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Entretiens

  JadeWeb chroniques #12
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LES ENTRETIENS
. Clinic .

. Piano magic .

. Bip-Hop .
. Arbouse Rec .

MEMENTO MELODIES

À LA LOUPE
Le label Z & Zoé

LA DEMOTHEQUE #1

CHRONIQUES #11
DORA DOROVITCH . MASSIMO . FLIM . SUBURBIA . DAKOTA SUITE . QUINTET AVANT . THE MAJESTICONS TROUBLEMAKERS . DORINE_MURAILLE . SCHMOOF . FABRICE EGLIN / BENJAMIN RENARD . TONNE . HOMELIFE . LAUDANUM . PULP FUSION . ELEKTRONIK . APRIL MARCH . KOMET Vs BOVINE LIFE . MAJA RATKJE . GISCARD LE SURVIVANT . NAD SPIRO . POPULOUS . SNOWBOYS . JOHN BELTRAM . SR. CHINARRO . HOGGBOYS . AMON TOBIN . STUNTMANN 5 . SON OF CLAY . TENNIS . THE CARIBBEAN . PANOPTICA . TELEFAX . ALEXANDER PERIS . IMAGHO . SKETCHES OF PAIN . FRZ-IMAGHO . MOU, LIPS . SCANNER + TONNE . SALVATORE . VENETIANS SNARES . ANGEL . ABSTRACT KILL AGRAM . Battle of the Year 2002 . HAND OF DOOM . SPREAD LOVE .BURT BACHARAH . CALLA . PURÉE NOIRE . ELEKTRONISCHE MUSIK TAPE 10 . OBOKEN . RUBIN STEINER . BLACK DICE . BIP-HOP VOLUME 6 . EVA CASSIDY . CYANN & BEN . LEE HAZLEEWOOD . EPSILON SIGMA CLUB . RODAN . EUELL . ANALOGUE . MANTA RAY . KAITO . A1 PEOPLE . STARGAZER

CHRONIQUES #10
CAVIL . CAMPING CAR . POST OFFICE . DAVID WHITAKER . INFORMATION . DELAY MAKES ME NERVOUS . V/a LEAF . SOGAR . KAT ONOMA . CADIER / BURGER . MY LITTLE CHEAP DICTAPHONE . COLLECTION OF COLONIES OF BEES . SPECTRE FEATURING . SENSATIONAL . FENNESZ/MAIN . TARTWATER . NICOLAI DUNGER . ALEXEI BORISOV . BUSY SIGNAL . UN CADDIE RENVERSE DANS L'HERBE . IDAHO . MS JOHN SODA . OLIVIER QUEYSANNE . GOR . BJÖKENHEIM / HAKER FLATEN / NILSSEN-LOVE . PAUSE CAFE . MUS . FLEUR . FORMANEX . THE PHENOMONOLOGICAL BOYS . GHISLAIN POIRIER . MORGAN CANEY & KAMAL JOORY . DENZEL & HUHN . V/a PARTICULAR SYSTEM . RONNIE SUNDIN . ACTIVE SUSPENSION VS CLAPPING MUSIC . OLIVIER LAMM . THILGES 3 . ZOHREH . TUE-LOUP . HLM . FAUST . BUNGALOW . DICTAPHONE . COLLIN OLAN . 17 HIPPIES . NOONDAY UNDERGROUND . DENSE . VISION SHRINE . DAVID DESIGN . PURE . KUBIK . ACETATE ZERO . MASON JENNINGS . DIAGONALE STABLE . ANTIFROST . CORDELL KLIER . MINAMO / JÔRG-MARIA ZEGER/I-SOUND + D. RAFFEL . MIMETIC MUTE . PHILIP SCHEFFNER . TRAVAUX PUBLICS . MONTAG . T. RAUSCHMIERE . COLLEN . GUITAR . END . BATTERY OPERATED . IDENTIFICATION . ALAIN BASHUNG et CHLOE MONS . BREMSSTRAHLUNG RECORDINGS . DAYGAL . MICHEL & MICHEL . LA GOUTTE . RJD2 . TUJIKO NORIKO . SUPERSOFT [14-18] / ANDY’S CAR CRASH . GEOGRAPHIC . El-P . 22 PISTERPIRKKO . MLADA FRONTA . NO REWIND V/a . MILEVA . TRIBECA . DING DAWN . SCORN . THE WALKMEN . YUNX

 
 
 
 
 

DONNA SUMMER This need to be your style
(Irritant/Toolbox)

