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Entretiens

LES ENTRETIENS
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À LA LOUPE
Label
Z & Zoé
V/VM

THE CHAP The Horse 
(Lo rec/La Baleine)
Ne cherchez pas dans la démarche du label Lo une quelconque cohérence de principe, une logique où les filiations d’un genre supplanteraient l’autre. The Chap, en plus de livrer un album splendide, le fait dans une pure tradition " rock ", un dosage subtil d’émo-core et de fébrilité pop-folk-lo-fi hybride.
La volonté de donner une identité propre , un caractère trempé à chacun des morceaux nous fait interpréter " the horse " comme la visite guidée d’une demeure de maître, sans ostentation, mais où chaque pièce révèle toujours un peu plus du charme de la maison. Les volets mis clos, on chemine dans ses espaces, où les persiennes acheminent à demi-mots le soleil, où des objets familiers laissés là, jonchent les parquets. Intimité, voluptueux développements, petites sonorités confinées, voix susurrées du bout des lèvres, énergie contenue, silence, bricolage d’électro désinvolte, de house-chaude et discrète, rythment la lente ascension de cet album vers les hautes sphères du paradis des petits chef d’œuvre en devenir …Du concentré de Death In Vegas , l’humilité et le talent en plus !!!
Indispensable, Primordial, nécessaire !!!!!!!
JJ.

VACUOUS NINNIES  S/t 
(Quatermass/Tripsichord)
Vaccous Ninnies affiche la même identité transversale, la même culture de la marge qui manie et associe sans vergogne Madonna à Napalm Death, Tortoise à Stock Hausen & Walkman…. Un lieu ou Mainstream et Underground scellent leur union sur la piste pour engendrer un sale rejeton, un avatar beau comme le métissage.
Sorte de cousin plus extraverti que Donna Summer (Sur Irritant) Vacuous Ninnies a exercé auparavant ses talents dans la vidéo avec des courts métrages incisifs et décalés sur les opportunités de carrières pour Cyborg dans un futur improbable ( !!!) avant d’exercer ses poignets au martelage de fut au sein de Sourmouth, groupe ayant assuré, ça ne s’invente pas, les premières partie de Godflesh ou Pitch Shifter. (une sorte de Zend Avesta transmanche).
La musique de Vacuous Ninnies est extrêmement dansante, optimiste et, disons le épicurienne…une sorte de House cultivée qui aurait oublié d’être bête (et uniquement efficace) pour s’attarder à créer climats et ambiances contrastées. On passe ainsi de morceaux entraînants (Cripples fall down , can’t get up, Is necessary now) voire surprenants, lignée Mouse on Mars (The Hottentot Venus, Denken Dunken) à de belles apartés calmes et lascives (This end & nothing else). Débridé et exalté.
JJ.

CUANTICO Subtainer 
(Italic/La baleine)
La nouvelle référence d’Italic se nomme Cuantico. Ce substainer adopte un profil calme et serein mêlant house fluide et discrète, lentes plages de synthétiseurs aérées et petites mélodies ricochantes. Quelques titres décoratifs semblent sortir l’album de la torpeur dans lequel il s’installe (Multiplo) même si en définitif, il n’apporte rien de plus vraisemblable à ce genre.

ORANGE BLACK  morning notes 
(Labelman/Poplane)
Qui pourra encore croire après avoir écouté ces "notes matinales" d’Orange Black que les américains ont encore des leçons à nous donner en matières de pop ? Parachevant l’esquisse de scène initiée par Nicolas Dunger, Les 5 allemands qui composent Orange Black distillent dans un premier temps leur pop des grandes plaines, folk pastorale avec la nonchalance et l’humilité que requiert ce genre. Ils naviguent également dans une veine plus rock/ Power pop pas désagréable. Des mélodies fraîches et sympathiques qui ricochent dans nos têtes sans en altérer la vigilance. Le monde est noir comme une orange…mais il est aussi intimiste (do you compute ?, how it ended), pastoral (day Dreamer), popisant (Rush, sunsspots).
Un panorama rassurant et bien mené, d’un certain savoir faire européen (ici allemand) en matière de musique amplifiée.
JJ.

