archives  

JadeWeb chroniques #4 /
page >1 >2

 

Chroniques #0 Tennis | Klimperei | Stylus | Clarence Parker | Liquid sphere | Pascals | La kuizine | Pauline Oliveros | Sébastien Tellier | Eglantine / Dream | Acetate Zero | Maxime Lavièville / sébastien Eglème | BS 2000 | Bip-Hop | Crunch | Heimelektro Ulm | My Jazzy Child | Antenne | Jérome Noetinger/Lionel Marchetti |- General Magic | Michel Banabila & Hannes & bobby | Scratch Pet Land | 386 DX

Chroniques #1 Penumbra | Wagon crist | Antibalas
RM 74 | Imagho | Sound Drifting | Couch | Prefuse 73 | Rob | Shudo | Nappe | Ochre | Berliner Theorie | Peter, I'm Flying ! | Bourbonese | Gen Ken Montgomery | AS11 | Panoptica | Chris Clark | Muslimgauze | Louis Dufort | Jonty Harrison | Phil Von & The Gnawa musicians of Fés | SI-CON | Reznicek / Kubin / Mancha ipsonat / Legrand | Man | Paul Dutton | Richard Devine | I'm Half Divine | Formanex | Autechre | Herbert | Slam/Society Suckers | Marc Sens | Home Made | Amp | Le Hammond Inferno | Jon Sheffield | GOM

Chroniques #2 Home Made 2 | Bucolique Vol. 1 | Symptoms | Bip-hop generation 3 | Tremolo dual | Heimir Björgulfsson | Muslimgauze | Roger Rotor | Abstrackt Keal Agram | David Axelrod | Malcom Catto | Mira Calix | Solid State | Men With Box | Simian | Baka ! | James Coleman | All Natural | Andrew Coleman | Nobukazu Takemura / chield’sview | Rroselicoeur | Supersoft [14-18] | Sulphur | Speakerine | Fabrique de couleurs | Squarpusher | Styrofoam | Weehsel Garland | ISAN | Woom | Tujiko Noriko | Christian Fennesz | Spaceheads | V/a Diskono | Novisad | V.a | Ignaz Schick/ Andrea Neumann | Pullman | Chicago underground quartet | De Fabriek | Generation aldi | Encre | Ekkehard Ehlers/ Stephan Mathieu |

Chroniques #3 V/a Cavage 6 | Philipp Scheffner | René Lussier | Electro : Lux | Enihcam | Martin Meilleur | Bobby Conn | Olivia Block | Phonophani | Gotan project | TV Pow | Ambient aero Jam & loop bbo | Two lone swordsmen | Kozo Inada | Thilges 3 | Prefuse 73 | Maschinenschlosser | Plaid | Le Népalais | Marcus Schmickler | Beautiful noise | Jérôme Paressant | Jerome Sydenham & Kerri Chandler | | Playgroup | OHMMIX | The Allenko BrotherHood Ensemble | El tractor | Laconique | Chessie | Coh | Fon | Bhop Rainey / Greg Kelley | Eardrum | Supersilent |Luigi archetti / Bo Wiget

 

Kings of convenience
Versus (Source/source)