Toute l’ironie et le cynisme du projet est contenu dans le pseudonyme du groupe et son intitulé. Sous couvert de cet emprunt patronymique à la reine discoïde de la fin des seventies ; Donna Summer cherche à exorciser l’hédonisme triomphant du genre disco autant qu’à en marquer son achèvement clinique. Un doigt d’honneur plus qu’un pied de nez, résumé dans cette pochette de squatters Anglais chevelus du début 80’ et qui trouve son accomplissement dans cette musique. Cette musique, justement, forme de superpositions extravagantes et de glissements géniaux de sons funky 70’ type Harmless/ SoulJazz/ Superclass (les sections cuivres sur What you truly need et cette ligne de basse !!!), d’assauts Groovy et Looney Tunesques, de vitrification de glitchs trafiqués et boiteux, de bootlegs hasardeux et de breakcore désinvolte... Héritage récents du sieur Kid 606 et d’autres comparses du genre (V/Vm ; Lesser) A lire la bio d’Ed Flis , mentor d’Irritant et tête chercheuse de Donna Summer, le jeune homme voue un culte à Supertramp ( !!!) alors même que Pierre Bastien, Bernard Parmigiani, End, KK Null Squarpusher Public Enemy , Yes ou His name is Alive figurent au panthéon de ses aspirations musicales… nécropole aussi improbable que bigarrée et vivante.
D’autres noms jonchent sa courte discographie, depuis Omeko rec., Brooklyn beats, cock rock Disco, Joseph Nothing ou Computers…Enfant d’une Trash Culture joviale, il assène avec une spontanéité rare cette " disco breakcore " primesautière et exigeante. Cool et bienvenu !!! Avis catholique (ultra) favorable. Funk you !
JJ.

 
 
 
 

SYLVAIN CHAUVEAU Un autre décembre
(Fat Cat/ PIAS)

On pourrait tout aussi bien sous-titré cet  autre décembre "chronique d’une évolution annoncée". L’approche minimaliste à laquelle se livre Sylvain Chauveau est devenue de plus en plus palpable au fil de ses 3 albums dont " un autre décembre " marque ici la fin du triptyque (et quelque part le début d’une nouvelle étape) .L’approche néo-classique de ses débuts a progressivement subi l’épure de son jugement et de sa volonté d’essentialisme.
Trois idées gouvernent le dogme intime auquel il s’astreint : " rester aussi proche que possible de la beauté abstraite du silence / faire que chaque son illumine l’harmonie par son évidence / rester fidèle à son histoire et à ses influences."
La beauté irrationnelle qui prend forme sous nos yeux se joue autant dans les profonds silences que dans les fugaces gammes, jeux d’ombres chinoises où la pénombre et la lumière se plaisent à redéfinir les formes et créer des silhouettes fantomatiques, dans une subtile chorégraphie en mouvement. Les silences emplissent de leur gravité les clairières ouvertes de la composition, redéfinissant à la manière d’Arvo Part, ou de Dakota Suite le mouvement et l’espace.
L’au delà de sa culture musicale et sa recherche de la note juste (fuir l’ostentatoire) passe nécessairement par l’admiration qu’il voue à Bresson et son esthétique de la limpidité. (Passage des images vivantes aux images immobiles).
Il emprunte également au texte de Brel ou cet Autre décembre figure comme une réponse amère et nostalgique d’un présent qui rejoint le passé. A l’heure où les ombres accouchent d’autres ombres…
JJ.

 
 
 
 

PIERRE REDON  solo  (L’oreille Electronique)
Sobrement intitulé Solo, les à-côtés de cet album nous en feraient presque oublier le dessein principal de son objet : son écoute ; ainsi , on aimerait s’épancher pendant des heures sur le splendide objet qu’on tourne et retourne entre nos mains, conçu et réalisé d’après dessins et maquettes par Jean Pierre Valette, sorte de petit livret cartonné où flottent d’étranges formes monocellulaires dignes de Miro, gansées d’une armature fine de tiges métalliques qui en assurent la protection. Les appréciations du livret aussi, pendant humain de sa musique, où Pierre Redon décrit le contexte et les conditions de sa création avec simplicité et intelligence. Enfin, la musique, nous y voilà : fine, sensible, évidente, fruit de captages acoustiques, de sonorités naturelles  et d’introspections électroniques : de l’électroacoutique belle et intuitive, quelques fois drôle et surprenante comme ce cri du Monstre, fruit de je ne sais quel mariage contre-nature (une Scie ? un ressort ?) ou de moments plus calmes, apaisés (Interlude II).
JJ.

