chroniques 2001   JadeWeb chroniques #7
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Chroniques 2002

jadeweb#6
SAVOY . MOTION . ALEJANDRA ET AERON . OLAF HUND . OCTET . DJ LUL . CRAY . GISCARD LE SURVIVANT . SOL/t.einfeldt . BETH HIRSCH . LYS . BLUE BABOON . SAYAG JAZZ MACHINE . TAAPET . MARINA ROSENFELD . AAMUS TIETCHENS / DAVID LEE MYERS . ANDREAS BERTHLING . V.A. Unattainable Texts, A Precis . LAMBENT / DUODECIMO . LE CUBE . DIGITALE LIVE RADIO SESSION . 90° SOUTH . ULF LOHMANN . PYLONE . TOMMY GUERRERO . ANTI-POP CONSORTIUM . CYLOB . ESSA . DIAGONALE STABLE . OSAKA THREE ORCHESTRA . Petite musique de Chambre V/A . RUBIN STEINER . HUGO ROUSSEL Jr / NORMAN D. MAYER . LIQUID SPHÈRE . PARTICUL SYSTEM . JONATHAN COE . SYMPHONY . CONSOLE .

jadeweb#5
YVES DAOUST . AKI ONDA . BLACK FICTION . FRANSISCO LOPEZ / JOE COLLEY . COMAE . OH ! HENRY . TLONE . BATHYSCAPHE . YELLOW 6 . ANGIL . MELATONINE . ACTIVE SUSPENSION V/a . SISDEL ENDRESEN . V/vm . LOUISE VERTIGO . CARTOUCHE . FRAGILE / IMAGHO . VELO . MONOGRAM . ULTRA RED . MASSIMO . ANDRE POPP . MONEY MARK . BOVINE LIFE . A.F.R.I. STUDIO . SI-CUT.db . BIP-HOP Vol.4 . DON NINO . BEULAH . AEROSPACE SOUNDWISE . BERTRAND BURGALAT MEETS A.S. DRAGON . PULP FUSION . ALC LEVORA / SCHnEIDER TM . TOM SWEETLOVE . EASTERN CONFERENCE . KEEP PUNCHING .

LES ENTRETIENS
. MATHIEU MALON . ARBOUSE REC . ACTIVE SUSPENSION . OSAKA .

 

ULTRA RED / ANNA PLANETA split12’
(Fat Cat [site] / PIAS)

L’imminence d’un nouveau split Fat Cat est toujours l’occasion de joie étouffée et de festivité intérieure. Avec le Printemps nous arrive donc, ce split mêlant deux formations originales. Ultra Red, tout d’abord, activistes Californiens, fers de lance de l’anti-mondialisation qui font un retour à l’électro groovy, par la grande porte, laissant pour un temps les travaux développés dans leur précédent opus (extensions musicales à caractères sociaux et politiques). La base de cette exploration tient pour source la manifestation donnée à Washington en avril 2000 contre le Fonds Monétaire International. Ces sources multiples (harangue des manifestants, grondements des forces de l’ordre, voix étouffée des haut-parleurs) dessinent un climat tendu sur lequel Ultra Red incorpore une rythmique de dancefloor groovy rappelant les fonds musicaux de DJ Assault ou Gonzales. Là où Ultra Red force le respect, c’est qu’il n’envisage jamais son "Sound field recording" sans la présence de l’homme. L’homme comme élément central de la réflexion.
Dans une opposition parfaite, Anna Planeta utilise la nudité silencieuse d’une ancienne paroisse catholique, comme unique caisse de résonance d’un concert électroacoustique, sans adjoindre aucun effet ni additif si ce n’est le léger bourdonnement de la batterie du DAT et les échos lointains de bruits qui environnent le bâtiment. Autrement plus introspectif, ce lieu délaissé, à l’abandon, laisse entrevoir par échos, des bribes de conversations, des souffles de prières, des scintillements de cymbales... une charge poétique et symbolique forte nous étreint, rappelant en cela les incursions électroacoustiques d’Olivier Messiaen et plus sûrement les travaux de Jocelyn Robert et ses 20 moments blancs.

JJ.

PS : Anna Planeta est le projet acoustique mené de front par Dan Bird, Phill Todd et Andy Jarvis, boss tous trois du label indépendant Betley welcomes careful drivers.

 
 
 
 

XINLI SUPREME Tomorrow never comes 
(Fat Cat [site] / PIAS)

Un peu à la manière du roman de Shan-Sa La joueuse de Go, la relation qui lie le label Fat Cat à Xinli supreme (formation composée de Yasumi Okano et Takayuki Shouji) à l’instar des héros du livre, se dévoile davantage dans les non-dits et les allusions, dans l’émotion que procure leur musique que dans un long cheminement de tractations et de conversations fleuves. Le fait que les deux membres du groupe ne maîtrisent que modérément l’anglais et la discrétion naturelle de leur caractère aidant, tout cela œuvre à couvrir le projet d’un voile de mystère.
C’est donc l’émotion qui dicte cette chronique comme elle a guidé le choix de Fat Cat de sortir cet album.
Un projet pour guitares, où feed back et résonances dépressives se mêlent, radicalisés par les pulsations analogiques des machines.
À l’image du brouillard, liaison étroite entre le monde du volatile et du solide, de l’aérien et du terrestre… les compositions de Xinli supreme temporisent l’air d’une humidité qui sature l’espace, nourries à la No-Wave de Jesus & Mary Chain, au rock Progressif cher à leurs compatriotes insulaires et aux assauts didactiques de Merzbow, voire Suicide.
Un album où les maîtres mots urgence, densité, énergie, spatialité, nihilisme (Tomorrow never comes) se superposent pour former un phrasé électroacoustique somptueux, quelquefois expérimental (à base de collages comme sur Suzu) et dans une large mesure atmosphérique.