PARTYCUL SYSTEM V/a
(Partycul system/chronowax)
Le passage de l’adolescence à l’âge adulte se traduit en général à l’occasion de détails discrets, de modifications à peine perceptibles…Partycul System, petit label hier, affirme avec cette compilation (ou sampler) à ceux qui en douteraient encore, qu’aujourd’hui, ils contaminent les sphères professionnelles de leurs belles et valeureuses compositions. Le label tisse des liens musicaux toujours plus ténus avec la scène indépendante française. Outre les toujours talentueux artisans du son que le label met en avant ces dernières années (Denis Locar, TV LA Sun Or Rroselicoeur, Supersoft[14-28]), sont venus s’intégrer à la petite famille de nouveaux intervenants. Et pas des moindres, puisque figurent au bataillon les excellents Lee Hills (avec André Herman-Düne) et son envoûtante complainte blues-folk du grand ouest emprunt de la magie du Velvet.
On découvre aussi Ethyleen Leiding (lignée Elysian Fields-Pullman-Grubbs) , Guinea pigs, portant une attention plus poussée aux effets, duquel résulte une atmosphère étrange et troublante ou encore Breezy Temple, jolie morceau d’âme échoué entre Aerial M et Mus.
Un beau legs, en forme de contes paroissiales, de ballades folk, de vertigo post-rock, d’exaltation lo-fi et high-fi, de noisy brumeuse. La recette a beau ne pas être inédite, on a beau connaître nombre des participants…on se laisse pourtant délicieusement porter par ses assemblage d’ingrédients, ses mêmes équilibres fragiles, les saveurs se révélant avec des juxtapositions d’arômes toujours plus subtils.
Une manière intelligente pour Partycul System de souligner le chemin parcouru autant que celui encore à couvrir.
JJ.

HECKER 2 tracks 12’’
(Mego / Synaesthesia/ Metamkine / Chronowax)
FARMERS MANUAL rla (Mego /Metamkine / Chronowax)
Alors que le mythique magazine WIRE, fait l’honneur d’une quintuple page de revue de détails sur l’entité Mego (depuis ses lignes graphiques jusqu’à ses productions audio ou vidéo), le label continue d’inonder nos platines sous l’impérieuse dictature de ses productions en marge.
On pensait que l’âge aidant, les ardeurs digitales du label s’estomperaient, prendraient un peu d’embonpoint, après 80 éditions. Il n’en est rien, heureusement, et ce n’est pas Hecker qui nous fera mentir.
L’Autrichien livre ici un déluge de particules anguleuses, un torrent digital dévastateur aux limites de l’audible, un maelström indigeste de bruits blancs, de fourmillements, de scories métalliques, de fange éruptive. En somme, une musique pour computer avec de l’attitude (voir du caractère). Proche des élucubrations de Kevin Drumms, KK Null (GeV) ou Pita . Du bruit maîtrisé, en somme.
Comme si " nuire " à nos oreilles ne suffisait pas à MEGO, ils nous envoient des nouvelles de leurs petits protégés, le trio infernal de Farmers Manuals, qu’on avait pas vu depuis plusieurs années ( depuis Explore We et leur album éponyme en fait) Des retrouvailles qui prennent des allures d’archives documentaires/live/ délires de computer sur près de 3 heures ½ .
Des performances qui nous font traverser le monde, depuis Melbourne à Paris (Centre George Pompidou), l’Allemagne, l’Autriche, évidemment, mais aussi la tchécoslovéquie, la suisse, le Canada, L’Espagne, l’Angleterre les pays bas. Un journal de bord, un carnet de voyage urbain pour asthmatique des processeurs.
Il fallait au moins cela pour ce groupe essentiel , à avoir marqué l’avénement du laptop et d’une pratique, disons, décomplexée de l’utilisation des sources sonores.
JJ.

