SOMMAIRE

ENTRETIENS


A LA LOUPE
Le label SOFTL
Le label V/VM
Le label Z & Zoé

Chroniques de
Julien Jaffré

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Ce mois ci

CHRONIQUES 17
John ZORN . KAADA / PATTON . THE BERG SANS NIPPLE . KILN . SOLVENT . PAN/TONE . Alexander RISHAUG . BLACK EYES COUGH . Damien MINGUS . Stepahn MICUS. Q AND NOT U . STYROFOAM . DANA HILLIOT . O.BLAAT . PROPERGOL Y COLARGOL . Vitor JOAQUIM . PSYKICK LYRIKHAH . KAMMERFLIMMER KOLLEKTIEF . BJORGULFSSON/ PIMMON /THORSSON . HANALEI . TETRAULT/ OTOMO . THE PATRIOTIC SUNDAY . MORCEAUX DE MACHINES . POLA . AUTODIGEST . DIE WELTTRAUMFORSCHER . GOO . PATRICK WOLF . STATE RIVER WIDENING . WILLIT/ DEUPREE . MARCLAY . MOUSE ON MARS . GRAILS . SUN PLEXUS . EPSYLON ZYGMA CLUB . FRANCESCO ARENA . LUDMILA . Michaela MELIAN . FS BLUMM . HENKE . ENCRE . V/a NOISE &THE CITY . V/a NEUROT . FORMANEX . REUBER . TILIA . INFANT . ENABLERS . ILIOS . V/a MONIKA FORCE . TREVOR DUNN S TRIO . SUSANNA & THE MAGICAL ORCHESTRA . ISIS . MILGRAM. SKOLTZ KOLGEN . V/a PORC EPIC . ARMAND MELIES . RD16 . KREIDLER . BLOOD AND TIME . MARSEN JULES . AETHER . NIMP . SUPERCILIOUS . TOOG . RUBIN STEINER . MATTIN/ WORKMAN . ICHLIEBELOVE . PRINCESSE ROTATIVE . STAFOENN HAKON . CANCEL N. PARESSANT . THE SOFT RIDER. KAMIDO TU . MALAUSSENE Vs BANGA . JAMES T COTTON . ANA . GREG HEADLEY . NOWHERE . SOFUS FORSBERG. OBNY . LOSOUL . OHM EDITIONS/ AVATAR . KOTRA . BORISOB/ NIKKILA.

CHRONIQUES 16
COBRA KILLER . TRAVAUX PUBLICS . V/a STAUBGOLD . KARATE .. LALI PUNA . KERRIER DISTRICT . STRATEGY . Pascal SCHÄFER . V/a Antologia de musica electronica portuguesa . FIRE WERE SHOT . SWOD . PATERAS/ BAXTER/BROWN . SCHURER .. @C . ADAM WILTZIE . RAN SLAVIN . THE ETERNALS . CHILDRENS OF MU . MAX EASTLEY/ DAVID TOOP . CHARALAMBIDES . ANGIL . BIP-HOP VOLUME 7 . EYVIND KANG . COCOON . VENETIANS SNARES . LULLATONE . Corker Conboy . POST INDUSTIAL BOYS .. STEPHAN WITTWER . GROWING . ILIOS . YANNIS KYRIAKIDES/VEENFABRIEK . MINIT . THE GO-FIND . MICHAEL J SCHUMACHER . MILOSCH


2004
CHRONIQUES #15
BATHYSCAPHE . TRAVAUX-PUBLICS . SPEKTRUM . LUNT . BAKA ! .. V/a MUSIK EXPERIENCE . LANGUAGE COMPUTER . AGF . Tô .. TRICATEL . MEN’S BEST FRIEND . MAX HAIVEN/JON VAUGHN . V/a List . RYOICHI KUROKAWA . SKETCHES OF PAIN . MINOTAURE SCHOCK . Z_E_L_L_E . V/a Rural Psychogeography . MARGO . FORMA. 2.03 . FAUST Vs DALEK . MANITOBA . COURTIS / MARHAUG . LUCKY R’ . EXPLOSIONS IN THE SKY . REMARC . JOSH RITTER . GROWING . CHRISTIAN RENOU/ANEMONE TUBE . BREEZY TEMPLE . GUINEA PIG . V/A Kraakgeluiden doc1 1999-2003 . DIRGE . ATONE . HARPAGES . DEPTH AFFECT . REBECCA . JONO EL GRANDE . SKYPHONE . PUYO PUYO . MEAT BEAT MANIFESTO . WESCHEL GARLAND AND WORLD STANDARD . BRAILLE . HAMLET . O.Lamm & Sutekh . V/A HAUNTED WEATHER . MITCHELL AKIYAMA . ALEX GARRACOTCHE & STEPHAN KRIEGER . FUNKSTORUNG . HELIOGABALE .. THE SIDE OF JORDAN . FROM:/TO:  . RAUD & HOLLAND .. EXCAVATION SONORE . HYPO . THE LOOP ORCHESTRA . CLOUDHEAD . PAULO RAPOSO & MARS BEHRENS . V/A Nothing but a Funk Thang . Jorg PIRINGER . KID SPATULA . AIRPORT CITY EXPRESS . EPSYLUN ZYGMA CLUB . SUGAR PLUM FAIRY . Jean Luc Guionnet & Eric La Casa . CM VON HAUSSWOLFF . JOHN BUTCHER . YEYE . Pierre BONDU . MINIMALISTIC SWEDEN . BABY FORD . DJ DAMAGE . FLUNK . ALCAHA SOUNDSYSTEM . DAY &TAXI . PHI LIFE CYPHER . NHX . 90 DAY MEN . Fort Laudendale . Le POP 2 . PERLON . TBA . TANDY . WHOPPER . Villalobos . LUNGFISH . TWERK . MICHAEL YONKERS BAND . Andrew Thomas . SERGEJ MOHNTAU . The Limps Twins . ABSiNTHE (PROVISOIRE) . Gustavo Lamas . SETH P BRUNDEL . The Sound Of Warhammer . BEXAR BEXAR . Active Suspension at Vooruit, GENT . PLANETALDOL .. FEIST . THE SHINS . Arman MELIES . GREENBANK . ROSIE THOMAS . V/A STEREO DELUXE . JASCH . KAMIDO . ARMAND-FLORIAND DIDIER . TANTE HORTENSE . METAMATICS . HELLFIRE . Laurent PLESSIET . ISO 68 . BMB Con . CARLO FASHION . JAS