JJ.

 
 
 
 

LABEL X-TRACT
Le label X-tract nous plonge d’emblée dans une profonde et dense affaire de textures sonores où les spectres de l’électroacoustique et de l’expérimentation flottent, au gré des lieux d’enregistrement du studio Podewil [site], basé à Berlin. Les quatre premières sorties de ce nouveau label reflètent de manière exhaustive la position revendiquée de ce lieu dans la promotion et la diffusion d’une frange de la musique contemporaine d’avant-garde, dédouanée des genres et des styles (les productions lorgnent tout autant vers la musique concrète, que vers l’expérimentation électronique ou le sound art), oeuvrant simplement pour la recherche musicale.
De cette collaboration étroite entre le studio et le label ont émergé déjà quatre productions, promesses heureuses de la pluralité et de la diversité des albums à venir. À ce titre, chacun des artistes présents dressent déjà nombre de ponts et abattent quantité de murs.

ROLF JULIUS (halb) schwarz (X-tract/ Metamkine)
VESTIGE VERTICAL Vestige vertical (X-tract/ Metamkine)
Sampling Rage V/a (X-tract/Metamkine)
WERNER DURAND The art of buzzing (X-tract/metamkine)

ROLF JULIUS s’est fait une spécialité de défendre les sons de seconde classe, impurs selon le jargon des ingénieurs du son, ou dit autrement, la somme de détails, craquements, vibrations, drones, crissements, qui enrichissent ou pervertissent, selon la vision et l’intérêt qu’on leur donne les travaux principaux de composition. Déjà entendu chez Small Music et Edition RZ rec. Ce travail se revendique directement d’une déclinaison de la pensée de John Cage. Un jour, ce dernier, entrant dans une pièce totalement insonorisée entendit 2 sons : " lorsque je les décrivai à l’ingénieur responsable, il m’expliqua que le son aigu était celui de la tension de mon système nerveux, le grave celui de la circulation de mon sang " Cage conclut, " le silence n’existe pas, il y a toujours quelque chose pour produire un son. "
Briser la géométrie parfaite de la construction humaine, réintroduire l’erreur comme élément moteur de l’humanité d’un morceau, faire de l’asymétrie musicale (le traitement de ces sources) son moteur.
Il crée un univers environnemental à partir de bribes électroacoustiques, d’éléments épars de l’infiniment inaudible , une forme de biotope microtonal où l’imagination de l’auditeur se laisse submerger par la puissance eidétique des compositions de Rolf Julius. Un monde aussi hermétique qu’ouvert qui nous laisse entrevoir nombre des éléments indicibles qui nous environnent.
Son travail est le prolongement logique des travaux d’anthropologie sonore d’un Robert Hampson (Main, Comae) se nourrissant de la réflexion de Francisco Lopez sur les sources naturelles comme matérielles.

VESTIGE VERTICAL est un projet composé de trois musiciens berlinois ; Lothar Fiedler, Michael Vorfeld et Michael Walz, fréquemment additionnés de Aleks Kolkowski et de D. Hegenbart lors de leurs sessions live.
L’oscillation du groupe prend sa mesure autour de l’utilisation d’instruments acoustiques (guitares, percussions, violons) et d’éléments purement électroniques. La construction de textures joue d’ailleurs dans l’alternance et la mutation des assemblages entre ces deux sources… la lancinante vibration du violon laisse place à des altercations de computer.
Cette interpénétration de deux styles, évidente sur Gavarnie permet une juxtaposition de sensations, de climats qui rythme tantôt l’amertume, tantôt la tension (Roraima) ou la fosse d’un orchestre philharmonique cherchant ses marques.
Un travail de premier plan, foncièrement cinématographique, puissamment atmosphérique, angoissant par moments, Lynchien et Bokanoskien, dans un certain sens, avec des passages de grandes clairvoyances, et ce, malgré l’obscurité latente qui règne sur l’album.