L’album Quiet is the new loud des Norvégiens de Kings of convenience nous avait plongé au début de cette année dans une quiétude que seul les gens du Nord sont à même d’instaurer. Des mélodies douces et légères, enrichies du lichen de leurs pierres et du coltar de leurs maisons de pécheurs. La désinvolture, la fraîcheur, le désintéressement, une certaine naïveté forcée, de la candeur aussi, voilà comment se présentait ce premier album : une succession de sentiments purs, trop purs pour exprimer avec force et vigueur les bas-reliefs et les zones d’ombres de notre humanité. Versus et sa légion de remixeurs viennent avec bonheur assombrir et entacher la légèreté du groupe, salir son horizon.
On ressent des les premières mesures l’épanouissement des artistes, invités à fouler le territoire des Norvégiens, à réinventer le plan de circulation intime de leur création, revisiter l’aménagement intérieur de leurs compositions. Sans doute la qualité mélodique des morceaux initiaux a grandement facilité les choses, la voix douce et suave permettant des contrastes saisissants. Pas de surprise du côté de Fourtet (avec un membre de Fridge) ou Röyksopp (tous deux sublimes) qu’on savait adeptes d’une mélodie pop soyeuse sur lit d’électronica. On est en vérité, davantage en émoi devant la jeune scène norvégienne, qui surprend nos attentes avec tant de raffinement et de savoir-faire contrôlés. On pense à Erot et son approche Barry Whitienne splendide, à Riton (Henry Spithson) qui isole la guitare acoustique d’un girl from back then, toujours aussi beau de limpidité, Evil Tordivel donne quant à lui, dans la fanfare survitaminée et claudicante ; l’excellente Monte Carlo 1963 version de David Whitaker, langoureuse et Amicalement Votresque. Alfie, quant à lui, introduit la saturation et la discordance des guitares sur Failure, Ladytron et sa no-wave électro s’intègrent à merveille, les kings of convenience se prêtant eux-mêmes à une ré-interprétation d’un de leurs morceaux alors que Bamboo soul (avec une version norvégienne du duo Getz/ Gilberto) et Fourtet clôturent ce magnifique album de remixes qui fait écho à la richesse de l’original, tout en y apportant une touche substantielle d’épices électroniques et de saveurs acoustiques.
JJ.

 
     
 

Aphex Twin
Drukqs (Warp/source)

Richard D. James manie le rythme avec dextérité, jouant à un faux-semblant avec la mélodie, parsemant d’aspérités la rythmique, évitant les faux-pas, comme d’autres le pratiquent aux fleurets. On le disait aigri et en quête d’inspiration, flirtant volontiers avec les chartes. Il n’en est rien. Aphex Twin revient sur ce double album plus radical que jamais, maniant le glaive et l’épée avec la folie douce des premiers jours.
Ce qui fait de lui une personne singulière au sein de la musique électronique, au-delà de son talent inné à brouiller le tempo, à agir sur la musique, c’est le radicalisme de son approche, souvent tordue, mais qui, mise en perspective, donne à entendre un monument de cohésion. Drukqs en est une démonstration évidente et sensible, où la combinaison d’apartés Satienne (agrémentées de son sens personnel de l’espace, reconnue depuis les Selected Ambiant Works) et de phases de déconstruction cellulaire du son, alterné avec la rigueur d’un métronome ! offre une oeuvre complète et indépendante.
Au passage, dans le tourbillon de sa fièvre créatrice, il se paye le luxe de s’inventer un vocabulaire à la syntaxe étrange, seul à même de traduire la mesure de son talent. Richard D James, est sans conteste le roi de la mouvance électronique, Druqs, étant un message ostensible et vindicatif à l’égard des prétendants aux trônes.
Plus que de structures déviantes, c’est surtout leur mise en scène au sein de pièces organiques et intimes (douces apartés aux violons) qui signe ici son génie.
JJ.

 
     
 

Ochre festival Gloucester guildhall festival
(Ochre/import) | Mèl

Le label anglais Ochre rec et son mentor Talbot (que nous saluons amicalement) nous donne de ses nouvelles à l’occasion de la sortie d’une compilation regroupant une partie des artistes du label lors de concerts donnés (les morceaux sont ceux de studio) au festival de Gloucester guidhall, l’occasion pour nous de revenir sur quelques-uns des plus brillants activistes du son. De l’architecture classique que représente la musique rock-atmosphérique, chacun aura su servir les principes tout en ayant à coeur de lui donner " une qualité de lumière supplémentaire " mettant en évidence sa dimension rythmique et les aspects les plus confinés de son intériorité. L’espace intérieur de leur composition laisse une traînée diffuse et lumineuse, soulignant en les isolant les contours sombres des atmosphères. Dans cette quête de détails qui nous importe, on soulignera des singularités qui fondent le charme de ces groupes. Le tiraillement chillout de Stylus (digne d’un The Orb en verve), la mélodie intérieure de Skyray (splendide), l’apport de tradition d’Applecraft, les divagations fiévreuses et dansantes de Longstone, la soif de grand Nord pour Aarktica, les évocations oniriques de The Land Of Nod (dans le prolongement du vibrant et très pausé Translucent), les dérives indoues chez The Groceries, le road movie pluvieux d’Oobe etc. Chaque détail rythmant les variations d’un même thème ; la musique atmosphérique. Un moment radieux. JJ.