DISPLAY PARTY V/a
(Reunion 2 : optical sound & Aspic records/Limonade)
La sempiternelle compilation de labels entame ici une inclinaison novatrice puisque c’est l’existence préalable d’un support visuel qui a déterminé l’orchestration de ce regroupement.
L’idée est née du constat simple et désolant qu’une multitude de projets vidéos, le plus souvent préexistants à leurs corollaires sonores, pourrissaient, se morfondaient dans quelques recoins poussiéreux de la trame internet. L’éparpillement des projets, leur manque probant d’auditoire a décidé la structure commune Aspic-Optical Sound à faire œuvre de synthèse.
Ce qui éclate à la lumière dans un premier temps, c’est la diversité d’approches, de moyens et de positionnements par rapport au clip; on passe du super 8 à la digitalisation tridimensionnelle, du court métrage léché à la prise de risque expérimentale : Ce sentiment violent de diversité qui assaille nos yeux, est une preuve de plus, s’il en est de la médiocrité et de la platitude affichée des clips du Mainstream.
Les acteurs de cette histoire ne sont pas ici esclaves d’une quelconque réalité commerciale, seule s’exprime la voix de la création, libérée des entraves et des contingences (de temps, de moyens, d’expressions).
En seconde analyse, on peut avouer que pour originaux et souvent géniaux que soient ces petits films, ils n’en demeurent pas moins profondément ancrés à l’imaginaire de la musique qu’ils illustrent, appuyant parfois comme un écueil sur la ligne médiane du genre. C’est la cas de Dorky et ses animations naïves et ingénues, Ultra Milkmaids et ses angoissantes monochromies en mouvement.
Moins une critique qu’un constat, ceci ne saurait cacher pourtant l’émerveillement absolu qu’on prend à découvrir ses faces cachées de la musique, ces contes optiques-oniriques ou graves. Un travail exemplaire, qui on l’espère fera école. Chapeau bas !
Avec Bibibop, Carpet Musics, Darky, E* rock, Schneider TM & Etereo Expandeum Club, Figurine, Fingernail, Frank Metzger, Vance Orchestra, Phlegm, Kurt Ralske, etc….
JJ.

TUJIKO NORIKO  From Tokyo to Naiagara 
(tomlab/ Chronowax)

Cet album est un recueil de mirages…Tout d’abord, parce qu’on est obligé d’y regarder à 2 fois pour s’apercevoir que la jeune fille sage au regard lointain et implorant, presque absente qu’on discerne à demi-mots n’est autre que l’exubérante Tujiko Noriko.
Ensuite, réaliser, puis admettre que la voix cristalline de la japonaise, sa prononciation si distincte et particulière n’est pas du japonais mais bien de l’Anglais. Un leurre d’une subtile beauté, qui rehausse l’attention qu’on a pour les textes.
Ce From Tokyo to Naiagara est splendide ! A la différence de ceux signés sur Mego, il met l’humain au centre des attentions, il offre une estrade aux mots et une frange de liberté immense à la voix. Le timbre vocale de Tujiko comme ossature centrale (bien qu’ exceptionnellement fragile) de la construction des morceaux.
Les rythmes électroniques, doux, suaves, élégants et cotonneux, fruits de rotondité et d’échos laiteux enveloppent à la manière d’une chrysalide, les cordes vocales-papillon de la jeune japonaise.
Des rythmes sibyllins et cristallins, conçus et mis en forme en compagnie d’ Aki Onda (album splendide sur Bron Bron), compositeur Japonais qui s’est chargé de la production.
L’album le plus automnal de ce début d’été. Le plus beau aussi sans aucun doute.
JJ.

THE SURFIN ROBOTS  cowabungiga 
(Vegomatic/Soundz/La Baleine)
A l’heure où les Bootlegs & les Bastard mix fondent la réalité de 2 morceaux en un seul et même univers, The Surfin’ Robots joint cette douce mode à un délire, issu, on l’imagine d’une soirée enfumée : réunir le surf des Beach Boys et les voix vocodées de Kraftwerk et du DMX crew.
Or ,on voit mal comment la légèreté, la candeur et l’ingénuité des sonorités Hawaïennes pourraient faire un mariage d’amour, tout au plus de raison avec l’aspect mécanique et répétitif de robots intergalactiques…. Et pourtant, l’alchimie fonctionne, l’émulsion produit même quelque chose d’extrêmement convaincant et frais à mi chemin d’un DJ Scissorkiks, des B’52 , des 2 many dj’s ou d’un Cylob/ DMX Crew épris de rock 60’. Quand les playmobils se font des Spots… A découvrir sans délais…
JJ.

RED SNAPPER  S/t 
(Lo rec/La Baleine)
Alors que l’un de leurs précédents opus (our aim is to satisfy) nous faisait subir via la dictature de leurs basses asphaltées une gamme étagée de puissantes sensations (dépendance, rémission), les membres du trio Ayers/ Friend/ Thair réengagent leur univers dans la bataille…C’est en tout cas ce que semble infirmer le jazzique & John Williamsien Regrettable en ouverture… splendeur de tension retenue et d’ambiances filmiques.
Si l’enveloppe Jazzy tient encore ici un rôle central et récurrent ( les sublimes Mountains & Valley, Ultraviolet et le morceau d’entrée Regrettable qui forment un triptyque ) elle semble se distiller en milieu de développement avec plus de simplicité (malheureusement) dans d’autres sphères, ici Deep et House (Heavy petting, Dnipro)…La structure de l’album passe ainsi d’une structure froissée, complexe et enfumée/ haletante, vallons émoussés du rythme (la jazz) à une plaine linéaire et désertée (la house). Si quelques titres, inintéressants squattent le milieu de l’album, la fin de celui-ci, entamée par le remix de Sabre of paradise ou The Quiet one, The Tunnel (live) nous permet au final d’accéder au recueillement bien mérité de l’auditeur satisfait. Un peu en sous régime, mais encore très bon.
JJ.