Sampling Rage
Cette rencontre est le fruit de sessions d’improvisations, de travaux d’esthètes et d’exercices appliqués dans le giron des studios Podewil, lors de concerts… travaux quelquefois achevés sur place… le plus souvent prolongés au de là du rendez-vous fixé entre 1998 et 1999 par Elke Moltrecht et Dieter Scheywing.
Une incursion dans le monde du sampling qui offre à qui ne le sait pas, un panorama (forcément) partiel, mais riche des activistes les plus tenaces de cette sphère. Au premier rang duquel Steve Roden, également encensé sous son patronyme In Between Noise, projet dont l’intérêt tient pour partie à l’utilisation systématique d’une source unique (samplée) par album. Un carcan strict, certes, mais qui oblige le compositeur à développer des trésors d’ingéniosité pour arriver à ses fins (il crée également ses propres instruments). Ici, le pied d’appel du morceau est un sample d’une B.O. de film revisitée à l’excès par Roden.
Finalement, comme il le définit lui même : " cette pièce n’est rien d’autre que l’exploration d’un son commun de la vie de tous les jours. "
Terre Thaemlitz, héraut californien de la cause homosexuelle et pourfendeur du sexisme, sampleur total, auteur de conceptualisation alambiquée mais brillante sur la post modernité. Le premier morceau est d’ailleurs issu de son album sur Mille plateaux, véritable litanie de presque 20 minutes, où de lentes montées new age à la Eno dans sa première partie font place aux bégaiements de glitchs, convulsions électroniques dans son second volet. Le second titre Facilitator, avec ses crépitements de flash d’appareils photos, est le morceau splendide de cette compilation proche des plus belles envolées de Scanner sur Mort aux vaches.
Brandon Labelle lui file le train. Alors même qu’on l’a vu dernièrement chez Softl rec. dans un exercice de finesse déployée, il s’adonne ici à une introspection autour du larsen et de la résonance (comme réaction à l’égard des codes et normes établis sur ce que doit être la musique : comme identificateur social, comme expression d’une réalité musicale, etc.). Pour autant, cette réflexion sur le bruit n’est pas aussi prégnante dans les faits, attaché qu’il est à l’acte mélodique. Des bruits concrets, crépitements, viennent émailler la structure d’ensemble.
Boris D. Hegenbart, un peu moins connu que ses comparses n’en démérite pas pour autant avec une pièce profonde et humaine où les voix d’étudiants japonais se mêlent à un travail de déconstruction de la source samplée bit par bit à la manière de ces sonars dont les ondes pénètrent les êtres et les choses…
Le morceau de clôture, plus concret et improvisé, outre la présence de Roden et Labelle, offre l’occasion de se frotter aux personnes de Markus Popp et Christophe Charles (qui remanie le tout à partir des travaux bruts des personnes citées). Plongée sous-marine nocturne.
Un album exigeant et au demeurant superbe, qui fait pleinement prendre conscience des potentialités du sample et de ses applications électroacoustiques.

WERNER DURAND
Rejoignant les réflexions et attentes de musiciens tels que Jérôme Paressant ou encore La Monte Young, Tony Conrad, Werner Durand construit une réflexion soigneuse (et une application qui l’est tout autant) autour des possibilités de résonances des instruments. Sa pratique de la flûte coréenne ou chinoise, de tampura indienne ou d’instruments à cordes basques ou éthiopiens, trouve comme fil d’Ariane l’étude systématique des phénomènes vibratoires. En disposant en couches stratifiées ces instruments, il compose des chorales de barrissements d’éléphants et d’essaims d’abeilles (Drone et bees), des marches funèbres pour sirènes de bateaux (Beehive), des nuées d’insectes affamés (Honey) et des concertos pour feed back plongeant le plus souvent l’auditeur dans une transe puissante, vibrations pouvant être interprétées comme la sortie de corps de l’âme.
Dans cet album, il prend à témoin des objets conventionnellement non musicaux pour en faire des instruments : tubes P.V.C., pots de fleurs occupent une grande frange des compositions, mêlés étroitement de parties de saxophones.
À cheval entre la réflexion pure et des réflexes élémentaires de l’enfance (qui n’a jamais passé son doigt humide sur une coupe à demi pleine ?!) le résultat est proprement ahurissant. Et qui révèle le talent d’un nouveau grand de la musique répétitive en la personne de Werner Durand.

JJ.

 
 
 
 

DIED 13 / KAHN / MÜLLER streaming
(For 4 Ears [site] / Métamkine)

Gunter Müller affectionne les rencontres transversales, faites de surprises et d’intrigues mêlées, de sensations d’inachevées et de presque atteints. C’est d’ailleurs ce qui fait la richesse de sa personne, cette capacité à remettre en question à chaque nouveau projet son engouement, sa quête personnelle, ce plaisir juvénile, cette soif de découverte enfantine et désintéressée. Mais pourtant instructive.
Après avoir œuvré en trio avec Erik M et Voice crack (Poire-Z), avoir révélé à l’Europe de grand Turntablist, (Christian Marclay, Otomo Yoshihide, Erik M) et avoir improvisé avec toute la scène mondiale (d’O Rourke à Widemer en passant par Doneda et Sachiko M) il invite à présent Dieb 13, duo de Turntabliste mi européen (Dieter Kovacic) mi asiatique (Takeshi Fumimoto) à se joindre à Jason Khan (déjà entendu sous la formation Repeat en compagnie de Toshimaru Nakamura) et à lui pour une session d’improvisations puissantes, par moments cataclysmique, où chacun joue dans la surabondance de couches sonores jusqu’à l’extinction de la mélodie (qui laisse place au bruit).

JJ.

 
   
 
   

CASIATONE FOR THE PAINFULLY ALONE Pocket symphonies for lonesome subway cars
(tomlab [site] / Ici d’ailleurs)

L’accumulation de détails subtils participe souvent de la perception globale d’un artiste ou d’un projet. Dans le cas présent, cette somme d’éléments (depuis le nom du groupe jusqu’au titre tendre de l’album, à la pochette sensible et belle) converge vers une même sensation d’intimité, de présence douce à l’oreille, avant même d’en avoir écouté l’essence.
Pocket symphonies nous plonge ainsi dans un univers jamais éloigné du lo-fi folk sale, d’électronique crade et ludique (le boards of Canadien " number ten "), d’investissement personnel, de pop bricolée, de claviers Bontempi pourris, de rap anémié (Oh ! contessa) lignée Rope et de mélancolie contenue à la Velvet underground.
Un univers de poche qui pourtant déborde de générosité, où les quelques samples distillés (rythmes de trains, bus, métros, taxis) évoquent toujours le départ, la rupture, le mouvement, comme autant de personnes et de lieux qu’on quitte à jamais.
Cet album assez éloigné des productions plus " avant-gardistes " de Tomlab n’en demeure pas moins un des albums les plus attachants et les plus introspectifs du label (et du moment) et ce, même si d’autres albums géniaux peuplent le back catalogue du susnommé label). Écoutez votre cœur et saisissez l’occasion de renouer avec vos sentiments les plus profonds.

