Chroniques 2001  
JadeWeb chroniques #8
| GARANTI SANS SERVICE DE PRESSE |
ELEVE EN LIBRAIRIES ET FESTIVALS EXCLUSIVEMENT
 
   
 
A la loupe
MONSIEUR FERRAILLE de Winshluss & Cizo
 
A la loupe RICHARD CORBEN
 

Chroniques #7 CHE > Oesterheld & Breccia . 3 > Micol . CLOSE YOUR EYES > Burns . TOP TEN #1 & #2 > Moore & Ha . BUSCAVIDAS > Breccia & Trillo . CARNET > Tardi .

 
 
 

PUSSEY !
Vous en rêviez (bon d'accord, j'en rêvais...), les éditions Rackham l'ont fait. Voici enfin la traduction de l'hilarant Pussey ! de Daniel Clowes, soit la satire définitive du monde du comics américain. À travers la vie et l'oeuvre de Dan Pussey, jeune prodige du comics de super héros, Daniel Clowes nous narre dans les moindres détails le monde fascinant de l'usine à rêves du comic books. Évidemment, venant de Clowes, chroniqueur glacial de ses contemporains, c'est surtout le terme "usine" qui est mis en avant, mais avec quel entrain ! Le jeune -gras et boutonneux- Dan Pussey, qui ne vit que pour les super héros, est embauché avec une belle brochettes d'inadaptés, au sein d'Infinity comics group que tient d'une main de fer le ringardissime et odieux Docteur Infinity (Salut Stan Lee, comment va ?) afin de mettre au point toute une série de comics "super cool" (Muscle master, Marrionette squad, The 10-year robot war, etc.) dans un plan marketing bien ficelé. Et vous savez quoi ? Ben ça marche... Voici le jeune Dan qui accède au rang de star du comics, heureux comme un pou, fier comme heu... un pou ? Et à partir de là, tout y passe. De la convention où les fans, en habit de lumière, se retrouvent pour acheter par lot de 50 le n°1 de telle série -dès fois que...-, aux congratulations d'usages où l'on offre quelques médailles aux grands anciens, spoliés de leurs travaux par leurs éditeurs, humiliés et foutus au rencard... avec un humour à froid et un sens de la caricature d'une férocité incroyable, on sent bien que Dan Clowes connaît son sujet, que sous les portraits aberrants des protagonistes, se cachent -à peine- les vrais pontes de l'industrie du comics. Mais bien sûr, tout cela ne suffit pas, en bon masochiste, Dan Clowes a l'habitude de taper sur tout ce qui bouge, y compris sur ces propres doigts et quand Dan Pussey, titillé par une prof de littérature un peu trop maternelle dont il tombe bien entendu amoureux, décide d'aller voir du côté des "indépendants", c'est avec le même marteau que Clowes tape. Pussey se fait donc engager par l'Emperors new clothes dirigé par Gummo Bublemann (salut Art Spiegelman, comment va ?) où l'on admire ses comics -les mêmes que ceux faits pour Infinity- pour "l'essence primitive, la vitalité brute de cette niaiserie insignifiante et stupide..." Il y croisera une nouvelle brochette d'inadaptés, "arty" cette fois. La nuit, le jeune Dan, plongé dans l'univers papier de personnages en collant, continue de fantasmer sur ces femmes qu'il connaît si peu qu'immanquablement, l'image de sa mère vient parasiter ses rêves, se substituant à l'image de ses conquètes imaginaires ! Quel avenir pour ce passionné de dessin, nostalgique des histoires de son enfance, seule véritable sensation de sa pauvre vie affective.
C'est au pays de la cruauté et de la lucidité que Daniel Clowes nous emmène, dégommant l'industrie de l'art autant que son artisanat dans une impayable chronique qui n'a pas d'issue.
On pourra noter quelques similitudes avec le Hicksville de Dylan Horrocks, ce dernier attaquant dans une scène d'anthologie une remise de prix similaire. La réflexion des deux auteurs se croise, mais là où Horrocks entretient une nostalgie des lectures d'enfance pour finalement livrer une vision poétique et désanchantée, Clowes fait table rase et, en véritable punk, pousse l'acidité de son raisonnement jusqu'au nihilisme.
JP.