 
 
 
 

MAPSTATION Vs RAS DONOVAN S/t
(Staubgold/ Chronowax)

Stephan Schneider a multiplié ces derniers temps les approches et les goûts, divisant en autant de projets qu’un diamant a de facettes ses parutions musicales. Une vision typiquement allemande pour une classification régularisée ; l’idée d’un ordonnancement rationnel . Mapstation développe depuis 2 albums des circonvolutions électro-Dub minimalistes. L’adjonction de la voix de Ras Donovan , si elle donne épaisseur et texture à la trame mélodique peut aussi s’interpréter comme un gage de légitimité " roots " à l’attention des amateurs du genre. Si on rentre au départ mollement dans l’album ( L’austérité rythmique, son caractère répétitif frôle les écueils du genre), c’est pour mieux s’emparer par la suite des mélodies entêtantes, et instrumentales que sont Wake Up et Effects of my Haste.
La pondération des basses, le flot lent des rythmes cautionnent un sentiment mêlé de torpeur et de quiétude qui ne se dément pas au fil de ce court album.
Stephan Schneider expérimente de nouveaux sentiers de sa géographie intérieure, déjà esquissés dans certaines compositions de ses projets adjacents.
Un équilibre entre pesanteur électronique, dub analogique et speech roots qui renvoie à des influences notables depuis Him jusqu’aux charismes des Hu Vibrationnal (Estern rec)

JJ.

 
 
 
 

FONICA  ripple
(Tomlab/ Chronowax)

On est dans un premier temps happé par ces visuels légers comme l’air, perdus quelques part entre l’imaginaire de Follon et les signalisations imagées de Tati ; des flèches semblant migrer, fuir, s’extirper de la cacophonie des villes, gagner la campagne et son silence imaginaire.. Fonica est un duo (Keichi Sugimoto & Cheason).
Préalablement sorti au Japon, cet album a connu une deuxième jeunesse aux côtés de Tomlab. après un artwork revisité ainsi qu’un allégement substantiel (la version japonaise contenant des remixes de Sogar et Mitche Akiyama).
Sorte de parabole d’un monde urbain pressé où le seul exutoire a les contours d’un voyage onirique et poétique, Fonica conjugue à la première personne du conditionnel une musique enivrante et grisante, constituée pour partie de glissando de guitares lo-fi, d’arpéges folk aérés et d’autre part d’impromptues et de fourmillements digitaux, de collages et d'inespérés flux numériques. On pense irrémédiablement aux jolis moments que nous ont offert par le passé Sogar, Isan, Mum, The Book  ou encore certaines digressions folk pastoralesde Mantler ou de Jim O’ Rourke . Leur musique laisse librement s’exprimer la poésie d’un quotidien qui nous échappe. Apaisant et fébrile.
JJ.

 
 
 
 

KAMMERFLIMMER KOLLEKTIEF Cicadidae 
(Staubgold/ Chronowax)

The Kammerflimmer Kollektief a atteint un degré de sérénité absolu et de maîtrise de ces espaces sonores peu communs. Difficile de trouver en équivalence groupe dont la musique vous imprègne dès les premières mesures avec une telle intensité, vous berce dans un climat élevé de plénitude, se permettant au passage des constructions free éclaires (et alambiquées comme sur Neumond Inselhin). L’intégrité de cet album, la justesse miraculeuse des mélodies, dans la beauté des ambiances, la fusion physique du jazz, des ambiances post-électronica, post–rock …Jazz évanouis, électronique du Troisième millénaire.
L’accoutumance aux grands espaces du far west aura offert à ce troisième opus des atmosphères étranges, à la fois free et rangées dans le même temps, jamais loin des BO de Morricone, d’Il était une fois le bronx , de Air ou d’anouar Brahem. L’album fait pesamment évoluer sa mouture, sa chimère de jazz vers des sphères plus astrales . Il explore avec la même détermination qu’à ses débuts l’interface encore méconnus, les rapports de forces entre Jazz (libre ou attaché), musique électro-atmosphérique et post-rock vaporeux.
Les noms de Pan American, Hood, gravitent, s’enchevêtrent à des frottements analogiques….la virtuosité de ce métissage échappe un peu à l’analyse… dennNacht ist jetzt schon bald ! compose ainsi le carambolage rêvé de Pharoah Sanders et d’Opiate. Pourquoi le talent démesuré, l’humilité et le discrétion font ils si bon ménage ???
Mince alors, un petit chef d’œuvre !
JJ.

 
 
 
 

TRAVAUX-PUBLICS  
Hymne électro- synthétique
  (TP) [
Mèl]