 
       
   

Vincent Gallo
When (Warp/ Source)

Encrées dans une mélancolie contemplative et une solitude sans frontière fixe, à la fois racines de chêne centenaire et feuilles gouvernées par le vent, les 10 histoires courtes, contées par Vincent Gallo se déclinent dans un panel de couleurs enchâssées entre les teintes sépias et les nuances de gris.
À l’assurance et à l’aplomb habituel du discours de l’acteur, sûr de lui et de son art, répond cet album, où l’on découvre la fébrilité splendide d’un timbre, qui entre en vibration avec la fragilité d’accords, la délicatesse d’un song-writing puisé dans l’enfance, le souvenir et la nostalgie.
On se trouve d’ailleurs un peu honteux à écouter cet album, journal intime d’un homme blessé, qui déverse dans nos oreilles toutes la tendre amertume d’un esprit pour qui le monde est devenu trop compliqué à saisir.
Avec une fragilité féline et sans fioriture, Vincent Gallo, avec ce premier vrai album chanté (outre Buffalo ’66), impose un style, qui de Robert Fripp à Arto Lindsay, n’a pas fini de nous hanter.
Une leçon d’humanité, complainte du désert, lente digression sur la solitude et la perte, road-movie de l’intimité où les spectres d’un lapin gris perle côtoient une femme à l’existence rêvée. Splendide.
JJ.

 
       
   

Brothomstates 
Claro (Warp/Source)

Difficile de ne pas être admiratif devant cette jeune génération de musiciens, d’Encre sur Clapping music à Gel : , bientôt sur Fat Cat, en passant, justement par Lassi Nikko (Brothomstates) nouvelle signature Warp, qui affiche sans trembler une maîtrise sans faille de la technique et de la mélodie. Bercé par l’électronique de longue date, adepte du bricolage et du collage sonore, soucieux d’harmonie et de mélodie, voici donc le terreau constitutif de sa culture, finlandaise et par extension européenne voire nord-américaine.
Éminemment célébré dans son pays, et dans les régions périphériques, la Russie, notamment, le jeune garçon pratique une électronica atypique, non-conventionnelle, savamment organique.
Tous ces morceaux ont comme véhicule moteur l’émotion, qui selon lui doit se traduire dans tout travail artistique, quelle que soit sa nature et son support. Une philosophie qu’on partage volontiers à l’écoute de ces 12 titres, prolongements atmosphériques de son maxi Qtio (autrement plus rythmé), et qui égraine, comme la bigote son chapelet, son processeur et ses samples. On devine un certain génie dans l’agencement de titres tels que Brothomstates Ipxen x, où le passage entre la phase atmosphérique et la jetée rythmique rappellera des passages du radio mix d’Autechre.
L’élégie musicale de Lassi Nikko jette une lumière douce et crépusculaire sur la pratique de l’électronique aux frontières du grand Nord et consigne l’avènement d’un nouvel artiste au talent et à la sensibilité rares.
JJ.

 
       
   

Gilles Gobeil 
Dans le silence de la nuit
(Empreinte digitale/metamkine)

Gilles Gobeil, né il y a 47 ans à Sorel, est de cette génération qui a suivi les premiers tâtonnements de la musique concrète en France, avec Ferrari, Schaeffer ou Henry, les premières expériences à grande échelle de sleeping et de musique répétitive (Riley, La Monte Young, Conrad) et d’acousmatie (Bayle). Ses expériences ont accompagné sa scolarité et ses études universitaires (tout autant que les Beach Boys, d’ailleurs...). Sa réussite auprès de ses pairs (prix aux Arts électroniques, diverses récompenses), ses participations à de nombreux collectifs (GRM, groupe de musique électroacoustique de Bourges) ont construit la personnalité de sa musique et son style. Un voyage onirique en quatre étapes qui puise ici son inspiration largement dans la littérature contemporaine (de Proust à Jules Verne, de Thomas Moore à HG Wells). Des visions dépressives ou nostalgiques, oniriques ou anticipatives de voyages, qu’ils soient intérieurs ou géographiques. L’atmosphère générale de l’album ne prête pas à rire, climat de tension permanente où l’on pense par moment à l’album de Faust et sa B.O. du Nosferatu de Murnau où aux ambiances de Morcook ou Lovecraft... l’utilisation d’ondes Martenot et de rupture violente comme sur un de ces précédents albums " la mécanique des ruptures " n’y étant pas étrangère. Une belle invitation au pays des rêves sombres (en un mot, ça fout les boules). Site
JJ.

