de la trilogie de Tolkien, Le Roi-lune vient conforter notre intérêt pour les atmosphères un peu magiques, où toutes les cultures semblent se réfugier, où le cosmopolitisme des accents et des couleurs de musique (on passe de l’Europe à l’Afrique puis à l’Asie), nous pose de vraies questions sur l’humanité et sur sa richesse évocatrice. Une parade poétique et onirique, un conte pour enfants curieux, qui tourne autour de la même idée que se font de la musique des compositeurs tels que Atlas Project ou Lisa Gerrard, avec une ascendance pour un son trip-hop chaud.
Avec la participation de Phil Von, Mimetic, Gor, Christian Wolzt… Heureux événement.
JJ.

 
   
 
   

BLUE BABOON
| Optical Sound | mèl |

Le jeune label Optical sound fait beaucoup parler de lui, non pas par ses frasques nocturnes ou ses impayés en casino, mais par la qualité et la rigueur de ses productions. Faisant suite à Musique for Dreammachine et à Rainier Lericolais, Blue Baboon évolue dans une marche parallèle de la musique électronique où échos de voix, effets de sons happées à la manière d’Oval et petits grésillements progressifs et blips propulsés se frôlent et se choquent (lignée Premier Schneider TM). Une musique transitoire, souvent en mouvement, quelquefois en gestation qui égraine un temps distordu, lointain, à la manière des montres molles de Dali. Des compositions d’électroniques éthérées, sevrées aux univers de Weehsel Garland et Oval et aux lentes plongées subterrestres de Microstoria (avec des voix douces et spectrales par instants)… Un temps pour la concentration, un autre pour l’étirement, deux axes majeurs de leurs (brillants) travaux.
JJ.

PS : À venir, des réalisations de Programme radio, Rainier Lericolais et Foe Tamajiro.

 
   
 
   

SAYAG JAZZ MACHINE Testpressing
(La mixerie | mèl | / La baleine)

Avec UHT, la mixerie nourrit ostensiblement son tir sur des formations hybrides, à géométrie variable, compassés de jazz et de drum’n bass à visage humain. La ligne de front des combats entre machines, sampleurs et musiciens tend à reculer au profit de ces derniers. Une intervention soutenue d’instruments organiques viennent greffer leur chaleur sur les rythmiques guerrières des séquenceurs. Du drum’n bass qui trouve son équilibre dans ce partage des tâches. Là où UHT distille un jazz spartiate axé sur les pincements de la contrebasse, Sayag Jazz Machine développe un plus large panel, du fait des instruments employés, accédant de ce fait à des ambiances éclectiques et passionnantes (jazz, free, easy listening, dru’m n bass, etc.) La voix de Sarah Vaughan et son It’s my man de 1967, sur fond de scratch et de cordes, rappelle le timbre de Shirley Bassey, et les ambiances de Lonny Smith (RCA). Les premiers titres nous laissent un peu sur notre faim, exercices de drill’n bass pour le moins classique, puis invariablement, la structure se met en branle et Sayag dévoile sa réelle nature, ouverte, entreprenante… Où les samples qu’on croirait sorties de chez Pharoah Sanders ou Charles Mingus, viennent impulser les musiques d’exotica version Esquivel ou de ska discret. Du rythme, de la sueur et beaucoup d’entrain, voilà ce à quoi beaucoup d’albums devraient ressembler…
JJ.

 
   
 
   

TAAPET Taapet sounds
(Fact rec / import)
La musique ne se fait pas un tourment des frontières, ni des zones géographiques où elle voit le jour. On connaissait le goût immodéré de la jeunesse israélienne pour la musique électronique, même si celle-ci prenait plus souvent les contours d’une goa poussive et fatiguée. Pour pénible que dut être cette période, certains en auront toutefois tiré quelques enseignements et attentes sur ce qu’ils souhaitaient faire et ne plus entendre.
Binya Reches & Aviad Albert en font certainement partie, même si à l’écoute de Taapet sounds, leur troisième album, on conçoit des influences qui dépassent les confins encaissés de la musique " électronique ". Il y a sous le papier peint de leurs motifs sonores de nombreuses subtilités, héritages de manipulations expérimentales, de doux collages électroacoustiques et de passages improvisés. Ils ont certainement développé ce goût immodéré pour la création directe à l’occasion des interventions données lors d’expositions ou de performances, que ce soit leur live au Herzliya Museum en 1998 (puis en 2000 avec Noboy Heard), petit bréviaire de boucles et de samples ; en accompagnement du film de Robert Wiene, Le cabinet du docteur Caligari ou lors d’invitation à la danse (par le chorégraphe israélien Ohad Naharin).
Cette dernière approche, figure imposée sur la trame narrative d’un film est résolument différente dans son approche, laissant une faible part à l’improvisation et fouillant des genres musicaux largement différents, au delà de ce que Taapet traite habituellement.
Avec ce nouvel album, ils reviennent à une vision narrative de l’expérimentation, (une musique d’environnement) où chacun des deux intervenants interfère dans la musique de l’autre, sur-impressionnant alternativement couches d’effets et sons spectraux, figeant le mouvement à l’occasion de sonorités statiques. Un dialogue révérencieux, passages de flambeaux intermittents où se télescopent les orientations de chacun, entre acoustiques fluides, petites investigations électroniques et expérimentations atmosphériques étranges jamais loin de Efzeg… Un album intuitif et vibrant…
JJ.