DAVIDE BALLULA  pellicule 
(Active Suspension/Chronowax)

L’attente, l’expectative est souvent l’occasion d’une mise en perspective sur le superficiel et le substantiel, sur ce en quoi on a envie de croire et ce en quoi on espère plus grand chose Dans l’affaire Balula C’est peut dire qu’on attendait les divagations sonores de cet exilé italien, après les fortes impressions laissées par sa double apparition sur le Split compilation ActiveVs Clapping. Un " pour une flaque " majestueux qu’on retrouve d’ailleurs sur Pellicule avec la même ivresse raisonnée.
Un album profond, d’une étonnante sérénité qui semble ne pas vouloir préférer de voies entre l’électronica amère et la folk éplorée, styles qui dominent par leur présence ce premier album. En pliant l’ analogie au règne de ses mélodies tristes, Davide Ballula réinvente le spleen et l’isolation. L’exil annoncé de " Pour une flaque ", le renoncement affiché, singe les destinées de Cyan & Ben, Angil.
Les arpèges de guitares, la voix tout juste susurrée ne jouent jamais les second couteaux. Les harmonies sont empruntes de pop intimiste, de chuchotements, d’éphémère et de petites choses du dedans, de contreforts intimes de la conscience.
Entre douce torpeur, goût pour la solitude, éloge à la léthargie, engourdissement doux amer et abstraction électro-acoustique… Un beau compagnon de route pour la solitude.
JJ.

DANIEL JOHNSTON  fear Yourself 
(Sketchbook/La Baleine)
Celui qui ne connaît pas le parcours de Daniel Johnston ne peut saisir qu’à demi-mots toute la charge émotive qui habite ses albums. Classé sommairement d’handicapé léger, ce jeune homme de 40 ans passés, navigue depuis une à deux décennies sur le territoire d’une pop-folk-rock intimiste, introspective et candide.
Forme de catharsis, moyen d’expression libérateur, ses petites histoires du quotidien, ses mots, se font l’écho de nos maux, officiant comme un placebo à nos désillusions. Si le gotha musical (Bowie, Mark Linkous [Sparklehorse]…) semble découvrir sur le tard ce talentueux artiste…. d’autres, fidèles de la première heure, soutiennent sa quête d’absolue vérité depuis le commencement. Philippe Dumez ( Jade, Plus Jamais malade en Auto) incarne ainsi à lui seul une sorte de maître-étalon en matière de Daniel Johnstonite aiguë.
Et comment ne pas le comprendre : sa voix éraillée, haut perchée, s’offre à notre écoute sans inhibition ni pudeur, décomplexée, totalement libre des contraintes et des jugements, comme si Will Oldham ou le chanteur de Da capo se délestait de son trop plein d’aplomb et de tristesse naturelle. Une musique qui flirte quelquefois avec l’électricité, les rivages d’une country-pop vibrante (Mountain Top) ou avec les Pixies (Fish).
Entre la saleté (des arrangements) et la pureté (de son engagement), il y a certainement une petite place pour cet homme dans la galaxie des grands compositeurs.
JJ.

MANOS ARRIBA An introduction to mexico’s spectacular new electronic music scene
(Bungalow/PIAS)
Un peu à la manière d’un guide touristique, Bungalow prolonge son excursion sonore débutée en Europe, accentue son défrichage graduel des artisans du son Kitch, exotique et décalé.
Le propos n’est pas à la moquerie, ni au gros clin d’œil éculé. Il se veut simplement le reflet fidèle de la production Mexicaine actuelle.
Un joli foutraque qu’on croyait seuls capables d’orchestrer les écuries Européennes où il est ici bien sur question de bricolage Fun, de sons cheap et datés, de détournements Kitch (comme sur ce Sonido lasser Drakkar, excellent liaison branlante de miami sound et de K 2000) mais aussi et surtout de Groove épidermique comme seul savent le concilier Bungalow Ou Rather Interesting.
On retiendra les morceaux de Natos, Bostich et leurs montées de percussions synthétiques façon Bongolians, Evil hippie et ses reprises rock-reggae pourraves au theremin, ghaia et ses musiques de téléfilms, panorama et ses intro Harmlessienne, etc....
Si on évite ici soigneusement les écueils et les sujets qui exaspèrent (des emprunts traditionnels à l’héritage Mexicain), c’est pour mieux se concentrer sur l’hédonisme bon ton qui taraude cet album.
Un produit Made in America (central) gai et primesautier, jonché de perles rythmiques, de delirium mélodiques tremens et de naïveté….ce qui ne court pas les rues ces derniers temps…. A siroter avec un créole crème !!!!
JJ.