 
       
   

Yoshi Machida 
Hypernatural #2 (Softlmusic/metamkine)

L’illusion et la suggestion sont souvent sous-exploitées dans la création contemporaine. Le monde de l’indicible, l’ensemble des petits éléments concomitants à la trame musicale, pour discrets qu’ils soient font partie de l’oeuvre. Yoshi Machida, travaille sur ces sources (cliquetis d’eau sur le galet ? Froissement de feuilles ?), qu’elles soient radiations sonores, échos ou vibrations. Le thème de la fragilité de l’environnement est ici traité avec une profonde délicatesse, et un sens du juste qui dépasse l’intuition. Les titres (Radiant wind, Malaria, Valley, Deep sound Channel) viennent surligner l’atmosphère. Quelques propositions sonores de ce que devrait être le monde, de ce qu’il serait peut-être, dénué de toutes présences humaines (l’idée de traces sonores paléontologiques est prononcée) ou simplement une interprétation de ce que l’auteur en retient ! Personne ne peut vraiment le savoir.
Il nous faut connaître cet auteur et ce qu’il a à nous proposer. Comme le proclame l’intéressé : " la chose importante n’est pas simplement d’écouter les sons, mais aussi de sentir les choses qui s’y cachent derrière. " Alors que Francisco Lopez ou Aube reconstruisent une image à partir de sources sonores diverses (samples concrets), Yoshi Machida joue aux faux-semblants avec sa musique électroacoustique en trompe l’oeil qui nous fait entendre des choses qui ne sont pas ! Ou comment nous transporter au coeur de la forêt amazonienne avec une flûte et quelques cloches.
JJ.

 
       
   

CRABE 
S/t (autoprod) |
Mèl

Crabe est une incantation joliment maîtrisée d’errances familières (De Ride à Tortoise), de rigueur technique et de compositions post rock à fleur de peau. Les climats des morceaux, baignés d’images vivantes du cinéma populaire (le magnifique Orca et son sample des dents de la mer) prennent ici une dimension intimiste et poétique, le tout mêlé à de lentes vibrations noisy évanescentes, des effets légers mais judicieux sur la voix (solustres) et des sons de theremine ( ?) belmondo, tristes et mélancoliques. Un mini album, premier jet, qui doit autant à l’intuition qu’à un travail d’écoute assidu de belles références (Mogwai, entre autres). Un vrai beau petit album qui ne restera pas, on l’espère sans suite, malgré l’éclatement géographique des membres du groupe et leur humilité (absence de carriérisme ?) affichée, quitte à nous laisser orphelin de si éclatants moments de plaisirs.
JJ.

 
       
   

Aphex twin
Remixes (Warp/ source)

Le pragmatisme rythmique et la clairvoyance mélodique de ces deux remixes, fruits d’une réflexion de Delco et d’un acolyte se révèlent à nos oreilles avec d’autant plus de prégnance que le patrimoine de Richard D James, sa touche de couleur inimitable sont difficiles à assumer.
Si les originaux forçaient déjà le respect, ces deux propositions frisent l’hystérie jubilatoire par leurs trouvailles d’équilibristes, enfants de l’épilepsie et de la coquetterie rythmique de l’oreille. Une petite chronique pour une grande cuvée
JJ.