JJ.

 
   
 
   

FOR FRIENDS Tomlab Vs Audio Dregs
(Tomlab 15 [site] / Ici d’Ailleurs.)

Si le premier For Friends avait comme seule et unique ambition de faire acte de générosité envers les amis proches du label Tomlab, panachage des artistes du label distribué à titre gratuit sous la manche et une main pausée sur le cœur… ce deuxième volet, s’il garde toujours en perspective la convivialité et l’échange réciproque, se propose de faire découvrir plus en avant des entités musicales amies et des labels affiliés. Un peu à la manière de Sub Rosa (et ses échanges avec Kompakt, Shi-ra nui) ou plus près de nous Quatermass (Kitty-yo, rather Interesting) Tomlab nous fait partager l’univers d’Audio Dregs, structures basées à New York co-dirigées par E*rock et son frère E* vax (des morceaux chez Morr Musique) tout en nous plongeant de nouveau dans son vivier de signatures talentueuses, jeunes et prolixes. La compilation se divise selon divers courants de sensibilités : Atmosphérique légère (Alejandra & aeron, Dim Dim), électronica bancale et jolie (Carpet musics, E*rock, Inkblot, Supersprite, E*Vax), easy listening casio (Dz, Fs Blumm & bikini, Lineland), Post-rock-no wave obsédant et folk cheap (Casiotone, le fabuleux morceau de Juergen de Blonde (alias Kohn), Zammuto) sans oublier le Ovalien Hoffnung d’Ad Lib ou le stylé Gemini disco de Ekiti Son. La mention du morceau génial allant à Jon Sheffield que j’adore.
Une compilation subtile, pleine d’embuscades rythmiques et de petites symphonies électroniques qui agrandira sans aucun doute le cercle de vos amis (pas de jeux de mots déplacés). Deux labels exemplaires à collectionner d’urgence.

JJ.

 
   
 
   

V/a ELECTRIC LIGHT Column one remixes
(90% wasser/ Nuit et Brouillard)

Après le petit séisme intime provoqué par l’écoute attentive du Electric Pleasure de Column One, album cinglant de logique et de belles intuitions… 90 % Wasser remet une fois encore le couvert à l’occasion de ce Electric Light, offrant un substrat somptueux de mélodies analogiques (hérité du meilleur de l’analogique européenne de ces 25 dernières années) à des proches du trio Columne One.
Un travail difficile dans la mesure où les morceaux originaux, aboutis à l’excès, ont leur propre autonomie… Cette compilation reste alors l’occasion de mettre en lumière les autres éléments moteurs du label (par ailleurs partie prenante dans son fonctionnement)… Parmi eux et pour ne pas les froisser les merveilleux belges Marc Medea et Gabriel Séverin de Silksaw (albums sur Ant-zen, sub rosa…) qui déstructurent avec acidité la machinerie bien huilée, introduisant quelques secousses et grains de sables oeuvrant à l’asymétrie rythmique.
Frieder Butzmann et sa rengaine industrielle, Marc Wannabe, qui développe ici des collages habiles et cinématiques, déshabillant le morceau pour le mettre à nu. Rechenzentrum qui polissent leur " maladjusted electronica " dans une veine tendue et versatile (art to dance, art to dance reverse) prolongement probable de leur récent album sorti chez Quatermass.
Mimetic, alias Jérôme Soudan repéré chez Prikosnovénie à l’occasion de son double album Positive/Negative, mélange de souffle urbain, d’agressivité électro/drum’nbass spartiate et de timbre vocodé à la cylob (excellent).
Cor Ur Nagl (qui prononcé à haute voix ressemble à un râle étrange) projet issu des limbes du label allemand Stateart. Et d’autres piliers de la scène industrielle allemande. Et bien sûr, Column One qui se livre délibérément à un travail d’extrapolation excellent sur son œuvre.
Si cet album n’a pas l’unité de son aîné, il recèle pourtant de superbes parties d’électronique rythmées, froides et élégantes ou doucement atmosphériques. Une peuplade disparate qui mélange avec habilité genres musicaux et générations de musiciens.

JJ.

 
   
 
   

QUATERMASS VS KITTY-YO
(quatermass/Tripsichord)

C’est avec la même curiosité qu’on découvrira l’étrange créature, héritée de la mythologie qui orne la pochette de ce split CD, (une œuvre de Thomas Grünfeld) et les fruits défendues du mariage contre nature de Quatermass et Kitty-yo.
On savoure sans détour la folie communicative des fers de lance Kitty-yo, déjantée au possible.
Pas si contre nature que cela, à la réflexion, ce mariage où se mêlent la gouaille tapageuse du plus poilu des crooner vivants (Gonzales) à la hargne viscérale de Peaches (ce lovertits est génial), le post-rock cotonneux de Couch, l’électronica-collage racée du français Tal… l’analogie mal ajustée de Rechenzentrum, la poésie atmosphérique de Stol, le space computer d’AddnTo (X), la sensibilité féminine et les détails concrets de mira Calix…
Un portrait de famille incongru, décousu, mais plein de complexité et de richesses musicales qui fait des artisans présents des êtres uniques et à part entière.

JJ.