L'appareil travaux publics, après avoir frappé à grand coup de phalanges le tampon des Pianos et laissé le punk couvert de bleu, la gueule ouverte, pour mort, vient aujourd’hui dépuceler la musique électronique 80’, déniaiser les synthétiseurs bontempi, ébranler les tenants d’une électro-clash déjà Mort Née.
On aurait pourtant du s’en inquiéter...quelques signes avant-coureurs pointaient leur nez comme autant de mises en garde. A force de voir le comptable de TP ressortir ses vieux shorts élimés en lycra 3 bandes (pailletées), arborer fièrement ses badges Bonnie Tyler et Dead Or Alive, on devait s’attendre à une rechute musicale…C’est chose faite.
De même que les théoriciens grecs inscrivaient la perfection géométrique à la faveur des proportions d’un rectangle parfait…l’équipe de TP a trouvé dans le tube de Visage  Fade to grey  un mètre étalon en matière d’électro-New wave 80’, à même de raviver les plus infimes parcelles d’élans créateurs de cette scène musicale Française.
Privilégiant la musique avant les strass, préférant la création à la promotion, ils ont eu l’extrême audace d’éconduire (à regret, le choix était dur) les morceaux d’illustres participants pour ce chantier n°3 : des Pointures internationales et nationales de la musak (Pas de noms !).
Pour les autres, heureux artisans du son à avoir franchi la barrière des sélections, on assiste à la concrétisation de la règle numéro 3, à savoir la production de tubes à la chaîne …un déluge d’électro datée, de clins d’œils revisités (avec intelligence) sur cette période perdue entre 81 et 85 : l’avènement des synthétiseurs cheap et des textes abscons.
On retombe joyeusement dans cette atmosphère ingénue et frivole et ce, dés les premières mesures. La compilation synchronise son pou avec les meilleurs crus du genre depuis les égarements d’Adulte en passant par Console, DMX Crew jusqu’aux compiles Electro Luv ou Ghost rec (Miss Kittin, Fisherspooner, 13Diktator, Hong kong Kounterfeit…. ).
Cependant, Si ce troisème chantier est une tuerie pour dancefloor, on serait bien con de l’affubler trop rapidement d’une étiquette exclusivement électro-clash. L’éruption de sons de synthé, d’échos de play-back, la recherche d’une démarche 80’ est à ce point respectée qu’elle confine à certains moments au mimétisme.
Ce qui fait la vigueur de ces 19 titres, c’est la solidité mélodique, la variété harmonique des approches, leur sincérité, aussi…les samples n’ont pas l’agressivité de ce début de siècle mais la naïveté un peu conne des early eighties, une époque fantasmée où on croyait encore que le rose et le noir s’accordaient, que le spencer avec cravate en cuir coins carrés symbolisaient le summum de l’élégance, que Véronique et Davina allaient révolutionner nos culs, que Ronald Reagan, c’était décidément quelqu’un de bien ! (et un bon acteur ) et que Plastic Bertrand avait un bel organe.
Bref une mise en scène de cette période hédoniste où l’apparence triomphait du contenu. Sentiment que font cependant mentir ici, les vénérables membres de la confréries TP, tant ils rendraient presque intelligents certains morceaux à force de leur donner du relief !!!
Avec, je prends mon souffle : Flairs, Big Ben, Ben Symphonic orchestra, Cinelux, Electroménager & gershin on fire, iologic, Laudanum, meniamandine & leonard de leonard, Phoneker, nicolas erréra, Placido, the anilenoxx, pouic pouic, edredore, croque love, Ben symphonic orchestra, camping car, étienne charry, Komori, novovisions deluxe et les ouvriers qualifiés etc….
C’est statistiquement prouvé, aucun label soit-il n’est en mesure d’aligner 4 Productions exemplaires sur le fil tendu de la continuité...du moins jusqu’à présent. Travaux Publics met un coup de boule aux stats, sortant à nouveau un objet rare et beau car unique, sa 4e entreprise de salubrité publique !
JJ.

 
 
 
 

STATE RIVER WIDENING s/t
(Rocket Girl/ Chronowax)

Emouvoir à la faveur d’une simple mise en relief d’instrumentation est à peu près aussi aisé que de saisir les mots justes pour parler d’amour dans une langue étrangère.
Une vrai et belle gageure dont State Rivers Widening s’acquitte depuis maintenant quelques années.
Le temps à beau s’écouler, se consumer dans un sablier sans fond, State Rivers Widenings, imperturbable, effeuille toujours la beauté du monde avec la même finesse et la même vigueur contenue, ébranle le cœur des amateurs d’une folk-post-rock ni tout à fait urbaine, ni totalement rurale. Le quatuor contribue de nouveau à cet état de fébrilité extatique, insinuant ses instrumentaux fluides, ses mélodies soyeuses au confins de nos artères. Un contexte musicale pas foncièrement nouveau, nourrissant des accointances avec Tortoise, et les arpèges de guitares isolées de Jim’O Rourke ou Nick Drake . De lentes digressions à cordes sur le mode pastoral, pour une musique calme et apaisée. Des brises fraîches de synthétiseurs cernées de vibrato par dessus. Tout un monde résumé en un album.
JJ.