 
       
   

LUNT 
S/t (Unique rec) Mèl

Utilisant les détours complexes de la guitare, ses chemins de traverses, le champ de ses possibles, Lunt -Gilles Deles tapisse les recoins de nos désirs de vibrations saines, propices à l’évasion : une exégèse de ses travaux les plus aboutis, des partitions intimistes, qui se jouent à la clarté dispendieuse de la lune ou se superposent en strates référencées, filtres, samples de voix lointaines, et tournures de style, vocabulaire rythmique emprunté à la musique classique jamais éloigné de Bästard (the black butterlfy) ou des expérimentateur de Rune Grammophon (Loretta is dreaming), mais dans une approche plus personnelle, solitaire, pourrait-on dire. Un talent qui se confirme notamment dans sa quête de source, où Albert Ayler, Hal Hartley, Bästard et Michel Portal se croisent au détour de samples ciselés. Un bémol : Love is wasted time avec ses accents pop fait un peu tâche dans le beau développement de l’album.
Un carrefour d’influences aériennes et dissonantes se joue sur Hope’s twilight (superbe) Waiting for expectations, ou one day, jamais très éloignés de My bloody valentine, Joy division ou des premiers Ulan Bator (2°), autant de titres et d’artistes chez qui on retrouve ce même soin consommé à la composition de ballades froides et brumeuses.
JJ.

 
       
   

Saïan Supa Crew 
X raisons (source/ source)

Si leur vilain tube sirupeux Angela avait quelque peu calmé mes ardeurs et mes attentes quant à ce genre, Saïan Supa Crew recentre avec intelligence son sujet et ses propos, travaillant plus en profondeur leur copie et le jeu de leur syntaxe, le flot (ininterrompu), la tessiture et le timbre de leurs voix (complémentaires).
Même si leur second degré reste loin des sphères atteintes par TTC, X raisons ne se départit pas pour autant d’un certain humour, d’une légèreté salutaire qui fait d’ailleurs souvent écho à la gravité des sujets traités. Parler de tout, mais avec humour et sans ironie, voilà un précepte précieux pour comprendre le groupe (notamment ses intermèdes Muppet Show). Loin d’en sortir ridicule, la puissance de la musique, entremêlant des joutes de Human Beat Box et de riffs hip hop racés chemine avec aplomb et conviction vers nos oreilles. Un album de rap exigeant et mature à quelques retenues près, qui aurait sans doute vécu une bonne carrière indépendamment d’une orchestration médiatique lourde.
JJ.

 
       
   

Fredy Studer/ DJM. Singe
Duos
(For 4 Ears/metamkine)

On envisage idiotement et on prend pour acquis l’idée conventionnelle selon laquelle un(e) Turntablist doit forcément invoquer le rythme, la déstructuration pour justifier de son talent et de son savoir-faire.
DJ Singe (Beth Coleman), fer de lance de l’illbient-Hip hop new yorkaise rejette ces écueils, les bat en brèche, en scellant un pacte avec le brillant percussionniste Fredy Studer. Des introductions subtiles du suisse, mélange de frottements électroacoustiques et de free jazz européen qui viennent se télescoper au hip-hop asthmatique où la dynamique heurte le sol, se relève, se nourrissant de boucles scratchées, de sons de basse pondéreux... à la manière du DJ Grazhoppa / David Shea (Sub Rosa) mais avec une nette ascendance pour l’échange d’expériences et de cultures respectives.
Une approche sensible et dynamique de la musique, constituée de poussières de fréquence, de particules de rythme, soupirs de papillon, voix samplées de spectre, mises en forme avec l’impulsion du jeu de percussion tout en touché de monsieur Studer qui avait, dans les précédentes issues, éreinté ses paumes au côtés de Robyn Schlkowsky (un autre grand percussionniste) puis avec Jim Hi Kim, Joëlle Léandre et la voix de Dorethea Schürch sur Duos 3-13. Un album splendide, angoissant, énigmatique, qui tient autant des travaux impériaux de Christian Marclay que des " nyctaloscopie " de DJ Spooky, voire Spectre par instant. For 4 Ears, avec ce disque/duo, suite attendue des deux précédents opus signe ici son album le moins électroacoustique, mais aussi sans doute un des plus aventureux de l’illbient mondial. Splendide !!!
JJ.