L’avis de Monsieur Vandermeulen
Voici un assortiment d’historiettes accueillant pour qui souhaite entendre les inclinations de notre jeunesse pour ce singulier médium que l’on appelle la bande dessinée. Un recueil qui pourra se révéler précieux pour celui qui, comme moi, s'escrime désespérément avec cette portion fantasque et méconnue de la culture imprimée. Plus qu'une photographie de la jeune génération, ce Pussey ! est une véritable clef de lecture qui aidera le profane à percer plus avant un monde confus et complexe. Un livre assurément recommandable.

PUSSEY | Dan Clowes
56 pages | 12 EU | éditions Rackham | ISBN 2-87827-057-6

 
 
 
   

ESCAPO
Escapo, Houdini moderne et défiguré par une vilaine cicatrice est transi d'amour pour la jeune Aerobella, reine des funambules, mais celle-ci n'a d'yeux que pour l'As des As, roi des acrobates. Et tous les soirs, le timide Escapo, roi de l'évasion, s'enchaîne, plonge dans des piscines aux sorties cadenassées, saute et danse sur des broyeuses géantes, essaie de pigeonner la mort quand elle vient en personne lui rendre visite. C'est Paul Pope qui nous convie sous le plus grand chapiteau du monde, celui où tous les soirs, Escapo défie la mort et la logique par la rigueur et la précision de son savoir-faire. Mais voilà, Aerobella occupe de plus en plus de place dans l'esprit du jeune prodige et à trop se poser de questions, il en vient à douter de la réussite de ses propres tours. Comme d'habitude avec Paul Pope, la situation est flamboyante et l'utilisation des clichés conduite avec passion. Maître du mélodrame, qu'il conduit à un rythme frénétique, l'auteur dévoile le monde du cirque avec amour et cruauté, telle scène d'un repas pris avec les autres artistes évoquera le Freaks de Tod Browning, telle autre empruntant à la tragédie classique dans un noir et blanc tranchant. Aérien et profondément romantique, Paul Pope nous parle toujours de fugacité et de violence au travers d'images décalées qui marquent l'esprit par leur étonnante charge émotionnelle. Superbe.
JP.

site | ESCAPO | Paul Pope
96 pages | 19 EU | éditions Vertige Graphic | ISBN 2-908981-56-4

 
   
 
   

UN CHIEN DANGEREUX #2

Place à la grande aventure. On avait quitté les épatants protagonistes d'Un chien dangereux (un curé suspect, une bigote, deux frères voleurs, un chat scientifique et détective, un chien culpabilisé de manger des chats, etc.) au beau milieu d'une série d'intrigues de plus en plus barges, le pompon revenant à la découverte d'un sang d'origine divine, qu'on se demandait bien comment Imius -l'un des principaux auteurs du génial Journal de Judith et Marinette- allait s'en sortir pour la suite. À la lecture du tome deux, on aura compris qu'au lieu de démêler bêtement les fils de cette histoire, Imius a plutôt choisi d'enfoncer le clou : les maîtres de Ronnie (notre fameux chien qui met bien de la mauvaise volonté à éclaircir tout ça dans ce nouvel opus, en se contentant de dormir) ont des problèmes de couple, il y a visiblement un amant dans le placard. Le chat qui avait décidé de mettre à jour cette histoire de sang monoparental se révèle, bien que volontaire, carrément trouillard. Et le curé est de moins en moins clair. Totalement jubilatoire ! On n'oubliera pas de s'arrêter sur les superbes dessins d'Imuis, ses découpages épatants d'efficacité et de simplicité et les dialogues carrément jouissifs. Un chien dangereux s'annonce comme une série formidable, qui croque joyeusement dans l'observation du réel et se montre totalement branque dans les situations proposées -on est proche de l'absurde de Jacques Tati- avec une économie de moyens étonnante. Imius devient tout à fait incontournable.
JP.

