Chroniques 2002
Chroniques 2001

 
JadeWeb . Chroniques de la bande dessinée actuelle #15
 
Entretiens  
 

ENTRETIEN
Roberta Gregory

A LA LOUPE
Les bandes dessinées
de 2002 selon
Monsieur Vandermeulen

CHRONIQUES #14
PALOOKA VILLE > Seth . LES FEUILLES MORTES > Frédi Astèr . ARS SIMIA NATURAE > F.C. . CALVIN & HOBBES #22 > Bill Watterson . CAHIER PERPLEXE > Raul . AMORCE > Michel Squarci & Sarah Masson . BREAKFAST AFTER NOON > Andy Watson . GERMAIN ET NOUS #1 > Frédéric Jannin

CHRONIQUES #13
QUARTIER LOINTAIN > Jirô Taniguchi . 676 APPARITIONS DE KILLOFFER > Killoffer . MISH MASH > Blutch . GARDUNO, EN TEMPS DE PAIX > Philippe Squarzoni . SOCK MONKEY > Tony Millionaire . LE PIQUE-NIQUE > Mazen Kerbaj . SENTIERS BATTUS > Vincent Vanoli

 

 

 
à la loupe MOLOCH (suite de la chronique...)
 
     
 
 
 

ECTOPLASMES
" Quelque chose me dit que l’individu est un orifice au travers duquel une multitude d’esprits tentent de s’exprimer ". C’est avec ce concept particulier de Nuvish, créateur d’images fortes et dérangeantes, aborde Ectoplasmes, son dernier ouvrage paru aux éditions Le dernier cri. Plus "bande dessinée" qu’à l’accoutumée, l’ouvrage -imprimé comme il se doit dans toutes les combinaisons techniques possibles (du monochrome à la quadrichromie)- met en scène une série de personnages liés par leurs rêves (cauchemars ?) étranges et hypnotiques. On reste fasciné par la création des étonnants univers que met en place l’auteur, paysages mentaux tantôt descriptifs, tantôt flot de formes et de couleurs dont on ne possède pas toutes les clés. Il faut se laisser bercer ou bousculer, au choix, dans le dédale parfois doux, parfois agressif des contrées surréalistes qui s’égrènent au fil des pages et des identités multiples surgissant hors des personnages pour se mêler à la réalité. Un monde hors norme.
JP.

 
Nuvish | ECTOPLASMES
44 pages | 14 EU + 1,02 de port | éd. Le dernier cri

Disponible au Dernier cri [mèl] [site]
Friche Belle de mai - 41, rue Jobin 13003 Marseille
 
 
 

BLONDE PLATINE
" Mais qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez moi " semble être le leitmotiv d’Adrian Tomine tout le long des quatre nouvelles qui constitue Blonde platine. Évitant soigneusement de tomber dans l’autobiographie, Tomine raconte quatre courts instants de vies de personnages solitaires, incapables de se fondre dans la masse et rongés par leur frustration ou leur inertie. Dès la première nouvelle, Alter ego, où un jeune écrivain tente de retrouver l’inspiration en favorisant des événements susceptibles de le sortir de son impasse créative, Tomine plombe l’ambiance : provoquer des évènements pour se donner matière à fiction est délicat et tenter de se créer artificiellement un futur susceptible d’étoffer sa propre expérience afin d’en tirer matière à écriture peut s’avérer désastreux. Le jeune écrivain, Martin Courtney, après un premier livre à succès largement autobiographique s’apprête à retomber lourdement dans l’anonymat et, paralysé face à l’écriture de son second ouvrage, a accepté de faire le nègre pour un jeune acteur en vogue. Celui-ci triomphe avec ce livre fantoche et une foule de fans accorde à cet ouvrage une valeur d’importance qui n’a pas lieu d’être aux yeux de Martin. Sa mise à nu dans son propre ouvrage file dans l’oubli tandis que la vie qu’il a fabriquée pour l’acteur semble parler aux gens (au point que son éditeur envisage même un second volume). Écœuré par ce constat, Martin saute sur la première occasion qui lui permettrait de vivre quelque chose d’un peu plus excitant que son quotidien, peut-être pourra-t-il ainsi retrouver l’intérêt du public une fois ses "aventures" fictionalisées ? C’est du moins la bonne excuse qu’il se donne pour tromper sa compagne. Mais rien ne sublimera sa démarche, pas de colère romantique, pas de sentiments à fleur de peau : grondé comme un petit enfant et humilié par son amie, il reprendra son parcours d’humain lambda juste un peu plus seul et amer qu’avant.