CHRONIQUES #14
EXTENSIONS . LEFT / MIDDLE / RIGHT . BERNARD FLEISCHMANN . CHARALAMBIDES . KAFFE  MATTEWS . TRIOSK MEETS JAN JELINEK . NAO TOKUI . FANTOMAS . DEAN ROBERTS . CINELUX . FUTURE PILOT AKA . KAT COSM . OLAF HUND & HIS ORCHESTRE TOUT JUSTE . FORMANEX/AMM . PLURAMON . V/A LOST IN TRANSLATION .. KID 606 . THOMAS MERY . PAUL WIRKUS . POLMO POLPO . NITRADA . MELODIUM . DUDLEY . BIAS . HANS JOAQUIM  IRMLER . ENCRE . KHANATE . ADVENTURE TIMES . V/a CIRQUE . PIANO MAGIC . THE HIGH LLAMAS . THE BOOKS . REFREE . XANOPTICON . GRIDLOCK . WILLIAM ELLIOT WHITEMORE DIM MAK . PARADISE ISLAND . DANCE DISASTER MOOVEMENT . EKKEHARD EHLERS / JOSEPH SUCHY / FRANZ  HAUTZINGER . OKKERVIL RIVER . ANTIFROST . THE PAPER CHASES . THE SILVER mt ZION MEMORIAL ORCHESTRA & TRA-LA-LA BAND WITH CHOIR . RED SNAPPER . AUTODIGEST . SUMUGAN SIVANESAW / DURAN VAZQUEZ .LEE VAN DOWSKI .WE GOT MONKEYS . RAINIER LERICOLAIS . GRASSKIRT . ANABEL’S POPPY DAYS . FABRIQUE DE COULEURS . METAXU . XIU XIU . NOVEL 23 . ERIK FRIEDLANDER .. DICKY BIRD . SANTA CRUZ . PW LONG . DO MAKE SAY THINK . CHICA & THE FOLDER 42 . CLEAR HORIZON . TELEFON TEL AVIV . Ms JOHN SODA . Phrênésie #2 . EINOMA . BRUNO DESCOUT . J XAVERRE

 

chroniques 2003
chroniques 2002
chroniques 2001

LA DEMOTHEQUE #1
LA DEMOTHEQUE #2

 
CHRONIQUES #17

> JOHN ZORN Magick
(Tzadik / Orchestra)

John Zorn possède ce don recherché de ne jamais laisser l'indifférence régner autour de sa personne ; qu'il agace ou irrite, qu'il provoque l'assentiment ou méduse son auditoire, le musicien semble absent aux critiques et aux flatteries et continue de forer les tréfonds inexplorés de son art, qui prend, au détour de sa discographie les silhouettes mouvantes de l'improvisation, du jazz, du bruit blanc, du culte des musiques traditionnelles ou sacrées. Pour autant, ce qui semble animer sa démarche est davantage à rechercher dans cette volonté farouche de toujours chercher des thèmes et clefs d'entrée. Ici, il est question de lieux imaginaires tels que Le Necromanticon, popularisé par Moorcock, lieu sombre des bas-fonds de la terre, proche d'un enfer à la jérôme Bosch. La musique assez proche de certains de ces précédents albums (Red Bird, Locus Solus, The Classic Guide to Strategy) est une pure décharge d'énergie Free, une ligne à haute tension jazz qui bordent un chemin jonché de nid de poules et de gibbosités, d'ecchymoses et de moments de grâce. L'album n'est pas facile d'accès, il ne prétend aucunement renouveler le genre, simplement interpréter, dans un vocabulaire et une syntaxe contemporaine et musicale, les disruptions, troubles et plaisirs de notre époque. Une musique au plus prêt du derme de nos sociétés.

> KAADA/ PATTON Romances
(Ipecac/ Southern)

Mike Patton n'est pas connu pour son conformisme et l'étroitesse de son esprit. Depuis qu'il a trouvé son équilibre au sein de Mister Bungle et a multiplié les disgrâces mélodiques, aux côtés de John Zorn, on le découvre sur des projets aussi délirants que Fantomas (Un fantasme d'heavy rock aux côtes de membres des Melvins, notamment) ou en compagnie de Dan The Automator, Eyvind Kang pour n'en citer que peu. L'homme est un stakhanoviste et aime à surprendre son auditoire au détour de ses desseins musicaux. Cette nouvelle collaboration ne surprendra donc pas les fans du sieur (quoique), puisqu'elle convoque, en ordre dispersé, quelques-uns uns de ses pêchés mignons, à savoir des armatures de rythmes lourdes et bancales, des chants mélodiques étirés et très radiophoniques. Il est ici associé à Erik Kaada, musicien norvégien, spécialisé dans la musique expérimentale electro-synthétique à la croisée de Dany Elfman et de morceaux cinématographique façon Bela Lugosi ; il a joué par ailleurs au sein de nombreuses formations travaillant occasionnellement pour le cinéma. (d'horreur des années 50 ?) Seulement, à prendre des risques sur le fil tendu de l'accidentel et de l'impromptu, on se ramasse quelquefois.. C'est sans doute le cas ici, si l'on considère cet assemblage de genres bigarrés, musique d'ascenseur et improvisation débridée, chant outrancier et hommage gauche (le romantisme, Litz, Mahler, Morricone, le surréalisme) laissant une saveur contre-nature dans la bouche.. Un demi-faux pas (à considérer quelques titres intéressants comme L'absent) qui ne passera pas à la postérité, mais qui ne se révèle pas non plus effroyable. Comme le souligne l'adage : " A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire " Gageons que Patton est un périlleux combattant du son et qu'il saura remonter sur son destrier. A noter que les intitulés sont exclusivement en français (pensée des morts, nuit silencieuse, aubade, viens, les gazons sont verts, pitié pour mes larmes) preuve s'il en est que la France reste définitivement la patrie du Romantisme !

> THE BERG SANS NIPPLE life if (in four parts)
(BizarreK7/ Chronowax/ www.bizarreK7.com )

Le groupe a gagné dans l'interstice temporel qui sépare le premier du deuxième album une particule (The) qui n'a d'autre destination que de signifier le caractère unique et infalsifiable de ce groupe Franco-américain. Un Duo (Lori sean Berg/ Shane Aspegren) qui fut un temps, avait su puiser son inspiration aux tréfonds des salles obscures, saisir l'illusion du mouvement et de l'image et nous en restituer la quintessence et la vitalité, le dynamisme et la palette de couleurs associées. Ainsi, leur musique prolonge la perspective d'attention à d'autres sens (le champ visuel) pour mieux en développer la puissance narrative. Pour autant, rien de moins réducteur que de s'arrêter là, alors que leur travail a fondamentalement approfondi les structures du premier album. Une musique profondément organique, en fait, qui se développe dans un lent crescendo de mélodies, de petites rythmiques bancales et de sonorités de xylophone discret, de circonvolution de basse. Une musique folk-électronique évanescente, portée par des voix fébriles, par moments absentes, presque étrangères à l'instant de grâce qu'elles nous font vivre…Une sorte de Fourtet qui n'aurait pas oublié d'être simple. Splendide.