 
   
 
   

MARINA ROSENFELD The sheer frost Orchestra-Drop hop drone scratch, slide & A for anything
(Charizma / import)
La première image qui saisit notre attention est cette rangée de femmes, parées de blanc, qui semblent s’activer sur des établis ou de quelconques machines industrielles. Pourtant, nous ne sommes pas à la fin d’un film de Zonca, ni dans un documentaire sur les chevilles ouvrières du nord de la France. Ici, il est bien question de femmes, non pas de femmes exploitées mais de celles qui exploitent (la matière sonore), qui ont suivi la voie étrange de la musique improvisée comme mode (momentané) d’expression. Une assemblée de femmes de tous horizons, réunies à l’occasion d’une performance, coordonnée par Marina Rosenfeld. De grands noms de la musique improvisée et d’autres inconnus sont ici réunis, panel réaliste de l’inventivité sur le mode féminin.
Un orchestre de non-initiés, formé à une méthode express où l’utilisation de la guitare préparée devient intuitive, parfois anarchique, trop souvent subtile…
Les sujets font partie de l’entourage direct de Marina Rosenfeld, qui les a dirigés sans les brider, indiquant simplement quelques manipulations d’usage et conseils de route. Pour le reste, elle a laissé ses musiciennes en herbe à leur destin. Si les interventions données live se faisaient sans aucun apport extérieur, Marina Rosenfeld, chef d’orchestre d’un jour a choisi d’enrichir la formation du savoir faire de cinq laptopiennes, musiciennes passées maîtresses dans le tissage de trame environnementale, le détournement et la transformation des sons : Kaffe Matthews (et ses belles productions sur Annette Works), Keiko Uenishi, Kristin Nordeval, Alexandra Gardner et Ikue Mori.
Si ce n’est ces musiciennes de dernières minutes, on pensera inévitablement aux légions de guitares de Glen Branca, même si à l’écoute, le résultat sonne assez différemment. On est rapidement entraîné dans une pluie cristalline de cordes fines, où les tiraillements aigus rafraîchissent nos oreilles, désaltèrent nos tympans, puis pesamment, se font entendre les incongruités discrètes des laptops, lancinants développement de disharmonies pondéreuses…
JJ.

 
   
 
   

AAMUS TIETCHENS/DAVID LEE MYERS Flussditchte
(Disco-Bruit / Amanita)
S’il est une valeur qui s’émousse difficilement à travers le temps, en musique plus qu’ailleurs, c’est bien la fidélité et la fraternité qui animent les collaborations entre musiciens. Neuf années séparent la première rencontre entre Asmus Tietchens, ponte de la musique concrète/électroacoustique allemande (influencé spirituellement par Stockhausen) et David Lee Myers, petit prince du feedback, basé à New York sous son nom de scène, " Arcane Device " et dont l’inspiration est intimement liée aux travaux de Tod Dockstader (on l’a vu traîner avec Francisco Lopez sur Esplendor Geometrico). Neuf ans, période assez courte, à l’échelle d’une vie, mais riche d’expériences multiples et de travaux conséquents, que ce soit sur Esplendor Geometrico (justement), Odd Size, Korm Plastics, Ritornelle / Mille Plateaux, Staalplaat, Recommended Silent ou Raum 312… Une décennie de collaborations et de rencontres (avec Frans de Waard, Bernhard Günter, Achim Wollsheid, pour n’en citer que trois), d’expérimentations et de travaux d’écriture, qui font qu’à l’arrivée, Flussditchte ne ressemble pas à Speiseleitung (1996, Raum 312) ni encore moins à DBL-FDBR (93, Stille Andatch). À bien y écouter, on sent presque tactiles les conflits intérieurs qui ont amené chacun de ces deux musiciens à bifurquer, au long de leur carrière, des travaux les plus aventureux à des compositions inspirées du Krautrock à Robert Fripp en passant par Eno. Des tergiversations dont ils se proposent de faire une synthèse à l’occasion de cette troisième rencontre. Des climats assez délétères, sonorités épures qui nous plongent aux confins d’autres formes de systèmes stellaires, où une fois n’est pas coutume, l’oreille se fait le télescope de l’œil.
JJ.