Les autres nouvelles, tragiquement neutres et monotones, prennent le même chemin. Au pays des blondes platines surfant dans des Succes story médiatiques, la propagande érige le beau, le talent, la popularité en vertu. Les personnages de Tomine ne trichent pas et leur peu de capacité à communiquer, à emprunter agressivement le sens de la marche en font presque des parias. Ils ne sont pas assez beaux, n’ont pas assez de fantasmes ou de personnalité et cela ne pardonne pas dans un monde d’apparence. Ainsi, au travers de portraits de gens ordinaires -et donc ratés selon l’image véhiculée par la société- l’auteur dépeint l’indifférence et l’incommunicabilité dans une économie de moyens renversante. Loin des effets chocs de Daniel Clowes, dont il se rapproche par les thèmes traités, Adrian Tomine reste le plus monocorde possible et son dessin, d’un réalisme précis, élégant et peu expressif -collant par là-même au sujet- vient renforcer ce climat oppressant où nulle issue n’apparaît. Blonde platine est un témoignage sur le monde actuel, ni pessimiste, ni accusateur, capturant des instants de vies avec une profondeur exemplaire.
JP.

 
Adrian Tomine | BLONDE PLATINE
136 pages | 15 EU | éd. Seuil
ISBN 2-02-059327-0
 
 
 

MA MAIN GAUCHE CETTE IMBÉCILE
D’habitude terré dans le polar campagnard, Bruno Heitz se lâche, contre sa main gauche et cela donne un tout petit livre très réussi. Entièrement réalisé de la main gauche, évidement, il nous narre dans le détail tout ce que cette débile l’empêche de faire correctement. Et les griefs sont lourds : impossible de faire un nœud de chaussure ou des crêpes, elle fait tout foirer alors que lui constate qu’il l’entretient du mieux qu’il peut (avec le concours de sa main droite), décidément quelle ingrate. Mais il ne faut pas tout voir en noir, puisque heureusement elle lui sert quand même à serrer sa dulcinée. Les éditions Rigolotes, habituées à faire de tous petits bouquins charmants ne ratent pas leur coup, voilà un micro livre comme on les aime.
JP.

 
Bruno Heitz | MA MAIN GAUCHE CETTE IMBÉCILE
36 pages | 5 EU | éditions Rigolotes
21, rue de la Chasse - 93130 Noissy-le-Sec
   
 
   

LUDOLOGIE
Après le brillant Céfalus, on ne savait pas forcément où attendre Ludovic Debeurme. C’est un fait, avec ce Ludologie paru dans une relative discrétion chez Cornélius, discrétion qui convient bien à ce parcours intime, on ne l’attendait pas forcément là. L’auteur se raconte depuis la petite enfance et met en avant ses divers tourments. Il plonge dans ses obsessions -et il en a-, s’ausculte et se triture, dévoile sans trop de pudeur sa relation tourmentée au sexe, nous narre ses maladies et ses angoisses, tout un catalogue de peurs et de petites lâchetés finalement bien rassurantes. Une décadence d’hésitation. Au final, on en redemanderait presque si ça pouvait ne pas trop l’accabler. Mais Debeurme, c’est avant tout un trait d’une rare élégance. Un trait d’apparence raide et tremblé dont l’étonnante efficacité reste si discrète dans la composition des pages que tout paraît limpide et vrai. Il pourrait -et sans doute ne s’en prive t-il pas- nous raconter n’importe quel mensonge, son dessin convaincrait le plus sceptique de la véracité des faits. Nous sommes dans un graphisme manipulateur, une propagande du geste qui rejoint en bien des points certains éléments des histoires narrées dans Ludologie. Debeurme combat le mouvement -et en ce sens, se rapproche de Moëbius- en accordant au trait une importance narrative de tout premier plan. Ludologie est statique, peuplé d’autoportraits aux regards lumineux fixant le lecteur, tandis que filent en douce ses confessions intimes. Presque une timidité.
JP.