> KILN Sunbox (GhostlyInternational/ La Baleine)
> SOLVENT Apples & synthesizers
(GhostlyInternational/ La Baleine)

Ghostly Recording est de ces généreux labels qui fusionne avec bonheur et avec une certaine pointe d'altruisme les genres à la manière de Hefty, Suction rec, Eastern Developpement… Une aventure construite sur quelques artistes (Dabrye, Lusine, Broher, Osborne, James Cotton, Audion (Mattew Dear), Twine, etc.) ,comme c'est souvent le cas et débutée au détours de compilations aux thématiques marquées (Disco Nouveau en 2002 tendance électroclash ). Pour l'heure, le label, dont la paternité est attribuée à Sam Valenti, porte ici son dévolu artistique (ses convictions) sur 2 Jeunes entités que sont KILN et SOLVENT. KILN, qu'on a déjà croisé sur Arbouse recording évolue davantage aux marges d'un ambiante-house enrichie d'électronique ; des morceaux vaporeux, aériens traversés deci delà par des ondées liquoreuses de rythmes. On ressent une certaine difficulté à pénétrer l'univers de ce trio composé de Kevin Hayes, Kirk Marrison et Clark Rehberg et on se surprend à décrocher de ces climats. SOLVENT, pour sa part, assume pleinement les sonorités qui l'ont porté sur des labels tels que Suction ou Morr. Une électronica-house aux petites intonations naïves et fragiles, un peu surannées dans ses sonorités de part les lentes ondulations orchestrées au synthétiseur. . Le synthétiseur, instrument coupable dans une large part de cet album (bien davantage que les pommes, d'ailleurs) et qui se forge une place de choix sur les crêtes des rythmes et des chants " vocodés ". Une belle maîtrise pour un disque intéressant qui ne renouvelle pourtant pas le genre. Proche de Console dans ses fins. Bon.

> PAN/TONE Newfound Urban Calm + remix album (Bip-hop/ La Baleine )

Le mystère de la musique est comparable à celui de l'apiculture en cela que 2 abeilles auront beaux butiner la même fleur, le miel n'en aura pas pour autant la même saveur. Il en va ainsi de même en musique où certains plus que d'autres tirent leur épingle du jeu et nous laissent un souvenir plus ou moins tenace dans l'esprit. Dans la multitude de labels électroniques existant, Bip-Hop interroge, questionne au fil de ses productions davantage qu'il ne répond au grand mystère de l'équilibre musical parfait. Pan/Tone ne déroge pas à la règle intimement sous-tendue dans les prescriptions artistiques du label Bip-hop puisqu'il est question au long de cet album de recherche et d'exploration autant que du vivifiant désir d'extraire le rythme d'un carcan simplement réflexif ou intellectuel. A l'écoute des 3 premiers morceaux, on sait le pari gagné, d'autant que la suite nous réserve le même éventail de gammes et de tonalités riches. Une musique ronde et binaire comme elle se pratiquait en cette fin de 20 siècle , laissant lentement le rythme s'installer, développer certains aspects mélodiques plus que d'autres. Shelbono Barracuda del Monte, l'homme derrière Pan /Tone n'amène rien d'original ; il partique simplement une techno House des premier temps, presque virginal façon Detroit Sound avec une telle sincérité qu'on se prend à diverses reprises à regarder la date de création des morceaux. Du plaisir, de l'hédonisme et beaucoup de joie, voilà ce qui fait le charme de Pan/tone. L'aspect plaisant du disque réside également dans son binôme de remixes qui permet une approche pluri-sensorielle de la musique de Shelbono Barracuda del Monte (je n'ai pas pu résister) où l'on croise Frank Martiniq, Repair, Losoul, Andy Vaz, Duplex100, Si-Cut.db, Adam Marshall, Jeff Milligan, ect.

> ALEXANDER RISHAUG Possible Landscape
(Asphodel/ Venus Work)

Asphodel, label New-Yorkais connu pour ses prises de position Illbient s'éloigne toujours davantage des rives de ses sons asthmatiques pour trouver refuge au creux de nouvelles pratiques, plus audacieuses et/ou plus abstraites. Fire Wire Shot (précédemment signé sur KRANKY) puis Christian Marclay.., et à présent Alexander Rishaug…3 productions qui auront suffi à brouiller définitivement les marques et imposer une idée nouvelle du label. Résidant à Oslo, Norvège, Alexander Rihsaug est amateur de musique arctique et isolationniste comme seuls Dorobo, Rune Grammophon, ou Smalltown Supersound savent en faire. Il a d'ailleurs pour ces deux derniers respectivement fait une apparition sur une compile et "forfaité" un album (Panorama Smalltown supersound 2002) Il est en outre un tiers pensant du trio ARM (en compagnie de Arne Borganand et Are Mokkelbost). Sa musique, combinaisons de soundscapes subtiles et de soundfields enivrants, entrecoupés de glitchs/ click n' cuts incisifs, évoque invariablement les paysages infinis du Grand Nord, mélange d'âpreté du climat et de plénitude infinie, de banquise aplanie et d'icebergs abrupts et verticaux.Les textures évoquent une translucidité perdue. Rishaug succombe à la tentation de produire une musique qui charme les sens au-delà de l'ouie, (musique cinématique, eidétique). Et nous transporte loin, à la façon de cette pochette splendide, qui rejoint les attentes de sa musique. L'aurore, ici prétexte à des lentes nappes de douceur, des vagues en flux et reflux. Apaisant.

> BLACK EYES COUGH s/t
(Dischord/ Southern)

L'internationale, bien que discrète, maison de disques Dischord envoie à échéance régulière au monde des preuves de sa bonne santé. Black Eyes Cough ne nous fera pas mentir puisqu'il bat le fer encore chaud d'un Hardcore mutant comme seul semble en mesure de l'inventer la côte Est des Etats-Unis. Dischord a toujours su, dans le cadre de ses productions, associer le flux de la pression sanguine, l'embellie neurologique et la tension musculaire. Black Eyes Cough adhère à cette définition, puisque au long de ses onze titres, suintant l'énergie tactile, le malaise rythmique, il nous est donné assez peu d'occasions de reprendre des bouffées d'air salvateur. On rentre d'emblée dans cet univers dense, consistant sans être toutefois purement noise. Des miscellanées étonnants de sources de guitare distordue, de basse enivrante, de brisure de rythme à la Truman's Water, d'effet de style à la Motherhead Bug (Jim Thirwell et consort..), de hargne typiquement Fugazienne. Un joyeux bordel tenu et jouissif jusqu'à l'excès. Une belle bouffée d'air.