 
       
   

Louie Austen 
Only tonight
(Kitty-yo/ PIAS)

Cheap rec, label autrichien affilié à Mego et à Sabotage rec s’est fait l’heureux acteur d’un constat alarmant : les crooners se meurent : Mort Schuman, Frank Sinatra, Dean Martin ! combien d’autres encore ???
Après la renaissance du majestueux Tom Jones, on s’est vite rendu compte (étonnamment) que seule la scène électronica (dans le cas présent Cheap, relayé par Kitty-Yo) venait au secours de ses mammouths en rouflaquettes échappé des 70’ et de leur cimetière professionnel (Las Vegas), histoire de faire scintiller quelques années de plus leur (bonne) étoile. Des hommes, qui, du bout des lèvres, tiraient des cris peu bibliques de nos mères lors de sessions radio télévisées.
L’urgence est de rigueur ; combien en reste-t-il ? Engilbert Humperdick, Paul Anka et Louie Austen, autrichien avec comme signe distinctif un charme terrible, une voix chaude et du charisme. Il nous l’avait fait savoir lors de son passage aux Trans de Rennes l’an dernier. Il nous le confirme avec la réinterprétation cheap électro de morceaux originaux ou de standards confiés à la crème allemande de l’intelligente House. (Pulsinger, Herbert, Neugehaur, mais aussi Peaches, Ken Cesar etc.). Avant cela, on l’avait perdu dans les méandres de Las Vegas, côtoyant diverses formations, des Harlem Blues au Jazz Band puis en Autriche fin ’70 en compagnie d’Al Green ou Engilbert.
Un physique magnétique de vieux beau, une voix grave et suave, qui se mêle judicieusement aux rythmes syncopés et primesautiers des DJ. L’album trop court est une réussite qui ravira, et nos mères, et nos épanchements pour les musiques nouvelles sans créer de conflits ménagers. Si son grand chagrin reste de n’avoir pas rencontré son Col Porter, on ne doute pas qu’il rencontrera au moins cette fois une large audience. À se procurer d’urgence.
JJ.

 
       
   

Column One 
Electric Pleasure
  (90%Wasser/Wave rec/metamkine)

Columne One est un reliquat de formations éparses vouées au culte du bruit urbain et industriel au début des années 90. C’est armé de ce précieux et lourd passif (augurant d’une grande maîtrise) qu’ils reviennent à nouveau au devant de l’actualité avec cet album, finalisé à l’occasion du lancement du nouveau label européen 90% Wasser...
Un album qui puise dans une thématique un peu délaissée, aux marges du conceptuel (aux frontières du réel) : la science fiction rétro. Une vision du futur tirée des romans de Jules Verne, nourrie à grands coups de photos d’anticipation sur les inventions. Le groupe se joue avec adresse des clichés éculés du genre, prélevant ici des sources cinématographiques (Planète interdite, Alphaville, Ed Wood) et empruntant aux frères BARRON cette touche de tension mélodique infalsifiable, pour créer des pistes sonores belles et limpides, délibérément décalées (des dialogues samplers évoquant certains épisodes de la 4e dimension, Star Trek). On retrouve aussi parmi les sources déclarées : Dépêche Mode, WS Burroughs, Gregory Whitehead, Attilio Mineo, John Cage et Arvo Part (la musique tintinnabulante du prochain millénaire ?!) Etc. Le trio Schalinski / Brain-bridge / Loadman s’amuse, dissémine ses sons éthérés dans les couches de l’atmosphère, teste la réverbération, acclimate nos oreilles à cette lente odyssée en apesanteur. Un album excellent et serein qui contraste avec leur prestation scénique (Oblique lu night) qu’on qualifiera de musclée. Un usage exceptionnel de l’espace et des sons électroniques, qui couplé aux phrases silencieuses et à l’usage du vocodeur en font les dignes héritiers de Kraftwerk, le compliment n’étant pas, dans le cas présent galvaudé.
JJ.