 
   
 
   

ANDREAS BERTHLING Tiny Littles White One (like Handfuls od Salt)
(Mitek / (Kr-aa-k) 3)
Nul doute qu’Andreas Berthling a une attirance dangereuse pour la physique moléculaire ou du moins pour tous les domaines relevant de la mécanique quantique chère à Stephen Hawkins. Un goût certain pour l’infiniment petit, le subtilement discret dans lequel il est passé maître, malgré son jeune âge… un jeune homme qui a accumulé au fil des années une somme d’expériences (une douzaine d’albums répertoriés) et de rencontres (de Kim Cascone, ami et fidèle d’entre les fidèles à toute la crème de l’expérimentation minimaliste).
Ses forages microtonaux sur Fällt (label où l’on trouve Cascone, John Butcher, Kaffe Matthews, Toshimaru Nakamura, Tv Pow, Spunk…), Staalplaat, Microwave, Boxmedia, Anechoic ou encore Betabodega, laissent bien augurer des perspectives musicales de son auteur. Un compromis judicieux entre glitchs souterrains et improvisations sensitives, ici à peine retouchées, qui auraient tout aussi bien pu s’exprimer sur Raster/Noton, notamment… Quelque part entre Bernhard Günter et un Pan Sonic démembré.
Etrange titre que Life #3 qui nous fait nous sentir seul au monde au milieu de 20 000 regards fixés sur nous ; chants de grenouilles analogiques, aigus et cristallins sur Capable of rotating about mais il est aussi capable, à l’occasion de belles plages aussi perturbées qu’un lac de mercure sujet à de faibles ondulations (The shape of the letter V)
Son travail sur Tiny little ones like associe un processus de dé-fragmentation et un autre de ré-assemblage de ces éléments épars. Ses compositions constituent une suite de pièces introductives, petits préambules et postface à des sessions enregistrées live.
Ce nouvel album est la troisième intrusion du label Mitek dans la cour des grands où figure déjà Mikaël Stavöstrand. Un album qu’on aurait volontiers renommé " chronique de l’espace : colonisation d’une planète par une vie monocellulaire. "
JJ.

 
   
 
   

V.A. Unattainable Texts, A Precis, LP,EP
(Diskono | mèl | / Ici d’ailleurs / Amanita)
La musique, à l’instar de tout autre art, n’est pas exsangue des préjugés et des classements hâtifs. Étiquetages intempestifs, mise en bouteille sommaire, voilà ce qui bon gré, mal gré, nous permet de filtrer et d’ordonner l’information. Présupposer que le nouvel album d’X est sublime sans l’avoir écouté… Le trouver sublime parce que c’est le nouvel album d’un groupe fameux nommé X. Voilà ce à quoi Diskono tente d’échapper… Un peu à la manière de V/VM mais avec une tournure, moins sanguine, il arrive au constat simple que le marketing d’un artiste (website, design de la pochette, apparition au musée machin), fut-il indépendant prend bien souvent le pas sur sa musique.
Par refus de jouer ce jeu, Diskono réactualise, après le blind test, le buy (blind) test ; aucune indication n’est présente à la surface du disque pour aiguiller l’auditeur sur les groupes présents, la pochette étant un film transparent alors même que le disque est translucide… une transparence physique, écho puissant d’une autre transparence qui se veut, elle morale. On serait tenté de vous indiquer que le morceau #2 est proche des errances de Patrick Toppaloff, mais, nous essayerons de jouer le jeu du label, même si on est plongé dans des brouillards amicaux, tantôt rythmiques, tantôt glitchiens, voire atmosphériques mais de haute facture. Pour mémoire évoquons les artistes présents sur la précédente compilation du label, en vrac : Kid 606, Alejandra et Aeron, Wee DJ’s, Felix Kubin, Antenna Farm, Hrvatski, Jane Dowe, etc. Pour ce qui est du 45 tours, à trop chercher l’aspérité, on en oublie celle qui nous irrite le plus, la rayure sur le disque… c’est pourtant ce que l’artiste " unknown " a enregistré sur deux fois 4 minutes 30. Bien entendu, c’est inécoutable… et l’on se tapera à l’occasion la tête contre un mur à son écoute.
Sans être certain de l’appartenance des morceaux, le procédé nous amène plus qu’à l’habitude à nous concentrer sur chaque développement du LP. Un travail qui rappelle la réflexion de la double compilation compost (résidu de vieux morceaux inutilisés) d’OHM/AVATAR, sans nom, sans titres ni copyright.
JJ.

 
   
 
   

LAMBENT / DUODECIMO Split LP
(Insine / Hausmusik)
Le label Insine est un nouveau venu dans le tableau de classification des labels électroniques à visée " expérimentale ". Cet album se partage entre deux artistes, deux pays, deux genres musicaux, qui ne se tournent pas pour autant le dos…
Lambent est japonais et développe au long des 20 minutes de cet album, une lente montée ambiant sur laquelle viennent se greffer des sons concrets choisis, insérés avec délicatesse. Ce sont les détails concrets, réinsérés dans un autre environnement qui rythment la composition. S’offrent alors à l’oreille des mélopées oniriques (on devine des bruits de cascades) aux marges de la musique new age à la Steve Hillage (le côté naïf en moins, ce qui n’est pas une mince affaire) et une armée de grésillements fébriles. Le second aparté, plus rythmique, frôle les vacations nocturnes d’Autechre.
Duodecimo, quant à lui, se définit à l’occasion de petits sons à la Sonig (scrath pet land) avec des phases atmosphériques post-industrielles et quelques saturations blanches. Un label et des artistes sur lesquels il faudra donc compter, à l’avenir.
JJ.

 
   
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