 
   
 
   

LAUDANUM System :on
(Monopsone [mèl] / Chronowax)

La beauté d’un album prend quelquefois des tournures complexes, équilibre judicieux de savoir faire intuitif et de mélodies entêtantes. Si cette alchimie est un jeu de hasards, elle doit pour beaucoup à la sensibilité du compositeur, qui au gré des compositions dévoile avec plus ou moins de retenue le fond de son âme. Laudanum, également connu sous son nom patronymique Matthieu Malon à offert au label Monopsone, la plus belle preuve d’amour qu’un artiste peut concevoir à l’encontre d’une structure : un album parfait.
Empruntant pour mesure aux précurseurs de sa culture Pop-no wave, de Talk talk à New order, prétextant à l’occasion une faiblesse pour les espaces électronique de Ladytron, un goût prononcé pour les constructions primales de Primal Scream (on devine une révérence), Dj Food pour les collages sonores, vieux canons du septième art pour l’ambiance, et un surcroît d’intimité lo-fi  (et puis Isaac Hayes) ; Laudanum a réalisé un album immense et humble, taillé à la démesure d’un talent qui ne se conteste pas.
Qu’on épanche ses oreilles aux subtiles mélodies d’Afternoon (to Dorothy Parker), ou à l’écoute du morceau où le timbre grisant du chanteur d’Arab strap nous submerge, le mot extase flotte dans notre esprit, suspendu par on ne sait quelle malice à l’orée de notre bouche. Le prononcer, c’est rompre la magie qui unit cet album avec son auditeur. Mais après tout, quelle plus pure récompense souhaiter, après un album de cette trempe ?

JJ.

 
   
 
   

DOMOTIC bye - bye
(Active Suspension [site] / Chronowax)

On avait fraternisé avec les sonorités accidentées et émoussées de Domotic à l’occasion de l’écoute des Premières series 7’ d’Active Suspension. L’évolution qui s’est opérée dans leur musique tient davantage à un processus de mûrissement de leurs acquis ; où leurs pairs et les autres influences ostensibles se sont peu à peu effacés devant de nouveaux point de balisage, plus personnels quant à eux. Des compositions matures, qui délaissent sagement la pop-électronique "première génération" pour s’atteler à un travail de mise en valeur d’environnements élargis (musique atmosphérique, éléments concrets).
Les somptueuses montées en mélodie de Consilium industri, les japonieseries douces-amères de Durchkomponiert, les climats spatiaux de Domestic electrical supplies nous libèrent un temps court du quotidien, ouvrent une nouvelle géographie où les pensées s’accommodent mieux à la solitude. Les opiniâtres trouveront certainement quelques points d’ancrage aux univers de Isan, Styrofoam mais à cette liste on pourrait aussi bien adjoindre quelques membres du clan Rune Grammophon tels que Alog ou Phonophani. L’envergure de Domotic ne semble plus à démontrer, offrant un album splendide, qui par certains côtés, prolonge, dans une tournure contemporaine, le travail de Brian Eno entamé sur Music for Airport… Autant dire un incontournable.

JJ.

 
   
 
   

ALOG Duck - Rabbit
(Rune Grammophon [site] / ECM)

L’illustration de la pochette laisse entrevoir une image d’Épinal stylisée où la silhouette d’un lapin et d’un canard, selon l’angle d’approche, se matérialise à notre conscience. Deux entités en une qui évoquent une autre promiscuité, celle du duo composé de Dag-Are Haugan et Espen Sommer Eide, tous deux membres d’Alog.
Faisant suite à l’acclamé Red shift swing, Duck rabbit continue son investigation du son dans une pure et authentique approche électroacoustique, revendiquée jusque dans le nom du groupe, AL étant partie de digitAL et LOG d’anaLOGique.
Attaché aux partages clairs de tâches, le duo fonctionne volontiers comme un vieux couple, entamant ici ce que l’autre rechigne à terminer, apportant là finitions et détails à l’ossature.
Comme ils aiment eux-même à se définir, " Espen est Monsieur Numérique et Dag-Are Monsieur Analogique", où comment l’un porte le piano (guitares, claviers imposants…) alors que l’autre tient les partitions (Laptop).
L’analyse ne serait que partielle sans préciser l’importance de l’improvisation (et la liberté donnée à la notion d’accident) et des samples, qui jouent un rôle déterminant sur l’esthétisme des sons et leur provenance. À la différence d’artistes comme Herbert qui crée ses sons ex-nihilo, Alog n’établit pas de hiérarchie quant aux provenances des sources, leur sensibilité ne s’exprimant que sur leurs manipulations. Un univers mélodique doux, caressant, empruntant au jeu électronique (Violence & magical danger) ou aux fêtes foraines (Fire’s for burning), ponctué de brisures discrètes et d’erratum de Glitch.
Duck rabbit réalisé pour partie lors de concerts, et dans une large mesure en studio, accuse une extraversion plus marquée et souffle un goût de liberté et d’imprévu salvateur sur la production musicale européenne.

JJ.