 
Ludovic Debeurme | LUDOLOGIE
112 pages | 15 Eu | éditions Cornélius
ISBN 2-909990-89-3
[site]
 
 
 

PYONGYANG
Guy Delisle, citoyen canadien francophone, globe-trotteur parce que sa profession l’y force (il supervise les intervalistes de dessins animés) nous avait déjà présenté Shenzen, ville champignon de Chine populaire, antichambre du capitalisme de Hong-Kong, laboratoire du socialisme de marché (doctrine complexe de la Chine de Jiang Jeming qui mêle habilement capitalisme sauvage et communisme dirigiste) où, entre autres, les maisons de productions occidentales font réaliser leurs animations au plus bas coût possible. Le livre était un régal jusque dans les pires moments d’ennui et de solitude de l’auteur.

Le trait de Guy Delisle est schématique, économe, il n’y a jamais rien de trop mais les attitudes sont justes et chaque case dit ce qu’elle a à dire avec une efficacité rare (en moins séduisant, on pourrait comparer à l’efficacité de Hergé). Delisle parle d’ailleurs beaucoup de dessin dans ses deux livres-reportages : comment faire pour qu’un personnage ne louche pas, quelle attitude prend une personne qui se lève d’un fauteuil, à quel point l’on peut exagérer un mouvement, etc.
Deux-trois ans après Shenzen, Delisle rentre d’un voyage plutôt court, deux mois, en Corée du Nord. Le pays le plus secret du monde fait en effet de la sous-traitance dans le domaine du dessin animé. On ne pouvait qu’être impatient du résultat et cette impatience est récompensée, PyongYang est au niveau de Shenzen, voire encore meilleur, du simple fait du sujet traité : imaginez un pays dont le " président éternel ", bien que décédé depuis dix ans continue à gouverner (avec l’aide de son fils toutefois), un pays où les privilégiés du système (ceux qui réalisent des dessins animés pour le compte de nos chaînes télé par exemple) sont payés en riz, un pays où des volontaires balaient des autoroutes sans circulation, un pays sans électricité...
Sachant à quoi s’attendre, Delisle était courageusement venu avec un exemplaire du 1984 de George Orwell. Le parallèle peut sembler facile, il n’en n’est pas moins exact et c’est ce que PyongYang nous montre avec une drôlerie constante qui à aucun moment ne saurait atténuer l’effroi du lecteur devant la situation du pays.

Avec Shenzen et PyongYang, on peut dire que Delisle a inventé un genre de reportage qui n’appartient qu’à lui. Il n’a pas besoin d’interviewer longuement les gens comme Joe Sacco ou Art Spiegelman l’ont fait. Il lui suffit de noter des détails, des petites choses de la vie quotidienne, la manière de travailler des gens, ses rapports avec les interprètes, les choses qui font rire et celles qui ne font pas rire, les petits et les grands décalages culturels, les absurdités du quotidien...
Autant dire que, malgré ses 22 euros (qui ne sont pas volés : ce n’est pas un petit livre), PyongYang est une lecture indispensable.
JN.

 
Guy Delisle | PYONGYANG
184 pages | 32 EU | éd. L’association
ISBN 2-84414-113-7
 
 
 

PORTRAIT INÉDIT DE ARTHUR CRAVAN
Philippe Squarzoni rappelle à notre bon souvenir, en quelques pages, les grandes lignes d’un destin pour le moins peu commun, celle d’un avant-gardiste pugiliste et contradictoire, aventurier que l’audace autant que la peur mena au quatre coins du monde, le mystérieux Arthur Cravan. Tout autant passionné de boxe -il se fit aplatir par de vrais champions- que de poésie, ce neveu d’Oscar Wilde (comme il se plaisait lui-même à le dire, peu avare d’auto promotion) fut la parfaite figure du dilettante touche-à-tout : peintre moderne sous un nom d’emprunt, inventeur fumeux, unique rédacteur d’un journal dont certains articles le menèrent en prison, il rédigea ses mémoires puis organisa sa fausse disparition, toujours assoiffé de reconnaissance. Mais rien ne sembla jamais marcher pour ce véritable géant qui à la fois goûta tout et gâcha tout, et l’exil, dû à la guerre et la pauvreté, le poursuivra toute sa vie dont on se perd toujours en conjecture quant à la façon dont elle finit. Cravan réussit donc une chose : sa stature de personnage de roman, dans sa grande acception romantique. Visiblement admirateur, qui ne le serait pas, Philippe Squarzoni brosse avec une technique mélangeant le calque, la trame et le crayon un joli hommage à ce citoyen du monde, qui plaça très haut le prix de sa liberté.
JP.

 
Philippe Squarzoni | PORTRAIT INÉDIT DE ARTHUR CRAVAN
32 pages | 4 EU | éd. Le 9e monde
ISBN 2-84456-043-1
   
 
   
PUTAIN, C'EST LA GUERRE VS LA PAIX DANS LE MONDE
(suite de la chronique...)