 
 
 
 

ANTHONY PATERAS & ROBIN FOX  Coagulate 
(Synaesthesia/ Chronowax)

Cette nouvelle production du label Synaesthesia stigmatise à elle seule quelques uns des courants les plus emprunts d’indépendance et les plus symboliques des musiques libres et émancipées : poésie sonores, ambient isolationniste, expérimental, minimalisme.
Coagulate entame sa marche avec Vox Erratum, héritage d’une poésie sonore et vocale sans concession, qui d’Antonin Artaud à Jaap Blonk, en passant par Pierre André Arcand oeuvre pour cette poésie action, cette poésie virulente, extraite aux forceps des pages imprimés , crachant syllabes, borborygmes et autres onomatopées par tous les moyens.
Le morceaux en question évoquent les expériences les plus épuisantes de Braaxtaal, de Kurt Schwitters avec les techniques de collage de Nadja Ratjke : la mutation violente, incontrôlable d’un corps, l’équivalent sonore du Scanner de Cronenberg.
44 degrés Splinter, pour sa part impose son hiératique minimalisme, une pièce aux confins de l’abstraction pianistique et de la musique tonale alors que Cranking the dwarf explore la matière électroacoustique avec violence et dérision ; un recul sur eux-mêmes bien venu.
Une maîtrise surprenante des 3 dimensions, qu’elles se maquillent aux détours de bruits blancs, de collages poétiques ou qu’elles évoluent dans les wavefields les plus dépeuplés, il ressort de la musique de ce duo toujours la même intensité lumineuse.
JJ.

 
 
 
 

INGFRIED HOFFMANN Robbi, Tobbi und das Fliewatüüt
(Diggler Records/ Pop Lane)

Considéré à plus d’un égard comme une oeuvre majeure de l’animation, Robbi, Tobbi und das Fliewatüüt  est un grand classique de la culture Allemande des années 70, comme peut l’être Thunderbirds pour les américains, ou Pollux pour les français. L’histoire est celle peu commune d’un enfant ayant pour meilleur compagnon un robot…avec lequel il se déplace d’aventure en aventure sur une voiture volante (!).
Un bijou de créativité visuelle et  esthétique (pour l’époque) auxquels sont venues s’adjoindre quelques prouesses techniques (la technique du Break Throught).
Cependant, le réel extase qui se livre à nous n’est point de l’ordre de la vue, mais bien de celui de l’ouie. Ingfried Hoffmann a sans aucun doute offert ses lettres de noblesses à la bande originale d’animation pour enfant, en orchestrant, autour de thèmes choisis, des perles de mélodies seventies, des sommets d’arrangements pour cuivres et pédale wah-wah, le mettant au niveau d’un Lalo Schiffrin (Période Bullit/ Enter the Dragon) d’un Jean Claude Pelletier, un Vladimir Cosma ou d’un Baxton (pierre Bachelet). L’atmosphère pattes’ d’ éph’- poutre apparente, cheveux longs et idées libertaires est perceptible sur chacun des titres, revisités à l’occasion de cette sortie par le Frank Popp Ensemble. A cela viennent s’ajouter, se superposer par intermittence au fil de l’album des extraits de dialogues de la série, nous replongeant, nostalgiques jusqu’au yeux dans les réflexions de fond des personnages. Du miel pour les amateurs de Blow up, de Desco rec ou de Inflight rec…. Absolutely Kitch !!!
JJ.

 
 
 
 

LEXAUNCULPT the Blurring of trees 
(Planet U/ La Baleine)

Comme pour mieux signifier ses nouveaux horizons, Alex Graham entame sa marche par un chorus d’orchestre. Puis, l’électronica instable, les grésillements frêles et périssables font leur entrée, les scratch’n cut prennent leur marque, apposent leur cadence.
On perçoit l’écriture de Lexaunculpt à la manière d’un lent mouvement fluide où le bercement des harmonies symphoniques pour micro-processeurs compense, rééquilibre l’énergie liquoreuse des rythmes, avant d’être progressivement happé, phagocyté par ses fébriles blip’n cut et ses basses sourdes.
Une approche extractive et dynamique de la composition qui n’oublie jamais la mélodie…les morceaux dérivant toujours avec grâce et agilité, sorte de synopsis philharmonique du 3e millénaire.
Lexaunculp évolue avec une aisance irraisonnée, presque insolente entre les espérances de Gescom, Styrofoam, Gorecky, Boards of Canada, Satie, ou Richard Devine, …. les fans de SKAM, Schematic, Warp, Planet mU en auront pour leur oreilles (et leur argent aussi).
Une leçon d’élégance et de raffinement en mode mineur à destination des barons du genre. Ce " has been trying to wonder " justifiant à lui seul, l’existence de l’album. Prix d’excellence.

JJ.