 
   
 
   

ARVE HENRIKSEN Sakuteiki 
(Rune Grammofon [site] / ECM)

Le trompettiste occupe une place particulière dans l’univers de la musique contemporaine. Il faut sans doute y voir les efforts (récompensés) d’artistes notables, s’évertuant à rompre les amarres de leurs carcans (styles) traditionnels : de l’immense Miles Davis, à Eric Truffaz, en passant par Tushimuro Noriko (albums en compagnie de Mick Harris, DJ Krush ou Eraldo Bernocchi) et au-delà de la trompette, Pharoah Sanders (pour les dérives extrême-orientales)… ils sont à présent sollicités de toutes parts, sans doute pour la capacité qu’ils ont de tisser des atmosphères lancinantes et irréelles et de détruire ce maillage la minute d’après, dans la plus grande "incohésion".
Arve Henriksen est un maillon précieux de la musique nordique, dont on avait pu repérer le jeu élégant et exotique sur les albums de Supersilent, trio qui synthétise le blizzard sibérien sur support disque, mené de front par Deathprod, par ailleurs producteur brillant de Runnegramofon. On l’a également aperçu en compagnie de Iain Ballamy, d’Audun Kleive ou encore du Differents Rivers Orchestra (projet de Trygve Seim).
Autrement différent, ce Sakuteiki emprunte pour beaucoup à la musique traditionnelle japonaise, influencé par l’aspect tonal d’instruments à vent tels la flûte shakuhachi. Le titre de l’album est une allégorie des méthodes compositionnelles d’Arve Henriksen, ordonnées et directives, correspondant à l’esthétique d’un traité du XIe siècle sur l’art d’aménager les jardins.
Cela évoque tout autant la musique Buto que l’environnement jazz d’Ascenseur pour l’échafaud et l’emploi d’orgue et de bandonéon (Giya Kancheli) et de solitude glaciale (The anchor song de Bjork sur procession passing), avec des pointes d’électro-concrète (breathing) ensemble d’instruments qui impose une dimension liturgique et chamanique à cette musique atmosphérique.
Des compositions empreintes de poésie et de nature, où l’homme maîtrise avec rigueur le paysage dans ses moindres détails . Splendide.

JJ.

 
   
 
   

TRANSBEAUCE Die mitte
(Artefact/Chronowax)

Avec la sortie quasi simultanée du Gel, du Domotic sur Actice Suspension et dans un genre un peu différent du Laudanum sur Monopsone, la frange pop-électronica atmosphérique française a franchi un seuil significatif et acquis une dimension internationale (déjà entamé par Encre) en portant ce genre à des degrés inespérés. Transbeauce et son die mitte intègre sans coup férir ce trio princier pour établir un quatuor royal. Une forme musicale des quatre cavaliers de l’apocalypse déboulant sur nos platines.
Les talents mélodiques développés au fil de ces 12 titres (bâtis autour d’une basse post rock et de complaintes folk–lo-fi) les portent à l’avant-scène, offrant une vision terrifiante des potentialités du groupe.
On traverse le champ de bataille de leurs travaux ni tout à fait électroniques, ni tout à fait organiques, avec le même égarement qu’un soldat portant l’oriflamme au milieu des corps après le dénouement heureux. Si l’image est un peu tarabiscotée, la musique du duo ne l’est pas moins, même si en apparence, elle suggère une simplicité d’écriture, marque des grands groupes s’il en est. On pense parfois à Ganger ou Salaryman…
Expérimentations ardues et sensations pures, propos germaniques et dérives ambiantes, mosaïque de techniques et d’intuitions cérébrales ornent des titres tels que Anfang, le profond Xd7, le eighties Trakig (Console, tiens toi bien) ou le magnifique Hemlig (déjà entendu sur un 7’ Active Suspension) qui feront regretter à jamais à certains de n’avoir pas su s’attarder suffisamment tôt sur le sort de ce groupe majeur.

JJ.

 
   
 
   

REMBETIKA  Songs of the Greek Underground
(Trikont rec [site] / Import
)

Trikont, label allemand malheureusement non distribué en France, œuvre pour la préservation de la mémoire des peuples, de leur musique. Un travail d’ethnologie, aussi bien attaché à l’archéologie contemporaine des cultures européennes qu’à la sociologie musicale des influences extérieures.
Rembetika n’est rien moins qu’une anthologie splendide des chants traditionnels du peuple grec, peuple fier et méritant qui porte en lui et sur les gueules tannées de ses compatriotes tout son lot de souffrance et de joie.
Un double album somptueux, autour duquel sont réunis les plus respectés musiciens de cette presque péninsule (Startos, Halkias, Delias, Peristeris, Papazoglou, Katsaros, Atraidis, Eskenazi, vamvakaris) et qui rompt, une fois n’est pas coutume, avec l’image galvaudée du joueur de sirtaki affublé d’un saroual blanchi au soleil (Anthony Queen, paix à ton âme).
Les compositions présentes dévoilent quelques merveilleuses surprises, où l’on découvre cette musique comme un chaînon manquant entre les mélodies tziganes d’Europe de l’est et l’amertume ensoleillée des maîtres de la musique arabo-andalouses (parmi lesquels Abdel Halim Hafez ou Mohammed Abdel Wahab).
Une plongée abyssale dans le temps et le dépaysement le plus total, carte postale surannée d’un patrimoine multimillénaire, patrimoine qui s’exprime dans un total souci de dénuement sur plus de 2 heures 30. Une extase absolue.

JJ.