> MY JAZZY CHILD I Insist
(Clapping Music/ Chronowax )

Le jeune homme s'amuse volontiers à brouiller les pistes, oeuvrant sans rémission à entraîner l'amateur de musique dans un dédale de références et de clins d'œil musicaux. Qu'il soit question de Jazz, dans son emprunt patronymique au Grand Charlie ou du renvoi à l'album de Max Roach ; qu'on le voit depuis ses débuts traîner sur des labels d'obédience électronique (mais pas que) ou qu'on le surprenne dans le feu de sa création à disserter sur les belles heures d'un folk sensitif . Car, plus encore peut-être que sur son précédent album Sada Soul, il est ici question d'esprit lo-fi, d'intuition acoustique, de divagations sensorielles Anti-folk autour d'un collectif restreint d'instrumentaux, juste là pour souligner l'ourlet de la mélodie. Damien Mingus a les mêmes rêves de quiétude et d'espace que Nick Drake, Low ou plus modestement Lou Barlow ; une musique non cloisonnée, ouverte aux vents et qui distille ses étamines mélodiques, harmonies électroniques merveilleuses dans une valse folle avec le vent. Un enregistrement lo-fi réalisé dans le secret de son appartement, avec guest Noak Katoi, Emma Kirshner, Salima Tej, Sonia Cordier, cecile Collen, O.lamm et son disque dur , ses papiers peints et sa discothèque en point d'horizon. L'apanage de la grâce, ne serait-ce pas la simplicité ? Beau et simple

> STEPHAN MICUS Life (ECM/ Universal)

Stephen Micus est un anthropologue du son doublé d'un humaniste. Il parachève une œuvre commencée il y a de cela 25 ans, réunie sur un corpus de 17 albums, où la réflexion se mêle fréquemment à la musique. Les 2 axes structurants de ce disque portent autant sur la forme que sur le fond. la forme tout d'abord, où il ouvre sa composition à un large éventail d'instruments lointain, étrangers, non par pur souci de diversité, d'exotisme mais dans cette quête éperdue du son juste, de l'intonation parfaitement équilibrée avec ce qu'elle doit exprimer ; cette volonté de faire coller l'idée au corps… Sho, Boules musicales thaïlandaise, bagana courbé, cithare bavaroise, gong balinais, birman, cymbales tibétaines, sifflet irlandais, carillons… instruments d'Egypte, du Ghana, d'Inde, du Tibet, d'Irlande,d'Allemagne,d'Indonésie,de Birmanie,d'Ethiopie…chant japonais. Dans un second temps, le musicien, revient sur une idée forte qui lui tient à cœur, héritée de la culture bouddhiste et qui pourrait se résumer autour du terme " Koan ", parabole bouddhiste en forme d'énigme, destiné à souligner les limites de l'intellect dans le but d'encourager l'intuition. Life est ainsi une allégorie sur le sens de la vie bâtie dans un decrescendo harmonique, d'une construction complexe à une musique simple et presque intuitive au terme du disque. L'ossature centrale de l'œuvre est le bagana, Harpe ou lyre issue d'une époque lointaine, celle de Salomon, également instrument sacré de l'ancien temps. Une musique profondément apaisante, un subtil éveil à la vie

> Q AND NOT U Power
( Dischord/ Southern)

Après une bonne dose d'abstraction expérimentale ou une overdose de sonorités électroniques, il est de bon augure de ressourcer ses oreilles dans nos premiers amours de jeunesse, qu'il soit question de Hardcore, de rock indé ou de noise. La nouvelle sortie Dischord tombe à propos puisque derrière cet énigmatique pseudonyme Q and Not U se dissimulent 3 branleurs de génies, Harris Klahr, Christopher Richards et John Davis accessoirement adorateurs de Funk, de Dub,de Parliament, de A certain Ratio, de Cult Hero, des Beach Boys (l'influence de Brian Wilson est confondante ! ) et de Fugazi, Washington DC sound oblige !!. Dès les premiers accords, le ton et l'assaut groove sont donnés, bousculés que nous sommes par la chaleur presque tactile de cet ensemble de Washington. Les morceaux, ont une forte consonance mélodique et sonnent terriblement 80' ; les accords sont hiératiques, incisifs, funky, la voix chaude et haute perchée n'a d'autre vérité à livrer qu'une pure décharge d'énergie et de sincérité. La batterie martèle tout son saoule, la guitare déchire l'air et la basse ronronne. Des titres comme Throw Back your head, Daughters,Wet Work (et sa petite flute) sont somptueux . Q and not U est un groupe important, voire génial avec lequel il faudra désormais compter. La synthèse absolue des White Stripes, ESG et Fugazi !!!Incalculable et génial !

> STYROFOAM Nothing's lost (Morr/ La Baleine )

Arne Van Petegem est un musicien affairé au cœur de la scène internationale depuis nombres d'années, élément actif du groupe Tim Foil Star , il privilégie une exploration plus approfondie de ses sensations au sein de Styrofoam depuis presque 5 ans. Il dévoile ici un paradoxe dans le sens où cet album, construit autour de l'idée de collaboration croisée et multiple se révèle dans le même temps plus intime que jamais. Tournant définitivement son projet Styrofoam vers un univers Pop, on note la lente montée en puissance d'une structure " folk " au sein de ses compositions où, par effets communicants, peu à peu l'électronique disparaît. Autrement plus sensitif et personnel, plus protestataire également, Nothing's lost permet au belge de mettre en lumière son penchant naturel pour la faille, se mettant fréquemment en péril, notamment par l'utilisation quasi systématique du chant (le sien) au sein des compositions. Des titres qui transportent notre imaginaire loin du fracas quotidien et transfigurent une certaine idée de bien-être et d'aménité. Une illusion de douceur qu'il entretient à merveille au long de ce Nothing's lost.

> DANA HILLIOT I was a rabbit and i won
(Another record/ www.another-records.com )

Loin de la cacophonie médiatique de la scène antifolk gravitent dans l'ombre quelques astres obscurs et lointains dont la présence réconforte par leur discrète existence. Dana Hilliot est de ceux là. Son centre de gravité trouve son équilibre aux côtés de formations confidentes, dans lequel il peut à loisir cracher ses conceptions intimistes, ses fragments de folk impies, ses idées sacrilèges. Dana Hilliot est un song-writer né, de la veine de ceux qui n'attendent rien de leur musique si ce n'est une douce catharsis, un défoulement salutaire. Sa vie et sa musique sont indéfectiblement liées et se nourrissent l'une l'autre de leur belle misère. Pour cet album, le crooner a convié une poignée d'amis (Delphine Dori, Valérie Lelercq, Jullian Angel, Clément Battu, Giles Deles….) à le rejoindre le temps d'un long week-end dans un studio improvisé, où l'imagination se laisse le temps de féconder la mélodie. 50 minutes d'une déambulation folk gracieuse et sensitive. Entre Syd Matters et Bonnie Prince Billy. Un très bon disque qui mérite toutes les attentions.