 
       
   

Robert Normandeau 
Clair de terre (Empreintes digitales/metamkine)

On a souvent perçu en certains astrophysiciens des poètes qui s’ignoraient. Robert Normandeau crée ici des structures cinématiques fortes, acousmatiques par essence dont la puissance narrative matérialise des images fortes dans notre esprit.
C’est aussi le travail de recomposition d’un fait (les pas d’Homme sur la lune) partiel, une interprétation possible reconstruite par déduction, à la manière des historiens ou des astrophysiciens (notamment ce jeune Français qui cherchait à signifier par calcul les émissions sonores d’un trou noir.)
Une démarche où le tâtonnement et la remise en question sont indissociables. Du cinéma pour l’oreille cher à Jérôme Noetinger, de l’acousmatie proche de ce qu’en entend François Bayle, pour un travail sérieux et amusé qui tient davantage de l’archivage sonore (la musique de Normandeau évoquant tantôt des musiques rituelles indiennes, tantôt des ambiances sombres à la Hermann) que d’un album classique, au bon sens du terme. Un assemblage sonore limpide qui oscille avec vivacité entre séquences stridentes et plages d’accalmie qui nous plongent avec plus ou moins de facilité dans un état second. Robert Normandeau a reçu de nombreux prix et a joué notamment avec Luigi-Russolo (Rune Grammophon).
JJ.

 
       
   

Ralf Wehowsky/Kevin Drumm
(Selektion/ metamkine)

Faire comparaître deux éléments aussi brillants qu’incontournables de la scène internationale est un plaisir dont ne se prive pas le label Selektion qui nous avait déjà habitués à pareille fête par le passé. C’est dans le cadre d’expérimentations concrètes, réalisées entre Chicago et Mainz que ce projet a pu se faire.
Deux courtes pièces d’une quinzaine de minutes chacune, où dans un court espace, le temps se retrouve suspendu.
Kevin Drumm guitariste singulier qui fait sortir de son instrument toutes sortes de sons (de l’électronique à l’électroacoustique) sauf des sons de guitares (quelques albums sur Perdition Plastics)et Ralf Wehowsky, membre fondateur de P16 D4, puis RLW passé maître dans la mise à nu et le dépouillement à l’extrême du son (il a enrichi le caractère microtonale de son oeuvre au contact de Bernhard Gunter). Selektion offre l’opportunité à ses musiciens d’un dialogue riche et vivant autour d’une langue originale (la musique concrète), forme aiguë de liberté pour qui aime à expérimenter dans un cadre précis.
Le combat est instructif, il met en relief deux approches, proches à la fois des travaux exécutés chez trente Oiseaux, ou chez Jocelyn Robert. Une vision dépouillée, pour une musique concrète mélodique avec un sens commun (chez Drumm et RLW) de la texture (blanche) et des profondeurs (discrètes). Petit traité d’incantation et de relaxation, Case A et Case B (plus strident) se révèlent d’une rare subtilité auditive. Le graphisme de la pochette, toujours en prise avec le subtile et l’esthétisme est à nouveau conduit par Charly Steiger.
JJ.

 
       
   

Audioroom 
Seismograph |
Mèl

On a beau essayer de préserver sa spontanéité, un peu de la foi qui nous anime, de parfaire secrètement notre charte intime où chaque groupe et artistes à le droit de cité, sans distinction de genre (c’est à voir ! ), de distributeur ou de notoriété, il arrive un moment où la lassitude guète, où parmi la pléthore d’artistes décidés à tenter en acte ce qu’ils ont écouté quelques mois plutôt avec assiduité (ici, l’électronica), on finit par ne plus distinguer à quelle silhouette appartiennent ces ombres portées au sol (visualiser la scène du restaurant dans la peau de John Malkovich...).
Et puis, un matin, sans prévenir, on reçoit le CD d’Audio Room, petite formation à membre unique d’Aix-en-Provence, qui malgré un accent marqué, produit une musique belle et dénuée de considération régionale, conflit amical de genre entre de l’électronica charnelle et primesautière (Isan, Boards of Canada, Hermann & Kleine, Kevin & Paul) et des interférences avec Bola, Pole, Schneider TM (un peu trop parfois) voire phonem, pour le caractère tantôt spatiale, tantôt dub qui anime le projet... Une réaction chimique de tout premier ordre secoue le PH de notre derme, avec la vigueur des premiers jours. Petites comptines analogiques déguisées, quiétude digitale et soucis de ne pas heurter l’oreille se tirent la manche au long de ces 11 titres.
Beau, apaisant et en recherche de label... alors messieurs ?
JJ.