 
   
 
   

POUR MOI, LE CIEL...
Mixant photographies, travail sur le son et peintures, ce Pour moi, le ciel... permet de retrouver quelques auteurs déjà connus du petit monde de la bande dessinée dans une nouvelle situation. À la base, commande de la ville de Colomiers (qui aime bien s’investir dans la bande dessinée avec son festival éponyme et quelques importantes expos), l’ouvrage est le résultat d’une résidence d’artistes, transcrivant l’atmosphère de cette cité de la banlieue toulousaine. D’étonnantes photographies couleurs, où l’on se prend à se demander si la ville n’est pas une immense maquette de balsa que vient détromper une autre série en noir et blanc où posent les travailleurs de la cité (conducteurs de bus, éboueurs) ; des images peintes accrochent des bouts d’architectures pavillonnaires et H.L.M. d’où les habitants semblent avoir disparu. L’écoute du C.D. fourni avec le livre rassure, bruits de rue, d’écoles, échos lointain d’activités humaines, il y a bien des gens qui vivent là. L’ouvrage fait appel autant à l’ouïe qu’à la vision et il se dégage de cette cartographie sensible l’impression d’un temps ancien, d’où tout semble calme, presque trop calme. Une curiosité.
JP.

 
Kristof Guez, Gérard Marty, Marc Pichelin & Jean Pallandre
POUR MOI, LE CIEL...
60 pages + 1 C.D. | 15 EU | Ouïe dire productions
   
 
   

BLAEK
Jusqu’au 20 juillet, la Maison du Danemark à Paris [site] propose un panorama de la création contemporaine en bande dessinée au royaume du hareng. Une belle opportunité pour admirer les originaux d’une quinzaine d’auteurs dont certains, comme Peter Madsen, Soren Mosdal ou Mardon Smet ne nous sont pas inconnus. Une anthologie de cette exposition, Blaek, vient d’être éditée par les éditions Frmk pour présenter quelques traductions de leurs travaux. Un superbe livre qui fait le point sur la (fragile) santé de la bande dessinée au Danemark et dont le résultat est à la fois hétéroclite et convaincant. Quelques auteurs de strips assez classique mais à l’humour danois (abyssal) comme Nikoline Werdelin ou Ivar Gjorup partagent ces pages avec des graphistes élégants et originaux comme Jan Solheim et Soren Mosdal. On retrouve également les talents de conteur de Peter Madsen et l’univers trash, à la limite de la lisibilité tant sa ligne claire est démultipliée, de Mardon Smet, l’auteur délirant de Stig & Martha que les curieux purent découvrir dans Jade il y a quelques années. Au final, une anthologie d’un très bon niveau, celui d’auteurs sans complexes dans un pays où la mauvaise santé du marché intérieur pour le médium est compensée par l’absence de pressions éditoriales à cloner des séries à succès.
JP.

 
Collectif | BLAEK
112 pages | 16 EU | éd FRMK
ISBN 2-911842-89-8
   
 
   

HOLLYWOODOO
(Incredibles movie posters du Ghana)

Waow ! Ce catalogue d’expo taillé sur mesure pour l’Art modeste -formule chère à Di Rosa- compile une série d’images tellement inouïes qu’on aurait difficilement pu les imaginer : des photos d’affiches de films peintes à la main (sur des vieux sacs de farine !) et teintées d’ambiances locales issues de la programmation des cinémas ghanéens. Mais il paraît que c’est trop tard, déjà relégué aux poubelles de l’histoire avec l’invasion des chaînes satellites. Reste cette exposition qui tourna en 2002 de Sète à Paris et ce livre témoignage regroupant un peu le pire de la production américaine et asiatique, marinés à la sauce des artistes locaux : "C’est la puissance de l’imaginaire voodoo de l’art designer africain qui se télescope aussi avec la réalité marchande dans une débauche éclatante de laque glycéro industrielle" nous dit Pascal Saumade dans le préambule. Et l’on voit défiler des Once upon a time in China, Air force one, Spawn, Twin dragons et auttres The 6th day, Starship troopers ou Raiders of Magic Ivory. De Bava à Stalone, de Jet Lee à Rudger Hauer en passant par Christopher Reeves sans oublier une flopée d’african movies particulièrement trépidantes où machettes, animaux maléfiques et tripailles au soleil semblent tenir le haut du pavé. Parfois copies teintées des affiches occidentales, parfois véritables collages de scènes-chocs issues de plusieurs films, l’ensemble montre un univers assez terrifiant où seule l’émotion forte semble de mise. Violent et graphiquement naïf, on découvre une vision africaine sur le cinéma populaire qui fait autant peur qu’elle fascine et nous renvoie par là-même une réponse à ce que l’industrie de divertissement -initié par les occidentaux- propage avec plus ou moins d’innocence. Le travail effectué sur la couleur par les tenanciers du Dernier cri, adeptes des bi et trichromie finit de rendre cet ouvrage immense, monstrueux, immanquable.
JP.