COLLEEN Everyone alive wants answers 
(Leaf/Chronowax)
Comme pour mieux tromper la réalité, Cécile Shott s’invente au détour de son nominatif "Colleen" une autre individualité, réinterprétant au passage le sens des mots en en modulant l’orthographe ; un nom qui interpelle l’imaginaire, fait vibrer la paravent de la fiction, entremêlant poésie et réalité. Une juxtaposition linguistique comme un écho de la pochette, illustration d’une finesse d’exécution et d’une précision aux frontières de l’érotisme et de la candeur.
Un enchevêtrement mouvant, fluide, de ce qu’on devine être une longue chevelure ondoyante, évocation lointaine et poétique des "transferts anatomiques" d’Hans Bellmer, des Permutations de M&M ou d’approches lithographiques Asiatiques.
Rarement on aura ressenti une telle dépendance, une telle réciprocité entre le contenant et le contenu, la forme alliée au fond.
La musique justement, pas moins fluide, filtrant doucement au creu des paumes, cherchant l’attraction de la pesanteur au travers des phalanges. Une musique assainie de toute haine, sans animosité, apaisée et apaisante, fondée sur le principe récurrent de répétition en boucle mais pourtant en (r)évolution claudicante, en mouvement mal assuré . Des titres comme Ritournelle, babies, a swimming pool down… sont à mon sens des sommets de beauté narrative et de tristesse mêlée.
Une musique à mi chemin entre l’état liquide et gazeux, sublimation étrange proche des vapeurs de Danny Elfmann , des exhalaisons de Pierre Bastien (ampli d’amertume) ou de Pan American et des bruines d’Encre et de Roy Montgomery. Un monde captif , captivant, nostalgique, imaginaire et onirique. Fabuleux !!
JJ.

OPIATE Sometimes 
(Morr/La Baleine)
Alors que le hasard des calendriers programme de manière simultanée la sortie du Dub Tractor sur City Center Offices, premier vrai long courrier du comparse de Thomas Knak et 1/3 de Future 3 Morr, label Allemand livre en parallèle le très attendu nouvel Opiate , " Sometimes ", successeur de Possible, sortie chez Vertical Form l’an dernier. Une musique dionysiaque, volatile, fragile, constituée de savantes floraisons de Harpes en écho, de fontaines, de chants d’oiseaux, d’ailes de papillons et de répétitions apprivoisées dans une approche nostalgique et chaleureuse. Le talent s’est par le passé exprimé chez Knak à de très hauts degrés d’érudition. J’en tiens pour preuve ses projets annexes dont un des plus confondants de beauté en compagnie d’Alva Noto sur Raster Noton . Pour la petite anecdote, Opiate à également co-signé Undo et Cocoon sur le dernier Vespertine de Bjork.
Les micro-incidents rythmiques, les déchirures savoureuses heurtent les strates opaques d’un brouillard d’ondes pastellées , (celles là même qui suffoquent leurs sons, pour mieux les réfracter ensuite ) Un grand moment. Vraiment très bon. Vraiment trop court.
JJ.