 
       
   

TMRX 
Difficulté de comprendre dans le bruit
(Selektion/ metamkine)

Arnaud Jacobs décompose les sensations qui l’environnent depuis maintenant quelques années. Son parcours singulier et son perfectionnisme n’ont pas favorisé la production de cet album, fruit d’un travail conséquent, regroupement d’idées disparates étalées sur quatre années nous permet de partager un peu de l’onirisme de son univers l’espace de 48 minutes.
Deux ans d’enregistrement aux divers coins de l’Europe (Italie, France Belgique, Allemagne).
Un album qu’on peut qualifier de parcours initiatique, dont le but avoué est de mêler et de combiner bandes sons concrètes et manipulations électroacoustiques, dans un échange mutuel, une transformation raisonnée de chacune ; une bande son originale des paysages fréquentés et parcourus, puis réinterprété ici par l’auditeur à la manière picturale des impressionnistes.
Un bon album et un excellent compositeur qui n’a pas à rougir de la promiscuité et le talent des autres artistes présents sur Selektion, de Toshiya Tsunoda à Brandon Labelle, Frans de Waard, Achin Wollsheid, Bernhard Gunter, Rlw Runzelstirn ou encore Lionel Marchetti.
Pour ma part, on passe avec beaucoup d’aisance de moments d’accalmie (les plaines et plateaux) à des incursions furtives en territoire bouleversé (on pense par moment, dans le happement des séquences à du David Lynch période Lost highway ). Un album exigeant et varié qui donne une carte mentale pertinente de son auteur et une définition très personnelle du bruit. À écouter dans le noir.
JJ.

 
       
   

Brandon Labelle 
Shadow of a shadow
(Selektion/ metamkine)

Brandon Labelle est une figure du milieu indépendant. On l’a vu traîner sa silhouette au sein d’autres structures contingentes de selektion, Unique ancient tavern, par exemple... Avec Maps of tenderness, il a appris à maîtriser les matières sonores (acoustiques), les guider, en contrôler le flux. Sur Shadow of a Shadow, revenant à ses premiers amours (prima materia), il oeuvre à explorer une source sonore unique qu’il dissèque, analyse, réorganise, une forme sonore de taxidermie. Cependant, ce qui charme le plus dans sa démarche, c’est sa volonté d’éclairer son geste d’explications, de ne pas considérer la manoeuvre artistique à laquelle il se prête comme gratuite, dénuée de sens. Un investissement total dans son art, qui l’amène quelquefois à des constructions intellectuelles un peu alambiquées.
Ce fantôme de fantôme renvoie à son idée récurrente de mise en abîme sonore et des dérives attenantes. Il défend simplement l’idée que la musique a sa propre logique interne, son système indépendant de diffusion et de perception, lequel produit des effets divers à la manière d’un sonar dont l’écho renverrait un signe distinct pour chaque auditeur. De plus l’auteur perd le sens de son oeuvre lors du processus créatif, il crée un être dont l’entendement lui échappe. Il livre avec le CD un petit laïus, qu’on se doit d’intégrer comme une notice explicative avant usage (plus que comme une conceptualisation fumeuse).
Une mise à distance qui s’exerce entre le processus de création et celui d’écoute, où chaque son, chaque idée, mises bout à bout, génèrent un espace indépendant d’écoute, de réflexion ou de loisir.
Physiquement, les morceaux sont baignés d’un esthétisme sombre et environnemental, (bruits d’insectes, sons nocturnes) omniprésent sur la première partie du disque (ce sont en fait des capteurs au contact de la peau). Une combinaison entre un maillage de petits bruits et frétillements et de lentes vibrations atmosphériques viennent percer par la suite l’obscurité comme autant d’étoiles et délivrer un peu de Lumière, par courts instants, réchauffant ainsi notre écoute nocturne. Contemplatif.
JJ.

 
   
page suivante