 
   
 
   

Africa Raps V/a
(Trikont rec [site] / Import
)

C’est armé d’une bonne dose de surréalisme que j’entame l’audition de ce disque. Allez comprendre… un label allemand, avec une bio en anglais, pour évoquer la sortie d’une compilation d’artistes rap africains chantant en français… Pour autant, je retombe vite dans mes travers d’auditeur zélé des les premiers titres de ce Africa Raps, dont Wire a déjà fait l’éloge. Le risque, pour nous francophones, réside dans l’absence de surprise et d’exotisme qui charme nos compatriotes européens… et pourtant, et pourtant, loin des frasques (géniaux) mais pourtant formatés de Def Jux, Rapster, Rawkus et autres labels de renom… on est totalement conquis par la richesse narrative des textes, l’acclimatation intelligente des musiques traditionnelles (Sénégal, Mali, Gambie) à une construction syntaxique et rythmique moderne et crédible.
Plus important que tout, cette compilation (dé)montre que l’Afrique a un savoir faire à revendiquer dans le circuit des musiques actuelles, appuyé par un vivier actif de jeunes compositeurs (Abass Abass, Bibson/Xuman, Da brains, Djoloff, Positive Black Soul, Pee Froiss, Tata Pound, BMG 44).
Les artistes chantent tour à tour en français, en malien ou en sénégalais Les morceaux de Abass Abass, Gokh-bi system révèlent des qualités rares d’écriture et les mélodies présentes sur Kunu abal ay beut de Omzo fendent notre volonté.
Cette compile doit sans doute beaucoup à la présence d’un des membres de Positive Black Soul, moteur s’il en est du renouveau culturel sénégalais. Et même si leur album solo n’était pas à la hauteur de mes espérances, les compositions de ce Africa Raps sont d’un autre calibre… La dimension politique (corruption, liberté, démocratie) est tapie au cœur de chaque texte, comme autant de perles serties au sein d’un environnement hostile.
Le rap africain ou le blues des temps modernes prend ici définitivement son sens dans la bouche de ceux qui ont des choses à dire…
JJ.

 
   
 
   

JAMES ECK RIPPIE / COLIN A. SHEFFIELD Improvised recordings
(Elevator bath/import MS Dos)
Pas d’imposture, de détournement de sens, ni de duplicité dans les exercices de style de ce duo. Ces hommes sont de ceux qui ne baissent pas le regard ; fixant avec intensité l’horizon. L’énergie de leur improvisation est bien davantage intérieure, recluse en profondeur et dénuée de fioriture.
Un duo turntable/guitare qui se replie davantage dans les recoins et les plis doux des couvertures pour créer des textures symphoniques sub-terrestres où la guitare pondère les vides accidentels du disque. Sur la première face, les musiciens, étroitement en phase, laissent peu à peu se déliter leur attraction pour engendrer, dans la répétition, de nouveaux élans inquiétants. Des échos de guitare sèche et l’approximation du rythme vampirise notre acuité. L’entrecroisement des genres atteignant l’état de grâce par moment. Peu de points de comparaison et d’assise avec l’autre duo du moment, Morr/Matthews, où les assauts de guitare, plus virulents, brisent le confort d’écoute. Ici, la sagesse et la tempérance plaident avec assurance.
Une approche toute en finesse, délicate et féminine, qui reste un témoignage privilégié de cette première collaboration, d’autant plus privilégié que le tirage discret (400 exemplaires) intime l’urgence…
JJ.

 
   
 
   

AIRPORT CITY EXPRESS Lower than hi-fi
(autoprod/collectif jaune-orange [site])
Autrement dénommé Airport City Express, ACE offre à l’oreille une première démo pop lo-fi comportant de belles tournures de style, où se croisent les faisceaux étroits de Pavement et les silhouettes courbées de Sebadoh. Le son est audible, si l’on ne se fait pas une trop haute considération de la définition d’audible (ils se réclament eux-mêmes du lower than fi) ; les textes drôles nous entraînent dans un univers où des mères lesbiennes côtoient Mickael Bolton et les Zit remedy (ah ! les années collèges !!) des samples de Jean Claude Aware.
Ace est un des maillons du collectif Jaune Orange, groupement moteur de la région de Liège, maillon qui prend davantage ses teintes dans les tons pastels que dans les couleurs primaires. Plus proche des attentes de My little Cheap dictaphone que du tempérament post-rock de Tom Sweetlove ou Electro:lux.
JJ.

 
   
 
   

DA CAPO The fruit
(Autruche/Poplane)
Ce qui plait d’emblée chez Da capo, c’est l’équilibre à peine stable entre la voix ravagée et hargneuse du sieur Paugam et cette mélodie faite de ligne claire, pop dans l’âme qui prend à l’occasion la tangente vers d’autres styles. Si Robert Wyatt paraît intimement référencé au projet, le groupe en fait vite le deuil.
Rivalisant de nonchalance et de je-m’en-foutisme, de bonhomie et d’esprit de détente, cet album apparaît, quatre ans après son prédécesseur Minor swing, comme l’album heureux du dilettantisme estival.
Ce faux assoupissement des frères Paugam affiche avec plus de conviction (et de sympathie à leur égard) leur réel potentiel de faiseurs de tubes Fresh, The winter, Jungle’s paradise, étant dans ce domaine des petits mètres-étalons… C’est d’ailleurs dans ce jeu de perversion voilée, entre nonchalance et exigence technique qu’ils excellent… À défaut d’avoir comme leur label, la tête bien fichée dans le sol, Da Capo a l’assise des grands groupes sans se la jouer. C’est bien connu, en France, on aime pas les gens qui la ramènent…
JJ.

 
   
 
   

DRONAEMENT VS RABBIT'S SORROW
Between two yearthousands
(Le Cri de la Harpe [site])
Les juxtapositions possibles et les angles de chevauchement à même de créer une vraie complémentarité entre Marcus Obst et Sébastien Roux résident dans cette fascination pour la solitude pure.
Drone est le maître mot de cette chronique, celui sans qui rien n’arrive, l’invité de marque d’un banquet où le festin reste purement atmosphérique. Si S. Roux a déjà construit un peu de mythe et beaucoup de belles mélodies autour du groupe Un Automn à Lobnor, Marcus Obst, discret fondateur du label Nauze nous restait jusque là caché (il a quand même réalisé un "7" sur Drone rec.). Amateurs tous deux de Drones et de Soundscapes, c’est tout naturellement que leur musique est portée par le vent et satisfait à son quota de réverbération et d’échos. FSA, Star of the Lid, Fuxa, Roy Montgomery et des labels comme Drunken fish ou Kranky sont bien souvent à l’affiche de leur palmarès personnel.
Les réseaux de vibrations, lentes résonances héritées d’autres temps au delà du caractère chamaniste qu’ils revêtent, laissent deviner un certain goût de la mélodie soignée chère aux frères Wilson, Labradford et autre Dissolve.
Une guitare à la présence feutrée, quelques Drones et pulsations… Et si c’était cela le bonheur ?
JJ.