 
[extrait 1] [extrait 2]
Collectif
| HOLLYWOODOO
(Incredibles movie posters du Ghana)

136 pages | 15 EU + 1,75 de port | éd. Le dernier cri
Disponible au Dernier cri [mèl] [site]
Friche Belle de mai - 41, rue Jobin 13003 Marseille
   
 
   

MACHINA MUNDANA
Des bandes dessinées de Marcel Ruijters, on connaît un peu (trop) souvent les mêmes travaux égrenés au fil des innombrables fanzines auxquels il participe. Univers troglodytes mâtinés de fantastique, rock & roll brut de décoffrage et mystique primaire. Cette fois-ci, l’auteur surprend avec ce Machina Mundana, il dévoile une série d’illustrations aériennes et musicales, scènes bibliques d’un Eden incertain où primitivisme et imagerie chrétienne s’harmonisent dans leurs contradictions. À la fois visions apocalyptiques de la préhistoire et réminiscences antiques et moyenâgeuses, tout se combine pour offrir un monde qui semble s’apaiser dans la violence et c’est bien l’étrange paradoxe de cet ouvrage. Animaux symboliques, signes alchimiques, paysages abandonnés rythmés par des potences où flottent des squelettes et traversés par des nonnes aux visages impassibles, nous sommes dans un bestiaire de l’imagerie religieuse à l’aube des grandes peurs. Entièrement réalisé en carte à gratter puis sérigraphié en quatre à sept couleurs, Machina mundana semble le doux rêve des possibles, ceux abandonnés en cours de route par l’espèce humaine. Ainsi flotte une parfum de nostalgie et un grand calme dans ce livre, certainement le meilleur que Ruijters nous ait livré jusqu’à présent.
JP.

 
Marcel Ruijters | MACHINA MUNDANA
36 pages | 11 EU + 0,69 de port | éd. Le dernier cri
Disponible au Dernier cri [mèl] [site]
Friche Belle de mai - 41, rue Jobin 13003 Marseille
   
 
   

L’HOMME QUI NE VALAIT PLUS RIEN
"Suite à l’amnésie de Super Jaimie qui l’a laissé tomber comme un vieux slip sale, Steve Austin, l’homme bionique, est sérieusement déprimé. Il fait donc ce que ferait toute personne normalement constituée à sa place, il boit..." On reconnaît bien là tout le travail de sape qu’aime à faire Nikola Witko, coulant les mythes comme on tire une chasse, noyant la sous-culture américaine dans l’irrigation exponentielle de ses poncifs, tout en s’y vautrant lascivement et immortalisant la boisson comme médecine suprême à tous les maux. Pas loin de l’univers Gonzo où l’excès est "la griffe de l’homme" et sorte de Marylin Manson qui aurait troqué le look gothique contre une chemise hawaïenne, l’auteur convie également Mark Harris (Patrick "blub blub" Duffy) et Bruce "Hulk" Banner à la chute sans gloire et sans fin de Steve Austin. Obligé de revendre, petit à petit, toute sa ferblanterie pour assumer les frais de son chagrin, poursuivi par un Oscar Goldman inflexible tentant de recoller les morceaux, l’ex-homme qui valait 3 milliards (quand le dollar était à huit balles, hein, aujourd’hui y pourrait à peine se payer une Suze avec toute sa camelote) nous fait encore bien rire sous son apparat déglingué ; ainsi la collection Comix des Requins marteaux gagne un chouette volume supplémentaire et comme ça tout le monde est content. Ha ben alors, elle est pas belle la vie, faut arroser ça...
JP.

 
Nikola Witko | L’HOMME QUI NE VALAIT PLUS RIEN
32 pages | 6 EU | éd. Requins Marteaux
ISBN 2-909590-84-4
   
 
       
   
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