> O. BLAAT Two Novels : Gaze/ In the Cochlea
( Cronica/ Import )

O. BLAAT a su déployer une stratégie de la disparition, une conduite de la dissimulation et ce, en laissant un monde microscopique de sons, d'échos, de formes sonores proliférer sur la maille translucide de ses compositions. Des soundscapes indicibles, des clichés sonores, des concentrés de vie et d'environnement, qui s'appuient sur l'utilisation du laptop, méta-instrument s'il en est.. La translucidité de ses compositions n'empêche pas une certaine ludicité comme ce fut le cas sur ses précédents travaux, tel que "beat piece " construit autour de samples de ping-pong. Dans cette optique c'est aussi dans l'échange, dans l'interface et les collaborations que O. Blaat trouve son équilibre ; on pense à Akio Mokuno, Aki Onda, Ikue Mori, DJ Olive, Kaffe Mattews, Sachico M, Zeena Parkins, pour n'en citer que peu. Les compositions naviguent dans un chenal étroit entre terre et mer. Les alluvions de rythmes viennent doucement tapisser le fond de la mélodie, les flux de samples irritent les berges d'aspérités numériques alors que des petits brouillards de couches électriques saturent l'air d'humidité. Helen Cho vient sertir de sa vidéo les 18 gemmes sonores de la Japonaise. Un prolongement en mouvement de l'esthétique de Keiko Uenishi.
www.cronicaelectronica.org

> PROPERGOL Y COLARGOL Charly.roger (songs for fuzzycandy)
(Autres directions in music [site]

Pas besoin d'attendre l'issue de la floraison pour cueillir les fruits de Propergol y Colargol. Leurs agrumes sont ombreux et ont le goût de l'amertume. Ils sont le produit de divagations de l'aube, et de réflexions soutenues de la pénombre. Une musique qui fait la part belle aux atmosphères sombres et fourageuses et qui porte pourtant sur son dos nombre de sentiments et de sensations plaisantes. De la conception de l'album où les auteurs semblent s'être attachés à définir au long de ces 11 titres une certaine idée de la mer, jouant sur la confusion et l'ambivalence que suscite cette dernière : entre angoisses tétanisantes des profondeurs et quiétude des horizons marins, entre sérénités et vertiges des abysses ; voilà où semblent avoir élu domicile les compositions de Propergol y Colargol Outre le thème récurrent de l'abîme, cet album se démarque par la sobriété des compositions, où les harmonies épurées de détails font la part belle aux saturations discrètes, aux vibrations et ondulations soniques de tous genres. Les rythmiques loin de peser par leur absence viennent se poser, à la manière d'embruns iodés au gré des titres et dictent l'ascendance ou le déclin de la mélodie. De Aunties annies à benjamine's spasm , de 22 à hitchhicking en passant par norstern , autant de soundfields qui semblent prêter serments d'allégeance aux explorateurs de tout pédigrés : de Bowery Electric à FSOL, d'un Vidna Obmana saturé à des Bark Psychosis sous anxiolytique . Une entrée en liste des plus intéressantes. De la musique ambiante pour amoureux du bruit. Un appétit pour les profondeurs pas sans rappeler les récentes plongées de Bathyscaphe. Téléchargeable directement depuis le site du label, cet Album, le septième à ce jour dévoile un nouvel aspect de l'esthétique musical du label. Très bon, hybride et protéiforme.

> VITOR JOAQUIM A rose is a rose
(Doc recordings/ Chronowax)

La sortie de cet album de Vitor Joaquim est intéressante à plus d'un titre, dans la mesure où 1. Elle permet de découvrir ou de redécouvrir cet artiste portugais, par ailleurs directeur du festival EME et amateur patenté d'électroacoustique (il fait partie intégrante du projet @CV3, dernier album sur Cronica) ; 2. elle vient compléter la pourtant presque exhaustive compilation portugaise récemment sortie chez Tomlab autour des musiques électroniques (et davantage) portugaises. 3. Enfin, elle offre une nouvelle facette des goûts de PURE, et des intentions qu'il prête à son label (Doc) . A rose is a rose, titre purement arbitraire et une suite d'improvisations diffuses, ré-assemblées par la suite en studio. Des sons intimes, semblant percoler des feuilles automnales d'une forêt sertie de brume, pourrait être une première description. Profondément apaisantes, les atmosphères que dégage ce disque n'en demeurent pas moins étranges. Des paysages désertiques de sites industriels en perdition, la quiétude d'un chemin de fer isolé. Le grain grossier d'un super 8, une silhouette dissimulée par une vitre maculée de gouttes d'eau La beauté sombre qui émane de ce disque tient pour partie à cet audacieux assemblage de Landscapes brumeux, et de petites scories de sons en perdition, lointaines à mesure qu'approche la fin de l'album Il faut s'approprier le temps long de l'écoute, le temps de l'apaisement et de la réflexion pour s'immerger véritablement dans ce disque et espérer entrevoir ses prodigues floraisons, tapies au fond de l'eau.

> PSYKICK LYRIKAH Des lumières sous la pluie
(IDWET/ LA BALEINE)

Psykick lyrikah n'a pas un passif ancien dans le domaine de la musique, tant en terme de production discographique qu'en matière de concerts. Malgré cela, en l'espace de 3 ans, quelques 1er Partie (Sage Francis, AKA, Rubin Steiner, La Rumeur … ) et une démo tape plus tard, le trio formé de Arm, Mr Teddybear et Robert le Magnifique (en remplacement de DJ Remo) a su faire montre d'une maturité impressionnante. Des lumières sous la pluie tient de l'immersion urbaine, les textes, qu'on découvre d'un certain second degré, traite majoritairement de l'esthétique carcérale des villes, de littérature humaniste de l'après guerre, de tranches de vies. Dans l'idée, Psykick Lyrikah est plus proche de Language Computer sur Quatermass que des brassées de Lex ou Anticon. On peut ainsi les positionner dans cette frange hip-hop sans œillère aussi friandes de soundscape brumeux, que d'attachement à la syntaxe. En parallèle, la richesse de leur rythme et du flow (parfois un peu trop appuyé) rebondissent en échos sur un travail soigné de nappes, de scratches, de formations diverses de sources sonores, samples et extrait de films. On en ressort profondément grandi et documenté. A noter les excellents Ma ville, l'homme Errant. Lorsque la poésie entre en conflit avec le hip-hop.

> KAMMERFLIMMER KOLLEKTIEF Hysteria
( Staubgold/ La Baleine)

Bien plus qu'un album de Jazz, Hysteria est soit une nouvelle étape dans le développement intérieur du collectif, soit une bifurcation créatrice d'un savoir-faire mis au profit de l'électronique. Ici, bien davantage que sur leur précédente contribution, KF s'ingénuent à disloquer leur dernière certitude sur les structures post-rock-Jazz, en investissant toute leur imagination dans le savoir-faire de l'improvisation. Un album formé d'une longue pièce qui délite le temps, l'espace et le rythme sur plus de ¾ d'heure. Les amateurs de leur précédent opus risquent fort d'être surpris, pour ne pas dire déçus, tant le collectif s'éloigne de ce qui faisait jusqu'alors son charme. Pour autant, n'est-ce pas le gage des grands groupes et artistes de savoir remettre en perspective leur certitude et de faire ciller à l'occasion les choses établies. Un album surprenant et intuitif.