 
   
 
   

THRENODY ENSEMBLE Timbre Hollow 
(All Tomorrow’s Parties/ Vital)

Lorsqu’on a vécu durant des mois, sous la dépendance et le joug absolu de références telles que celles de Rodan, Bastro ou Slint, le sevrage impose une rigueur absolue, une détermination tyrannique pour fuir la rechute. Puis, à mesure que passent les saisons, on se surprend à respirer des effluves volatiles de ses premières tentations… qu’elles prennent la forme de The for Carnation, Aerial M, Pullman, Gastr del Sol ou A minor Forest…. A minor Forest, justement, qui constitue le socle primaire, le chevelu racinien à l’existence du Threnody Ensemble. Dave Cerf et Erik Hoversten en sont issus ; ils y ont placé les plus belles années de leur vie nous donnant au passage quelques uns des plus beaux moments des nôtres. (Flemish Altruism & inindependence sur Thrill Jockey).
Mais le passé est le passé et il convient de toujours regarder droit devant…un optimisme forcené qui leur a permis de remonter en selle, en s’adjoignant au passage la complicité du "celliste" Dominique Davison.
Une musique du présent qui a quand même la nostalgie du passé (le producteur n’est autre que Brian Paulson ( " Spiderland " de Slint, Gastr del Sol, Beck, Mark Eitzel…).
L’apport du cello bouleverse totalement les rapports de force au sein de la composition. Construit à la genèse autour de deux guitares acoustiques et du cello, le projet sans perdre en intimité s’est adjoint les collaborations de musiciens divers, nourrissant toujours plus en profondeur la réflexion de leurs apports autour d’une forme hybride, nuancée de néo classicisme tonal (façon Rachel’s) et d’univers pastoraux où l’essence d’une country lointaine rencontre des folks songs introspectifs. A pleurer pour quelque chose, faites le au moins en compagnie de Timbre Hollow. Splendide !!
JJ.

 
   
 
   

BERG SANS NIPPLE  form of.... 
(Gumspot/ Prohibited/ Chronowax)

Ce duo, en sus de cultiver une ressemblance physique assez troublante, prend un malin plaisir à faire de l’osmose la figure de proue du duo berg Sans nipple ; soit 2 hémisphères qui se jouent de leurs attractions réciproques tout en cultivant avec discrétion leur diversité.
Leur diversité, elle se taire surtout dans les approches qu’ils cultivent au sein de leurs groupes respectifs : Lullaby for the Working class, Songs Ohia, pour Shane Sans Nipple Aspergen, et un leg issu des cendres encore incandescentes de Purr et du brasero Don nino pour Lori Sean Berg.
Au delà de leurs héritage respectifs, la logique du groupe s’éveille et se livre dès lors qu’on intègre les provenances géographiques des protagonistes. A la double nationalité, répond une double dimension culturelle, une double sensibilité (Franco-Américaine). Un sentiment d’ailleurs, qui pour autant enrichit l’album sans en faire un inconnu, un apatride. On connaît déjà ses accords familiers issus des scènes rock indé de Chicago, on devine en filigrane une culture musicale commune.
On est dès les premiers accords, les premiers fragments de rythmes, souffles de mélodie sous le charme de leur musique, convaincu de vivre un moment particulier, unique où le fil de la création, son synopsis se déroule lentement, allant toujours plus loin dans la cohérence et la beauté (le sublime a free…..). Un talent de Song-writing stupéfiant, servie par l’intelligence, et le panache (oser l’expérimentation). Entre Fourtet et Sébastien Tellier. Absolument indispensable !!
JJ.

 
   
 
   

DORON SADJA A piece of string, a sunset
(12K/ Import)

Taylor Deupree, nous donne l’occasion de découvrir l’univers tout en nuance de Doron Sadja. Des nuances ciselés, discrètes, qui se dévoilent dans les fibres de la moquette, dans les stries du parquet, à une échelle infra-cellulaire, où l’ouïe doit nécessairement prendre le pas sur la vue.
A piece of string, a sunset, est divisé en 5 mouvements comme autant d’explorations et de réflexions sur l’amplitude, la matière sonore acoustique, les sound files et autre sinewaves. Une musique qu’on devine comme une balise, isolée au large des côtes, envoyant dans l’immense silence de l’océan son message codé, pulsations anonymes en quête d’humanité.
D’une approche au départ assez abstraite et limpide, rappelant des artistes comme Cordell Klier ou Comae, Doron Sadja laisse doucement dériver ses pensées vers des champs plus nuancés, où les rythmiques statiques, blanches de limpidité façon Pan Sonic, Ryoji Ikeda se mêlent à des approches ultra minimale de la musique façon Microwave rec.
Cette analyse n’enlève rien au caractère captivant, aux potentialités mélodiques de sa musique, le 4ème mouvement étant l’exemple parfait d’un croisement entre une petite harmonie répétitive et belle parsemée de poussières de rythmes éphémères.
JJ.