FAT CAT V/a Branches & Routes
[double CD] (Fat Cat /PIAS)
Le XVIII ème siècle aura fait sortir les plaisirs charnels de la brume des interdits moraux (Sade, Choderlos de Laclos, Fragonard, Watteau, Duclos, etc…) ; deux siècles et des lumières plus tard, Fat Cat exhorte les plaisirs musicaux comme autant d’appels aux désirs et à l’hédonisme.
Une ascension fulgurante pour un petit label  qui ne se destinait certainement pas à une telle destinée. Fat Cat s’est construit sur le tard, développant avec toujours plus d’éclectisme ses collaborations, osant l’impromptu et l’expérimentation, le risque en somme, plutôt que la léthargie et la sécurité. Amplifiant sa renommée à l’occasion de succès mérités (Sigur Ros, Black Dice, Matmos, Funkstörung).
Bien heureux celui qui aujourd’hui est à même de définir le genre de la maison ; les ramifications, ivre de vie, se développent et serpentent le long des contreforts de la pop, de l’électronica, du jazz, de la musique néo-classique, de la musique traditionnelle, de l’expérimentation , du minimaliste, du rock sauvage, de la folk, du blues, du dub ou de l’ambient… phagocytant toujours davantage de nouvelles approches, d’expériences récentes.
Une double compilation qu’on se doit d’estimer comme un album à part entière, tant la cohérence est prégnante, chaque artiste ajustant son pas sur le suivant, laissant pénétrer l’auditeur avec intelligence dans des univers successifs qui fondent au final l’esprit du label. La superposition des pochettes de tous les artistes présents en un patchwork (mêlée à des cartes d’état major) donne ce sentiment d’unité.
Une compilation événement, qui fera sans aucun doute date, témoin privilégié de l’ouverture d’esprit et de la générosité qui anime ce gros matou. Avec, dans l’ordre d’apparition : David Grubbs, Mice Parade, Mûm, Process, Kid 606, Set Fire to Flames, Björk/ Funkstörung, Transient Waves, Duplo-Remote, Matmos, Grain, Strmba, Seen, Sigur Ros, Fennesz, Drowsy, Crescent, Team Doyobi, Com.a, Dorinne_Muraille, The Dylan Group, Programme, Party of One, Xinly suprême, Giddy Motors, Black Dice et Sylvain Chauveau.
Déjà une anthologie !!
JJ.

THE NATIONAL Sad songs for dirty lovers
TEMPER new place, new face 
(Talitres/Chronowax)
Talitres rec, label Bordelais à la démarche iconoclaste et intransigeante insinue avec douceur, mais assurance, par frottements répétés de nos tempes, ses productions pop-folk-post-rock dans les couches sous-cutanées des nos consciences.

Concernant The National, les noms de Cohen (Leonard) ou de Staples (Stuart) surgissent inévitablement à l’esprit, tant la beauté du timbre, l’intonation profonde, et la tessiture vocale de Matt Berninger charrient toute la beauté du monde et sa tristesse dans le même temps…pourtant comment ne pas trouver en eux une part de singularité qui les place avec grâce en retrait des comparaisons. Une quiétude pastorale mêlée à une sorte de gravité sombre typiquement urbaine assez proche des horizons lointains de L’altra ou d’autres productions d’ Aesthetics, voire d’éléments perturbateurs plus enragés, plus directs.. Envoûtant !!!!

Temper, pour sa part, a beau être la première signature Française chez Talitres, elle n’a pas à rougir de cette spécificité tant l’élégance de ses compositions invite à oublier leur identité (de proximité)…Des compositions aux tons plus personnels, moins attachantes selon moi que The National, mais qui, recèlent cette part d’authenticité mystérieuse, cette patine familière qui s’immisce dans les plis de la voix, dans les partitions et passe d’un folk-Cajuns et des ambiances post-Velvetienne avec la facilité des grands. De l’intégrité, une belle plume mélodique et quelques moments particuliers à partager entre quatre murs, seul, si possible.
JJ.

WORLD’S END GIRLFRIEND Farewell Kingdom 
(Third-ear/La Baleine)
Si le titre ne l’indique pas, leur musique, elle, donne un semblant de réponse quant à l’origine et la provenance des musiciens (le Japon). Des harmonies calmes et zen, à l’énergie intériorisée, électronique de faïence à la douce poésie bannée d’instruments à la langueur abstraite : Cello, Violon, Saxophone…. Des instruments comme autant de lucioles, points d’ancrages à ses partitions nocturnes . Une musique méditative, minimaliste, apaisée dont les notes égrènent les saisons comme l’ont fait par le passé celles de Rioji Sakamoto ou les Rachel’s, quelque part entre la nostalgie du passé (la tradition) et une certaine idée de la modernité, respectueuse de l’humain.
Comme une famille qui s’agrandit, on retrouve des noms familiers dans les remerciements , depuis Joseph Nothing jusqu’au label Current, Tsutomu Noda ou Yoshihiro Hanno (Progressive form) La Contemplation comme un art de vivre.
JJ.