> HEIMIR BJÖRGULFSSON, PIMMON & HELGI THORSSON
Still Important Somekind Not Normally Seen (Always Not Unfinished)
(Cronica/ Import)

Deux Islandais et un Australien sont dans un studio, Ils se racontent des histoires de nature, de compromis entre nature et culture, de soundscape digitaux, d'imitation du réel. Staalplaat et les Pays Bas semblent avoir joué un rôle prépondérant dans la genèse de ce projet et dans l'entremêlement de ces 3 individualités. Heimir Björgulfsson y a réalisé, dans le cadre des matérial séries des pièces fort intéressantes alors même que Pimmon et Helgi Thorsson (partie de Stilluppsteypa) réalisait des sessions Mort aux vaches en collaboration avec la VPRO. Une base commune d'intérêts rejoint par leur intérêt conjoint pour la créativité expérimentale. Cette production, la 14 ème de Cronica dénote dès le début par sa surprenante allégresse, déjà visible en promesse sur cette pochette ornée de fleurs stylisées. Still Important Somekind not Normally seen est une synthèse heureuse du savoir-faire de ces 3 musiciens, Qu'on s'attache aux courants environnementaux de Björgulfsson, à la dextérité rythmique et asymétrique de Paul Gough (Pimmon) où aux nappes sombres , spécialités de Thorsson. Et comme l'union de 3 talents donne souvent davantage que la somme de ceux-ci, ce disque possède un surcroît d'âme.

> HANALEI We're all natural disaster
(Thick/ Southern)

La tentation d'exprimer sa part d'ombres et de rêves intimes est une récurrente chez tout leader de groupe. Brain Moss ne déroge pas à la règle et vient même l'infirmer au détour de ce projet hautement personnel, HANALEI bien loin, avouons le des circonvolutions soniques et post-punk de The Ghost. Le jardin secret de Moss est agrémenté de fleurs sauvages et d'herbes folles, qui du folk à l'indie rock en passant par la pop figurent les membranes sensibles de son univers. Les titres se succèdent et invitent la chaleur des pubs irlandais, le réalisme social de l'Angleterre et le savoir-faire américain en matière de perle lo-fi à notre table. La guitare sèche et la voix légère et presque enfantine de Brain moss servent d'ossature aux morceaux, sur lesquels de naïves constructions électroniques, petite rythmique de toydrums viennent se greffer. Une gamme large de sentiments s'exprime depuis la torpeur matinale, l'égarement, la joie et l'ivresse jusqu'à la douce inquiétude du lendemain. We're All natural disasters se veut une évocation sensible, une relecture poétique d'un quotidien dont la monotonie est exsangue. Une pop fraîche, pleine de jolis bourgeons mélodiques et d'étamines folk-électro acoustique colorées

> Martin TETRAULT/ Yoshihide OTOMO Grrrrr
(Ambiances Magnétiques/ Metamkine)

Lorsque 2 platinistes se rencontrent, ils évoquent des histoires de platines et de diamants, de révolution par minutes et d'acétate et s'inventent des lieux et des histoires imaginaires, des rencontres et des mises en scènes innocentes ou fortuites. C'est sans doute ce goût du risque, de la fracture et du bruit qui a conduit ces 2 hommes à se rencontrer. Le Premier yoshihide OTOMO, fondateur de Ground Zero, membre du collectif MIMEO et d'ISO en compagnie de Sachiko M, et le second, Martin TETRAULT, québécois, qui a acquis au fil d'une prolifique carrière ses gallons de terroriste sonore en maltraitant à 2 mains ses platines. Voilà pour les présentations succinctes. Le cadre de leur première rencontre sur support s'est sans doute opérée vers la fin des 90' sur le label Ameobic pour Four Focuses, album sur lequel on retrouvait déjà Sachiko M et Yasuhiro OTANI.Leur dernière rencontre Studio analogique numérique, fort d'un certain succès leur a donné l'envie de prolonger l'aventure En soliste, les 2 hommes se sont démarqués sur des labels heureux tels qu'Ambiances Magnétique, For4Ears, Sonic Factory, Japan Overseas, FMN, Extrême ou encore RéR. Ce disque, GRRR (le plus bruyant), premier de ce qui s'annonce une série, suivi en février prochain de TOK ( + fragmenté) puis en mai de AHHH (le plus calme) est un florilège d'enregistrements live, répartis selon les thématiques sus-cités ; chaque morceau portant le nom du lieu et de la salle, et donné dans un temps très court en Europe fin avril 2003… Ces performances se sont ainsi tenues entre Brest, Nijnegar, Orléans, Lyon et Grenoble, soit la France et la hollande. 5 villes, 5 salles qui ont 5 soirs durant recueillis l'intimité de créations de nos 2 duettistes, mais aussi leur complexité, leur savoir-faire et savoir défaire, leur complicité, autant d'adjectifs qui participent de l'audition de ce disque. GRRR propose une architecture sonore conflictuelle où les grésillements, et les perturbations hertziennes saturées recouvrent d'un halo gris la membrane rythmique qu'on découvre par courts instant. Pourtant, à l'occasion de fébriles harmonies-perce neige- trouent la calotte, offrant alors quelques instants de grâce pure et délectable au creux de ce capharnaüm saturé.

> THE PATRIOTIC SUNDAY Lay your soul bare (Effervescence/ La Baleine)

Toute la simple beauté du monde semble se résumer dans la douce chaleur immanente qui se dégage de cette jeune femme nue, à moitié dissimulée dans un clair-obscur, la cigarette à la main, le regard abandonné à la contemplation de ses pensées.. Comme si plus rien ne comptait que ces quelques instants de plaisirs volés à l'éternité ? Eric Pasquerreau, malgré son jeune âge, 20 ans, a la maturité et le sens du discernement mélodique de ceux qui ont déjà usé leur vie. Un nombre conséquent de concerts pour une carrière solo débutée à 17 ans. Dans la simple logique des choses, il a choisi la voie d'une folk touchante, émaillée de blues, de lo-fi et de fébrilation bossa. Un jeune homme seul avec sa voix, devant une guitare pour compter son monde, voici la proposition de The Patriotic Sunday. Dans les actes, on retrouve l'état d'esprit de ceux qui auront brûlé leur sincérité jusqu'à l'extrême, Nick Drake, bien sur, Syd Barrett, également. Mais aussi Leonard Cohen, les Beach Boys ou le Velvet, Smog, Robert Whyatt, ect… La magie de cette musique réside dans ses faiblesses. Elle ne peut cacher ses failles, filtrer ses sentiments, dissimuler ses faiblesses, contenir la sincérité qui submerge son auteur. Lorsque la voix d'Eric Pasquerreau se met en branle ; quand les arrangements lapidaires de Jonathan Seilman, Carla Pallone, Arthur de la Grandière et Pierre Antoine Parois lui embraye le pas, c'est toute la beauté sourde du monde qui bascule, faisant resurgir nos actes manqués, nos histoires d'amours passées, nos rêves de grandeur...Un album a conserver à portée de sa main gauche, celle du cœur. Agréable comme un dimanche matin ensoleillé.