 
   
 
   

TEPR The Deadly Master of Rappers From Hell 
(IDWET [Mèl]/La Baleine)

Déjà entre-aperçu sur quelques compilations hautement recommandable, (Ele[K]tronic, Effervescence et Id02 d’Idwet)….Tepr vient enfin confirmer à la faveur d’un album court mais intense tout le bien qu’il disséminait déjà autour de lui.
Side Project d’Abstract Keal Agram, Tepr est le fruit d’une personnalité, celle de Tanguy Destable, tant dans la sélection des instruments employés (Piano, guitare, ordinateur) que dans le choix des atmosphères développées (engoncées quelques part entre de l’abstract hip-hop atmosphérique lignée Delarosa & Asora et du Ill-rock bancal façon UI).
Si l’on sent avec une ardente détermination l’empreinte d’un Scott Herren ou d’un Dabrye dans les compositions du Rennais, c’est surtout dans la manière qu’il a de faire évoluer ce legs vers des univers plus complexes et/ou plus intimistes. L’Agencement de beat bancals et syncopés (Yto) et de phases musicales lénifiées quasi spatiales ( nous n’y sommes pas –Tepr Empereur) offre des combinaisons nouvelles, audacieuses, et pour tout dire excitantes.
A découvrir !
JJ.

 
   
 
   

DISCOM Automoto
(Deco/Chronowax )

La doctrine de Discom (Erik Minkkinen et Lionel Fernandez ) gravite autour d’une définition bi-polaire de l’électronique. De même que le jour et la nuit s’exaspèrent de leur perpétuelle alternance, la part de sauvagerie analogique contenue dans les fibres de Discom n’a de cesse de se laisser tirailler par des phases d’ascensions mélodiques et d’accalmies créatrices tout au long de cet "Automoto ".
Cette équivoque a pourtant l’avantage de créer une réelle discussion, entre le refus de céder au facile d’une part : les plages expérimentales exprimant pour partie cette prise de position. (l’envie de vivre la pratique musicale comme une mode d’action plein et entier).
De l’autre, la fondamentale envie de communiquer , de livrer une gamme de sentiments étagée entre la douceur et la quiétude.
C’est dans l’équilibre entre ces deux forces que leur musique s’épanouit. La subtilité de cette communion doit autant à son ramage qu’à son plumage. L’expérimentation poussée des sons, la recherche de nouvelles sonorités instables, d’eurythmies précaires, de consonances branlantes sert toujours le traité de départ et néglige de ce fait toute auto-congratulation conchiée.
Même si l’approche n’est pas toujours évidente et rejoint les travaux des Farmer Manuals à l’occasion, ils laissent facilement leurs compositions se délier de manière ludicielle (façon Skipp record ) ou évanescente (Formoll).
Une musique qui simule le caractère changeant de tout un chacun, entre colère et instant de joie, entre réflexion fournie et relâchement intellectuel souverain. De l’irréel intact dans le réel dévasté.
NB : Soulignons le graphisme impeccable de rigueur, où les lignes droites fluides, toniques et colorées prennent à l’occasion la tangente.
JJ.

 
   
 
   

REPEAT pool 
(CUT/Metamkine)

Faisant suite à un album remarqué (et apprécié) sur la structure suisse For 4 Ears , J. Khan & N. Takemura réinvestissent la tranquillité inquiétante de leurs espaces sonores à la faveur de ce "pool", sorti sur CUT.
La pochette est une belle épure, pièce de carton sérigraphiée délicatement pliée en son centre. La musique, quant à elle, esquisse avec une admirable leçon d’humilité, les rivages délicats de l’électro-acoustique. L’amour de leur art est vécu de manière totale, absolue…ils ne transigent avec aucune concession, ne bradent ni leur identité ni leur liberté.
Jason Kahn et Toshimaru Nakamura (qu’on voit traîner sur le minimalistique label A Bruit Secret (No-imput mixing board #2) en compagnie de Taku Sugimoto, Brandon Labelle….) s’accordent à traiter dans un jeu de va et vient les hautes et basses fréquences, les pôles extrêmes du chant sonore, à la faveur d’une table à mixer, de capteurs électroniques et de percussions ciselées.
Cela donne au final une ambiance, monastique, à l’orée du liturgique, comme si voix au chapitre était offert au silence et au recueillement. De l’électroacoustique minimale, (in)sonorisée, audible en filigrane . Le frôlement fugitif du brouillard sur la surface d’une feuille de soie?

JJ.