STOLOFF & HOPKINSON TM Idead_dual-woodpecker 
(Pause 2/ Chronowax)
Sous ce pseudonyme se dissimulent les travaux de deux dangereux déviants français, dont l’identité reste secrète malgré nos investigations (très légèrement) poussées. Gardons pour acquis que leur identité de scène soit celle de tous les jours.
Stoloff & Hopkinson TM est un album conceptuel, au bon sens du terme, il nous raconte une histoire en 3 actes, entrecoupés d’intermèdes drôlatiques, de délires fumeux de leur petites têtes de " Norvégiens ". (des sessions téléphoniques , des apartés funky), on se retrouve littéralement transposé dans leur monde.
La musique est une version mutante d’électronica, matinée d’abstract hip-hop chimique, d’easy listening décoincée et de pop 60’ hybride. Les textes en français, à peine chantés, presque lus rappellent la voix désinvolte et traînante d’une certain serge Gainsbourg (qui a d’ailleurs à son actif, le plus bel album conceptuel de tous les temps, Melody Nelson), de Air, pour l’aspect vaporeux (l’instrumental d’Idead ) ou Katerine pour le côté décalé des textes. Un duo de barjot branleurs, amusés, et extrêmement talentueux qui signe sur ce court 8 titres (dont 4 intermèdes) pas moins de 2 tubes dont l’apaisant Idead et le surréaliste et sautillant Woodpecker. Ici, on adore !!

MONIQUE JEAN L’adieu au SOS
FRANCIS DHOMONT  Jalons
  (Empreinte Digitale/Metamkine)
Drones lancinants des profondeurs, ambiances portuaires et fonds de cale… Monique Jean installe sans préliminaire les soubassements de son travail. 13’13 pour voix défigurées nous immerge dans l’appel au secours de rescapés en attente de secours, puis développe un schéma combiné d’électro-ambient spectrale et de rythmes métalliques post-industriels. Les qualités acousmatiques et conceptuelles de son travail sont indéniables, privilégiant dans cette quête un travail en profondeur, croisant le fer avec des femmes-écrivains contemporaines, depuis Hélene Cixous jusqu’à Denise Desautels ou encore Alejo Carpentier et son  Varèse vivant (écrivain qui je vous l’accorde, n’est pas une femme !) A choisir, on préférera ses travaux purement instrumentaux, comme l’étonnamment fluide " danse de l’enfant esseulée ", plus prompt à nous plonger dans l’onirisme de ces mondes sinistres et menaçants.

Chacune des partitions, combinaisons/ compositions de Francis Dhomont évoque une histoire, une sensation d’imprévisible par les climats qu’elles tracent, les panoramas qu’elles donnent à visiter mentalement . Dans le jeu de sculpture sonore de Francis Dhomont, l’œil jalouse fréquemment les oreilles. Sa contribution est une forme sensitive d’impressionnisme environnementaliste ; il semble puiser dans la nature, dans les ambiances et le contexte des lieux qu’il visite, la matière de sa création, avant de transfigurer ses sources via des processus de filtrages, de relectures charnelles et acoustiques. Francis Dhomont est un Agriculteur au sens étymologique du terme ; il transforme de ses mains la nature, pour en faire un artefact, une création " in situ ". Son environnement oscille entre le ludique, où les chants nocturnes des cigales deviennent une rencontre du troisième type (Vol d’Arondes ), ou l’inquiétant comme sur En cuaerdas ou des spectres d’arpèges de guitares traversent les pièces. Pour paraphraser le texte anonyme qui accompagne le disque : " l’univers sonore de Francis Dhomont demeure cependant celui de la métamorphose par le traitement informatique et la démultiplication par l’écriture électroacoustique ". Si Jalons était un tableau, ce serait " nu descendant l’escalier " !

On les prendrait volontiers pour deux jeunes fans égarées d’un Karaoké. Les deux japonaises de SSKHKH n’ont pourtant pas attendu la sortie en France de Red Talk pour phagocyter, autour de leurs personnes, l’attention du plus grand nombre. Pas moins de 50 000 fans au pays du soleil levant, et d’autres plus prestigieux encore parmi lesquels Cornelius ou Courtney Love. Pour autant, elles ne semblent pas s’en formaliser continuant à défricher leur rock abrasif et sale, mais mélodique en filiation directe avec The Strokes ou The White Stripes…Un buzz, certes mais qui ne nous prive pas de textes légers et décalés sur la chance, les sodas roses, les anges, le lait et le rock, ainsi que quelques beaux égarements de larsens, et de pédales d’effets distillés avec les mains, le cœur et les pieds . Sympathiques, électriques et salement efficaces.