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> MORCEAUX DE MACHINES Estrapade
(No Type/ Metamkine )

Morceaux de machines, projet piloté par Erick Dorion et A Dontigny, repart en guerre contre le conformisme et les clichés attenants aux sphères des musiques improvisées en proposant un cross over, une auberge espagnole ou Hip-hop , électro-acoustique et électronique se tiennent la main. L'Estrapade était un supplice qui consistait à faire tomber une personne au bout d'une corde, soit dans l'eau, soit à quelques pieds du sol. En un sens, cette machine nous livre des fractions de styles, portant notre curiosité à quelques pieds au-dessus du vide, sans jamais réellement nous laisser prendre pied dans un style en particulier. Ces segments de genre s'agrègent et se décomposent au bon gré de leur auteur. Free-jazz, musique improvisée, death metal, techno. MdM refuse les partis pris et compose une musique spontanée et libre, en synthétisant son goût musical. Ça en offusquera certains, laissera les autres dans l'expectative à moins que ça ne stimule la curiosité de ces derniers. Le second propos du disque est de ne pas faire allégeance au minimalisme, mais de traduire dans une forme bruyante, " hideuse ", la masse sonore accumulée. Mathias Richard, dans son essai sur les musiques bruyantes en avait déjà fait l'éloge. L'idée défendue est qu'il est des musiques qui ne peuvent subir d'être écoutées en salon, mais qui réclament la violence des infrabass et des vibrations. Ils réutilisent d'ailleurs un néologisme, le terme Maximalisme ; sans parler de bruits blancs, on peut au moins reprendre leur terme monuments de bruitisme, même si ce tsunami de sons, cette masse sonore brute se conjugue quelquefois avec la fragilité de processeurs électroniques. Ces 2 garçons ont su, comme rares d'entre eux conserver la spontanéité de l'adolescence et s'émerveiller de ces aspects qui rapprochent des marges de l'audible. Cet album permet également la confrontation et l'échange puisque Morceaux de Machine a invité 3 collaborateurs de luxe, en la présence de 2 turntablistes de renoms, Martin Tétrault et Otomo Yoshihide ainsi que de l'artiste sonore Diane Labrosse. Estrapade confond l'énergie du désespoir à la folle embellie de la jeunesse. Exigeant et captivant.

> POLA Même
(Plop / Mochi mochi )

A l'heure où triomphent la musique digitale et le support numérique de jeunes artistes préfèrent écouter leur cœur et composer à la mesure de leur moyen. Pola, jeune artiste Japonais, loin de vouloir être de son temps a su se satisfaire de son appareillage analogique, un MPC2000 pour mettre en forme son premier album. Loin également d'une course effrénée après le temps, il aura mis 2 ans pour finaliser et mettre au point les derniers détails de cet album. Ce temps n'a pourtant pas été perdu, puisque ce souci presque anachronique de l'exactitude et de la beauté des textures est ici subtilement résumé au long de ces 13 plages, dont les noms, en français, renvoient à une sorte d'intrigue surréaliste : abeille, cidre, dimanche, huître, iris, jeu, lycée, merle, pastiche, sommeil… Des sonorités et des climats, constitués de glitchs, de clicks, de climats mélodiques fébriles, de points d'orgue rythmique changeant, de parts de compositions atmosphériques pures et transparentes, presque cristallines qui au final retranscrivent bien la passion et la dévotion que le jeune japonais entretient pour des artistes tels qu'OVAL, .SND , FXRandomiz ou Microstoria. Un très joli album qui nous replonge à la genèse d'une électronica fraîche et vierge de toutes scories médiatiques.

>AUTODIGEST A compressed History of everything ever recorded Vol2 : Ubiquitous eternal live
(Cronica/ Ash/ Import)

Le label portugais cronica continue à explorer avec une curiosité et une intuition rare la matière sonore pour en extraire des axes de recherches didactiques et philosophiques inaccoutumés. Depuis Ash int, on n'avait pas eu vent d'aussi originaux pivots de réflexions. En un sens, l'ombre de MC Harding, boss du label Ash n'est pas loin puisqu'il co-signe ce second volume d'Autodigest. Le premier volume s'était évertué à stigmatiser les affects et les syndromes inhérents à la compression digitale ; Abandon de la haute fidélité au profit de la rapidité, la vitesse plutot que la subtilité. Ce deuxième volume est l'occasion de creuser une nouvelle frange, une autre entrée sur la production de sons. Il s'attache ainsi, en s'appuyant sur la diffusion actuelle via les nouveaux supports, à critiquer sous un angle cynique cet état de fait, l'illogisme absolu qui veut qu'on puisse avec une simplicité toujours plus grande avoir accès à la production mondiale sonore alors que le temps (non élastique) ne permet pas d'en apprécier le contenu, ni d'en découvrir le charme réel lors de lives Cela se traduit sur disque en une superposition jubilatoire et crescendo d'audiences et de publics en fin de concerts, standing ovation, applaudissements renouvelés, qui au fil du disque se stratifient les uns aux autres pour donner au final un malstrom sonore (peut-on encore parler de sonorités ?) absolu. Des bruits de mains, des cris de joie pour nous rappeler cette phrase en pochette intérieure " Somewhere along the way, we seem to have forgotten what exactly we were cheering for… " Une démarche jouissive dans ces vues, proches des théories de Toffler, Baudrillard et Debord et enthousiasmante dans ses fins même si on écoutera pas le cd en boucle. Drôle et profond.

> DIE WELTTRAUMFORSCHER 21 weltraum -Standards
(Staubgold/ La Baleine)

La pochette est une conjugaison graphique de néo-psychédélisme beat et de fragile conception papier à la Hundertwasser. Une illustration qui enchante notre œil par sa juste et simple malice. Pour autant, on ne sait réellement où va nous entraîner Die Welltraumforscher. Le groupe, fondé en 1978 par Christian Pfluger est culte outre-Rhin. Il a très tôt su s'inscrire dans les mouvances créatrices de l'époque et s'immiscer/ s'inspirer aux côtés d'autres (The Residents, Cabaret Voltaire, Der Plan) dans ces sphères musicales parallèles de l'époque. Mais avec un goût prononcé pour le Folk néanmoins. A ces groupes pré cités, Die Welttraumforscher aura emprunté cet amour pour les miniatures sonores et une forme étrange d'agencement des sons et de positionnement des atmosphères. Puisqu'il est question de Pop-culture, le groupe nous entraîne définitivement vers les barons du genre, ceux qui n'ont jamais transigé, Nick Drake, Syd Barrett, également. Pour autant, en ajoutant des lignes de basse no-wave et des ajouts de bandes, cette voix en allemand, Christian Pfluger et ses acolytes créaient alors, pour l'époque des atmosphères sobrement modernes à cheval entre un folk-pop à la Busy Signal / Labrador rec. 21 standards qui sortent du fond de la nuit des petits chefs d'œuvres jusqu'alors ignorés (en ce qui me concerne) 21 façons de mesurer l'influence majeure d'un groupe, de se faire une mince idée du caractère avant-gardiste de leur composition. Pour montrer le caractère de legs, et l'ascendance que ses compositions ont eu sur les jeunes générations, Staubgold, sous l'égide de Pfluger a fait appel à un parterre de remixeurs, parmi les plus talentueux de la " jeune " génération. Celle ci ne s'y trompe d'ailleurs pas et leur rend un vibrant et digital hommage au long de ce disque de remixes. Parmi eux, Barbara Morgenstern, Neoangin, Mouse On Mars, Schlammpeitziger, Minitcher, Kiss kiss bango bango (Excellent) , Harold Zigler (Sack) (Excellent) , FX Randomiz, felix Kubin, joe Tabu (Excellent) , etc. .entre autres… On apprend jamais autant à construire l'avenir qu'en s'inspirant du passé. Très bon