UN CHIEN DANGEREUX #2 | Imius
48 pages | 5,50 EU | éditions les Taupes de l'espace
(2, rue du Stade - 85390 Saint-Maurice Le Girard - France)
ISBN 2-913421-05-9

 
   
 
   

L'OEIL À COURTS THÈMES
Jeune auteur à découvrir en urgence, Didier Progéas brode au fil de ses courts récits une poésie beat et somnambule. Il se glisse dans le dédale des rues, apostrophe l'esprit des passants et fait de la ville son terrain de jeu chimérique. Dans L'oeil à courts thèmes, son dernier ouvrage, les gens volent, les immeubles se tordent, les pieuvres sont domestiques et de curieux laborantins cuisinent bouches et propos, râles fantasmagoriques, évaporation d'individus, pour obtenir des élixirs divagatoires. On perd rapidement ses repères dans cette ville chimérique qui rappelle parfois les cartographies urbaines de Marc Antoine Mathieu. Mais là où les personnages de Matthieu subissent et stressent, ceux de Progéas, au contraire, se libèrent, s'évadent.
Difficile d'évoquer son dessin tant il est à la fois inquiétant et serein, zébré de noir, parcouru de flèches, aux angles de vue multiples. La bande dessinée selon Didier Progéas est et il faut s'en réjouir, une fois encore, une nouvelle expérience de lecture, le lien narratif est musical, les mots se décalent d'eux-mêmes en sens et sons voisins.
JP.

site | L'OEIL À COURTS THÈMES | Didier Progéas
36 pages | 7 EU | éditions La chose (9, Boulevard Voltaire - 35000 Rennes)
ISBN2-912810-19-1

 
   
 
   

MON POISSON ROUGE
Judicieusement sous-titré "Conte pour faire pleurer les enfants", le nouvel ouvrage de Capron est un régal de conte évidemment cruel, plein de trouvailles graphiques et limpide de fantaisie. Un petit garçon avec une tête creuse se fait toujours moquer dans sa cour d'école et ses parents, un peu rapiats, ne veulent pas lui acheter un chapeau. Mais las de devoir nettoyer tous les soirs la cavité pleine de boules de papiers et de crachats (ben oui, les enfants sont cruels), les parents décident finalement de lui acheter un poisson rouge. Hop, un peu d'eau et voilà l'enfant tout ravi d'avoir un ami en permanence sur lui... N'en disons pas plus. Plutôt connu comme scénariste Capron se sert de la trichromie et d'un dessin aux ambiances souvent cubistes (les couleurs renforçant encore cette impression) pour mitonner des effets graphiques étonnants et inventifs. Mon poisson rouge devient un véritable petit chef d'oeuvre, une sucrerie avec juste ce qu'il faut d'acidité et qu'il ne faut pas manquer de goûter.
JP.

site | MON POISSON ROUGE | Capron
32 pages | 6,50 EU | éditions Cornélius| ISBN 2-909990-67-2

 
   
 
   

TIBURCE #4
Bien qu'encore difficilement disponible en France métropolitaine et en espérant qu'un diffuseur s'intéresse de près à eux, les éditions du Centre du monde, sises à l'île de la Réunion viennent de sortir le -déjà- quatrième volume en format strips des délicieuses aventures de Tiburce. Et comment résister à cette géniale galerie de portraits des habitants de l'Ilet Titby, petite bourgade un rien sinistrée entre mer et montagne. On retrouve, sous la plume d'un Téhem très à l'aise, les personnages croquignoles d'un bout du monde d'apparence bien agréable. Du gamin débrouillard, Tiburce, à son père hâbleur et alcoolo notoire en passant par Gratapoulé, gras maire totalement corrompu et Law-law, le commerçant d'origine chinoise qui surfe sur la nouveauté avec un sens aigu des affaires. Un vrai régal, plein de fraîcheur et de créole, toujours militant dans son approche du monde et qui, bien au-delà de l'exotisme, aborde les choses avec une simplicité qui frappe juste et permet à la bande dessinée d'humour de ne pas trop se perdre dans du simple comique de situation.
JP.

site | TIBURCE #4 | Téhem
80 pages | 9,15 EU pc | éditions Centre du monde
Band' décidée - espace Jeumon - 23, rue Léopold Rambaud 97490 Ste Clotilde
(Chèques à l'ordre de Band' décidée)

 
   
Les précédentes chroniques