Imperial Teens, les adolescents impériaux n’ont pas encore la stature requise pour asseoir leur séant sur quelque trône que ce soit…leur pop cultive tous les attraits du dynamisme (joie, vitamine, vitalité) mais laisse un peu l’auditeur sur sa faim. Un je ne sais quoi qui sonne par trop naïf ? une crédulité des mélodies trop affichée ? Sans doute le faible potentiel combatif des mélodies, leur manque de nuances ? Quelques moments très agréable pourtant… les amateurs purs et durs de pop acidulées y trouveront sans doute leur compte.

Le nu-jazz connaissait déjà ses portes drapeaux flamboyants en les personnes de Rubin Steiner et consorts. Le Taxi Prod affiche le désir intime de défricher la génération d’après en présentant un panel varié d’artistes évoluant dans ce style à la croisée des genres funk-be-bop, proto disco, breakbeat….une très bonne atmosphère au long de cette compilation sans toutefois y déceler beaucoup de surprises… avec Mini répertoire (dont le morceau figure déjà sur la compile Mezig), Sayag Jazz Machine, Freecab, Legeer, Interface, Process, Valse de vienne, Juice, etc…..

JOE WILLIAMSON The ungrateful Carjacker 
(GROB/ Metamkine)
C’est devenu un lieu commun que de dire que le jazz a permis l’émancipation des musiciens d’accompagnement (Piano, Contrebasse, Saxophone) de leur rôle secondaire, leur permettant d’exprimer un plus large champ de sensations, une gamme d’émotions jusque là insoupçonnée. Cet héritage de Monk, de Coltrane, de Mingus,(parmi tant d’autres) Joe Williamsson le porte en lui et l’assume avec la justesse et la mesure de son talent.
Nous avions fait sa connaissance via Kleta Red, groupe exaltant mené tambour battant par Leonid Sojberman. Ce n’est également pas faire œuvre de désinformation que de vous dire que le contrebassiste traîne, depuis quelques couples d’années maintenant, sa carcasse de bois et de cordes au sein des collectifs de Free-Jazz et de musiques improvisées les plus émancipées de la planète, Le Canadien joue régulièrement ave Olaf Rupp, Martin Stiewerts (SCCI), Tobias Delius’s Quartet, Boom Box (avec Thomas Borgmannà Eugène Chadbourne, Sven Ake Johansson, candy trio, etc….The Ungrateful Carjacker marque le début de sa carrière soliste. Les drones de son lourd instrument roulent sur le sol comme la foulée de quatres cavaliers de l’apocalypse. Les vibrations ancestrales, primales à la dimension chamaniste, incantations d’un autre temps, parcourent notre échine et secoue nos muscles de spasmes salutaires Le champs large de ses collaborations a offert à son répertoire une palette de teintes riches, bigarrée en plus d’asseoir la maîtrise technique de son instrument. Williamsson survole de toute sa grâce son art ; ses doigts effleurent, pincent, frottent percutent, caressent le corps de l’instrument livrant à l’auditeur le quasi spectacle, dès lors qu’on s’autorise à fermer les yeux, d’un orage nocturne.. Une démonstration de savoir faire, mais qui a la sagesse de dévoiler des parts de perfectibilité, comme autant de suppléments d’âme à la composition. Elémentaire et lucide.

BILL LASWELL  Dub Chamber 4 : book of exit 
(Roir/Tripsichord)
Bill Laswell continue son exploration minutieuse de ce qui fait l’essence de ces Dub Chamber, forme de rencontres prolongées de ses deux amours, à savoir le Dub urbain époumoné et l’introspection dans les musiques ethniques africaines. Il continue cette collaboration avec le label mythique ROIR.
Alors que le personnage représente à maints égards, une sorte d’allégorie vivante de l’implication musicale, on ne peut s’empêcher de rester perplexe, voire sceptique quand à la qualité de ses expérimentations de crossover….On a le sentiment de perdre irrémédiablement quelque chose dans l’histoire. Le fruit de cet amour n’est sans doute pas à la hauteur de l’union énoncée.
Pourtant, chaque mouture développe à la faveur d’une entrée, d’un angle d’approche, un aspect, une facette de cette fusion de genre. Ce volume 4 est clairement construit autour de la puissante et envoûtante voix de Ejigayehu " gigi " Shibawaw.
Si la générosité s’exprime sans détour, on conçoit plus difficilement la manière dont Laswell conçoit cette musique , sorte d’entrelacs de passages de basses aquatiques et de litanies néo traditionnelles. Les amateurs du maître apprécieront…
JJ.