> GOO Grand Orchestre d'Ordinateurs. Tableaux
(Fibrr/ metamkine)

Issu d'une recherche collective portée au public en 2002 (au musée des beaux-arts) ce projet réunissant 6 artistes met en relief la complexité d'une orchestration commune via l'ordinateur. Le computeur, stigmatise le caractère indépendant/ affranchi du social, du musicien qui peut créer sa musique sans aide externe.(Si ce n'est les bases de données). La réflexion porte également sur la volonté de concevoir un orchestre d'ordinateur, de composer ensemble alors qu'en soit, l'ordinateur est déjà un méta instrument, capable de singer les variations d'un orchestre. Au-delà des possibilités techniques, c'est certainement l'inspiration, nourri par l'échange et l'expérience mutuelle qui motive la réunion de musiciens. L'imagination musicale a ainsi besoin de l'épaisseur du social, de la rencontre pour vivre, se développer et faire éclore ses idées et projets. L'idée d'expérimentation, d'improvisation est aussi au cœur de leur réflexion, même si c'est dans l'action qu'on la juge. Le résultat, sans être révolutionnaire, est cependant relativement troublant.

> PATRICK WOLF Wind in the Wire
(Tomlab/ La Baleine)

L'enfant loup revient hanter nos platines après son premier succès critique Lycanthropy paru en 2003 à seulement 19 ans. Sans parler de jeune enfant prodige, on peut au moins évoquer la passion dévorante et le travail incessant dont il aura su faire montre depuis sa tendre enfance pour acquérir ce sens innée de la dramaturgie mélodique, de la mise en scène musicale. C'est à l'âge de onze ans qu'il se forge la conviction profonde que sa vie sera intimement liée à la musique. Ces jeunes années d'enfant de cœur, puis d'élève assidu au violon lui apporte les fondements et la rigueur techniques ; sa voix et ses bidouillages home made via son orgue, puis son theremin lui donnent ce goût pour l'innovation et l'imaginaire mélodique. (l'amour porté par sa mère à Joni Mitchell finira d'asseoir son désir de devenir Songwriter) Sa pratique va s'épanouir au sein de Minty, puis Maison Crimineaux, son premier groupe où il goûte à la scène. Fat Cat, encombré et charmé par la tonne de démos qu'il lui envoie, lui paye une table de mixage qui lui permet d'enregistrer Lycanthropie, cahier des doléances et des joies troubles et fugaces de l'adolescence. Winds in the wire est le continuum évident de cette courte vie d'expériences, chargé au demeurant par son année d'étude au Trinity College. Sa voix, tout d'abord, qui dans une étude sensible de vocalise sur Meredith Monk a gagné en amplitude émotionnelle autant qu'en constance. Une voix définitivement unique osant assumer et sensibilité et affectif comme seul Mark Hollis sait le faire. Sa musique, ensuite nourrie des travaux de recherche de Stockhausen, du cool jazz de Baker, de folk embrumé et d'indie pop américaine. L'association des deux se révèle un bonheur sans nom, portant bien au-delà des attentes qu'on avait à son égard. Les titres s'enchaînent et libèrent avec la même précision et sensibilité des histoires, qui bien que singulières, touchent fréquemment à l'universel. A l'écoute du disque, on pense à des choses diamétralement opposée, depuis des formations 80' tel que Frankie goes to Hollywood (la meilleur période) à la noisy de My bloody ou aux allures harmonique somptueuse d'un Talk Talk. Stupéfiant de maturité. Génial

> STATE RIVER WIDENING Cotton head
(Vertical Form/ La Baleine)

De la même façon qu'un médecin s'instruit de la convalescence de ses patients ; l'amateur de musique consulte d'album en album la bonne santé d'un groupe. Etrangement, dans le cas de SRW, le vocabulaire s'inverse. On s'émerveille ainsi de la fébrilité des arrangements, de la sobre pâleur des mélodies. Lyrisme, simplicité, acoustique soignée et limpidité gouvernent et guident le navire Cotton Head au long de ces 10 titres. Le mouvement figé de ces éoliennes se livrant à un ballet absurde et Ubuesque, symbole contrasté de puissance et d'une fragilité indicible participe du climat de ce Cotton Head. Le vent comme passeur de sons, confident malgré lui de mélodies aériennes, voire célestes. Beau et apaisant

> CHRISTOPHE WILLIT/ TAYLOR DEUPREE Mujo
(Plop/ mochi mochi)

Il existe un temps pour l'agitation et la fièvre, un temps pour l'euphorie et la gaieté et un temps pour l'apaisement et la quiétude. C'est dans cette dernière étendue temporelle que semble avoir élu domicile le duo Willit/ Deupree, réunis à l'occasion de ce disque. Deupree, praticien des sphères minimalistes, boss des labels 12 K et Line enfreint sa doctrine intime et dans une belle inconstance, devise les idées toutes faites. Ici, la donne est différente. Christophe Willit vient prêter appui au New-Yorkais en insinuant une dose substantielle d'humanité folk, une mesure de bienveillance électroacoustique. C'est leur seconde réalisation commune après le superbe projet réalisé sur AUDIOSPHERE en 2003 (packaging remarquable format DVD édité par Sub Rosa ) La première partie du disque est un appel à la mémoire, une immersion dans les fibres cotonneuses d'un tissu atmosphérique complexe. Les petits cut-up mélodiques, superpositions de micro-harmonies douces et opaques sont perverties par les accidents de tonalités, les ratés et les dysfonctionnements microscopiques. Il s 'agit en fait de loop de guitares improvisés et reconstruits ensuite en studio. Le savoir-faire de Willit s'exprime dans une gamme assez large de sonorités Pop, vibrantes et répétitives. Les touches qu'ils apportent aux constructions peuvent s'apparenter à des jalons, qui bordent la mélodie, en circonscrivent les limites. Cela permet justement de mettre en relief les sublimes lignes altimétriques, les micro-dénivelés, les infra-modelés composés par Deupree. Mujo signifie changement constant en japonais. Une vraie amitié de travail qui colle à merveille avec cette définition de sophocle : " une âme dans 2 corps distincts ".

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