 
   
 
    JIMMY T Bass project 1
(Musik experience [site])
L’idée originale de traiter les éclairs et le champ restreint de leur musicalité (grondement, vibration, déchirement) comme source de travail offre un potentiel riche d’expérimentations et de possibilités rythmiques à son auteur. Les bruits sourds de bourdonnements confèrent une force profonde aux morceaux, déroutant par moment l’auditeur avec ces infra-basses pondérales. On est investi des mêmes tremblements qui gouvernent le disque, et qui s’emparent aussi de nous par la charge électrique et la force mythologique de l’orage.
Invariablement, cela évoquera pour certains l’esprit des travaux d’Alan Lamb sur les caténaires et autres pylônes, instruments malgré eux des vents violents mais au final, on pense plus volontiers à Mick Harris et sa série de subsoniques sur Sub Rosa et à des musiques à base de capteurs.
L’album prend une tangente industrielle au cours de son développement, plus traditionnelle et normée, enlevant un temps un peu du charme du projet, avant de revenir sur ses sons qui forgent sa nature profonde.
Un très exigeant travail sur les profonds tremblements telluriques qui secouent notre petite planète et dans le cas présent notre cœur.
JJ.
 
   
 
   

FALCON PROLEGOMENE
(Musik experience [site])
Falcon a de la prestance ; la prestance de celui qui assujettit les rythmes à son dessein personnel tout en étant garant d’une certaine limpidité des mélodies déployées. Prétextant un goût pour l’abstrait et le conceptuel, il livre pourtant ici six flambeaux pour dance-floor, alliance érudite de Third eye fondation, de Wagon Christ, d’Aphex twin et d’autres merveilles à venir. Du hip-hop, de la crunchy électronica, ponctue les lentes volutes atmosphériques de ce mini album décidément excellent.
Sans coup férir, Musik experience impose une griffe hors des sentiers battus, un style captivant qui a justement la particularité de ne pas en avoir…
JJ.

 
   
 
    CHRIS DOOKS To look north
(Isis arts press release [site])
Ce nouveau témoignage pictural et auditif de Chris Dooks fonctionne comme les travaux de Stan Brackhage, où chaque teinte, déclinaison de lumière, changement d’attitude de la caméra intime une tonalité différente à la musique. Ici, c’est bien l’image qui dicte le son, qui guide et déroule la matrice du synopsis. Une matière sonore qui se veut cinématique, si ce n’est environnementale, pour décrire les éléments cachés, les non-dits du visuel.
Les scènes de vie du quotidien sont passées au crible ; la circulation automobile d’une rue animée, des sourires d’enfants, voix d’anciens comme autant de flash et de nostalgie réunie de la mémoire commune des Anglais "du Nord". Plus précisément, ce disque (et les films joints) se veut une évocation plus objective (quoique discordante) de la réalité de cette partie de l’Angleterre, où ce sont habituellement les termes usines, employés ou grèves qui focalisent l’attention.
Pas encore fixé sur son violon d’Ingres, Chris Dooks laisse cheminer en parallèle ses deux objets passionnels (même si sa maladie le destine vraisemblablement à la musique) et prolonge dans une veine plus artistique qui tient du documentaire (l’idée d’installation n’est jamais loin) ses bribes d’images et d’instantanés de vie déjà entamée dans son projet plus électronique Bovine life. Ce disque est le fruit du travail d’un musée d’art contemporain, l’ISIS Arts. Cette commande est le début d’une relation étroite entre artistes-musiciens et professionnels de l’art, du moins l’espère t’on…
JJ.
 
   
 
   

HONS [site] Ferner liefen
(Ferner liefen Rec./ Mdos.at)
Hons a créé Ferner liefen en vue de répondre au besoin souverain qui gouverne chaque musicien : sortir ses disques, éditer ses productions, s’exprimer au travers de ses créations.
Ferner liefen est donc (pour l’heure) le label objet d’un unique artiste, dévoué corps et âme à sa sensibilité. Un artiste qui a fait ses classes à l’institut d’électroacoustique et d’expérimentation musicale de Vienne ; séjour qui lui aura permis de se familiariser avec la musique concrète et l’étude de la programmation. Une passion qui l’amène à développer ses propres logiciels de création sonore, et de détourner des programmations de langage aux seules fins de sa musique. Construit dans un style industriel pompier, cet album est un oratorio moderne, une parabole contemporaine d’une B.O. imaginaire autour de l’œuvre de Satie et du Blade runner de Scott : des couplets atoniques, des mélodies de rocades, sons de voitures, voix futuriste, échos lunaires, jazz hybride, etc. un conglomérat de détails qui engendre chez l’auditeur une mélancolie légère. Songwriting attachant et sons inamicaux parcourent ce soundscape concret teinté d’électronique racée, première étape de sa jeune carrière. Un album riche et intéressant à découvrir.
JJ.

 
   
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