 
   
 
   

SUPERSILENT 6 
(Rune Grammophon/ECM)

De prime abord, ce Supersilent 6 contribue à façonner toujours un peu plus le mystère ( le mythe) qui entoure cette formation. Aussi inclassable qu’iconoclaste, Supersilent ( Stale Storlokken, Arve Henriksen, Jarle Vespestad, Helge Sten) multiplie les fausses pistes et les embuscades. Refusant d’ergoter sur une direction précise à donner à la structure, chacun de ses albums développe des tournures distinctes, des orientations autres… Depuis la pluie ionique de particule digitale du " 1-3 ", le jazz raffiné de " 4 ", l’isolationnisme translucide de " 5 ".
On devine dans 6, par éléments esquissés, par omissions volontaires ou bribes fugaces un peu de chacun de ses prédécesseurs. En cela " 6 " fait figure de synthèse, la combinaison majestueuse entre la pesanteur glaciale, la chaleur australe du souffle jazzique et le travail en profondeur de l’expérimentation, creusant toujours plus loin l’écorce terrestre de l’imaginaire et de la création.
Un album spontané et émancipé, fils de l’instinct et du hasard (enregistré d’une prise en 5 jours) qui (re)donne ses lettres de noblesses au mot improvisation, tant tout semble s’agencer de façon suprême.
John Surnam, Moondog, Steve Reich et God speed you Black emperor! sont sur un bateau, personne ne tombe à l’eau, qu’est-ce qui reste: Supersilent 6. L’équivalent Nordique d’ascenseur pour l’échafaud !!! Une splendeur !!!!
JJ.

 
   
 
   

NAW The resound of a foggy autumn dawn 
(Noise Factory)

La structure Noise Factory semblait jusqu’à présent porter les errances du courant Post-rock & émo-folk avec des signatures imprégnées de ces genres tels que Beef Terminal, KC Accidental, Do may say think, etc… Pourtant, on avait malgré cela pu entrevoir quelques indices préfigurant l'embrasure offerte à la sphère électronique…. Dj serpent One, sparrow orange.
Naw marque sans doute une étape, qu’on espère courte dans la progression du label, tant " the resound of a foggy autumn dawn " enfonce les portes ouvertes. Une techno basique, primaire, odieusement fade, qui traîne au passage une brouette de clichés sur le genre. A oublier.

JJ.

 
   
 
   

KOBE made of water 
(Diesel Combustible/ Chronowax)

De l’imposant triptyque que forme la mégalopole Tokyo Osaka Kobe, il y aurait bien des choses à retenir, du domaine de l’interstitiel, de l’éphémère qui lie dans une alchimie fragile ces villes tentaculaires.
Kobe, en pur artisan de l’ombre au sein d’Osaka n’a pu se départir d’emmener dans ce voyage un peu de l’esprit du groupe, vapeur humide de Pan American, brouillard opaque de Labradford ; la part de lui-même qui vit dans ce " made of water " tient davantage à un esthétisme soutenu et un culte renouvelé à quelques figures de l’underground (Mark Van Hen/ Locust, Antenne (asleep at last) mais aussi l’écurie Vertical Form : Kim Hiorthoy, Iso68, Corker/Conboy…. ainsi qu’un goût prononcé pour le rythme le plus abstrait. L’abstraction Hip-hop, forme esthétique épurée de travaux de Scott Herren. (davantage lignée Delasora & Asora/ savath & savalas) y a aussi sa place.
A l’obscurité des profondeurs, Sébastien Roué préfère les espaces bannés de lumière de la surface. Pas de disposition donc, pour la réclusion ou l’autisme des profondeurs ; sa musique clapote, ondule, elle s’étend toujours plus loin dans un jeu fluide et dispendieux de courbes chaleureuses et ondoyantes. Envoûtant !!

JJ.

 
   
 
   

TAPE Flying over banugues (loops & sketches)
(Reunion 01 Optical sound & Aspic
records/Limonade)

L’ossature profonde de Tape, projet exemplaire de Daniel Romero Calderon construit sa calcification dans l’emploi outrageux (merveilleux) de petites bricoles lo-fi, de bouts de ficelles mélodiques et de frivolités rythmiques.
Rien de bien solide, me direz-vous ?! Oui et pourtant, c’est dans cet équilibre instable, où les bleeps et petites dissonances cristallines et digitales viennent grignoter le jeu de guitare folk et aérien que .TAPE. trouve sa plus parfaite expression.
Au delà de l’intimité qu’on trouve sur la majorité des titres, émergent aussi du malstrom la vitesse, la poésie (bicyclette part I-II), l’exotisme, le surréalisme, le futurisme, l’enfance (too much coffe circus) Ou quand l’ingénu se dispute à l’ingéniosité.
On avait sans doute pas écouté aussi belle démonstration d’humilité depuis The Books sur Tomlab (je l’aime, cet album). Ainsi, au pays des rêves, les accointances vont bon train, on retrouve, autant l’électronique ludique et racée de chez Rephlex, que du Jon Sheffield, du Joseph Nothing ou du Masakatsu passé dans la machine Casiotone. En écho de la pochette, Tape poursuit avec la modestie de ces moyens, son illusion d’utopie, son rêve secret.

JJ.

 
   
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